Heures du soir Méditations
TROISIÈME PARTIE
MÉDITATIONS SUR
LES ACTES ET LES ÉPÎTRES
LAMPE DU SACRIFICE
II SAMUEL XXIV, 18 à
25.
Je vous exhorte.
ROMAINS XII.
J'ai commencé de vous parler d'un
certain nombre de lampes qui doivent être
allumées dans le sanctuaire de notre
âme. Et qui par les lumières
intérieures allumées, brillant en
nous, rayonnent autour de nous.
Allumons avant tout la lampe du
sacrifice. Qu'est-ce pour nous aujourd'hui qu'un
sacrifice ? Il n'y a pas sacrifice pour un petit
don; il y a sacrifice lorsqu'on se prive de quelque
chose qui a pour nous une utilité; tant
qu'on est dans le superflu il n'y a pas sacrifice.
Le sacrifice commence avec la substance. Il est de
fait que le déficit des oeuvres,
particulièrement celui de la Mission en
terre païenne, ne se comble que par les dons
de ceux qui sacrifient à l'évangile
tout ce qui est en leur pouvoir : il y a là
un mystère d'amour devant lequel nous devons
nous incliner.
Quand la lampe du sacrifice s'allume
dans notre âme, elle y fait apparaître
de très belles choses. La lampe du sacrifice
éveille l'adoration. Puis toute une
discipline de soi-même, une maîtrise de
soi dans le domaine moral et religieux. Une force
intérieure nouvelle se développe en
nous : celle qui est née du
sacrifice.
Surtout, la lampe du sacrifice
éveille en nous de profonds sentiments de
charité (Romains XII, v. 1). C'est la
grâce de l'amour qui importe. Par rapport au
prochain, il s'établit en nous une
charité profonde. Nous avons pris le mot de
sacrifice dans son sens le plus
général; passons de là
à ce que saint Paul appelle « le
sacrifice que nous devons rendre à Dieu
». Il emploie des termes qui font penser
à l'ancienne alliance. La nouvelle alliance
ayant tout transformé. Nous devons offrir
nos corps à Dieu - on dirait que notre
âme voit devant elle son corps et se sent
prête à l'offrir à Dieu.
Nos corps, c'est-à-dire tout
notre être naturel, apporté à
Dieu, et notre âme qui l'offre : offrande de
nous-mêmes par nous-mêmes. Dans
l'ancienne alliance on immolait à Dieu la
victime. Là il y a un sacrifice vivant; nous
sommes d'autant plus vivants que nous offrons le
sacrifice de nous-mêmes.
Du moment que nous sommes vivants, il ne
s'agit pas de rester à l'écart; nous
sommes au contraire lancés en toute vie. Il
y a là un tel rayonnement... un sacrifice
vivant.
La victime devait avoir certains
caractères; une victime qui vaille la peine
d'être offerte. Quand il s'agit de nous il
s'agit de la sainteté, de la
consécration totale à Dieu, d'une
moralité parfaite. Ainsi consacrée,
ce don doit être agréable à
Dieu. Dans l'ancienne alliance, on parlait
d'agréable odeur; on cherchait par la
perfection du sacrifice, à être
agréable à Dieu, à lui montrer
son respect en ne lui offrant pas une victime
médiocre.
Quand il s'agit de nous, il s'agit de
tout un ensemble de conditions que nous avons
à remplir. Nous ne nous rendons pas compte
à quel point nous devons être
transformés par la grâce de
Dieu.
Suis-je agréable à Dieu?
Quel usage ai-je fait de ma journée
d'aujourd'hui ? Nous devons être
amenés à un don complet de
nous-mêmes. Nous devons nous offrir,
répondre aux appels de nos textes qui
doivent avoir en nous un retentissement tout
particulier.
Plus la croyance est pure, plus le
service doit être complet.
.
FOLIE - SAGESSE
I CORINTHIENS I, 17 à
22.
La
Prédication de la Croix est une folie Pour
ceux qui périssent, mais Pour nous qui
sommes Sauvés elle est la puissance de
Dieu.
v. 18.
Comment peut-on parler de folie !
L'Évangile est la Sagesse même. Le
livre des Proverbes dit que la Sagesse était
avec Dieu et en Dieu. On trouve en Jésus -
Christ les extrêmes qui se font
équilibre - extrême de la force,
extrême de la douceur. Il avait le droit de
dire - « je suis le chemin, la
vérité et la vie ».
Pourquoi les hommes regardent-ils
l'Évangile comme une folie ? Parce que
l'Évangile dépasse les hommes : ils
ne peuvent le comprendre. Lorsqu'un grand musicien,
Berlioz, par exemple, a commencé de composer
sa forte musique, les gens n'allaient pas
l'écouter; ils disaient que cette musique
était incompréhensible. On ne veut
admettre que ce qui a toujours été,
que ce qui est habituel. Lorsqu'il s'agit de grands
principes nouveaux, comme ceux contenus dans
l'Évangile, les hommes disent : « C'est
de la folie ! ».
La manière dont l'Évangile
est apparu fit que les hommes ne pouvaient le
comprendre. Ils ne purent comprendre d'abord le
sacrifice par amour du Calvaire. Il fallut se
familiariser avec cette idée, qu'elle
s'empare des esprits, comme étant la
vérité puissante qui seule pouvait
sauver le monde. Les hommes étaient
dépassés par cette grandeur, disant :
« Cette prédication, c'est de la folie
». Saint Paul disait:
« Cette folie, c'est la Sagesse de
Dieu ».
Ce qui vient de Dieu a une telle
grandeur, que l'homme qui le contemple du fond de
son infériorité a de la peine
à le comprendre.
Après tant de siècles de
christianisme, il y a encore des gens qui ne
comprennent pas la grandeur sublime de la Croix, et
parfois les plus simples l'ont saisie.
Au Cameroun, à un missionnaire
qui prêchait un christianisme simple et
surtout fait de morale, un ancien disait - «
Missionnaire, pourquoi ne nous prêches-tu
plus les paroles qui touchent le coeur ?
».
Mon père me parlant dans ma
jeunesse, me disait pourquoi on insistait tant sur
la Croix : « Dans l'Évangile,
disait-il, il y a la Croix de Jésus-Christ
qui domine tout. Ceux qui prêchent la Croix,
apportent à leur auditoire une force qui
amène à la nouvelle naissance,
à la conversion. Ceux qui prêchent
avec de beaux discours n'arrivent à aucun
résultat, tandis que le simple
évangile touche les coeurs ».
Au moment de la Révolution
française,
Larevellière-Lépeaux avait
fondé une religion nouvelle : la
Théophilanthropie. Il disait : « Ma
religion est une belle religion que la
République devrait bien adopter
officiellement ». Mais son interlocuteur
(était-ce Sieyès ou Bonaparte) lui
répondait : « Il vous manque de monter
sur une Croix et de ressusciter le troisième
jour ». Il lui manquait le sacrifice par
amour. C'était un assez pauvre homme; il ne
comprenait pas.
Notre rôle à nous est de
représenter ce ministère d'amour.
Chacun de nous est appelé à
être un témoin de cette religion. Cela
entraîne pour nous de grandes
conséquences.
Nous devons avoir une parfaite confiance
dans la force de l'Évangile. Il y aura
toujours ce, qui nous dépasse, mais nous
devons avoir confiance; comme il est dit dans le
cantique : cc Amis croyons au
pouvoir invisible - Que le
Sauveur a caché dans sa Croix
».
Cette force cachée dans la Croix,
c'est la puissance d'amour que nous devons
représenter en toute conscience dans son
intégrité, sans en rien
retrancher.
Ne donnons pas lieu à cette
accusation de folie, comme certains hommes qui
ajoutent à l'Évangile des
singularités. N'ajoutons rien, mais
apportons-le dans sa grandeur. Le bon sens doit
toujours être mêlé à
l'incroyable grandeur spirituelle. N'ajoutons rien
qui risque, par notre faute, de compromettre cette
grandeur.
Et puis ne craignons pas, partout
où nous sommes, de représenter
l'Évangile, quand même nous serions
seuls. Il faut savoir être seul avec la
Vérité. Elle doit être
tellement respectée! Il faut la vivre, la
personnifier. Que noire manière d'être
soit la Vérité à travers une
personnalité.
Ayons la simplicité dans la
confiance et une façon droite d'apporter en
toute franchise le message de l'Évangile
dans sa vérité, sa beauté
incomparable, en montrant ce qu'il y a de clair, de
pur, de parfait.
Soyons vraiment des témoins
fidèles. Saint-Paul apportait
l'Évangile dans sa force. Tâchons de
vivre d'abord cet Évangile, puisque nous
devons être les évangélistes de
la Foi chrétienne, que nous puissions
atteindre les coeurs, les convertir, les sauver.
.
FORCES SPIRITUELLES
GALATES V, 22 à 25.
Le fruit de l'esprit c'est l'amour, la
joie, la paix, la patience, la mansuétude,
la bonté, la bonne foi, la douceur, la
tempérance: contre de telles choses il n'y a
pas de loi. Ceux qui appartiennent à Christ
ont crucifié la chair avec ses Passions et
ses désirs. Si nous vivons par l'esprit,
marchons aussi par l'esprit.
Je voudrais m'entretenir avec vous des
richesses que l'Esprit de Dieu met dans l'âme
du chrétien, et surtout dans le fond de son
âme. Outre les dons de l'Esprit, les forces
spirituelles. Il y a une grande richesse, un
jaillissement de la vie chrétienne, quand on
considère cette variété des
dons qui communiquent des forces. Il est question
maintenant, non plus des forces, non plus des
fruits de l'Esprit, mais des états profonds
de l'âme imprégnée et
pénétrée de vertus
chrétiennes. Ce ne sont point des dons,
point des vertus hautes et profondes que le
Saint-Esprit donne aux croyants, et par lesquelles
il les transforme et les soutient.
À proprement parler,
l'apôtre n'a pas classé ces
différentes vertus : on a l'impression
qu'elles jaillissent, qu'elles sont comme des ondes
qui se franchissent, il y en a, et il y en a
encore. Mais en examinant le texte de prés,
on voit que l'apôtre vise des choses
très particulières.
D'abord, le premier fruit de l'Esprit,
c'est l'amour. L'Apôtre énonce les
différents dons dans le chapitre XIII de la
II épître aux Corinthiens. Il montre
que le sommet de tous les dons
c'est la charité : la charité qui
énonce que, les dons de l'Esprit, ces
forces, sont données au chrétien pour
être mises au service des âmes.
Puis viennent deux vertus
énoncées ensemble, des vertus
chrétiennes qui sont des états de
l'âme, des états de première
grandeur, des vertus mises à part la joie et
la paix.
Cet état de joie et de paix rend
la bonté possible; s'il n'y a pas de joie et
pas de paix, on pourrait soustraire au
chrétien toutes ses vertus. La joie est
comme la fleur de l'âme; la joie
chrétienne est l'épanouissement
suprême de toutes les vertus
chrétiennes. La vie chrétienne
complète doit être joyeuse, dans les
temps les plus difficiles, dans les épreuves
les plus grandes.
La paix et la joie sont deux
états superposés : la paix, c'est le
sol sur lequel nous sommes, c'est un état
profond sur lequel il faut s'appuyer. Sommes-nous
en paix avec nous-mêmes? avec Dieu? avec les
autres ? La joie est le couronnement qui fait
à tout l'édifice une voûte
magnifique. La joie est le rayonnement qui nous
fait vivre.
Il faut voir le coeur du croyant dans
son architecture : la base, c'est la paix; la
voûte, c'est la joie. Avons-nous cette paix ?
Avons-nous cette joie ?
Ensuite, vient la patience
vis-à-vis des autres. Ici le mot patience
veut dire bonté, longanimité. Le mot
grec traduit ici par patience est différent;
il signifie capacité de souffrir ce qui se
présente, de le supporter; tandis que la
longanimité est la vertu du chrétien
qui supporte beaucoup de la part du prochain. La
longanimité avale les couleuvres, les unes
après les autres, autant qu'il y en aura que
l'on puisse supporter.
La mansuétude. Le texte grec
emploie un terme beaucoup plus joli : c'est quelque
chose qui a bon goût,
matériellement et spirituellement; quelque
chose d'agréable à rencontrer; le mot
exprime ce qui est tout à fait bon '
La qualité qui suit est la bonne
foi, puis la douceur, la tempérance. La
bonne foi comprise d'une manière un peu
spéciale, dans le sens de loyauté;
non pas la foi, mais la philosophie de la
loyauté. Le chrétien doit être
un homme qui garde en toute circonstance sa
loyauté, la parole de l'âme, que nous
avons donnée : la fidélité, si
l'on veut. Puis la douceur : non une façon
molle de traiter les choses, mais la douceur
accompagnée de force et de valeur.
La tempérance, qui est la
maîtrise de soi, la force avec laquelle on
tient sa vie avec laquelle on tient ses
résolutions et on les
réalise.
Ensuite crucifier la chair, marcher par
l'Esprit; vivre par l'Esprit, ce n'est pas vivre
uniquement dans le sentiment chrétien; non,
une vie doit correspondre à une
marche.
Ne pas porter envie les uns aux autres;
il est probable que ces recommandations visaient
des situations spéciales. Mais, ne pas
porter envie, est une des recommandations les plus
nécessaires et les plus tragiques.
Prenons très au sérieux
les recommandations morales qui se trouvent dans
les écrits de l'apôtre L'idée
des dons de l'Esprit apparaît à
certains comme une chose extraordinaire; mais non,
si nous voulons être des âmes
arrivées à la vie spirituelle,
à la maturité intérieure, et
qui mettent dans leur vie de l'harmonie, toujours.
PRIÈRE
Ô Seigneur notre Dieu, puisque
notre Sauveur nous donne son Esprit qui
doit nous pénétrer,
donne-nous de pouvoir, saisir ces vertus.
Enseigne-nous la discipline
intérieure; que ces vertus ne
restent pas dans notre imagination, mais
qu'elles deviennent la
réalité de notre vie;
qu'elles représentent la
pénétration de nos
âmes par ton Esprit, et que nous
recevions ces dons dans le silence et dans
le secret de la
consécration.
Nous t'en prions, au nom de
Jésus-Christ. Amen.
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