Heures du soir Méditations
DEUXIÈME
PARTIE
MÉDITATIONS SUR
L'ANCIEN TESTAMENT
LA PARESSE
Va vers la fourmi, paresseux,
considère ses voies et deviens sage. Elle
n'a ni chef, ni inspecteur, ni maître; elle
prépare en été sa nourriture,
elle amasse pendant la moisson de quoi manger.
Paresseux, jusques à quand seras-tu
couché?
PROVERBES VI, 6 à 11.
Souvent on considère la paresse
simplement comme un immense défaut. C'est
bien autre chose qu'un défaut. Avec cette
apparence d'inertie, c'est une passion, Chez
certains, la paresse est devenue une sorte de vice
: on aime la paresse avec une satisfaction souvent
maladive. Elle peut avoir une origine
physiologique, et dans ce cas doit être
traitée comme une maladie. En tous les cas
elle est un bien grand mal, une chose lamentable
dont nous avons à nous garder ou à
nous corriger.
« Regarde la fourmi, paresseux, et
deviens sage. »
La vie des fourmis est passionnante.
L'homme occupe la surface de la terre, la fourmi en
occupe le sous-sol. C'est une belle vie que la vie
de la fourmi; au point de vue social, c'est un
modèle parfait. Méthodique, active,
travailleuse, économe, on peut suivre son
exemple.
La première des paresses consiste
à retarder le moment où on se
lève le matin. Peu à peu on prend la
douce, la mauvaise habitude de manquer le moment
où l'on doit se lever.
Or, la première chose à
faire en se levant, c'est d'avoir un moment avec
Dieu, un tète à tête avec Dieu,
afin de savoir ce qu'Il a à nous dire pour
ce jour qui commence.
Nous ne devons pas hésiter
à faire une chose très importante :
Prendre la bonne habitude de nous lever très
vite, au moment voulu. Les habitudes sont une
force, les habitudes que l'on prend en étant
actif, en faisant effort. Il faut prendre
l'habitude de la rapidité; le moment venu,
bondir hors de son lit, s'habiller.
Il y a bien d'autres façons
d'être paresseux. Nous avons à faire
un certain ouvrage qui est notre tâche, notre
ministère, notre oeuvre, c'est le travail du
jour.
Si l'on est paresseux pour l'accomplir,
c'est un appauvrissement des forces morales; on est
alors au-dessous de ce que l'on devrait être;
on est comparable à un morceau de fer qui
traîne, rouillé, quelque part. Une
rouille s'attache à l'âme paresseuse;
le fer qui se rouille devient inutilisable; de
même celui qui ne remplit fidèlement
sa tâche devient incapable de la remplir;
mais bien au contraire, l'effort fortifie.
Bien des enfants sont paresseux pour
leurs études. Quelquefois c'est chez eux
vraiment de la paresse; dans bien des cas, cette
paresse provient de ce que l'enfant n'est pas dans
sa vraie voie. Il faut s'efforcer de trouver ce qui
est dans la voie de l'enfant, ce qui le
transformera; il faut l'aider, le soutenir, avoir
pitié d'une petite âme qui a
été mal dirigée et l'aider
à prendre le dessus.
Il y a la paresse des natures passives.
Les natures passives finissent par perdre le sens
de la vie; il faut soumettre leur cas au
médecin, sans oublier la médication
morale. À ces âmes passives, on
montrera le vrai sens de la vie, qui est : servir
Dieu et son prochain. On éveillera quelque
chose qui dort dans ces âmes; tout à
coup, on verra s'éveiller un
intérêt neuf, certaines deviendront
zélées. Il faut toujours chercher le
point par lequel on pourra stimuler l'âme
profonde.
Enfin on peut avoir la paresse de
l'âme dans la vie intérieure.
La paresse extérieure est
visible, tandis que l'âme, l'âme
profonde, dans son rapport intime avec Dieu, avec
la vérité évangélique
dans la communion avec Jésus-Christ, nous ne
la voyons pas.
Vous vous êtes levé, vous
avez ouvert votre Bible, vous avez gardé un
moment précieux pour entendre ce que Dieu
avait à vous dire. Vous avez entendu dans
votre coeur : « Mon enfant, fais ceci ».
Vous n'avez pas envie de le faire, vous faites la
sourde oreille, vous dites : « Plus tard
». Il faudrait sacrifier quelque chose, faire
une démarche qui vous coûterait... une
paresse vous retient. Le lendemain Dieu ne vous dit
rien : Il ne parle plus. Il vous a dit ce que vous
aviez à faire, et vous avez répondu
non.
Cette paresse de l'âme est plus
grave que toutes les autres. Le remède est
d'avoir une bonne discipline de la vie
chrétienne. L'apôtre Paul nous montre
comment nous devons tenir notre vie en
bride.
Dans
Luc IX 59 à 62 nous lisons :
« Jésus dit à un autre :
Suis-moi. Celui-ci lui dit : Seigneur, permets-moi
auparavant d'aller ensevelir mon père... un
autre lui dit aussi : je te suivrai, Seigneur, mais
permets-moi d'aller auparavant faire mes adieux
à ma famille. Jésus lui dit :
Quiconque met la main à la charrue et
regarde en arrière, n'est pas propre au
royaume de Dieu ».
Ne disons pas au Seigneur : « je
viendrai plus tard, je te suivrai à mon
moment ». Ayons la discipline de l'âme
qui répond oui, aussitôt. Suivons
l'exemple de Matthieu le péager : «
Jésus lui dit: « Suis-moi ». Il
s'est levé et l'a suivi.
.
LE TRAVAIL
Nous lirons
deux passages sur le travail. Dans l'un nous
verrons comment l'apôtre Paul gronde une
Église qui ne travaille pas. Dans l'autre,
nous verrons comment le Livre des Proverbes loue la
femme forte.
Et, comme texte central, nous prendrons
le Commandement du Décalogue : « Tu
travailleras six jours et tu feras toute ton
oeuvre».
Il Thessaloniciens III, 7 à
12 : « Vous savez vous mêmes ce que
vous devez faire pour nous imiter; car nous n'avons
pas vécu dans le désordre parmi vous
: nous n'avons mangé gratuitement le pain de
personne, mais nous avons travaillé
laborieusement et péniblement, jour et nuit,
pour n'être à charge à aucun de
vous. Ce n'est pas que nous n'en eussions le droit,
mais nous avons voulu vous donner un exemple pour
que vous nous imitiez. Lorsque nous étions
auprès de vous, nous vous disions
expressément : Si quelqu'un ne veut pas
travailler, qu'il ne mange pas non plus. Or, nous
entendons dire qu'il y en a quelques-uns parmi vous
qui vivent dans le désordre, qui ne
travaillent point, mais qui s'occupent de choses
tout à fait inutiles; nous invitons tous ces
hommes-là, et nous les engageons, en notre
Seigneur Jésus-Christ, à travailler
paisiblement, pour manger un pain qui soit le leur
».
Proverbes XXXI : « qui trouvera
une femme vaillante ? Son prix surpasse celui des
perles... Elle amène son pain de loin...
Elle se lève lorsqu'il est encore nuit...
Elle voit que son labeur est
récompensé; sa lampe ne
s'éteint point pendant la nuit... Elle tend
la main à l'affligé ».
Exode XX, 9 : « Tu travailleras
six jours et tu feras toute ton oeuvre ». Ce
verset se trouve au centre, au milieu de la
législation du Décalogue.
Considérons la solennité de la Loi
donnée au Sinaï. Le Sinaï... quand
on le voit, on a le sentiment que ce qui a
été écrit là-haut,
quand Moïse était seul avec Dieu, est
sur un piédestal formidable.
Un économiste, F. Le Play, a dit
que toute la réforme sociale devrait se
bâtir sur le Décalogue.
« Tu travailleras. » C'est la
Loi du travail : nous la voyons dès le
début de la Bible; l'homme mis dans le
jardin d'Eden pour le cultiver et le garder, doit
être dans sa destinée, d'abord
cultivateur, puis soldat. Et quand il doit sortir
du jardin d'Eden, Dieu lui dit : « Tu
travailleras avec effort, à la sueur de ton
front ». « Tu travailleras avec effort
», cela ne diminue pas la noblesse du travail,
cela le grandit. C'est par l'effort que nous
forgeons notre Personnalité. L'effort uni
à la Foi doit se mêler à tout.
À certains moments, nous devons accepter,
à d'autres, nous devons vouloir. Il y a des
moments où la Foi doit être une sorte
d'abandon entre les mains de Dieu, d'autres
où elle est un travail, une lutte.
« Tu travailleras six jours. »
Le travail doit être un beau et bon travail
continu dans le plan de Dieu. La vie qui consiste
à ne rien faire, comme en Espagne où
jadis certains dédaignaient le travail, est
une vie misérable dont on devrait avoir
honte. Jaurès prônait trois heures de
travail. Jules Guesde, par de savants calculs,
arrivait à une heure et vingt minutes de
travail quotidien.
« Tu travailleras six jours et tu
feras toute ton oeuvre. »
Le temps du travail doit être un
temps suffisamment rempli, bien plein. Chacun de
nous doit se mettre en face de sa tâche
déterminée journellement, et se dire
que la volonté de Dieu, c'est qu'il la
remplisse entièrement. Chaque journée
doit être une harmonie bien composée.
Nous devons nous lever chaque matin en disant :
« je demande à Dieu que cette
journée soit tout à fait belle au
point de vue du travail que je pourrai faire
». Et on peut toujours y ajouter encore
quelque chose de beau : comme on met une belle
fleur dans sa chambre on met dans sa journée
une fleur de charité.
Et pour ceux qui ne peuvent plus
travailler, qui ne peuvent plus rien faire, il y a
l'acceptation. chrétienne, exemple de
soumission parfaite qui est un exemple
magnifique.
Enfin il y a le ministère de la
prière, de l'intercession. Être
à genoux et prier est une très grande
chose qui fait partie de ce qui est « toute
ton oeuvre ».
En ces temps-ci, il se prépare un
revirement religieux; on revient au
Décalogue, on revient à
l'Évangile, on veut être dans la
société de Jésus-Christ; on
revient à la Foi en Jésus-Christ,
à Jésus-Christ vivant dans son
Église au milieu des siens, par son
Esprit.
N'oublions pas que, le travailleur a
besoin de Fêtes du travail », de
délassement, de distractions, de musique.
Après une de ces « Fêtes du
travail », que j'avais organisée dans
une de mes paroisses du nord, un travailleur me
remerciait, heureux, me disant : « Nous avons
besoin de cela ».
Restons proches des graves
réalités spirituelles, avec la Foi en
Christ qui nous permet d'être utiles,
d'être fidèles.
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LE SERVITEUR DE L'ÉTERNEL
Nous
étudierons quelques textes dans cette
seconde partie d'Esaïe qui a un sens
essentiellement messianique, plein de promesses et
d'avertissements.
Ces chapitres contiennent un certain
nombre de chants très poétiques, d'un
caractère intime et profond, destinés
à glorifier celui qui s'appelle le Serviteur
de l'Éternel. Les chapitres
42 et
49 nous parlent de lui au point de
vue de la vérité et du salut. Les
chapitres
50 et
53 nous montrent le Messie souffrant
qui prend sur lui les péchés du
monde. C'est ici le sommet de la prophétie,
dans ce qu'elle a de plus fort et de plus
certain.
Mais qui est ce Serviteur de
l'Éternel ? La notion de Serviteur de
l'Éternel peut avoir deux significations :
elle peut convenir au peuple juif : « Tu es
mon serviteur Israël en qui je me glorifierai
»
(XLIX, 3). Mais au-dessus
d'Israël il y a celui qui en est le Sauveur,
le gardien, celui qui communique la vie. C'est le
Messie qui doit venir et qui est attendu.
Il y a là dans la
prophétie deux choses différentes la
fidélité au Messie, le modèle
auquel on doit croire, et puis le Messie
lui-même.
Il en est de même dans
l'Évangile. En lisant l'Évangile nous
devons nous attacher au Sauveur, et en même
temps nous attacher à le suivre, à
l'imiter, à étudier ses actes,
à nous en inspirer.
Dans cette grande poésie du
prophète nous nous trouvons devant le
modèle à suivre : « Voici mon
Serviteur ». Dieu présente son
serviteur, son élu. Ainsi que dans
Matthieu III, 17 : « Celui-ci
est mon fils bien-aimé », la voix
entendue au moment du baptême du Christ parle
avec la même précision de l'être
idéal, unique, qui vient parmi les hommes
pour être le représentant de Celui qui
sauve. Mais en même temps que nous voyons la
grandeur du Serviteur de l'Éternel, nous
voyons qu'il faut que chacun des élus soit
ce serviteur. Considérons ce Serviteur de
l'Éternel, et d'abord dans la manière
dont il rend hommage.
Il annonce la justice selon la
vérité. L'Esprit de Dieu est à
l'oeuvre; l'âme du juste est formée
par cette justice que Dieu communique. Voyons ce
que dit saint Paul
(Romains III, 22 à 27) «
la justice qui vient de Dieu... ». La justice
est le rayonnement de Dieu. Tout est
résumé dans cette pensée de la
justice selon la vérité.
Comment vient le Serviteur ?
Il vient dans une douceur extrême
Il ne criera point, on n'entendra point sa voix sur
les places publiques »
(Matthieu XII, 19). Comme Elie en
Oreb perçoit la présence de Dieu dans
un son doux et subtil
(I Rois XIX, 13).
La puissance de cette douceur
réside dans l'amour profond qui appelle et
attire. Cette religion n'est pas une contrainte,
elle est un appel; elle ne nous dit pas:
« Marche » mais « Viens
».
Le Serviteur de l'Éternel
ménage les âmes. « Il ne brisera
pas le roseau froissé. » Il y a dans
cette image l'idée essentielle que Dieu ne
désespère d'aucune âme; la
grâce de Dieu espère, cherche...
« Il n'éteindra pas le lumignon qui
fume encore. » Il y a tant d'âmes
fatiguées de la vie, lasses de porter un
grand poids, un fardeau plus lourd, qui les
éteint; Dieu ne les éteindra pas. Il
faut espérer pour ces âmes. Les
âmes brisées par l'épreuve,
Dieu ne les brisera pas. Les âmes
assiégées de doute (c'est le lumignon
qui fume encore), Dieu ne les éteindra pas.
Quand un feu de bois est presque éteint, on
prend le soufflet, au bout d'un moment une petite
flamme parait, elle grandit... Cette image banale a
bien des rapports avec le texte cité, mais
il y a ici bien autre chose qu'un effort humain :
l'âme peut reprendre feu au souffle divin qui
ne lui fait pas de reproche, mais qui l'environne
doucement Il ne se décourage pas, Il ne se
relâche pas ».
Le Seigneur, jusqu'à la fin de
son ministère, dans l'excès de sa
charité a cherché les âmes, et
plus que jamais, dans la dernière semaine de
sa vie; et, pour ses disciples, « Il les aima
jusqu'à la fin ».
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