Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



CONTRE LE COURANT

TROISIÈME PARTIE


XVI

(Je vous croyais libre-penseur !)

 

M. Barrett avait trouvé, depuis la mort de sa femme, dans des circonstances aussi tragiques, matière à beaucoup de réflexions.

Brusquement séparé de sa fille, seule raison, pour lui de vivre, il s'était senti si solitaire et si désemparé, que parfois l'ancienne tentation lui revenait de se laisser glisser dans le néant.
La faiblesse physique, le découragement moral, la tristesse des circonstances, l'incertitude de l'avenir, trouvent peu de consolation dans la possession de l'argent.
C'est ce que se disait M. Barrett, en brassant les milliers de livres sterling, en vendant des domaines, en liquidant des entreprises, en louant la maison magnifique qu'il avait à Londres et en constatant, qu'il était plus riche que jamais.
Mais une mélancolie profonde l'accompagnait partout.
Il retrouvait certains vieux amis dont il suspectait, à tort. ou à raison, l'amitié, désintéressée. Les parents de sa femme défunte, auxquels elle avait écrit autrefois des lettres pleines de récriminations contre son mari, l'avaient traité avec froideur et il s'aperçut même que la version de la mort de Mme Barrett, fournie par la colonie anglaise de Nice, à M. Barrett s'arrêta et se mit lentement, avec sa canne, à faire des arabesques sur le sable de l'allée.
- Eh ! bien, dit-il enfin, ce qui me paraît singulier, c'est la manière dont l'idée religieuse s'acharne après moi ; vous entendez ? je dis « s'acharne ». À la suite des tribulations dont je vous ai donné tout à l'heure un bref résumé, je suis devenu athée (ma femme aussi, d'ailleurs) au point que nous avions défendu qu'on enseignât à notre petite fille, même l'existence de Dieu. Or, j'ai été soigné à Nice, par une infirmière française, qui est un véritable apôtre de l'idée chrétienne. J'avoue qu'elle m'a impressionné, mais j'ai mis cela sur le compte de ma faiblesse physique. Toutefois, c'est dans sa famille que j'ai laissé ma petite Daphné, et avec de tels pouvoirs que je prévois ce qui va arriver. Ils vont convertir la gouvernante et la petite. aussi ! ...

De nouveau, John Meyling sourit :
- Barrett, dit-il affectueusement, ne désirez-vous pas que votre fille soit plus heureuse que vous ?
- Ce n'est pas difficile, fut la réponse ironique, et certes, c'est mon plus cher désir qu'elle saisisse le bonheur lorsqu'elle le trouvera. Jusqu'à maintenant elle n'a pas été gâtée à cet égard, je vous assure et c'est une petite personne trop sérieuse pour son âge.

Sa voix tremblait et un nuage, voilait, ses yeux. Il pensait à la disette d'amour maternel dont avait souffert l'enfant ; il revoyait son tendre petit visage levé vers lui, pendant qu'elle disait ardemment :
- Je veux que tu guérisses, papa, je veux que tu guérisses !

Il y eut un, silence.
Autour d'eux, la foule élégante continuait à circuler, avide de plaisirs, de sensations, de nouveautés.
Et ces deux hommes, qui avaient souffert, semblaient les seuls à vouloir s'isoler du monde mouvant autour d'eux.
Mais étaient-ils les seuls ?
S'ils avaient pu pénétrer derrière ce visage complexe et secret de la multitude, ils y auraient découvert lés mêmes souffrances, sous des aspects divers ; ils y auraient entendu les mêmes soupirs et la même plainte monotone qui descend de l'antique désenchantement

« Vanité des vanités, tout est vanité ! »

Mais qui leur dira le mot qui relève les espoirs tombés ? Qui leur montrera le sommet d'où descend le secours et où le divin Crucifié étendit. Ses bras, pour appeler tous les hommes à Lui ?
C'est ce que se disait John Meyling, dans un renouveau d'amour et, de ferveur.
- Seigneur, implora-t-il tout bas, aide-moi à les chercher, à les trouver, à te les ramener, Bon et Grand Berger des âmes !

Puis :
- Barrett, dit-il tout haut, ne voulez-vous pas m'accompagner chez moi, voir où j'habite et faire connaissance, avec « ma famille » ?
- Très volontiers. Laissez-moi appeler un taxi.

Quelques instants après, les deux amis pénétraient dans un grand bâtiment des suburbs (Faubourgs) entouré d'un immense jardin aux beaux ombrages et John Meyling, ouvrant la porte de son bureau, invita son camarade à prendre place dans un fauteuil.
C'était une pièce avec de hautes fenêtres, des murs peints de couleur claire, dont un tableau du Christ bénissant les enfants, ornait un des panneaux.
- Voyez-vous, Barrett, dit Meyling, il n'y a que ça de bon et de vrai : se donner aux autres. On a au moins une raison de vivre... Et avec les enfants, il y a le sentiment qu'on fait oeuvre durable, qu'on travaille pour l'avenir.

Barrett eut Un geste las.
- Oui, mais il faut la vocation.
- Sans doute. Quand je me suis donné au Christ, pour Le servir et si possible, Le glorifier, malgré mon indignité, j'ai senti naître en moi, un grand amour pour les petits. Chaque pauvre enfant que je rencontrais dans la rue semblait m'adresser un appel. Plus il était sale et guenilleux, plus il me touchait. Et le premier auquel je m'intéressai, s'attacha tellement à moi et me donna tant de satisfaction, que je n'eus qu'une pensée : me consacrer à eux tous. J'avais mis mon petit protégé en pension ici, et, plus tard, par suite du départ du Directeur, le Comité me pria de le remplacer. Tout n'est pas facile, certes, mais il y a tant de joies, que je n'imagine pas une meilleure manière d'utiliser sa vie, pour un solitaire comme moi !

Ils restèrent un long moment silencieux.
Enfin, John Meyling se leva :
- Voulez-vous voir ma famille, maintenant ?

C'était l'heure du repas du soir.
Dans un long et clair réfectoire, autour des tables blanches, une soixantaine de garçonnets étaient assis.
Que de visages et d'expressions différents ! Que d'histoires navrantes représentait chacun d'eux ! Que de sombres souvenirs hantaient encore ces têtes blondes ou brunes !
Mais en ce moment, tout le monde était content. Sur la table, des tartines de beurre et de confitures, des cakes et des puddings, accompagnés de grands pots de lait, formaient un appétissant, quoique simple repas.
Les enfants se levèrent poliment, à l'entrée des deux messieurs. Tous vêtus d'un petit costume bleu marine, au col blanc, les cheveux bien lisses, les mains nettes, ils pouvaient très bien passer pour les jeunes pensionnaires d'un établissement n'ayant rien à recevoir de la charité d'autrui.
On sentait que tout avait été organisé pour qu'aucune humiliation ne fût infligée, à ces pauvres petites victimes innocentes des circonstances ou des fautes de leurs parents.
M. Barrett leur adressa quelques paroles amicales, puis ils se rassirent et continuèrent leur repas.

John Meyling, d'un signe, désigna à son ami, un enfant, d'environ huit ans, au visage grave, mais aux yeux lumineux.
- Je vais vous conter son histoire, dit-il d'une voix contenue, comme ils se retiraient lentement. Il y a environ deux ans, je le rencontrai dans la rue, en guenilles et l'air aussi abandonné qu'un petit chat perdu. Il cherchait dans les poubelles, pour y trouver quelques croûtes de pain à grignoter. je l'interrogeai sur sa mère, mais il y avait si longtemps qu'il ne l'avait vue qu'il ne se souvenait même plus de son adresse ! Je fis des recherches et finis par la trouver dans un taudis infect, dans l'état physique et moral le plus dégradant, ne se préoccupant pas plus de son enfant que s'il n'eût pas existé. je ne sais comment il vivait encore. Excusez ce détail, mais sa tête n'était plus qu'une plaie, tant les parasites l'avaient dévorée. Il ne lui restait presque plus de cheveux. Son corps était également dans un état pitoyable, et quant à son pauvre petit coeur, il ignorait complètement ce, que c'est que la bonté, l'amour, la joie, tout comme il ignorait ce que c'est que d'être propre, rassasié, content. Et maintenant...

M. Barrett s'était arrêté, au moment de franchir la porte du réfectoire et se retourna.
Par, une curieuse coïncidence, le petit Tom se retournait au même moment, pour adresser à son bienfaiteur, un sourire et un regard d'ardente et reconnaissante affection... M. Barrett comprit ce regard et ce sourire au passage et en fut ému aux larmes.
Ce joli petit garçon, à l'air si heureux, au costume si seyant, quelle récompense pour un coeur d'homme !
- Je vous comprends, Meyling, dit-il, vous appelez cela « vivre » et c'est vrai. Contez-moi encore l'histoire d'un autre de ces enfants.

Ils revinrent sur leurs pas.
- Tenez, voici deux petits frères jumeaux, Georges et Donald. Leur mère, presque agonisante (elle mourut, d'ailleurs, quelques jours après), me les amena, l'an dernier, en disant : « Prenez-les, je vous en supplie, ils meurent de faim ».
Et deux mignons visages se levèrent, lorsque John Meyling posa sur la tête des petits frères, une main caressante.
- Oui, répéta M Barrett, cela vaut la peine de vivre...

lis retournèrent dans le bureau.
- Quand repartez-vous pour le Midi de la France ? - demanda Meyling.
- Vers le milieu de décembre. Prenez-vous des vacances, à cette époque ?
- En principe, oui. J'ai un remplaçant qui vient pour une quinzaine de jours. Mais cette année, je ne sais trop où j'irai. J'ai perdu, il y a six mois, une soeur qui m'était bien chère et chez laquelle je passais toujours les fêtes de Noël, en Écosse.

M. Barrett posa sa main sur celle de son ami :
- Meyling, je vous invite à venir avec moi à Nice. Cela vous fera un bien immense. Et vous m'en ferez à moi, plus que je ne puis le dire.

M. Barrett avait dit, vrai : « L'idée religieuse s'acharnait après lui », au, point de créer lui-même les situations favorables à cette poursuite.
Il venait de se le prouver, une fois encore, en invitant John Meyling à l'accompagner. Celui-ci avait accepté, y voyant une occasion de témoigner pour son Maître, auprès d'une âme inquiète et malheureuse.


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