CONTRE LE COURANT
TROISIÈME PARTIE
XV
(Où l'on retrouve le docteur
Lenoir)
Les vacances s'écoulaient trop rapidement
au gré de chacun et l'on décida de
rester encore à Meirage, pendant le mois
d'octobre, l'automne y étant toujours d'une
émouvante beauté.
Seule, Mireille retourna à Nice
avec Claude, celui-ci devant rentrer au
lycée.
Dans la lumière douce d'un soleil
d'or pâli, les montagnes se couvrent comme
d'un immense châle de Cachemire aux tons de
topaze. et de rubis.
Le sumac, ce merveilleux arbuste aux
toupettes blanches et au feuillage d'un rouge
sanglant, constitue le fond du tableau, faisant du
paysage tout entier une féerie de la
couleur.
Dans la plaine, les routes se bordent
d'acacias au feuillage d'un jaune intense, pendant
que les marronniers d'Inde et les plaqueminiers
ajoutent la richesse de leur coloris au pittoresque
de leurs fruits et de leurs graines.
Roseline, Miss Duncan et les deux
enfants faisaient d'interminables promenades, dont
on revenait, chargé de feuillage, de baies,
de fleurs d'automne.
Cependant, un air plus vif descendait
des sommets. Bientôt, la fraîcheur de
l'altitude serait peut-être trop
éprouvante pour la mère
Elle souriait, mais se montrait
déjà impatiente.
- Oh ! Docteur, venez vite vers ma
petite malade ! Si vous saviez comme il me tarde
que vous me disiez votre avis !
Le médecin de Meirage,
prévenu par téléphone, arriva
et aussitôt, la consultation
commença.
- Ce ne sera peut-être pas si
simple que tout cela, dit le docteur Lenoir,
après examen,
dépêchons-nous.
Miss Duncan, qui avait passé une
journée épouvantable, ne cessait de
se lamenter et de répéter :
- Ah ! si son père le savait ! Si
son père le savait !
- Eh ! bien, dit M. Duclavel,
heureusement, il ne le sait pas, ce qui est bien
préférable pour lui !
- Oui, mais si elle meurt !
- Dieu sait bien ce qu'Il fait.
- Mais comment faudra-t-il le lui
annoncer ?
- Allons, Miss Duncan, n'allez pas si
vite en besogne. Pourquoi vous torturer de ce qui
n'arrivera peut-être pas ?
Elle eut un sourire.
désabusé :
- Vous avez raison, je me suis assez
torturée de ce qui est « arrivé
», mais si je perds Daphné, je n'aurai
plus aucun goût à l'existence.
En effet, depuis qu'elle avait dû
renoncer à ses projets d'avenir, toute
l'affection de Miss Duncan s'était
concentrée sur sa petite
élève.
Ses yeux étant. ouverts en
partie, à la vérité
religieuse, en tout cas, au fait de l'existence de
Dieu, elle avait pris à coeur de
réparer dans l'âme de l'enfant, le mal
qu'elle avait pu y faire.
Elle s'en était plusieurs fois
ouverte à M. Barrett, dans les lettres
qu'elle lui écrivait
régulièrement pour donner des
nouvelles de la fillette. M. Barrett.
répondait chaque fois qu'il avait toute
confiance en elle ; il confirmait la liberté
d'agir vis-à-vis de Daphné, qu'il
avait accordée à la famille Duclavel,
et de ce fait, à elle-même.
« Je veux revenir en France, passer
Noël avec ma fille, disait-il, dans sa
dernière lettre. Mes affaires seront alors
terminées. Les médecins me
déconseillant formellement le climat de
l'Angleterre, il se pourrait que j'achète
une propriété dans le Midi de la
France. Peut-être, M. Duclavel voudra-t-il
bien m'aider de ses conseils pour cela. Il me
plairait d'habiter auprès de gens aussi
aimables, aussi cultivés et aussi
sympathiques. je sais que Daphné en serait
ravie ».
Ce beau projet allait-il se heurter
à un nouveau deuil et faudrait-il, comme le
redoutait la gouvernante, annoncer à ce
pauvre père l'écroulement de ses
rêves ?
- Venez, Miss Duncan, dirent M. et Mme
Duclavel, au moment où l'opération
commençait, venez avec nous ; nous
prierons.
Ils s'enfermèrent tous trois dans
un petit salon, et se mirent à genoux.
Ce n'était l'enfant d'aucun
d'eux, et pourtant, combien leur était
précieuse la petite vie qui oscillait sur la
balance !
Vie dont dépendait
peut-être celle d'un homme, là-bas, au
loin, inconscient de l'orage qui le menaçait
ici !
Vie ardente et tendre, dont la caresse
avait adouci déjà bien des
souffrances et calmé bien des
angoisses.
Allait-elle être
retranchée, à l'aube de. son frais
matin ?
Ils prièrent tous trois
désespérément, même
celle dont le coeur, si incrédule, quelques
mois auparavant, blasphémait le nom du Dieu
qui donne et ôte le souffle aux humains. Car
un cri de repentir jaillissait maintenant de ses
lèvres rebelles, le cri qui ouvre le ciel et
fait descendre le pardon :
« 0 Dieu ! sois apaisé
envers moi qui suis pécheresse. 0 Christ,
sauve-moi ! je regarde à ta Croix ! Pourquoi
ai-je attendu cette heure de
désespérance pour apporter, à
tes pieds, mon fardeau si écrasant ! Aie
pitié de moi... et de Daphné !
».
C'est ainsi que Dieu martèle, par
la, douleur, les âmes qui résistent
à l'appel d'amour. Amour suprême que
celui qui appelle quand même! Et qui
répond...
À l'ardente supplication,
succéda le silence.
Aucun bruit dans la maison. De là
chambre de l'enfant, pas un son ne sortait.
Enfin, une porte s'ouvrit et Roseline
parut.
- Il était temps, dit-elle.
Quelques heures plus tard et elle était
perdue.
De nouveau, ils tombèrent
à genoux et rendirent grâces.
Il était minuit, quand, enfin
rassurés (momentanément, du moins),
le chirurgien, Roseline et ses parents, furent
réunis à la salle à manger
pour prendre quelque nourriture et causer des
événements. Miss Duncan était
restée auprès de l'enfant, à
peine sortie du sommeil'
anesthésique.
- Tiens, fit le Dr Lenoir, d'un ton
jovial, cela me fait penser à nos repas
nocturnes, à l'ambulance, vous vous
souvenez, Mademoiselle Duclavel ? Ah ! on mangeait
quand on pouvait... et on était souvent
dérangé... Quand je songe à la
manière dont on était installé
! Çà faisait pitié ! Et ces
arrivées de grands blessés...
Il s'arrêta brusquement. Une ombre
venait de voiler le visage de Roseline, qui fit
passer devant le médecin le souvenir de
cette nuit tragique, où l'homme qu'elle
avait aimé, leur était
apporté, horriblement mutilé, sur une
civière...
Leurs regards se croisèrent. Il
aurait voulu rattraper ses paroles... et, pour
faire diversion, se tourna vers M. et Mme Duclavel
:
- C'était une fameuse
infirmière, dit-il, je n'en ai plus
trouvé comme cela ! Et racontez-moi un peu,
Mademoiselle, ce que vous avez fait, depuis ce
mauvais temps-là.
Elle le lui raconta, en détails,
ce qui parut l'intéresser
prodigieusement.
- Et vous, Docteur, demanda-t-elle,
lorsqu'elle eut fini, dites-moi
aussi ce que vous avez fait.
- Comme vous, fit-il, d'une voix
brève, j'ai travaillé... beaucoup.
J'ai été chef de clinique, à
Lyon, à Marseille, puis enfin à
Paris. Vous savez que j'avais perdu ma femme
pendant la guerre, ce qui m'avait laissé,
désespéré. je ne me suis pas
remarié, par crainte de mal remplacer une
aussi charmante créature Aussi n'avais-je
nullement le même élan qu'avant la
guerre... Ou a vu trop de choses laides, basses,
décourageantes. Vous aussi d'ailleurs ;
seulement, vous n'êtes pas de ceux qui, se
découragent. Vous souvenez-vous,
Mademoiselle, de notre conversation dans le train,
quand nous allions en permission ?
- Oui, Docteur.
Elle y avait pensé bien des fois
mais depuis une heure, plus
particulièrement.
Elle revoyait le profil
sévère du docteur Lenoir,
penché sur le billet au crayon, du pauvre
mutilé.
Elle entendait sa voix cordiale lui
dire:
« Vous avez des raisons
d'être satisfaite, Mademoiselle. Ce n'est pas
souvent qu'on voit le fruit de son labeur et de ses
plus durs sacrifices. Moi-même, je n'ai
jamais récolté que déception
et tourment d'esprit ».
Et plus tard, lorsqu'il l'avait
quittée à l'embranchement : « Je
désire que vous sachiez une chose ; c'est
qu'à ma dernière heure, je
souhaiterais, comme Louis Breton, vous avoir (ou un
de vos pareils), pour prendre ma main et me
consoler jusqu'au bout ».
Cette vision du passé, ils
l'avaient tous deux, avec une curieuse
acuité.
Il continua :
- Mais nous nous sommes revus, plus
tard, en quittant l'ambulance, après
l'Armistice. Vous m'avez donné le Nouveau
Testament. je vous. ai promis de le lire et je l'ai
fait. Pendant longtemps, je n'y ai rien vu et n'ai
continué que pour tenir ma parole. Puis, un
jour, tout d'un coup, mes yeux se sont ouverts.
J'ai, compris, comme si -une
révélation d'en-haut m'avait
été faite.. J'ai vu ma misère
morale. Vous savez, Mademoiselle, combien
j'étais orgueilleux, n'est-ce pas ?
- Ni plus ni moins que les autres. C'est
l'orgueil qui nous perd tous.
- Oh ! mais moi, j'étais plus
orgueilleux que tous, pharisien dans l'âme, !
Honnête homme, médecin
irréprochable, j'aimais faire la liste de
mes vertus de mes générosités,
de mes qualités. Ce qu'il y a de plus fort,
c'est que l'on me croyait modeste... Et bon
!
- Oh ! Docteur, protesta Roseline, vous
étiez bon. Bourru, peut-être, mais
bon.
- Oui, mais encore par orgueil. Ah !
l'orgueil de la bonté, de 'la
charité, du dévouement, du
désintéressement, c'est encore, le
plus raffiné et le plus dangereux puisqu'il
nous aveugle le plus facilement ! Mais le jour
où Dieu m'a révélé ma
souillure, je suis tombé à genoux
devant la Croix du Christ, et j'ai crié
grâce, comme le dernier des
pécheurs.
- Docteur, dit M. Duclavel, ému,
quelle joie de vous entendre ! Notre fille nous a
si souvent parlé de vous,
et de vos aspirations vers l'idéal
chrétien que votre nom est
fréquemment revenu dans nos prières.
- Je vous remercie du fond du coeur, dit
le chirurgien ; vous voyez qu'elles n'ont pas
été vaines. Mais j'ai tant de choses
à apprendra ! Nous en causerons ensemble, M.
Duclavel, si vous le voulez bien, quand je serai
tout à fait tranquille sur le sort de notre
petite opérée.
Et il se leva pour retourner
auprès d'elle.
Le cas de la petite Daphné n'alla
pas sans certaines complications
inquiétantes, de sorte que le Dr Lenoir
passa le resta de ses vacances à Meirage et
ne la quitta qu'une fois sa convalescence bien en
train.
Ce furent des jours bénis pour le
savant praticien qui s'était fait une
âme d'enfant, humble et docile, devant le
grand mystère du Calvaire. Les conversations
qu'il eut avec M. Duclavel lui ouvrirent des
horizons insoupçonnés. Et les
richesses de cette mine secrète qu'est la
Bible, lui apparurent, dans un
éblouissement.
- Et dire que tant de, gens là
lisent sans y comprendre un mot,
s'écria-t-il un jour, et la laissent de
côté définitivement !
- C'est très logique, dit M.
Duclavel. Voyez ce que Paul dit aux Corinthiens :
« L'homme animal ne reçoit pas les
choses de l'Esprit de Dieu, car elles Sont une
folie pour lui, et il ne peut les connaître,
car c'est spirituellement qu'on
en juge ». Il lui manque le sixième
sens sans lequel la Bible est un livre
fermé, mais avec lequel, elle lui ouvre
toutes ses insondables merveilles : le sens
spirituel. Lorsque nous le possédons, en
réponse à l'humilité et
à l'obéissance, nous avons la
clé de ce plan, d'amour et de grâce,
révélé à travers le
Livre, tout entier.
- C'est merveilleux, en effet, dit le
docteur Lenoir. Mais savez-vous ce qui m'a toujours
répugné ? C'est l'idée de
clergé. C'est que certains hommes, parce
qu'ils auraient fait certaines études
spéciales, reçoivent le monopole de
la connaissance et de l'interpréta don. Car
une des premières paroles qui m'ont
frappé, en lisant le Nouveau Testament, est,
celle où le Christ dit que Dieu donne le
Saint-Esprit à tous ceux qui le lui
demandent
(Luc. 11 : 13). Et, plus tard, dans
le Livre des Actes, j'ai constaté que les
premiers propagateurs de la Vérité ne
faisaient pas partie d'une hiérarchie
religieuse, mais avaient reçu le
Saint-Esprit sur le même pied
d'égalité que les autres, saint
Pierre, y compris, dont on voudrait faire un pape.
je trouve que c'est une chose belle et grande. Et
quand je vous vois, M. Duclavel, si
profondément versé dans
l'étude de ce merveilleux Livre, vous qui
n'ôtes ni prêtre ni pasteur, je
remercie Dieu de ce que peut-être, moi aussi
j'arriverai, avec Son aide, à comprendre
certaines de ces choses si profondes. Et je vous
remercie de me faire part de vos lumières.
- Elles ne nous sont données que
pour les communiquer, dit M. Duclavel. C'est ce que
vous ferez ensuite.
- Ah ! j'appartiens à une
profession dont les membres sont difficiles
à atteindre, et, en majorité, tels
que j'étais autrefois. Au fond, ils n'ont
pas une confiance illimitée en la science
(quoiqu'ils prétendent qu'elle soit leur
« Religion », car ils sont les premiers
(et pour cause !) à connaître ses
limites et son impuissance. Mais ils ont confiance
en eux-mêmes. Et lorsque j'ai voulu parfois
faire part de mes expériences à
certains de mes confrères, la plupart ont
haussé les épaules et m'ont pris pour
un illuminé !
- C'est tout à fait, le mot, dit
M. Duclavel en riant. Que saurions-nous de plus que
les autres, si cette lumière divine ne nous
avait pas éclairés ? Au sujet de
cette Religion de la Science, dont vous venez de
parler, il y a dans le prophète Daniel, une
allusion au dieu des Forces, Maosim
(Daniel 11 : 38-39.) qui sera le dieu
des derniers temps. Nous y sommes. La Science est
maintenant occupée à capter toutes
les forces de la nature, dans tous les. domaines.
Ce soit ces forces qui dominent vos
confrères et beaucoup d'autres hommes
scientifiques. C'est le courant de notre
époque.
- Ah ! ce terrible courant, dit le
chirurgien, quelle force il faut pour le remonter !
Et pourtant, il y - en a un petit nombre qui
soupirent après quelque chose d'autre que la
Science, belle et bonne à
sa place, mais si incapable de nous donner la paix
et la joie intérieures Plus que jamais, je
veux essayer de les chercher.
Le lendemain, les deux amis montèrent sur
la colline qui domine Meirage et le Docteur, tirant
son Nouveau Testament. de sa poche, dit à M.
Duclavel :
- Expliquez-moi ce passage, voulez-vous
Et il lut :
« Nous ne voulons pas,
frères, que vous soyez dans l'ignorance au
sujet de ceux qui dorment, afin que vous ne vous
affligiez point comme les autres qui n'ont point
d'espérance. Car si nous croyons que
Jésus est mort et qu'il est
ressuscité, croyons aussi que Dieu
ramènera par Jésus avec lui ceux qui
sont morts. Voici en. effet, ce que, nous vous
déclarons d'après la parole, du
Seigneur ! nous les vivants restés pour
l'avènement du Seigneur, nous ne devancerons
pas ceux qui sont morts, car le Seigneur
lui-même, à un signal donné,
à la voix d'un archange, et au son de la
trompette de Dieu, descendra du ciel et les morts
en Christ ressusciteront premièrement.
Ensuite, nous les vivants, qui serons
restés, nous serons tous ensemble
enlevés et ainsi nous serons toujours avec
le Seigneur. Consolez-vous donc les uns les autres
par ces paroles
(I Thessaloniciens 4 : 13 à
18.) ».
- Eh bien, dit M. Duclavel, n'est-ce pas
clair ? Et si vous croyez à la
résurrection du Christ, trouvez-vous
difficile d'admettre celle des croyants ?
- Non, mais cet « enlèvement
» des vivants, quelle chose inouïe
!
- Pourquoi plus « inouïe
» que l'autre ? Il faut bien qu'à la
fin, il y ait encore des vivants sur la terre
!
- Certainement, mais par quel
procédé surnaturel cette chose se
fera-t-elle ?
M. Duclavel sortit sa petite Bible de sa
poche et dit
- Cherchez dans II Corinthiens, chapitre
5, qui traite également de ce sujet de la
Résurrection,
verset 4, et vous lisez : « ...
nous voulons, non pas nous dépouiller, mais
nous revêtir, afin que ce qui est mortel soit
englouti (ou absorbé) par la, vie ». Le
voilà, le procédé,
scientifique s'il en fût ! Mélangez
des grains de sable avec de la limaille de fer.
Promenez au-dessus un grand aimant.
Qu'arrivera-t-il
Le chirurgien sourit :
- Excellent exemple, en effet. La
limaille montera, les grains de sable
resteront.
- Et ceux qui auront en eux la vie
divine, continua M. Duclavel, seront attirés
et absorbés par la Vie Suprême, et ce
qu'il y a en eux de mortel ou de matériel,
restera. De même, le monde autour
d'eux.
- Mon ami, dit le Dr Lenoir, tout cela
est, grand et beau, mais comme vous le dites, ne
peut être compris par « l'homme animal
».
C'est le sixième sens qui manque
à ces foules qui nous entourent.
Il soupira, puis, d'une voix basse et
lente
- Et que j'en vois mourir, sans Dieu et
sans espérance ! Ma science n'y peut rien.
Oh ! si ma foi y pouvait quelque chose !
- Elle deviendra agissante, dit
cordialement M. Duclavel, et vous verrez des choses
merveilleuses. Nous vous suivrons par l'affection
et la prière, et je suis certain que vous
aurez à nous donner des nouvelles
réjouissantes.
- je suis encore si ignorant, dit le Dr
Lenoir, et j'ai toujours peur de retomber dans ma
vieille illusion de savoir quelque chose ! Mais,
dites-moi, mon cher ami, ce Retour du Christ,
a-t-on une idée quelconque du moment
où il se produira ?
- Aucune de précise, car Il a dit
Lui-même qu'il nous fallait « veiller et
prier », personne n'en connaissant le jour ou
l'heure. Mais en étudiant les
Prophéties bibliques, surtout du livre de
Daniel, dans l'Ancien Testament, et de
l'Apocalypse, a la fin du Nouveau, on est
arrivé à en situer approximativement
l'époque. Et d'après les
événements politiques, qui y jouent
un grand rôle, nous sommes entrés dans
la période importante. De combien
d'années se composera-t-elle, nous
l'ignorons, mais nous pouvons, en tous cas, vivre
à tout instant, dans cette attente
heureuse.
- Heureuse, dites-vous ? cria le Dr
Lenoir. Dites que ce sera la félicité
suprême ! En avoir fini avec cette vie de
misère et de luttes, avec cette ambiance
souillée, avec ce monde
hypocrite et menteur ! Voir,
enfin, la réalisation de notre foi, et
par-dessus tout, contempler Celui qui nous a
cherchés et trouvés dans le
Désert de cette terre, ah ! oui, vous pouvez
parler d'une « attente heureuse !
».
Les yeux de M. Duclavel s'étaient
remplis de larmes. La spontanéité de
cet enthousiasme devant une
révélation pareille,
l'émouvait.
- Nous nous blasons de ces choses,
pensait-il, quand nous les avons toujours connues.
Mais quelle fraîcheur et quelle beauté
elles revêtent pour ceux qui les
découvrent !
- Vous n'êtes pas au bout de votre
ravissement, dit-il, de sa voix affectueuse. Il
existe des études prophétiques, du
plus vif intérêt, écrites par
des hommes extrêmement sérieux et
soigneux dans leurs assertions. Je vous les
prêterai et vous pourrez ensuite vous les
procurer, si vous le désirez.
C'est ainsi que le Dr Lenoir, quelques
semaines plus tard, mettait dans sa valise
plusieurs ouvrages dont il se promettait avec joie
la lecture attentive.
C'étaient : Jésus revient,
L'Heure de Minuit, Maranatha, Le Retour de
Notre-Seigneur Jésus-Christ
(1).
« Ah ! mon cher ami »,
écrivait-il, plusieurs semaines
après, à M. Duclavel, « comment
ai-je « pu vivre si longtemps sans savoir ! Et
dire que maintenant, cet horizon
s'est ouvert, que le filon de cette mine s'offre
à moi ! Quelle folie que celle des hommes
qui passent, sans vouloir écouter ni
comprendre ! Car il est évident qu'ils ne le
veulent pas.
« Toute ma vie, je bénirai
Dieu pour l'opération de la petite
Daphné ! »
M. et Mme Duclavel, avec jean. et sa
mère, étaient retournés
à Nice aussitôt que l'on fût
complètement rassuré à
l'égard de la petite malade, mais Roseline
et Miss Duncan ne la ramenèrent qu'en
décembre, pour se préparer à
l'arrivée de M. Barrett, qui
s'annonçait pour le 15.
Heureusement pour lui, il n'avait connu
la maladie de sa fille que lorsqu'elle était
hors de danger et les lettres ou
télégrammes qu'il exigeait chaque
jour ne lui révélant aucune. urgence,
il' avait terminé Ses affaires, avant de
revenir sur le Littoral, où il comptait
s'installer, à demeure.
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