Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
REGARD
Bibliothèque chrétienne online
EXAMINEZ toutes choses... RETENEZ CE QUI EST BON
- 1Thess. 5: 21 -
(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



CONTRE LE COURANT

TROISIÈME PARTIE


IX

(La mort victorieuse)

 

On était en février. Roseline déclara à M. Barrett qu'il n'avait plus besoin de ses services et qu'une autre tâche la réclamait.
- J'en. suis navré, dit-il, car si ma santé est rétablie, du moins, autant qu'elle peut l'être (grâce à vous), j'aurais eu encore besoin de vous, sous d'autres rapports.
- Lesquels ? demanda l'infirmière. Peut-être pourrais-je vous être utile, même à distance.

Il secoua la tête tristement :
- Des circonstances très pénibles me rappellent en Angleterre. Ma femme insiste pour obtenir le divorce et dans son état d'exaltation, je ne sais à quels excès elle se livrera, si je ne commence pas au moins les démarches.
- Je crois, dit Roseline, que Mme Barrett aurait plutôt besoin de soins médicaux que d'autre chose. Elle devrait être soignée dans une maison spéciale pour toxicomanes, ou bien elle perdra la raison. N'en connaissez-vous pas une, en Angleterre ?
- Il en existe, certainement, mais la difficulté sera de l'y faire entrer. J'ai eu hier la visite d'un de mes meilleurs amis qui est dans le même hôtel qu'elle, et il m'a supplié, pour l'honneur de mon nom, de la faire quitter Nice.
Non seulement elle fait continuellement des dettes au jeu (que je dois payer, bien entendu), mais encore elle se conduit de la manière la plus ouvertement indigne.

Il eut un petit frisson et ajouta, d'une voix basse et lente, comme se parlant à lui-même :
- Et c'est là la mère que j'ai donnée à ma pauvre petite Daphné !
- Monsieur Barrett, dit Roseline gravement, ne voulez-vous pas enfin vous adresser, dans votre détresse, à ce Dieu auquel, je le sais, vous n'avez jamais cessé de croire ? Il vous écoutera, malgré votre longue révolte. Il est prêt à recevoir les enfants prodigues.

Il la regarda, surpris.
- Comment savez-vous que je n'ai jamais cessé de croire en Dieu ?
- Parce qu'il n'y a personne qui n'y croie, qu'il l'avoue ou non.
- Je le reconnais, dit-il, comme soulagé de cet aveu, mais cela rend la situation encore plus tragique. Car, alors, je ne mérite que la condamnation.
- C'est vrai, mais la grâce est pour des condamnés, et seulement pour ceux-là.

À ce moment, on frappa à la porte.
Roseline alla ouvrir.
- On vous demande au téléphone, Mademoiselle, dit le garçon de service.

Elle descendit. C'était du Grand-Hôtel. On priait l'infirmière de M. Barrett de lui annoncer, avec les précautions qu'elle seule pouvait prendre, que Mme Barrett venait d'être victime d'un accident.
- Quel accident ? demanda-t-elle, atterrée. - Nous préférons ne donner aucun détail par téléphone. Vous ferez bien de venir le plus tôt possible, avec M. Barrett, pour nous éviter de gros ennuis.

Cette nouvelle, après la conversation qu'ils venaient d'avoir, prenait une allure plus dramatique encore. Mis au courant, par quelques mots très simples, M. Barrett ne prononça qu'une parole, d'une voix angoissée
- Pauvre Florence !

Quelques instants après, ils étaient introduits dans le cabinet privé, du Directeur du Grand-Hôtel, qui les informait des détails de l'accident. On avait trouvé Mme Barrett noyée dans sa baignoire.
Rentrée du théâtre fort tard, elle avait, sans doute, comme c'était son habitude, voulu prendre un bain, avant de, se coucher. Et le médecin ayant déclaré que la mort s'était produite pendant l'action de la morphine, il était probable qu'elle s'était endormie dans ce bain. La femme de chambre l'avait trouvée au matin, et con venait juste de la retirer, opération pleine de détails lugubres et répugnants.
- Ce sont des choses extrêmement ennuyeuses pour un hôtel, dit le Directeur, d'un ton froid. Nous avons dû prévenir la police pour nous mettre à couvert. Maintenant, Monsieur, il faudra procéder le plus tôt possible au transport du corps de Mme Barrett dans -un autre endroit.
- Je n'ai pas de chez-moi, ici, dit M. Barrett, tristement.
- Eh ! bien, il y a le moyen des hôpitaux.

Ils montèrent dans la chambre funèbre.
Un désordre indescriptible y régnait, auquel on n'avait pas voulu toucher, jusqu'après les constatations d'usage.
La robe de soirée, d'une élégance outrée, était jetée dans -un coin, les accessoires de toilette traînaient partout. Dans la salle de bain attenante à la chambre, on ;ne pénétrait qu'en marchant dans l'eau, qui avait d'ailleurs mouillé et traversé lies tapis, et le lit lui-même, pendant qu'on transportait la malheureuse noyée.
Il régnait une odeur atroce d'humidité, de parfums violents, de cigarettes et de mort, dans ce sinistre asile du péché.
Sur la table, encore ouvert, le petit écrin avec sa seringue d'argent et une ampoule cassée à côté...
Sur le lit, un corps, roulé dans un drap, n'était plus qu'une loque bouffie et violacée, méconnaissable.
Avec un sanglot, Roseline entraîna M. Barrett dont le visage livide se figeait comme un marbre.
Roseline pensa à l'enfant blonde et frêle qui ignorerait toujours ces détails de la mort de sa mère et qui avait dit un jour :
- Je n'aime que ce que papa aime
- Que Dieu soit loué ! pensa l'infirmière, il y a de l'espoir pour elle.

Si l'argent ne résout pas les problèmes de l'âme, du coeur et de la conscience, il résout, le plus souvent, ceux du domaine matériel.
À l'aide de deux ou trois gros billets, M. Barrett eut bientôt satisfait aux exigences de l'hôtel, et quelques jours plus tard, il accompagnait le corps de sa femme en Angleterre.
Avant de partir, il avait dit à Roseline :
- Mademoiselle Duclavel, ne voudriez-vous pas me donner un conseil, au, sujet de Daphné? je ne peux l'emmener, dans d'aussi tristes circonstances et d'ailleurs, le climat de l'Angleterre ne lui convient pas. J'aimerais qu'elle passe l'été dans une région un peu montagneuse, dans le Midi, toutefois, et je reviendrais passer l'automne et l'hiver ici. Connaissez-vous une famille qui voulût la recevoir, ainsi que sa gouvernante.

Roseline avait de suite pensé à ses parents et à leur jolie maisonnette, la villa, « Mon Repos », à Mireille et à Claude ; ce dernier ferait un gentil compagnon et protecteur pour Daphné. Il y aurait aussi le séjour d'été, à l'air tonique de Meirage...
M. Barrett accueillit ces suggestions avec une vive gratitude et voilà pourquoi, le jour où le triste convoi partait pour Londres, Miss Duncan et sa petite élève, accompagnées de Roseline, s'installaient à « Mon Repos », au milieu des giroflées et des mimosas en fleurs.
Mais des conditions rigoureuses avaient été posées à un arrangement aussi agréable. La vie de la famille, tout entière ne devait être en rien modifiée par ces nouvelles arrivées, ce qui impliquait pour elles naturellement, une participation constante à 'tout ce, qu'il y avait de religieux dans cette vie. M. et Mme Duclavel avaient voulu, conserver la liberté complète d'agir et de parler à leur guise, soit à table, soit ailleurs, ce qui devait, dès le début, révéler à Daphné ce qu'elle ignorait jusqu'ici, au sujet de Dieu.

M. Barrett avait tout accepté, en disant tristement :
- Après tout, ce que je veux, c'est qu'elle soit heureuse... plus heureuse que moi... plus heureuse que sa mère...


.
X

On lui avait enfin fait connaître le grand et puissant « Docteur Dieu »

 

C'était la fête de Claude l'anniversaire de ses dix ails: Un beau gâteau glacé entouré de ses dix bougies roses, décorait la table. Daphné était ravie.
- Est-ce qu'on m'en fera un aussi, pour mes sept ans ? demanda-t-elle.
- Certainement, dit Mireille. Et quand seront vos sept ans ?
- Le 10 juillet.
- Nous serons à Meirage. Ce sera encore plus agréable. je vous ferai une tarte aux framboises !

Daphné battit des mains :
- Ce sera la première fois qu'on me fait un gâteau pour ma fête.

C'était aussi la « première fois » qu'on lui « faisait » et qu'elle voyait bien des choses. Elle allait de découvertes en découvertes merveilleuses, dont son petit coeur, avide d'affection, absorbait la joie avec un continuel étonnement.
On lui avait enfin fait connaître le grand et puissant « Docteur Dieu », sur lequel elle avait posé, tant de questions, sans jamais recevoir autre chose que des réponses évasives.
Maintenant, elle savait qu'Il était le Créateur de toutes choses, le Père de tous ceux qui se mettent sous Sa protection et reconnaissant Son amour, et que pour prouver cet Amour, Il avait envoyé au monde pécheur, Son Fils bien-aimé. pour le sauver.

Par un phénomène curieux, l'esprit de l'enfant, ignorant de l'autorité, divine, s'était souvent arrêté au problème du péché. Car si elle ne voyait pas Dieu, elle voyait le péché autour d'elle à chaque instant. Elle savait que ses parents n'étaient pas heureux, et que la raison en était dans l'infraction à la loi morale qu'elle pressentait en elle, sans 'la définir.
Son père et Miss Duncan avaient appelé cette loi le « Devoir », ou le « Bien », ou le « Beau ».
Philosophie bien. abstraite et impuissante à révéler la source de ces choses et à donner la force de les accomplir.
Aussi, dans la logique de son âme enfantine, Daphné fut-elle ravie d'apprendre l'existence d'un Ami invisible, mais infiniment puissant et bon, auquel elle pouvait toujours s'adresser, sans jamais craindre d'être repoussée ou, incomprise. Ce fut une transformation complète de sa vie, si triste jusqu'ici, malgré le luxe qui l'entourait.
- Je raconterai tout ça à papa, disait-elle souvent. On sera bien heureux, maintenant.

La mort de sa mère qu'elle voyait si rarement et d'une manière si peu satisfaisante pour son coeur d'enfant si aimant, avait fait sur elle une si fugitive impression que Miss Duncan, elle-même, en était étonnée.
Car Mme Barrett, toute mère indifférente qu'elle fût, avait eu parfois des éclairs de bonté, tout au moins superficielle, pour sa fille, lui prodiguant jouets, friandises, vêtements élégants.
Mais Roseline se rappelait la poupée de style et le mépris qu'en avait manifesté l'enfant.
Incompréhension totale, comme épouse et comme mère, tel était le verdict qu'emportait avec elle dans la tombe, la pauvre disparue.
Et ceux qui l'avaient suivie ou entraînée dans le courant du monde, ce monde dont, selon sa propre expression, elle avait « adoré » les chaînes..., ceux-là l'avaient déjà oubliée, maintenant que, plus rapidement qu'eux, elle avait abouti à l'abîme éternel...
- Cette pauvre Florence Barrett ! disaient-ils parfois, les premiers jours, elle allait un peu fort... ne connaissait aucune mesure... c'est ce qui l'a perdue.

Puis, son nom ne fut plus même prononcé et se perdit bientôt dans la brume de quelques semaines de plaisirs. Telle Fonde d'un étang, un instant troublée par la pierre qu'on y jette, et qui reprend bientôt, après quelques cercles frémissants, sa surface lisse et uniforme.


Table des matières

Page suivante:
 

- haut de page -