Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
REGARD
Bibliothèque chrétienne online
EXAMINEZ toutes choses... RETENEZ CE QUI EST BON
- 1Thess. 5: 21 -
(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



CONTRE LE COURANT

TROISIÈME PARTIE


XI

(Et Lucifer rit)

 

Le Carnaval de Nice allait commencer.
Il s'annonçait, cette année-là, particulièrement brillant.
Le Roi Carnaval aux Enfers, tel était le titre Ces fêtes, et les affiches avaient promis au public tout le débordement de folie qu'il est possible de promettre.

Tout le long de l'avenue de la Victoire, ce n'étaient que banderoles et arcades, réunissant les arbres de chaque côté de la rue à ceux de l'autre bord.
Ces arcades étaient en bois, peintes en rouge et noir, représentant les flammes de l'enfer, attisées par des démons.
Chaque arbre était également habité par plusieurs pantins, grandeur d'homme, et représentant les mêmes personnages.
Sur la place Masséna, une immense façade en bois abritait. le Roi Carnaval et sa suite, dont les hideuses figures devaient, pendant plusieurs jours, entraîner la foule dans une course insensée.
Cette façade continuait l'idée de l'avenue.
Elle représentait l'Enfer, en une immense. fournaise, où de gigantesques agents de Lucifer essayaient d'attirer les passants, parmi lesquels ils ne faisaient aucune différence.
En effet, tranquilles bourgeois, honnêtes femmes, prêtres et religieuses, voisinaient dans ce lieu de tourments, avec des bandits, des prostituées, des rastaquouères...
Et avec une joie cynique, les démons, munis de leur fourche, retournaient les damnés sur la, rôtissoire.
Les gens riaient en regardant ces horreurs...

Une atmosphère positivement diabolique régnait sur toute la ville. Et le chrétien, obligé d'y vivre, sentait un poids terrible peser sur lui et le courber vers la terre, en parcourant ces rues.
Comment l'âme régénérée pourrait-elle vivre heureuse et libre, dans cette ambiance empoisonnée ? L'horreur et la pitié la remplissent pour un tel aveuglement.
Mais en passant devant ces images que les auteurs ont voulu suggestives et railleuses, on ne peut s'empêcher de penser qu'ils ont exprimé, sans le savoir et sans le vouloir, la plus tragique des réalités.
Cet appel continuel et pressant du cruel Ennemi des âmes> à leur éternelle destruction, il existe, et le monde ne s'en doute pas !
Et ce monde ne croit pas si bien dire, en se donnant à lui-même l'image de ce qu'il tourne en dérision.

Le Carnaval de Nice n'est pas seulement, comme on le croit en général, l'extravagante, fête des bien portants, pauvres et riches.
Il est aussi, beaucoup plus qu'on ne le suppose, une danse macabre, où la mort a sa esquisser un sourire et un pas de danse, revêtir un habit de printemps et une parure de gaieté.

Ceux qui vont mourir sont souvent les plus follement étourdis, les plus avides des joies charnelles.
La preuve immédiate sera faite, les jours qui suivront le Carnaval, cette heure d'ivresse et de démence, où, même des malades au seuil de l'éternité, vont épuiser dans l'orgie, leurs dernières forces, pour tomber à l'aube et ne. plus se relever.
On en voit passer, les jours précédents, sur le Quai : les hommes, corrects en leurs vêtements chics, mais la mine hâve et les yeux cernés ; les femmes, élégantes et soigneusement fardées, à la respiration courte, à la démarche mesurée.
Ils portent beau, mais la fièvre monte.
Ils veulent sauver les apparences, afin de ne pas voir se fermer devant eux la porte, du paradis d'un jour ou d'une nuit.
Ils savent qu'ils vont mourir ; mais pour se venger de la grande et impitoyable faucheuse, à laquelle il faudra succomber, ils veulent jouir, ne serait-ce qu'une heure, de tout ce que la vie a de voluptés...
Aux sons du jazz, leur agonie commence...
Et le courant, plus rapide. et plus glacé que l'impétueux Niagara, les emporte, en tourbillonnant.

Ces choses ne sont point imagination de romancier, mais des faits positifs. Si quelqu'un en doute, qu'il consulte, pendant la semaine qui suit le Carnaval, la liste des décès dans les journaux locaux.

Et là, cependant, ne sont point consignés les noms de ceux qui mourront plus tard, des suites de cet effort et de ces excès.
Et ceux qui vont mourir ailleurs, pauvres loques humaines, que le courant impétueux a entraînés dans la suprême dérive ?
Ce sera peut-être dans une ville lointaine, en France ou à l'Étranger, dans un décor tout différent de celui qui les enchanta, en ces jours de rêve.
Ce sera peut-être dans un village, où 'la monotonie de la vie, la vulgarité de la tâche, les fausses promesses de lectures tentatrices, avaient guidé vers ces fêtes célèbres, quelque être passionné, qui n'ayant jamais pu « vivre sa vie », la voyait s'écouler et près de finir, sans en avoir joui...
Ce sera peut-être en bateau, que la fin viendra, ou dans le train, ou en auto, ou dans un hôtel... Personne ne saura pourquoi, ni comment !

Il y a aussi ceux qui sont malades, non de corps, mais d'âme et d'esprit.
Ceux-là, désespérés de ne pouvoir continuer le rêve d'or, ou trahis par des compagnons de comédie, se voient dépouillés de tout et préfèrent quitter volontairement, une vie qui leur est devenue insupportable.
Là non plus ne sont pas consignés les vies brisées, les noms déshonorés, les corps souillés, les pauvres petites épaves, jetées, plus tard, sur la grève de la vie, en souvenir de ces jours d'intoxication de plaisir.
Tout cela restera dans l'ombre et peut-être l'oubli, mais sera tout de même une page de l'Enfer, dont on voulait se moquer et nier l'existence.

Et Lucifer rit.
Que lui importe, le chemin par lequel les malheureux humains arrivent au sombre séjour qu'il leur prépare ! Il sait bien que le courant du monde les y amène fatalement.
Que de fois Florence Barrett avait dit, avec ses amis :
- Comme on s'amusera au Carnaval!

Ce jour-là, par une froide journée anglaise, à travers un brouillard opaque, son cercueil descendait dans -un somptueux caveau de famille.
Mais là-bas, sous le soleil de Nice, qui faisait miroiter la mer de saphir, ses amis dansaient; et pas un ne songeait au visage de la morte, dormant son sommeil éternel, pour avoir adoré ses chaînes.


.
XII

Que vous êtes heureux, vous autres croyants

 

Pour Miss Duncan, ce séjour dans la famille Duclavel était une véritable révélation.
Roseline ayant été appelée auprès d'un nouveau malade, sa forte personnalité ne pouvait donc plus apporter son poids, dans les détails de la vie quotidienne, auprès de la jeune anglaise.

Placées dans des milieux d'exception, hors de leur cadre habituel, n'ayant pas à envisager des contingences journalières et triviales, certaines natures n'ont aucune peine à conserver une supériorité incontestable sur les autres.
Ainsi raisonnait Miss Duncan, au sujet de Roseline Duclavel, qu'elle avait connue aux prises avec une tâche dure mais aux côtés infiniment nobles.
Qu'étaient-ce que des croyants dans le train-train de la vie commune à tous ?
Quelle différence y avait-il, entre leur caractère, leur, humeur, leur manière. d'envisager les menues ou, grandes difficultés de l'existence et ce que pratiquent ceux qui ne reconnaissent d'autre autorité que leur propre conscience ?
Douée d'une capacité d'observation très aiguë, la jeune gouvernante, toujours respectueuse des traditions de la famille, obligeante en toutes choses, aimable et courtoise, conservait une certaine réserve. Elle voulait encore constater par elle-même, dans les faits, ce qu'elle avait compris théoriquement par ses conversations avec Roseline, et reconnu comme pratiqué loyalement par elle.

Les Duclavel étaient demeurés des gens simples, réservés quoique fraternels avec les autres chrétiens (par prudence et non par orgueil spirituel), désireux de dépendre de Dieu seul, afin de rester libres de Le servir selon les directions qu'Il leur donnerait.
C'est ainsi qu'ils avaient mis à Sa disposition leur maison, leur temps, leurs talents, s'attendant à Lui pour toutes choses.
Que de fois ils avaient ouvert leur foyer à quelque détresse, évidente ou secrète, où Celui qui la leur avait envoyée pouvait relever des corps meurtris, sauver des âmes perdues !
Que de fois, sous leur toit hospitalier, la Croix de Golgotha s'était dressée dans toute sa tragique beauté, devant le désespoir d'une conscience réveillée, pour lui apporter le salut et l'assurance du pardon !
C'étaient des gens rencontrés parfois dans les réunions religieuses, épaves de la vie, cherchant un port, d'attache, brebis égarées désirant revenir au bercail.
C'étaient des pauvres et des riches ; des gens instruits et des illettrés, mais qui tous, avaient gaspillé leur vie.
Toutefois, le bien ne se fait pas tout seul.
De plus, il ne reçoit pas souvent sa récompense, sauf celle de Dieu, qui ne manque. jamais.
Aussi, les Duclavel, en gens d'expérience, savaient-ils ce qu'il faut attendre.
Toutes leurs tentatives de sauvetage n'avaient pas réussi. Toutes les brebis fuyantes n'étaient pas revenues sur leurs pas, malgré les premières apparences. Il y avait eu bien des déceptions et des crève-coeurs.

L'ingratitude avait été souvent le seul « merci » qu'ils eussent reçu d'un bienfait.
Une fois sortis de chez eux, plusieurs de ceux qu'ils avaient comblé de bonté, les critiquaient, les jalousaient, les calomniaient, interprétaient leurs meilleures actions dans un sens bas, mesquin, avilissant.
Que de fois, en apprenant les suites d'une de ces actions accomplies pour l'amour du Maître, n'avaient-ils pas été tentés de se dire : « C'est la dernière fois. À quoi bon obliger des ingrats et des menteurs ? ».
Le grand écueil de ceux qui veulent « servir », c'est de créer le « parasitisme », d'encourager ceux qui vivent aux frais des autres, et sous prétexte que ceux-ci ont « une grande foi », de profiter de cette « foi » et de ne rien faire.
Or, la paresse ne peut engendrer que du désordre, matériel et moral, et c'est ainsi qu'en voulant faire du bien à ceux qui la pratiquent, on leur fait du mal.
Et c'est lorsqu'on s'en aperçoit, c'est lorsqu'on veut s'affranchir de cette emprise que commencent les basses vengeances de la rancune et de l'envie.
« C'est à vous dégoûter d'être généreux », disait un homme de bien, en apprenant la manière dont il était traité par des personnes qu'il avait comblées de bontés.

Les Duclavel connaissaient depuis longtemps cette Classe de gens, mais depuis leur installation sur le [littoral, ils en avaient été inondés. Trompés maintes fois par l'expression de faux sentiments, de fausses prières, de faux sourires, de faux remerciements, ils étaient devenus encore plus réservés et soupiraient après une oeuvre d'amour où ils n'auraient pas à redouter le ver rongeur de l'intérêt matériel.
Ils l'avaient enfin trouvée dans le séjour de Miss Duncan et de sa petite élève, pour lesquelles, naturellement, M. Barrett payait une large pension.
Ceci balayait bien des difficultés et laissait le champ libre au travail spirituel sans mélange.

La jeune gouvernante se mit donc à observer ses hôtes, au double point de vue de leur piété et de leur qualité de parents de Roseline. La valeur de celle-ci était-elle surtout de son hérédité ou de son éducation ?
La puissance de l'exemple, 'la vertu du précepte, ces deux grands facteurs de l'éducation, ne peuvent, nécessairement, que procéder de parents eux-mêmes pénétrés de la source de toute beauté morale. Mais les exceptions à l'influence de ces choses sont si nombreuses qu'elles déconcertent les plus fervents avocats de l'atavisme. L'Enfant Prodigue n'avait reçu chez lui que des exemples parfaits, et cependant, il prit le chemin. du pays étranger.

Nous assistons, depuis la guerre, à une emprise du Mal qui déroute les théories les plus solides à cet égard. L'ambiance du monde est telle qu'aucune créature n'y échappe, sans un combat terrible.
C'est un filet aux mailles toujours plus serrées, jeté sur la terre entière par le Prince de ce monde et dans lequel il voudrait capturer toutes les âmes et les ravir à Celui qui les a, cependant, « achetées à grand prix ». Les efforts de celles qui veulent échapper par leurs propres forces sont absolument vains et on les voit céder, peu à peu, mais fatalement, à l'attirance diabolique.
C'est l'heure où se réalisent ces paroles d'un prophétisme si clair et qui s'accomplit sous nos yeux.

« Sache que, dans les derniers jours, il y aura des temps difficiles. Car les hommes seront égoïstes, amis de l'argent, fanfarons, hautains, blasphémateurs, rebelles à leurs parents, ingrats, irréligieux, insensibles, déloyaux, calomniateurs, intempérants, cruels, ennemis des gens de bien, traîtres, emportés, enflés d'orgueil, aimant le plaisir plus que Dieu, ayant l'apparence de la piété, mais reniant ce, qui en fait la force ( 2 Timothée 3, 1 à 5.)».

Peu à peu, non seulement par ses observations, mais par ses causeries avec M. et Mme Duclavel, à toute occasion, prévue ou imprévue, en toutes circonstances, agréables ou non, Miss Duncan se convainquit qu'ils étaient sincères.
Eux-mêmes n'étaient pas exempts d'épreuves, d'ennuis, de tentations au découragement. Mais en toutes choses, leur foi et leur confiance en Dieu triomphaient, Ils avaient résolu ce grand problème de la vie qui consiste dans l'inquiétude de l'avenir, la peur du lendemain, qui tourmente tant de gens jusqu'à leur dernier soupir.
La jeune anglaise, en parla un jour à. Mme Duclavel :
- J'ai toujours été d'un tempérament plutôt pessimiste, mais depuis la mort de Mme Barrett, je constate encore bien plus l'incertitude de toutes choses et la stupidité de l'existence. C'est à vous dégoûter de, vivre. Et tenez, aujourd'hui, je suis sous le coup, d'un nouveau malheur. J'ai le pressentiment que quelque chose de pénible va m'arriver. J'en suis oppressée physiquement.

D'un geste affectueux, Mme Duclavel lui, prit les deux mains.
- Ah ! chère enfant, si vous vouliez vous jeter dans les bras de Celui qui a dit : « je vous donne ma paix », et nous a assuré que par Lui, nous retrouvons en Dieu un Père qui pourvoit littéralement à tous nos besoins !

Miss Duncan ne dégagea pas ses mains, mais secoua la tête
- Tout cela est si lointain, si flou, si incertain ! ...
- Mais vous venez de dire que c'est la vie qui est incertaine, cette vie qui n'est pourtant ni bien précise ni bien tangible pour vous, qui prétendez ne croire que ce que vous voyez !

Les lèvres de la jeune fille tremblèrent et elle murmura :
- Que vous êtes heureux, vous autres croyants!


Table des matières

 

- haut de page -