Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



CONTRE LE COURANT

TROISIÈME PARTIE


III

(Après l'Armistice.)

 

Après l'Armistice, Roseline Duclavel était naturellement revenue chez ses parents, pour y passer l'hiver; et s'y reposer.
Son robuste organisme avait résisté à l'effort. et aux angoisses de 'ces longues années de front, mais elle était lasse de toutes manières.
Par les horreurs dont elle avait été témoin, - non seulement celles de la guerre, mais celles de la méchanceté et de la bassesse humaines, dans tous les rangs de la société et dans tous les milieux - elle avait pénétré dans un monde jusqu'alors inconnu et même insoupçonné.
Cette expérience devait changer l'orientation de sa vie, de cette vie qu'elle avait, dès avant la guerre, rêvée utile et féconde, certes, mais dans un cadre facile, honoré, de tout repos, celui de l'enseignement universitaire.

Maintenant, elle avait pris le goût de l'effort aigu, de la lutte persévérante, de l'âpre joie des victoires de l'amour sur la haine, même si ces victoires sont suivies des défaites qui découragent les faibles, mais galvanisent les forts.
L'habitude de disputer à la mort ses proies, même lorsqu'il faut, à la fin, les lui abandonner, avait laissé à Roseline, la nostalgie de cette perpétuelle tension du coeur et de l'esprit vers un but unique : sauver.
Et dans ce mot divin, il y avait tout un programme d'action.
Sauver le corps, bien sûr ! Mais ce corps, un jour, devra mourir quand même.
Sauver l'âme immortelle était la seule oeuvre durable.
Et sa pensée, mélancolique et fidèle, se reportait vers ce soir brumeux, dans la sanglante ambulance du front où elle avait lu le petit billet fripé, de Louis Breton et où il disait :
« Vous m'avez bien fait souffrir, mais maintenant je vous bénis ».
« J'ai compris le néant des choses qui passent et le prix de celles qui demeurent... ».

Elle n'avait plu arracher le corps à la mort, mais l'âme était libérée. Tâche glorieuse entre toutes !
Elle la continuerait, elle en ferait le but suprême de son existence « Sauvée pour servir ».

M. Duclavel ayant pris sa retraite, avait acheté sur le Littoral méditerranéen, une charmante maisonnette où la famille habitait toute l'année, sauf les lieux mois les plus chauds de l'été qu'elle venait passer à Meirage, au milieu du, paysage aimé. et de vieux amis.
Une année tout entière de repos physique et moral avait été nécessaire à Roseline.
Pendant la grande tourmente, on n'avait plus le temps de, réfléchir à la solution, de certains problèmes angoissants dont l'acuité nous souffletait sans cesse, laissant les coeurs désemparés et meurtris.
Seuls, les croyants sincères savaient remettre à Dieu et à l'avenir, la réponse à tant de sombres énigmes.

Rentrée chez elle, dans le calme et le repos, entre ses parents à l'âme si haute, au jugement si sain, Roseline se mit à reprendre, un à un, les éléments de ce mystérieux problème de la souffrance sous toutes ses formes, personnelles et collectives : souffrances, des coupables et des innocents, des conscients et des inconscients.
Du point de vue humain, tout demeurait impénétrable et fermé comme une nuit sans étoiles.
Mais à celui auquel Dieu a parlé, l'horizon n'est point fermé ; il est peut-être encore inaccessible, tel cet univers brodé d'astres lumineux, mais un jour, il deviendra tangible, présent, compréhensible.

Avec sa capacité aiguë d'analyse, Roseline souffrait de sentir l'emprise du Mal engourdir les consciences.... même la sienne.
Ne s'était-elle pas habituée à la fange au milieu de laquelle il fallait vivre ? Avait-elle toujours ces sursauts d'horreur et de dégoût, devant tout ce qui avilit ? Ces protestations véhémentes, qui la caractérisaient autrefois, contre le mensonge, la déloyauté, l'hypocrisie, l'ingratitude, l'égoïsme ?
Elle s'avouait à elle-même que non.
Peu à peu, l'anesthésique avait produit son effet. Quoiqu'elle fût restée elle-même intacte, le Mal ne lui causait plus la souffrance d'autrefois.
- Oh ! mon Dieu ! priait-elle souvent, n'y on a-t-il donc plus, qui aient résisté au courant ! qui aient conservé toute la délicatesse de leur conscience et sachent encore souffrir de l'iniquité ambiante ?

Cet état d'âme et d'esprit elle le retrouvait bien chez ses parents, mais eux n'avaient traversé que de loin la grande tourmente. Seuls, leur âge, leur situation, leur culture spirituelle, leur isolement volontaire, les avaient, placés quelque peu en dehors des rafales.
Mais leur coeur, profondément sympathique à la souffrance universelle, les rendait accessibles à la compréhension des autres. Aussi, est-ce auprès d'eux que Roseline cherchait le repos dont son âme avait besoin, après tant de meurtrissures.
- Ah ! songeait-elle souvent, que ne suis-je comme Daniel et ces trois jeunes héros de la conscience irréductible, à la cour des rois de Babylone, qui surent, au mépris de leur vie, conserver intact, l'idéal divin !

Graduellement, toutefois, tous les principes de son éducation de noblesse d'âme, reprirent leur place. Le terrible « à quoi bon ? » qui l'avait tant de fois tenaillée, fit place à la divine exhortation : « Ne vous lassez pas de faire le bien »
Tout reprit son équilibre, dans sa vie et dans son jugement. De nouveau, les choses éternelles et invisibles se dressèrent devant elle dans 'leur austère beauté. Sans valeur pour l'esprit humain, elles revêtaient leur inestimable prix ; elles étaient les seules qu'il valût la peine d'acquérir et de conserver !
Si les hommes étaient faux, vils, cruels, le Christ demeurait dans Sa radieuse perfection. Il était le Sauveur, l'Ami, le Modèle, l'Alpha et l'Oméga de toutes choses.

Roseline continuerait donc son ministère d'amour auprès des malades, pauvres et riches (car les riches d'argent sont souvent les plus pauvres d'amour) auxquels elle apporterait les trésors de son coeur, de son expérience, de tout ce que lui avaient donné ces années de fournaise où le métal des âmes s'affine et se purifie.
Elle n'irait pas dans ces cliniques commerciales ou hôpitaux officiels, où une règle sévère prive les infirmières de toute action morale et spirituelle
Elle avait trop conscience de sa vocation (l'apostolat le plus grand, le plus fécond qui puisse être réalisé par une femme, après celui d'épouse et de mère) pour s'engager dans la voie des compromissions et des restrictions.
Il lui fallait des mains libres, une sphère sans limites imposées.
Ne connaissant pas de Maison où ces conditions se trouvaient réunies, elle décida de se consacrer aux gardes privées.
Elle se ferait payer assez cher par les riches pour pouvoir, ensuite, accorder largement des soins gratuits aux pauvres.

Des liens de parenté éloignée qu'avait la famille Duclavel avec un docteur réputé de Nice, lui procurèrent ses premiers clients.
Elle fut vite débordée. On se recommandait mutuellement cette infirmière à l'allure distinguée, au visage calme, aux manières sobres, dont les capacités professionnelles provoquaient l'éloge des plus exigeants médecins.
Mais Roseline ne tarda pas à être déçue dans son attente, par les obstacles qu'elle rencontrait dans l'exercice, de son « apostolat ».
Si les familles et les malades accueillaient ses services et ses soins avec joie, il n'en était pas de même du, message dont elle se savait dépositaire.
Chez les riches, on l'écoutait avec politesse, mais indifférence.
Chez les pauvres, on en espérait certains avantages matériels et en l'absence de ceux-ci, il ne restait que la brève reconnaissance naturelle envers le dévouement ; et encore, manquait-elle souvent.

D'après ses expériences de guerre, Roseline avait espéré beaucoup mieux.
Les soldats, blessés, déprimés, loin de leurs familles, las des horreurs et des déceptions de la longue épreuve, avaient témoigné plus de réceptivité.
Elle avait pu leur parler de l'amour infini du Christ, et beaucoup s'étaient endormis du dernier sommeil en balbutiant le Nom du Rédempteur.
D'autres, avaient reçu cette grâce pour vivre une vie nouvelle et régénérée, Quelques-uns correspondaient encore avec celle qui leur avait apporté la paix de l'âme, en leur rendant la santé du corps.
Mais le courant d'après-guerre était autrement plus impétueux et plus irrésistible. Le remonter, réclamait des forces infiniment plus grandes et plus nombreuses.
- 0 Dieu, soupirait parfois la jeune, fille, aide-moi à lutter, ou je vais perdre pied dans le torrent !


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