Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



CONTRE LE COURANT

PREMIÈRE PARTIE


MEIRAGE
Un petit monde provençal.

VI

«L'épreuve de votre foi, plus précieuse que l'or périssable».

1 PIERRE I . 7

 Un matin d'automne, où Octobre avait revêtu d'or et de rubis les montagnes environnantes. Mireille vint voir son amie. C'était jeudi et elle était sûre de la trouver.
La santé de Mlle Lenormand s'était beaucoup fortifiée à Meirage, dont l'air est célèbre pour ses qualités fortifiantes et toniques.
Ses joues, si pâles autrefois, s'étaient rosées et remplies. Son pas s'était fait plus ferme et plus élastique. Et si ses yeux noirs ne brillaient pas davantage (ce qui eût été impossible), ils exprimaient une joie intérieure et profonde qu'elle ne connaissait pas auparavant.

Aujourd'hui, toutefois, Mireille paraissait toute songeuse. Trouvant son amie au jardin, qui cueillait les dernières roses d'été, elle aborda de suite le sujet de ses préoccupations.
- Roseline, dit-elle, lorsqu'elles furent assises sur le banc rustique, voici deux ans que je livre le bon combat mais j'en suis arrivée à une lutte beaucoup plus terrible qu'aucune autre. Et j'ai peur de moi-même.
Roseline lui pressa la main sans répondre.
- Tu sais que je donne des leçons à Laure Vateau, la fille du docteur. Son frère Albert vient de me demander en mariage.
Elle avait dit cela brusquement et d'une voix si saccadée que le cœur de Roseline se serra. Pauvre petite Mireille ! Comme elle allait souffrir !
- Et alors, ma chérie ? dit-elle, en lui serrant la main tendrement.
- Alors, dit Mireille, très bas, je suis dans une grande angoisse.
- Que disent tes parents ?
- Oh ! enchantés ! maman trouve que c'est un parti inespéré. Il n'a plus qu'une année de médecine, puis il aura fini ses études. Papa, bien entendu, me laisse libre, mais je vois que cela lui ferait plaisir.

Il y eut un long silence. Autour des deux jeunes filles, l'automne chantait sa chanson exquise, déployait sa symphonie de couleurs merveilleuses. Les chrysanthèmes ouvraient leurs corolles échevelées, aux nuances rares ou opulentes, des asters balançaient leurs fleurs mauves et blanches, des géraniums, bien à l'abri du mur, semblaient défier, en souriant, les premières nuits inclémentes.
L'atmosphère, un peu voilée, restait douce et caressante, et l'automne ressemblait à une femme, arrivée à cette saison de la vie, revêtue d'un charme grave et tendre, que l'expérience a rendue sympathique à toutes les douleurs, accessible à toutes les confidences, prête à consoler, à relever, à encourager. En ce jour tout doré de soleil d'octobre, la nature parlait aux âmes de la paix et de l'amour éternels de Dieu.

Mais Mireille était trop troublée pour lire dans ce livre ouvert. Seule, Roseline y pensait et s'en trouvait apaisée et remplie de confiance. Elles avaient souvent parlé ensemble de ce sujet du mariage, cette pierre de touche dans la vie, cet élément de bonheur immense ou de malheur irréparable.
Elles en étaient arrivées à une conclusion unique, parce qu'elle est la seule logique : l'incroyant ne peut s'unir au croyant.
Plusieurs fois, Roseline avait été demandée en mariage, soit par des jeunes gens catholiques de Meirage, soit par des protestants rencontrés au cours de leurs voyages de vacances, dans les milieux familiers. Elle les avait tous refusés pour la même raison.
Avait-elle souffert ? Oui, une fois, mais même ses parents n'en avaient rien su, tant sa volonté s'était tendue pour leur épargner le chagrin de la voir souffrir. Elle avait lutté bien des jours et bien des soirs, dans la solitude de sa petite chambre, souvent agenouillée par les belles nuits d'été, devant sa fenêtre d'où elle découvrait l'horizon étoilé. Là, dans la prière et la communion avec l'Invisible, au prix du plus dur sacrifice qu'une femme puisse faire, elle avait remporté la victoire. Mais elle n'y songeait jamais maintenant, sans en frissonner encore.

Aujourd'hui donc, elle comprenait son amie chez laquelle elle devinait une lutte semblable. Sa main se fit plus affectueuse sur la main de Mireille. Lorsqu'enfin elle parla, ce fut seulement pour poser cette question, si banale et pourtant si grave :
- Et toi, que penses-tu ?

Mireille était pâle et répondit faiblement :
- Oh ! moi, je suis bien malheureuse !
- Tu aimes Albert Vateau ?

De nouveau, il y eut un silence, puis la jeune fille répliqua :

- J'ai été bien faible et imprudente, Roseline. Voilà plus d'un an que lorsqu'il revient en vacances, nous faisons de la musique ensemble, après la leçon de Laure. Tu sais qu'il est excellent violoncelliste. Ces dernières grandes vacances, pendant que tu étais en voyage, j'étais bien seule et j'ai accepté d'aller beaucoup plus souvent chez les Vateau. Et voilà. Petit à petit, je me suis laissé prendre à cette affection qui s'infiltrait en moi. Maintenant, elle fait partie de mon être. je ne pourrai plus jamais m'en affranchir. je n'ignore pas que je fais mal et que je suis une lâche ; c'est pourquoi, ce matin, en recevant la lettre de demande, j'ai cru mourir de bonheur et de honte tout à la fois. je sais que tu vas me mépriser, toi, si forte et si ferme !
- Te mépriser ? Ma pauvre chérie, moi aussi j'y ai passé, par cette fournaise, et si je n'ai pas été consumée par elle, c'est que, comme pour les trois jeunes Hébreux (Daniel. Chapitre 3 ; à 30.), le Fils de Dieu y a marché avec moi. Non, je ne te méprise ni ne te blâme, je te plains seulement de tout mon cœur et je désire t'aider à sortir de 'cette heure de tentation, comme j'en suis sortie moi-même.
Mireille soupira.
- Il est dit que la tentation ne dépasse pas les forces, mais celle-ci dépasse les miennes. J'ai refusé plusieurs offres de mariage, juste, avec un sourire ou un geste d'indifférence, mais cette fois-ci... oh ! mon Dieu, que me demandes-tu ?

Elle se couvrit le visage de ses mains et se mit à pleurer.


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