GLANURES (1)
11.- Aimez vos ennemis.
Triomphant
de ses ennemis.
La majorité des
paroissiens de J.-F. Oberlin était
indifférente à ses exhortations pastorales;
quelques-uns d'entre eux en étaient même
irrités au point, de vouloir lui fermer la bouche
à coups de bâtons.
Oberlin fut
informé de ces menaces proférées. par
de mauvais sujets dont sa prédication fidèle
dénonçait et condamnait la conduite. Il alla
droit à ses adversaires, réunis dans l'un des
cabarets du village ; il les sa tue en entrant, comme
à l'ordinaire, et leur dit avec un calme qui
commandait le respect: «Je viens vous épargner
la lâcheté d'un guet-apens. Je ne vous ai fait
aucun mal et ne veux que votre bien. Me voici ; faites de
moi ce que vous avez résolu, plutôt que de vous
exposer à frapper, la nuit, un autre que moi...
»
Cette attitude
courageuse et ces paroles sublimes touchèrent tous
les assistants. Ils furent confus de leur
méchanceté en voyant la mansuétude de
leur pasteur ; ils lui avouèrent leurs coupables
desseins et le prièrent de leur pardonner.
(ABELOUS, Bienfaiteurs de
l'Humanité.)
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Comment on
aime un ennemi.
Je n'ai jamais en
d'ennemi et je ne sais pas, si j'en avais un. comment il me
serait donné, de pouvoir l'aimer et de lui montrer
mon amour. Je crois comprendre que l'exercice de ce devoir
chrétien est malaisé, qu'il demande non pas
seulement une intention bonne, mais encore et surtout des
actes parfois difficiles et une persévérance
éprouvée.
Preuve en soit ce
trait de la vie de Pierre Miller, pasteur en Pensylvanie
:
C'était un
chrétien «dans le coeur duquel il n'y avait
point de fraude», aurait dit Jésus. Un individu,
repris dans sa conscience par les sermons de Miller, au lieu
de s'amender, se mit à le haïr. Il ne manquait
aucune occasion de le calomnier, de lui souhaiter mille
maux, si bien que cet homme était appelé
couramment: l'ennemi de Miller.
Le soulèvement
des Etats-Unis contre l'Angleterre éclata, l'homme
fut enrôlé;* mais, mauvais soldat,
traître à son pays, il fut condamné
à la peine de mort.
La nouvelle arriva en
Pensylvanie; on courut l'annoncer au pasteur. Celui-ci, sans
perdre un instant, quitta son village et prit la direction
de Philadelphie.
- Où va-t-il?
murmurait-on.
- Il va assister au
supplice de son ennemi, répondaient ceux qui veulent
toujours être les mieux informés.
Pierre Miller marcha
toute une journée, et, quand il fut au but de son
voyage, il se fit introduire auprès de Washington,
alors généralissime de l'armée
américaine.
- Je viens vous
demander la grâce de cet homme, dit-il à
Washington.
- Impossible ! C'est
un grand coupable! Toute prière est inutile; la
grâce de votre ami ne vous sera point
accordée.
- Mon ami? Mais je
n'ai pas sur la terre de plus grand ennemi que
celui-là!
Le
général regarda longtemps le pasteur, vit ses
pieds couverts de poussière, puis il s'écria
:
- Quoi! vous avez fait
soixante milles pour sauver la vie de votre ennemi ? Alors,
je vous accorde sa grâce!...
Pierre Miller, le
précieux papier signé, courut pour arriver
à temps au camp où devait avoir lieu
l'exécution. Il était à environ
cinquante milles de Philadelphie.
Quand le pasteur
approcha, il entendit un roulement de tambours.
- Arriverai-je
à temps ? murmura-t-il.
Il franchit avec peine
les cordons de troupes et vint au centre du camp. Le poteau
était enfoncé dans le sol; l'ennemi de Miller,
à-demi dépouillé de ses
vêtements, était gardé par des soldats.
Il aperçut le pasteur et s'écria avec un rire
forcé :
- Tiens! voilà
le vieux Pierre Miller ! il a joliment couru pour me voir
mourir!
Le pasteur,
épuisé de fatigue, sanglotant
d'émotion, tendit à son ennemi
étonné le décret
libérateur!
B.
ARBOUSSET.
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Lincoln et
l'Indien.
Abraham Lincoln,
âgé de vingt-trois ans, s'enrôla dans une
milice organisée contre un chef indien
célèbre par sa cruauté, Faucon Noir. A
la petite troupe, il fallait un capitaine. D'une voix
unanime, les jeunes soldats le choisirent pour commander sur
eux. Cette preuve de sa popularité, de l'affection
qu'il avait su inspirer à ses camarades lui causa,
disait-il, le plus grand plaisir de sa vie.
La guerre fut courte,
et le bataillon du capitaine Lincoln n'eut jamais à
prendre part aux hostilités. Mais un jour, un
malheureux transfuge indien, grelottant et affamé, se
fourvoya dans le camp des Visages-Pâles... Ceux-ci, la
tête fort montée contre leurs ennemis, le
prirent pour un espion et allaient le. massacrer... Alors
Lincoln, dont le grand-père avait été
lâchement assassiné, le père jeté
à la vie errante, la famille ruinée et
dispersée par les Indiens, les frères du
prisonnier, Lincoln s'élança dans la
mêlée, fit à l'Indien un rempart de son
corps, et, malgré les menaces de ses compagnons
surexcités, parvint à obtenir sa
grâce...
(YVONNE
PITROIS, Abraham Lincoln.)
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Le coup de
bâton.
Le missionnaire
Lacroix, prêchant un jour dans un bazar et
entouré d'une foule d'Indous, leur parlait avec
chaleur de l'oeuvre de Jésus-Christ et du salut.
Soudain, un homme de la campagne, irrité par
l'énergie de ses exhortations, lève un pesant
bâton dont il est armé, et il en assène
sur la tête du prédicateur un coup terrible.
Heureusement un mouvement de Lacroix fait dévier le
coup, qui ne porte que sur l'épaule ; Mais il
était si violent, que le missionnaire en ressentit
une vive douleur, et probablement (comme il l'a souvent
répété) il ne s'en serait jamais
relevé s'il l'eût reçu sur la
tempe.
Un cri s'éleva
dans tout l'auditoire, et quoiqu'il fût en entier
composé de païens, tous demandèrent que
le coupable fût livré à la justice.
Lacroix s'y refusa. Et quand l'agitation fut calmée
et le silence rétabli, il se tourna vers l'agresseur
et lui dit : Vous avez agi méchamment ; vous avez
violé la loi des hommes aussi bien que celle de Dieu.
Je pourrais donc vous livrer aux magistrats et j'ai assez de
témoins ici pour vous faire condamner, mais je ne le
ferai pas. Jésus-Christ, mon Seigneur et Sauveur m'a
commandé d'aimer mes ennemis et de faire du bien
à ceux qui me maltraitent. Vous allez retourner libre
et en paix dans votre maison; seulement souvenez-vous, en
jouissant (le cette paix et de cette liberté, que
vous les devez à Jésus-Christ, que c'est pour
l'amour de Jésus-Christ que vous n'êtes pas
dans une prison.
Toute
l'assemblée fut saisie d'étonnement à
la vue d'une conduite si complètement opposée
à l'esprit de leur religion, et elle s'écria :
Victoire, victoire à Jésus-Christ !..
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Le prince
Galitzin.
Lorsque le
général russe, prince Galitzin, eut conquis la
forteresse de Schlüsselbourg, le czar Pierre 1er
voulant le récompenser lui dit: «Demandez-moi ce
que vous voulez, tout, excepté Moscou ou ma femme
Catherine. » Galitzin demanda la grâce de son
ennemi acharné, le vieux prince Repnin, que
l'empereur avait fait simple soldat, de
général qu'il était auparavant.
Il obtint sa
demande.
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Surmonte le
mal par le bien.
Un pasteur vit, un
jour, venir à lui l'un des anciens de sa paroisse.
Celui-ci lui confia que la nuit précédente, le
journalier N. s'était introduit dans le jardin du
presbytère et y avait 'volé une grosse
corbeille de pommes. Le voleur avait été vu
d'un témoin dont on ne pouvait mettre en doute la
parole.
«Je vous remercie
de cette amicale communication », répondit le
pasteur. Puis il fit chercher le journalier. Celui-ci arrive
sans appréhension, car le pasteur l'employait
constamment pour des travaux de diverses natures. Mon ami se
mit à causer avec une cordialité
particulière avec N., à lui demander des
nouvelles de sa famille, de chacun de ses nombreux enfants.
Il en vient même à parler de pommes et demande
à notre homme s'il en avait une provision. Le
journalier répondit que cette année-là
ses pommiers n'avaient pas donné de fruit. Alors, de
l'air le plus naturel du monde, mon ami de lui dire : «
Courez vite chez vous chercher un sac; nous le remplirons de
pommes dans mon jardin; c'est une surprise que je veux faire
à vos enfants. » La rougeur montait au front du
journalier. Mais ses refus embarrassés furent
inutiles. Il dut aller chercher le sac, et bientôt il
descendait au jardin avec le pasteur. On eût dit
à le voir marcher péniblement, en s'essuyant
le front, qu'il avait du plomb dans les jambes.
Il fut
procédé à une abondante cueillette,
puis le sac fut rempli jusqu'en haut. «Et maintenant, 1
mon cher N., lui dit le pasteur, emportez cela, n'oubliez
pas de saluer votre femme et vos enfants. » Le
malheureux n'y tint plus. Tout couvert de confusion, il se
laissa tomber devant le pasteur et lui confessa sa faute.
Dès ce jour, ce fut un autre homme : son coeur fut
ouvert à l'Evangile. De cette heure mémorable
date sa conversion, une conversion dont je puis certifier la
réalité; l'origine en fut la bonté
touchante du pasteur. Ce n'est pas de ce dernier, c'est du
journalier que je tiens l'histoire.
(FUNCKE, Toi et ton âme.)
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En face du
danger.
Le journal de
Château-d'Oex racontait qu'en 1896, l'inondation avait
submergé bien des prairies, et deux haines.
Deux voisins se
détestaient et n'étaient séparés
que par un ruisselet souvent à sec. Celui-ci devenu
énorme après la pluie de la nuit
débordait et les deux voisins travaillaient à
le contenir. Tout à coup l'un d'eux glissa dans
l'eau; il parvint à se retenir à une branche,
sans pouvoir gagner le bord à cause de la violence du
courant. En face du danger, il n'y a pas de haine qui
tienne. Le voisin Louis s'avança et lui tendit son
crochet en criant :
- Prends le manche,
David.
- Non, dit l'autre en
patois, je ne veux pas être sauvé par
toi.
- Mais prends-le donc,
l'arbre cède.
Dans un mouvement
instinctif, David prit le manche et fut ramené
à bord.
Dès lors le
torrent irrité est rentré dans son lit et a
repris son petit cours paisible, comme le calme et la paix
sont revenus après la tempête dans le coeur des
deux voisins.
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Le jour de
la vengeance.
(Conte
arabe)
Les Arabes
possèdent un vieux conte, assez extraordinaire, mais
qui renferme une bonne leçon.
Un orgueilleux favori
du monarque, passant sur la grand'route - ainsi dit
l'histoire - jeta une pierre à un pauvre derviche.
Celui-ci n'osa pas la renvoyer à son assaillant, car
il le savait très-puissant ; il la ramassa et la mit
soigneusement dans sa poche en se disant: « Le jour de
la vengeance viendra bien et alors le caillou me servira.
»
Peu de temps
après, ce même derviche, en se promenant dans
la ville, vit une grande foule qui venait de son
côté. C'était son ennemi tombé
en
disgrâce, qu'on
promenait sur un chameau à travers les rues
principales de la ville, pour l'exposer aux railleries et
aux insultes de la populace. A ce spectacle, le derviche
saisit fiévreusement la pierre qu'il avait dans sa
poche, en se disant: « Le jour de la vengeance est
arrivé ; la conduite insultante de cet homme aura sa
récompense. » Mais après un moment de
réflexion, il laissa tomber la pierre: « Le jour
de la vengeance ne vient jamais, se dit-il, car si notre
ennemi est puissant, l'idée de la revanche est aussi
dangereuse que folle; s'il est faible et malheureux, elle
est basse est cruelle. D'ailleurs dans tous les cas, elle
est défendue et méchante. »
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