GLANURES
(1)
10. - Oeuvres d'enfants.
Il faut si
peu.
Il faut si
peu de vent pour effeuiller la rose,
Pour priver l'arbre en
fleurs de son frêle ornement;
Pour ébranler
un nid, Il faut si peu de chose,
Il faut si peu de
vent.
Pour assombrir l'azur
d'une onde transparente
Il suffit que le ciel
ait un nuage obscur,
Il suffit d'un caillou
jeté dans l'eau dormante
Pour en troubler
l'azur.
Il ne faut qu'un
instant pour engourdir la sève,
Quand le gel vient
saisir l'arbuste grelottant ;
Pour briser une vie en
détruisant son rêve,
Il ne faut qu'un
instant.
Il ne faut qu'un peu
d'eau pour verdir l'aubépine,
Humecter le brin
d'herbe ou restaurer l'oiseau,
Pour remplir la
corolle où l'abeille butine
Il ne faut qu'un peu
d'eau.
Il suffit d'un regard
du soleil en automne ;
Pour nous faire
oublier de longs jours de brouillard
Pour verser la chaleur
dans un coeur qui frissonne
Il suffit d'un
regard.
Il faut si peu, si peu
pour calmer une peine,
Pour mettre au ciel de
l'âme un radieux coin bleu,
Pour aider au captif
à soulever sa chaîne,
Il faut si peu, si
peu!
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.
Dans le
deuil.
M. le pasteur Otto
Funcke venait de perdre sa jeune femme. Voici ce qu'il
raconte à ce propos dans ses souvenirs:
L'après-midi du
dimanche qui suivit l'ensevelissement, j'avais parlé
aux enfants du catéchisme de la résurrection
du fils de la veuve de Naïm. J'espérais sans
doute puiser moi-même un encouragement dans ce
récit, Je dis aux enfants que le Sauveur est toujours
le même, plein de compassion et d'amour pour ceux qui
souffrent, mais que, pour bien comprendre les
épreuves que le Seigneur nous envoie, il faut,
attendre jusqu'au grand jour où tout nous sera
expliqué et où Dieu essuiera toute larme de
nos yeux. J'insistai à plus d'une reprise sur ce
point: Jésus dit à présent à ses
disciples qui sont dans l'affliction : « Attendez
encore un peu de temps. »
Je me rendis ensuite
au cimetière et je m'assis auprès de la tombe
de Maria sur un banc que le menuisier avait eu l'obligeance
d'installer là. J'y restai longtemps, le coeur plein
d'une tristesse indicible, et les heures s'écoulaient
sans que je fusse capable d'un effort pour ranimer ma foi
qui chancelait de nouveau. La cloche du soir tinta dans le
paisible vallon, tandis que les derniers Payons du soleil
couchant éclairaient encore la cime des sapins qui
couvrent les pentes de la montagne située en face de
moi. Mais les beautés de la nature, me laissaient
insensible.
Alors une petite main
se posa sur mon épaule et une voix
étouffée par les sanglots murmura : «
Attendez encore un peu de temps. » Effrayé, car
je me croyais absolument seul, je me retournai et je vis
derrière moi un garçon d'une douzaine
d'années, nommé Pierre Wirth ; de grosses
larmes roulaient sur ses bonnes joues rouges. Il avait
assisté au catéchisme de l'après-midi,
et sans s'en rendre compte, il venait m'exhorter à
mettre en pratique la foi chrétienne que je
prêchais à d'autres. Ce garçon
était le plus sauvage, le plus bruyant' de tous ceux
qui m'étaient confiés ; il est vrai qu'il
m'avait témoigné une sympathie toute
particulière pendant les jours
précédents ; c'est' ainsi qu'il m'avait
apporté pour la tombe de Maria une grande
quantité de lierre et de pervenches ; mais je
n'aurais jamais supposé que ses sentiments fussent si
profonds et qu'il y eût chez lui tant de
délicatesse.. Ses paroles
m'électrisèrent; je repris force et courage et
après avoir embrassé l'enfant, je _rentrai
chez moi d'un pas plus ferme.
(OTTO
FUNCKE, L'empreinte des pas, etc.)
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.
Pour son
père.
Compromis dans une
affaire politique sous le règne de Charles II, sir
Patrick Hume dut se cacher pour échapper à la
mort. Il trouva d'abord un refuge dans le caveau
funéraire de sa famille, sous l'église
paroissiale. Un fidèle serviteur lui procura un lit
et des couvertures, et sa fille aînée, Grizel,
lui portait toutes les nuits sa nourriture.
La pauvre enfant
tremblait fort en traversant le cimetière ; peu
à peu, pourtant, elle s'accoutuma à ces
promenades nocturnes; mais son père s'ennuyait tant
dans ce noir cachot, qu'il changea de cachette plusieurs
fois et réussit enfin sous un déguisement
à gagner la France, puis la Hollande.
Sa femme et la plupart
de ses enfants le rejoignirent, mais ils durent vivre dans
une grande pauvreté, les biens de l'exilé
ayant été confisqués...
Sir Patrick passa
quatorze ans en Hollande, pendant lesquels sa fille remplit
les fonctions de servante. Lorsque Guillaume III monta sur
le trône, la famille rentra en Ecosse, le roi combla
sir Patrick d'honneurs, le créa comte de Marchmont et
lui rendit ses biens.
(Education chrétienne,
1892)
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.
Ernest de
Willich.
Un jeune
compositeur de cantiques.
Ernest de Willich
était un jeune garçon de douze ans, fils
unique de M. Ehrenfried de Willich, et petit-fils du grand
théologien Schleiermacher. C'était un enfant
plein de vie et richement doué. Ses parents l'avaient
conduit à la campagne, chez une tante, pour y passer
ses vacances, et l'y avaient laissé jouissant du
grand air, de, la belle nature et de la liberté. Mais
tout à coup il perdit son entrain. Son
exubérance de vie fit place à une lassitude
extrême. Bientôt il se plaignit que le genou lui
faisait mal. Comme on ne remarquait ni enflure, ni ecchymose
sur le membre endolori, la bonne tante fit étendre
son jeune malade sur un sofa, lui apporta des livres et lui
recommanda le rester bien tranquille, espérant que
cela ne tarderait pas à aller mieux. Mais au lieu de
cela, les douleurs devinrent si violentes qu'il fallut
l'emmener immédiatement à B., chez ses
parents. le médecin, appelé en toute
hâte, ne put se prononcer dès l'abord sur la
nature du mal mystérieux qui venait de se
déclarer si brusquement. Il ordonna que le jeune
Ernest demeurât étendu dans une
immobilité complète.
Sur le lit de maladie
dont il ne devait jamais se relever, Ernest de Willich, qui
avait été jusqu'alors un garçon rempli
d'entrain et de vie, montra une douceur et une patience
remarquables. Il souffrait ce pendant beaucoup. Au bout de
quelques semaines, il se forma sur le genou malade, puis sur
d'autres parties du corps, des tumeurs qui percèrent
plus tard et préparèrent au pauvre malade
d'indicibles tortures. Il vint même un moment
où les parents affligés ne surent plus comment
prendre ce pauvre corps et dans quelle position le
coucher.
Et cependant, au
milieu de ses souffrances atroces, l'enfant gardait une
inaltérable confiance en Dieu. Jamais il ne sortait
de sa bouche un murmure ou une parole d'impatience. Le
bâton et la houlette du bon Berger le rassuraient ; il
était plus calme, plus, résigné que,
tous les siens, et il ne cessait de consoler ses parents
profondément, affligés. Il semblait qu'on vit
grandir son âme à mesure que le mal
détruisait son pauvre corps.
Quand la souffrance
lui laissait un peu de répit, Ernest de Willich se
plaisait à composer des cantiques. Rien ne lui
faisait plus de bien que d'exprimer de la sorte sa confiance
dans le Sauveur. Puis, quand les heures de crise devenaient
plus cruelles, loin de se laisser aller, il trouvait dans
les vers que lui avait dictés sa foi, un motif de
plus de lutter, de persévérer et de croire.
Ces poésies touchantes soutenaient aussi ses parents
affligés, quand ils sentaient leur courage
défaillir, et, plus tard, quand leur fils unique eut
fermée les yeux pour toujours, ce précieux
monument de sa foi leur demeura comme une
consolation.
Une de ces
poésies a été mise en. musique par
l'oncle d'Ernest de Willich, le maître de chapelle
Radecke, et est devenue l'hymne favorite de l'empereur
Frédéric. En voici la traduction:
Quand Dieu
nous 'donne une croix,
Supportons-la sans
murmure;
Regardons au Roi des
rois
Qui console sans
mesure.
Quoi -qu'il m'arrive,
ô Seigneur,
Avec toi, plus de
frayeur.
Faible est souvent
notre coeur,
Rempli de
désespérance,
Quand s'éteint
toute lueur
De joyeuse confiance;
Mais, Seigneur, dans
ton chemin
Je suis heureux sous
ta main.
Quand j'espère
dans la foi,
Quand je t'invoque,
à mon Père,
Quand ta main se tend
vers moi,
Plus d'angoisse et de
misère;
Sur toi repose mon
coeur
Quoi qu'il m'arrive,
ô Seigneur!
L'auguste malade
aimait à se la faire chanter. Dans la grande et
mystérieuse épreuve qui l'avait frappé,
elle descendait sur son coeur comme une brise
céleste, et Dieu se servit ainsi du cantique d'un
enfant mourant, comme d'un messager pour porter la
consolation et la paix dans la chambre de maladie d'un
empereur.
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.
Prie et
travaille.
Dès l'âge
de sept ans, Abraham Lincoln, qui avait reçu une
petite hache, aida courageusement son père à
abattre les arbres, couper les branches et équarrir
les poutres nécessaires à la construction de
leur demeure de bûcherons. Dès lors, pendant
quinze années, il continua à seconder son
père pour défricher, bêcher et
ensemencer et récolter les céréales
destinées à la nourriture de la famille. Dans
cette rude existence de pionnier commencée de si
bonne heure, l'enfant des bois courait grand risque de
développer la force de ses muscles, la vigueur de ses
bras au détriment de son âme et de son coeur.
Il n'en fut rien, grâce à la douce et
délicate créature qui était sa
mère. Elle lui avait transmis, en lui donnant la vie,
ses aspirations supérieures, ses tendances vers
l'idéal; elle sut encore les faire croître et
les augmenter en lui. La plus touchante intimité
régnait entre eux. Ce fut elle qui lui apprit
à lire la Bible, et ce livre devint, à son
tour, l'ami, le consolateur, le guide spirituel d'Abraham
Lincoln..
Souvent, le soir,
quand le bûcheron harassé de fatigue
s'était jeté sur son matelas de feuilles
sèches. Abraham apportait une brassée de.
branches de pin, la jetait dans le foyer pétillant,
afin qu'à la lueur dansante, sa mère pût
lui lire un des beaux récits de la Bible, ou l'aider
à les déchiffrer lui-même. Ensuite, ils
faisaient ensemble leur prière. « Je me
souviens, » disait plus tard Lincoln, alors
président des Etats-Unis, « des prières
de ma mère; elles se sont attachées à
moi et m'ont soutenu toute, ma vie. »
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.
Fidèle à sa
mère.
Abraham Lincoln avait
neuf ans quand il perdit sa mère. Son père et
lui coupèrent un grand arbre; des planches ils firent
un cercueil où ils la déposèrent, puis
ils creusèrent une fosse dans la forêt et 1 'y
ensevelirent en pleurant...
L'âme tendre et
religieuse d'Abraham ne pouvait supporter l'idée
d'ensevelir sa mère, sans qu'une prière
fût prononcée sur sa tombe.
Parfois, dans ces
déserts du Nouveau Monde, un prédicateur
itinérant allait de pays en pays, de campement en
campement, de hutte en hutte, porter l'Evangile aux
pionniers disséminés. Quelques années
auparavant, un de ces hommes de Dieu, avait fait halte chez
les Lincoln. Dans sa détresse inexprimable, l'enfant
se souvint de la bonté qu'il leur avait
témoignée... Il savait un peu écrire;
de lui-même, il composa une petite lettre, - sa
première, - un appel naïf et poignant, qu'il
confia à un, voyageur, le conjurant de la faire
parvenir à leur ancien ami. Après bien des
vicissitudes, la touchante supplique atteignit son
destinataire. Quelques mois plus tard, le
dévoué missionnaire pouvait enfin franchir les
cent-cinquante kilomètres qui le séparaient de
la Crique du petit Pigeon, pour venir prononcer, sur le
tertre verdoyant qui recouvrait les restes de Mme Lincoln,
les paroles de vie éternelle et de suprême
consolation que le pauvre enfant avait tant besoin
d'entendre.
|
.
Pour un
chien.
Un jour, la famille
d'Abraham Lincoln dut, par un hiver rigoureux, traverser en,
radeau un fleuve à demi gelé, charriant
d'énormes glaçons. Un petit chien avait
été oublié sur le rivage; voyant
s'éloigner l'embarcation qui emportait ses
maîtres, il courait de long en large, jappant,
gémissant, affolé. « Je ne pus supporter
l'idée d'abandonner même un chien, »
raconta Lincoln; «aussi, j'enlevai mes souliers ; pieds
nus, Je traversai le fleuve en sautant d'un glaçon
sur l'autre. et, triomphalement, je revins apportant dans
mes bras le pauvre animal grelottant. Ses
frénétiques effusions de joie et de
reconnaissance me firent oublier bientôt le
péril auquel je m'étais exposé.
»
|
.
Dans la
clairière.
À quatorze ans
Lincoln avait atteint la taille d'un homme. Laid, gauche,
fruste, il était embarrassé de ses longs bras
'et de ses longues jambes dans des vêtements toujours
trop courts. Il était la douceur, la bonté
personnifiée. Il ne pouvait supporter de voir
maltraiter un être humain ou un animal.
Un jour, revenant de
l'école, il entendit dans une clairière de
grands éclats de rire; il s'approcha, et que vit-il?
Deux garnements de son âge, qui avaient allumé
du feu et posé des braises brûlantes sur la
carapace d'une malheureuse tortue, s'amusant de la course
folle que lui occasionnait la souffrance!
Révolté, Abraham bondit ; d'un coup de pied,
il fit voler au loin les tisons qui torturaient la pauvre
bête, puis, se tournant vers ses bourreaux, - car ce
pacifique savait s'indigner pour les justes causes - il leur
administra la plus magistrale correction qu'ils eussent
jamais reçue! Puis un peu calmé, il leur
démontra la lâcheté de leur conduite, et
ne les laissa partir qu'après leur avoir fait
promettre de ne jamais recommencer un jeu si cruel.
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.
Jusqu'au
roi !
Vers 1870, une jeune
paysanne laponne nommée Marie-Madeleine Mattison,
élevée par des parents pieux, sentit
s'éveiller dans son coeur le désir de faire
connaître l'Evangile à ceux de ses compatriotes
qui vivaient dans l'intérieur du pays. Pendant la
saison d'été, occupée à garder
les rennes de son père, elle avait le temps de songer
à ses projets ; mais, plus elle y
réfléchissait, plus cela lui semblait une
tâche au-dessus de ses moyens. Un jour, une
idée la saisit tout à coup: « Il faut que
j'aille parler au roi de Suède, on dit que c'est un
bon chrétien, et personne ne peut mieux que lui
éclairer le peuple dont, sans doute, il ne
connaît pas les besoins ! » Cette pensée
la terrifie tout d'abord, elle lui parait impossible
à réaliser. Comment elle, pauvre fille qui ne
sait pas un mot de suédois, qui n'a reçu
aucune éducation et n'a pas de ressources,
pourrait-elle entreprendre le long voyage à pied du
golfe de Bothnie à Stockholm, et arriver jusqu'au roi
? Les objections se pressaient en foule dans son esprit,
mais de semaine en semaine, cette idée s'implantait
dans son coeur et elle en vint à penser que
c'était un appel de Dieu. Elle se mit à
apprendre le suédois, et pendant trois années,
elle y consacra tous ses moments de liberté. Puis,
ayant obtenu la permission de ses parents, et chargée
de son mince bagage, elle partit bravement pour un voyage de
deux cents lieues à travers les plaines couvertes de
neige et de glace. Gardée par le Seigneur, elle
arriva à, Gefle, où elle put trouver une place
dans la diligence de Stockholm. Quand on sut dans quel but
elle avait entrepris ce long voyage, elle fut très
bien reçue. Les coeurs des chrétiens furent
émus aux récits qu'elle fit de l'ignorance des
Lapons ; on souscrivit de fortes, sommes, et on parvint
à présenter la jeune fille au roi ; elle put
plaider sa cause devant lui. Grandement
intéressé, ce prince promit sa protection
particulière à une mission
d'évangélisation au milieu de ce peuple. Ayant
terminé sa tâche, Marie retourna humblement
chez ses parents et reprit ses occupations
ordinaires.
(Education chrétienne,
1892).
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Générosité d'un
enfant.
il y a quelques
semaines, un monsieur qui cheminait dans les rues de Glascow
remarqua, poste dans un coin, à l'écart de la
foule, un petit décrotteur, muni de sa botte et de
ses brosses, dont la figure lui parut bien
pâle.
Touché par
l'aspect délicat de l'enfant, il résolut de
lui faire gagner quelque chose, et de lui demander de cirer
ses bottes.
Dès qu'il
eût fait signe, le pauvre garçon se
traîna vers lui en boitant pour se mettre à
l'oeuvre.
Toutefois, tandis
qu'il arrivait avec peine, voici un autre décrotteur
qui survient prestement et se dispose à prendre sa
place.
- Qu'est-ce que cela
veut dire? s'écrie le monsieur avec
indignation.
- Oh! c'est bien,
c'est bien, Monsieur! répondit gaiement le nouveau
venu, Jacques vient seulement de sortir de l'hôpital,
et nous autres, les camarades, nous faisons la besogne pour
lui, chacun son tour.
Jacques regarda le
monsieur en souriant, pour dire qu'il en était bien
ainsi.
Le monsieur fut si
content de cet exemple (le. générosité
et des nobles sentiments de ces pauvres jeunes
décrotteurs, .GW'au lieu de payer deux ou trois sous,
il tendit une pièce d'argent, en disant:
- Donne-lui en la
moitié et garde le reste pour toi.
- Non, non! Monsieur!
repartit vivement le brave garçon, en la remettant
à Jacques. Non! aucun de nous ne prend jamais rien de
l'argent de Jacques!
Et il s'éloigna
promptement.
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Sauvé par un petit enfant.
C'était pendant
le terrible hiver de 1877. Il y avait à New-York
trente mille ouvriers sans travail et la faim les
forçait souvent à mendier. Un
homme vint frapper
à la porte d'une maison et demanda quelque chose
à manger. Il disait que la fabrique d'étoffes
où il était occupé, venait de, fermer
et que sa femme se mourait.
La maîtresse de
la maison ne refusait jamais de nourriture aux
affamés; elle invita celui-ci à entrer dans la
cuisine et lui fit servir à manger.
C'était un
homme jeune, d'une figure agréable mais qui portait
les signes évidents de la dissipation. Tout à
coup, il laissa tomber sa cuiller et resta immobile, les
yeux attachés sur la porte, où venait de
paraître un enfant.
- Jeannot! Jeannot !
s'écria-t-il.
C'était
l'enfant de la dame, un enfant de trois ans, qui suivait sa
mère dans la chambre à coucher.
L'étranger,
pour cacher son émotion, lit entendre un gros rire
:
- Je vous demande
pardon, dit-il ; c'est votre enfant, sans doute ? Je... je
n'ai pas vu de petits enfants depuis longtemps.
Il se remit à
manger, mais au bout d'un moment, s'agitant sur sa chaise,
il dit d'une voix saccadée :
- Madame, il faut que
je vous le confesse, je ne suis pas, comme je vous l'ai dit,
un ouvrier sans travail; je sors de prison, où j'ai
fait mon temps de condamnation pour vol avec effraction.
J'ai été autrefois un honnête homme.
Mais j'ai abandonné ma vieille mère à
Pottsville, avec ma femme et mon... mon petit
Jeannot.
Tout en parlant, il
regardait l'enfant avec une expression à faire
peur.
- Petit-enfant, dit-il
enfin d'un ton suppliant et tendant les mains à la
petite créature, veux-tu me donner la main ? Je ne te
ferai pas de mal, va! -11 n'y a pas de danger!
La mère
tressaillit... mais l'enfant, avec un sourire,
s'élança, tes bras tendus, vers le prisonnier;
lui s'agenouilla près du petit être, les joues
inondées de larmes:
- Il ressemble tant
à mon petit Jeannot!
- Il vous faut
retourner auprès de votre enfant, de votre femme, de
votre mère ! dit la dame.
- Il est trop tard
pour redevenir honnête, dit-il. Puis il prit sa
casquette et s'en alla.
Six mois après,
cette dame recevait de Pottsville une lettre sans
orthographe, où elle déchiffra ces mots:
« Je suis revenu ici et j'ai du travail. Quand
j'arrivai chez vous, un soir, j'étais bien
décidé à retourner avec les camarades
qui m'avaient perdu. Mais, par la grâce de Dieu, votre
petit enfant m'a sauvé. Au lieu d'aller avec eux, je
suis revenu au près de ma femme. Il n'était
pas trop tard ! »
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