GLANURES
(1)
8. - Amour et
sacrifice.
Trois
traits de Luther.
Même lorsque sa
bourse était vide, ou à peu près,
Luther ne renonçait pas à assister les
nécessiteux, si bien que sou épouse Catherine.
malgré sa charité, trouvait parfois qu'il
allait trop loin. Un jour que sa femme était en
couches, un indigent vint implorer sa pitié ; il alla
prendre les cadeaux que les parrains et marraines venaient
d'offrir au nouveau-né à l'occasion du
baptême et les lui donna. Catherine s'étant
aperçue au bout de quelque temps que le petit
trésor avait disparu, jugea à propos de
sermonner un peu son mari. « Chère Catherine,
lui répondit Luther avec calme, Dieu est riche, Il
nous le, remplacera. »
Lorsqu'il n'avait pas
d'argent, venait le tour des bijoux et d'autres objets
précieux. Ainsi, pour procurer à quelqu'un un
prêt dont il avait besoin. il mit en gage quatre
gobelets d'argent. et lorsqu'un pauvre étudiant lui
demanda, un jour, du secours, il saisit, malgré les
coups d'oeil que lui lançait sa femme et les
protestations du jeune homme, une coupe de, vermeil que
l'électeur venait de lui offrir, l'écrasa
entre ses mains et la remit à l'étudiant en
disant: «Je n'ai pas besoin d'une coupe d'argent ;
tiens, porte-la chez l'orfèvre. »
Luther se promenant un
jour avec le docteur Jonas. fit l'aumône à des
pauvres qui passaient. Le docteur Jonas l'imita en disant :
« Qui sait si Dieu me le rendra ? » Luther lui
répondit : « Vous oubliez que Dieu vous l'a
donné. »
(F.
Luther.)
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Un
généreux Réformateur.
Le duc Albert de
Prusse, le généreux protecteur de tous ceux
qui travaillaient pour l'église et pour la science,
entretenait avec Mélanchthon une correspondance
très active sur les affaires politiques et
ecclésiastiques. Il voulut un jour lui offrir une
marque de son estime. Ne sachant s'il devait lui faire
remettre une somme d'argent où un don d'une autre
nature, il consulta sur ce point Justus Jonas de Wittemberg,
ami du réformateur. Celui-ci s'adressa au gendre de
Mélanchthon, professeur médecine et
d'histoire. qui lui fit cette réponse : «Je
voudrais que, personne ne pût donner de l'argent
à mon beau-père, car celui qu'on lui donne ne
profite ni à lui, ni à ses enfants : il le
distribue dès qu'il l'a reçu. Je sais l'usage
qu'il fait de ses appointements chaque fois qu'il les
retire. il les distribue jusqu'au dernier denier. Et s'il
manque alors quelque chose dans le ménage. c'est moi
qui y supplée. De cette manière. nous ne nous
enrichissons guère, ni lui. ni moi. » Il
conseilla qu'on lui fit présent d'une coupe. Elle ne
put être achevée avant la mort de
Mélanchthon.
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Pour leur
prince.
Le prince Emile de
Hesse-Darmstadt s'était fait aimer de ses soldats
dans la campagne de Russie pour sa bravoure et sa
bonté. Après le passage de la
Bérésina, il ne lui restait que dix hommes des
mille qu'il avait au début. A bout de forces. il leur
dit un soir qu'il était obligé de se coucher:
Si Dieu veut que nous luttions encore, qu'il nous
réveille demain ! - Le sommeil sur cette plaine
glacée. c'était la mort. Il s'enveloppa de son
manteau et se coucha. A l'aube. il se trouva sous une sorte
d'appentis couvert de chaume. le corps
pénétré d'une douce tiédeur,
couché, sur un amas de vêtements et recouvert
d'habits tous semblables. Il se leva, examina et reconnut
l'uniforme de ses soldats. Il en eut des larmes d'admiration
et de reconnaissance. Mais sa douleur fût grande en
voyant quelques pas plus loin les dix cadavres de ses
compagnons demi-nus et glacés.
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Un trait de
John Elliot, apôtre des Indiens.
Un jour, le
trésorier de l'église lui comptait son
traitement. Sachant combien il était facile à
Elliot de donner, cas échéant, tout cet argent
aux pauvres, il se mit à le nouer. aussi fort qu'il
pût, dans le mouchoir d'Elliot.
En chemin, une pauvre
famille demande a ce dernier l'aumône. Il est
impossible à l'ami des pauvres de passer sans rien
donner, mais les noeuds du mouchoir sont si serrés
qu'il ne peut les délier.
Que fait-il ? «
C'est Dieu qui a tout dirigé» ; et il jette le
tout à la pauvre femme.
Certainement, tout le
monde n'en pourrait faire autant. Ce qu'Elliot prodiguait
ainsi, avec peu de réflexion peut-être, sa
femme le lui retrouvait. Elle savait faire aller la maison
avec peu tic chose et supportait doucement cette faiblesse
de son mari. Souvent, à la vérité, il
la mit dans le plus grand embarras, car plus d'un
misérable exploita sa bonté bien
connue.
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Un
épisode de la guerre d'Amérique.
La terrible bataille
de Friedrichsburg, entre les armées des Etats du nord
et des Etats du sud, touchait à son terme. Les
blessés et les morts couvraient le sol d'un ravin qui
séparait les combattants. Quiconque se fut
exposé, eut reçu un boulet de canon.
Tout le jour, les
blessés, les agonisants criaient demandant : «
De l'eau ! de l'eau ! » L'après-midi, le
général inspectait le champ de bataille ; un
sergent l'arrête et lui dit, d'un ton
d'indignation:
«
Général, je ne puis plus supporter cela
!
- Qu'y a-t-il donc,
sergent Kirkland ? demande son supérieur.
- Toute la nuit et
tout le jour, j'ai entendu les cris de ces malheureux qui
demandaient : «De l'eau ! de l'eau ! » Non ! je ne
puis Plus le, supporter. Je vous, demande la permission
d'aller à eux et de leur porter de l'eau !
- Mais. Kirkland, ne
savez-vous pas que c'est exposer votre vie?
- Oui ! mon
général ; mais si vous le permettez. je suis
prêt à essayer.
- Après un
moment de réflexion, le général lui
accorda sa demande. Les yeux de Kirkland brillèrent
de joie.
- Merci, dit-il, en
descendant dans la vallée.
Soudain, il revint sur
ses pas.
-
Général ! puis-je prendre le mouchoir blanc
des parlementaires ?
- Non ! pas cela. dit
le général.
- C'est bien. Dans ce
cas. que Dieu me soit en aide ! je veux en courir la
chance.
Chacun le suivit du
regard. taudis qu'il commençait à accomplir
son oeuvre de miséricorde. Il atteignit sans danger
un groupe de blessés, s'agenouilla., appuya la
tête de l'un d'eux contre sa poitrine. et lui donna
à boire.
Puis il plaça
son havre-sac sous la tête d'un blessé et
continua longtemps son office de charité.
L'armée ennemie
avait compris son intention. De toutes parts, ou entendait
le râle des agonisants et le cri : De l'eau ! pour
l'amour de Dieu, un verre d'eau ! » Il était
plus émouvant encore,
l'appel de ceux qui,
n'ayant plus la force de parler, se contentaient de lever
faiblement la main. comme pour dire : «Ici. il Y a
encore de la vie et de la souffrance. »
Le bon sergent
travailla ainsi deux longues heures sans se lasser : enfin,
il put revenir à poste sans aucun mal. Qui dira le
doux repos qu'il goûta dans cette nuit à la
pâle lueur des étoiles ?
Le sergent Kirkland
était un jeune homme, quand il donna cette preuve
d'un admirable dévouement. A la bataille de
Gattisburg il se distingua par sa bravoure et fut promu
lieutenant. Mais à Chickamunga. il fut relevé
mort sur le champ de bataille. Brave compagnon ! les soldats
en parlent comme d'un héros.
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Emmanuel
Matamoros.
«Mais les autres
?» Telle fin la question posée par le martyr
espagnol Matamoros, lorsque les portes de soit cachot
s'ouvrirent devant lui, et qu'il se vit rendu à la
liberté. Il pensait, en s'exprimant ainsi. aux
compagnons de souffrance jetés avec lui en prison. Il
unissait dans son coeur leur sort, et le sien.
(FUNCKE. Toi et ton âme.)
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Deux
convois funèbres.
On vient de faire
paraître une biographie complète du Dr
Barnardo, le philanthrope irlandais, le bienfaiteur de tant
de milliers de pauvres enfants. Il connut lui-même
l'épreuve sous plus d'une forme. Dans les
premières années de son mariage, il perdit un
petit garçon, Kennie; ce fut pour lui un coup des
plus cruels, car il était à mi haut
degré, tendre époux et tendre père. Un
touchant incident se produisit lors des
funérailles
Une foule
considérable suivait le petit cercueil sur la grande
artère de Bow Road, qui traverse les plus pauvres
quartiers de Londres. Comme le cortège approchait du
cimetière, il fit rencontre d'un autre
cortège, bien modeste, qui suivait aussi le cercueil
d'un enfant. Le Dr Barnardo. voyant l'aspect
misérable de ce cercueil dépourvu de tout
ornement et de toute couronne, prit une brassée des
fleurs que ses amis avaient mises eu abondance sur le
corbillard et les plaça avec soin sur la bière
du pauvre. Preuve entre mille des compassions de son grand
coeur !
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Un brave
soldat.
Un jeune soldat se
tenait «au guichet de la poste et demandait à
l'employé de lui faire un mandat de cinq
francs.
C'est la
première fois. dit un vieux monsieur qui attendait
son tour, que je vois un militaire envoyer de l'argent.
Ordinairement, ils ne viennent ici que pour en toucher
!
Je vais vous dire,
expliqua le soldat : j'ai ma mère à la maison
; elle est vieille et ne peut plus gagner grand'chose. Alors
j'ai demandé d'être au service particulier du
capitaine, et tous les mois, je lui envoie mes cent
sous.
Le monsieur tira une
autre pièce de sa poche et la donna au jeune homme en
disant :
Tenez, mon
garçon. ajoutez ceci à votre mandat et
écrivez à votre mère que je la
félicite d'avoir un si bon fils.
Cette histoire est
vraie. nous voudrions la faire lire à maint conscrit,
trop pressé de demander des subsides pour ses menus
plaisirs à ses parents privés du
nécessaire.
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