Il est
écrit: TA PAROLE EST LA VERITE (Jean 17.17) Cela me suffit... |
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écrit: TA PAROLE EST LA VERITE (Jean 17.17) Cela me suffit... |
Deux compagnons d'infortuneJérémie DUPUY, de Caraman - Jean MASCARENC, de Castres
Dès qu'on s'aperçut que nous avions déserté, on fut trouvé M. le juge de notre ville pour l'avertir que je m'en étais allé avec deux de MM. de Baron, mes neveux, ayant abandonné nos maisons avec tout ce que nous y avions à la discrétion des gens de guerre. « Pour MM. de Baron, dit ce juge, je crois qu'ils reviendront ; mais pour M. Dupuy, je ne crois pas qu'il revienne ; c'est un huguenot à brûler. » Aussitôt que les gens de guerre furent arrivés, on les logea dans nos maisons, où ils firent mille ravages, comme nous apprîmes le lendemain à Toulouse, d'où étant partis le jour après pour aller aux environs de chez nous, nous y apprîmes plus particulièrement les désordres qu'on nous avait faits. Il est difficile qu'un riche entre au royaume des cieux (1). L'aîné de mes neveux qui m'avaient suivi, ayant appris qu'on avait déjà vendu ses meubles et son bétail pour la subsistance des gens de guerre qu'on avait logés chez lui, m'échappa, sous prétexte de faire retirer en quelque part sa femme et ses enfants qui étaient fugitifs à la campagne. Il aimait le bien du monde et il en avait beaucoup à perdre ; cela fit que ses amis n'eurent pas trop de peine à le résoudre à faire comme les autres pour sauver son bien et vivre dans quelque repos. Mais il achetait chèrement ces biens et ce repos passager, puisque c'était par la perte de soi-même et de sa famille, si Dieu ne leur fait la grâce de se relever, comme je l'en prie tous les jours de tout mon coeur. Cependant, il ne jouit pas longtemps de ce repos imaginaire, ni intérieurement, à cause des remords de sa conscience qui le bourrelaient incessamment, ni extérieurement ; car peu de temps après il fut pris par le prévôt, de l'ordre de M. l'Intendant, et mené prisonnier dans le fort de Brescou, sur le bord de la mer, près de la ville d'Agde, dans le Bas-Languedoc ; ce qui le chagrina beaucoup et lui fit dépenser une partie de ce bien qu'il aime tant et qu'il avait cru de conserver en abjurant sa religion. L'autre de mes neveux me suivit encore quelque temps. Je roulai quelques jours dans notre voisinage (2), où j'appris encore plus particulièrement le désordre et le fracas que les gens de guerre avaient continué de faire chez moi ; mais je me consolais en disant comme job : L'Eternel l'a donné, l'Eternel l'a Ôté ; son nom soit béni (3). J'étais résolu à tout perdre pour la gloire de Dieu, qui me faisait cette grâce de voir avec quelque joie le ravissement de mes biens, comme ces Hébreux dont parle un apôtre. je fus à une petite ville, à trois lieues de chez nous (4), où je rencontrai un de mes proches parents, qui ne manque pas d'esprit ni de connaissance de la religion, mais qui est si fort attaché aux biens du monde, qu'il avait succombé comme les autres pour en éviter la perte. Il voulut me persuader par ses discours à faire comme lui et comme tant d'autres avaient fait pour conserver leurs biens ; il me représenta que je risquais beaucoup, et que si je voulais m'opiniâtrer contre la volonté du roi, l'on achèverait de dissiper entièrement tous mes biens, qu'on me réduirait à la dernière misère, et que je serais obligé de souffrir beaucoup de fâcheux accidents qui me seraient insupportables. je lui dis que j'étais résolu à tout perdre et à tout souffrir pour la gloire de Dieu, plutôt que de commettre une action que je ne pouvais regarder qu'avec horreur ; qu'étant: résolu à perdre mes biens, ma liberté et ma vie, je n'avais plus rien à craindre ; que j'étais persuadé que Dieu ne m'abandonnerait pas ; que si je perdais mes biens, Dieu serait mon héritage, et qu'ainsi je n'aurais faute de rien, car rien ne défaut à ceux qui le craignent, et ceux qui cherchent l'Eternel n'auront faute d'aucun bien; (Ps. XXXIV) (5); que si je perdais la liberté du corps, Dieu me ferait la grâce de me conserver la liberté de l'esprit pour confesser sa vérité jusques à mon dernier soupir, et qu'ainsi je serais dans la liberté glorieuse des enfants de Dieu que les hommes ne peuvent pas nous ravir ; que si l'on venait à m'ôter la vie, je ne perdrais rien au change ; car au lieu de cette vie pleine d'ennuis et de misères, je jouirais de la vie éternelle et bienheureuse que Dieu réserve pour ceux qui le craignent, et qui persévéreront en sa vérité jusques à la fin. « je sais bien, lui dis-je, que liens et tribulations m'attendent si l'on peut m'attraper,mais je ne fais cas de rien pourvu que j'achève ma course, et j'espère que Dieu me fera la grâce de l'achever heureusement à sa gloire. » je lui. représentai qu'il était honteux pour lui de parler de la sorte et qu'il devait plutôt songer à se relever de sa chute qu'à faire succomber les autres. Il me dit qu'il n'entendait pas que je dusse abandonner ma religion pour toujours, mais que je le fisse pour si peu de temps que je voudrais pour pouvoir plus facilement sortir du royaume, comme il en avait aussi le dessein. « je ne le ferais pas pour un quart d'heure, » lui répondis-je brusquement ; il me laissa et se retira tout confus. En effet, je ne l'aurais pas fait pour un moment ; j'avais une telle horreur pour l'apostasie que je ne pouvais pas y songer sans frémir, et ce crime me paraissait si énorme que quand j'aurais été assuré de sortir le lendemain du royaume et qu'il ne m'en serait arrivé aucun mal, je ne l'aurais pas commis. Etant ainsi inquiété par mes parents, je résolus de m'en éloigner, et de sortir du royaume le plus promptement qu'il me serait possible. Il me semblait que j'entendais la voix de Dieu, qui me criait, comme autrefois au fidèle Abraham : Sors de ton Pays et d'avec ton parentage, et t'en va au pays que je te montrerai (6) ; et comme Abraham obéit à la voix de Dieu sans savoir où il allait, je me résolus de même, comme étant un des enfants d'Abraham par la foi, d'obéir aussi à la voix de Dieu sans savoir où je devais aller. En effet, je ne savais pas si j'irais en Angleterre, en Hollande, en Suisse ou en Allemagne ; j'avais seulement le dessein d'aller dans un pays où j'eusse la liberté de servir Dieu publiquement, selon la pureté de sa Parole, où j'espérais toujours que la Providence divine me conduirait. Quelques jours après, je retournai à Toulouse, où il était facile de se cacher parmi la foule de tant de gens qui abordent de toutes parts dans cette ville-là ; car j'avais été averti qu'on voulait m'arrêter si l'on pouvait savoir où j'étais. J'allai mettre pied à terre au logis où je savais que logeait M. Martel professeur en théologie (7), et les autres professeurs et ministres de l'Académie et de l'Eglise de Puylaurens, qui avaient été élargis et sortis de prison depuis quelques jours (8). Je voulais avoir l'honneur de les voir, et me consoler avec eux de nos malheurs.. Il se rencontra que c'était dans le même temps que l'on publiait à Toulouse l'édit du roi du mois d'octobre de cette même année 1685, portant suppression de l'Edit de Nantes. En entrant dans la chambre, je rencontrai M. Rivals, un des ministres de Puylaurens (9), qui lisait cet édit dès qu'il m'aperçut, il me dit : « Monsieur, voici votre article. » Il était à l'art. 12 dans lequel le roi permettait à tous ses sujets faisant encore profession de notre religion, de demeurer dans leurs maisons, et d'aller dans toutes les villes, terres et pays de son obéissance sans y pouvoir être troublés à l'occasion de ladite religion, leur défendant seulement les assemblées et l'exercice public de cette religion, tellement que plusieurs crurent qu'on nous laisserait en repos, et il y avait même quelque apparence à cela. L'exercice public de notre religion était aboli par cet édit dans toute la France, nos temples démolis, nos pasteurs exilés hors du royaume, et ceux qui faisaient encore profession de notre religion étaient en si petit nombre, qu'il semblait que cela n'était pas de conséquence ; d'ailleurs la mort en aurait tous les jours retranché quelqu'un, et ils ne pouvaient pas augmenter, parce que ce même édit portait que les enfants qui naîtraient de ceux de notre religion seraient élevés en la religion romaine. Ainsi l'on avait de la peine à se persuader qu'un édit authentique comme celui-là, qu'on avait pris soin de faire enregistrer dans tous les Parlements de France, demeurerait sans exécution à cet égard, et que l'on ferait tout le contraire de ce qui était porté par cet article. Pour moi, j'avoue que je donnai franchement dans le panneau, et ayant pris une copie imprimée de cet édit, je m'en retournai à Carmaing, non pas chez moi, car il n'y avait plus que les quatre murailles, mais dans la ville (10), où je demeurai plus de quinze jours sur la foi de cet édit, et mon neveu le cadet était aussi retourné chez lui à la campagne. Mon dessein n'était pas de demeurer là longtemps ; je n'étais pas content de cet édit, et je voulais une plus grande liberté pour pouvoir glorifier Dieu dans les saintes assemblées. Mais cependant je voulais tâcher de ramasser quelque argent de mes effets pour me sauver ensuite le plus promptement que je pourrais. Cet édit était un piège qu'on nous avait tendu pour nous surprendre ; l'on m'avertissait tous les jours que je ne devais pas m'y fier, qu'on me ferait quelque piège, et qu'on tâcherait de m'attraper pour me mettre en prison ; les catholiques romains étaient même des premiers à me donner de ces avis. Enfin, une nuit que j'étais couché chez un de mes parents, un homme arriva à minuit, qui me vint avertir qu'il avait vu partir un détachement des officiers et soldats du régiment de Conisrnarq (11), qui avaient ordre de marcher toute la nuit, et de me venir prendre au point du jour dans mon lit et mon neveu aussi. je montai à cheval dès que j'eus reçu cet avis, et m'en allai en diligence avertir mon neveu qui était à sa maison à la campagne, comme j'ai dit. Il fit partir sa femme d'abord, et nous attendîmes jusques au jour, parce que mon neveu faisait travailler à faire emporter quelque chose qu'il avait encore dans sa maison, jusques a ce qu'enfin nous vîmes arriver les soldats, qui étaient déjà assez près de nous, parce qu'ils venaient par un chemin couvert, et qu'on ne pouvait pas les découvrir de loin. Ils venaient à toute course pour investir la maison et pour se saisir de nous ; mais nous nous tenions sur nos gardes, et nous faisions tenir nos chevaux prêts. Dès que nous vîmes les soldats, nous montâmes à cheval pour nous garantir, n'appréhendant pas qu'on nous attrapât, car nous étions fort bien montés. Nous nous en allâmes ainsi en la garde de Dieu, en quoi je me confiais plus qu'en nulle autre chose, et je disais comme le prophète au psaume XCI :
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