LE PÈLERINAGE
DOULOUREUX
de
L'ÉGLISE A
TRAVERS LES ÂGES
5. Le bolchévisme
Au début de la Révolution russe,
la liberté religieuse fut proclamée. Mais, après
tant d'oppression et de souffrances, auxquelles vinrent s'ajouter les
pertes de la guerre, le pays s'enfonça plus avant dans le
désordre, chaque parti luttant pour obtenir lie pouvoir. De
vastes régions étaient la proie de l'anarchie la plus
complète. Des bandes de malfaiteurs armés soumettaient
le peuple sans défense à d'horribles violences. Quand
le parti bolchéviste eut le dessus, l'introduction de ses
principes fut accompagnée de meurtres en masse, de pillages et
de destruction. Bientôt vint la famine, et ce vaste pays,
autrefois si riche en denrées alimentaires, devint un vrai
tombeau. Le gouvernement bolchéviste s'appliqua à
anéantir toute forme de religion, si bien que l'Église
orthodoxe persécutrice devint à son tour la
persécutée. Les catholiques romains et les
luthériens eurent aussi à souffrir, ainsi que les
congrégations de croyants.
En Russie méridionale, des bandes de
brigands atteignirent parfois les proportions d'une armée. Ils
furent attirés par les richesses des mennonites, qui
souffrirent tellement, qu'en dépit de leurs traditions,
beaucoup d'entre-eux firent comme d'autres et se joignirent aux
troupes formées pour la défense des femmes et des
enfants. L'expérience des premiers temps de l'Église se
renouvela. Comme alors, Jacques mourut «par
l'épée» et Pierre fut délivré de ses
liens: de même quelques-uns connurent des délivrances
miraculeuses et d'autres eurent à endurer tout ce que la
cruauté des hommes put leur infliger. Beaucoup en conclurent
qu'ils traversaient les jours de la «grande tribulation».
L'Evangile agit avec puissance. Il y eut de nombreuses conversions, y
compris celles de pécheurs endurcis, de soldats de
l'Armée rouge si dégradés qu'ils n'avaient
d'autre plaisir que de verser le sang. Les croyants affligés
furent spécialement soutenus. On entendit souvent dire par
ceux qui avaient enduré des souffrances et des Insultes
inouïes : «Ne nous plaignez pas; c'est nous plutôt
qui pourrions vous plaindre; car nous avons appris de Dieu des choses
que vous ne pouvez savoir.»
Quand la première soif de destruction
fut assouvie et que le peuple commença à se plier, de
son mieux, à cette nouvelle forme de tyrannie - qui avait
remplacé l'ancienne - les églises de croyants eurent
à affronter un nouveau genre d'épreuves. Plus nombreux
que jamais, ils Jouissaient parfois, en certains lieux, d'une
très grande liberté et se développèrent
plus rapidement encore qu'auparavant, non sans être toujours
exposés à un retour de cruelles répressions. La
propagande anti-chrétienne du gouvernement exigeait des dons,
et des capacités spéciales chez ceux,
évangélistes et autres, qui avaient à la
combattre. Et ces dons leur furent richement accordés.
Auprès des congrégations non organisées, on
insistait par promesses et menaces pour qu'elles se formassent en
«soviet» ou fédération, avec laquelle le
gouvernement pourrait traiter beaucoup mieux qu'avec une multitude
d'églises autonomes. Beaucoup cédèrent; mais
d'autres, en grand nombre, préférèrent continuer
dans la voie qu'elles savaient être selon l'Écriture et
l'exemple apostolique, acceptant les pertes et les privations
qu'entraînait cette attitude.
Déjà en Würtemberg, le
rationalisme avait usé de persécution en chassant du
pays les pasteurs piétistes. Mais l'état de choses est
bien pire encore en Russie, sous le joug soviétique, où
l'athéisme est imposé au peuple par la force; où
l'on emploie la violence et la cruauté pour persuader les gens
qu'il n'y a point de Dieu, et pour obliger des hommes honnêtes
et moraux à participer à l'abolition de la
propriété et à la destruction de la vie de
famille. Là, l'État communiste violente la conscience
individuelle tout comme le firent les Églises catholique et
russe. Là, l'inquisition «rouge» prospère, en
ces jours de lumière et de science, tout comme l'inquisition
romaine dans les ténèbres du moyen âge.
6. Le baptisme allemand en Russie
1823-1930
L'histoire - passant pour véridique - a
fort bien réussi à faire considérer comme
identiques et les hommes pieux qui ne pratiquèrent que le
baptême des croyants, et les auteurs des coupables
extravagances de Münster, au seizième siècle.
C'est pourquoi quand, à Hambourg, en 1834, une dizaine
d'hommes et de femmes furent baptisés par immersion, pour
obéir à l'enseignement de l'Écriture, les
baptêmes durent avoir lieu secrètement et de nuit, pour
éviter les menaces d'interdiction. Telle était la force
du préjugé contre cette pratique.
L'un des baptisés était Johann
Gerhard Oncken (111).
Son admission dans ce cercle de croyants fut d'une
importance imprévisible, car il fonda des Églises
baptistes qui, après les premières luttes contre des
préjugés enracinés, se répandirent
rapidement en Allemagne, dans les pays adjacents, au sud-est de
l'Europe et dans la vaste Russie, tellement que leurs membres se
comptent aujourd'hui par centaines de mille.
La vie d'Oncken couvre la plus grande partie du
dix-neuvième siècle. Il vécut de 1800 à
1884. Il était originaire du petit duché de Varel,
gouverné par la famille Bentinck, dont l'une des branches
s'était fixée en Angleterre, avec Guillaume d'Orange,
et y était devenue fameuse. Le père d'Oncken fut
compromis dans une émeute patriotique contre Napoléon
1er, et dut s'enfuir en Angleterre, où il mourut, sans avoir
jamais vu son fils Johann Gerhard, né après la fuite de
son père.
A cette époque, l'Église
luthérienne de Varel était influencée par le
rationalisme. Le jeune homme grandit donc sans connaître le
chemin du salut. Lorsqu'il avait quatorze ans, un Écossais
passant à Varel pour affaires, se sentit attiré vers
l'adolescent et lui demanda s'il avait une Bible. «Non -
répondit-il - mais j'ai été
confirmé.» L'étranger lui donna une Bible et
l'emmena en Ecosse. Là, dans une église
presbytérienne, il entendit pour la première fois une
claire prédication de l'Evangile et en fut
impressionné. Plus tard, vivant à Londres dans une
famille pieuse, son coeur fut de nouveau touché, surtout par
le culte de famille et par les services de l'église
congrégationaliste fréquentée par ces personnes.
Finalement, après un sermon entendu dans une chapelle
méthodiste, il obtint l'assurance du salut et une joie dans le
Seigneur qui, dès le premier jour, le poussa à
témoigner pour Christ et à gagner des
âmes.
En 1823, il revint à Hambourg,
nommé missionnaire en Allemagne par la «Continental
Society», récemment fondée à Londres pour
l'évangélisation du continent européen. Ses
talents de prédicateur attirèrent bientôt la
foule et des conversions se produisirent dans les salles et sur les
diverses places de la ville où il annonçait l'Evangile.
Amendes et emprisonnements lui furent infligés pour avoir
répandu la «religion anglaise», mais
n'interrompirent pas son activité (112).
Il ouvrit une école du dimanche; puis,
comme il avait toujours activement distribué les
Écritures, il devint, en 1828, agent de la
Société biblique d'Edimbourg, position qu'il conserva
durant cinquante ans, faisant imprimer et distribuer pendant ce temps
deux millions de Bibles.
En étudiant les Écritures, Oncken
acquit graduellement la conviction que le N. Testament enseigne le
baptême des croyants par immersion. En examinant les nombreux
amis et convertis avec lesquels il était en contact, il
entrevit la possibilité de les réunir en églises
selon le modèle du N. Testament, n'acceptant comme membres que
des croyants baptisés par immersion. Plusieurs
déjà, après avoir étudié ensemble
l'Écriture, avaient décidé d'être
baptisés, mais en avaient été
empêchés parce qu'il n'y avait personne qui pût
les baptiser. Quelques-uns suggérèrent qu'il fallait
organiser des églises sans baptême, pour un temps, et
prendre la Ste-Cène ensemble. Oncken objecta que ce serait un
mauvais début qui pourrait compromettre le mouvement à
sa naissance. Après cinq ans d'attente, ils entrèrent
en rapport avec un baptiste américain, le professeur Sears,
qui les baptisa. Le jour suivant, les baptisés constituaient
une église, qui choisit Oncken comme pasteur et que Sears
consacra au ministère.
Les autorités civiles de Hambourg
déclarèrent bientôt leur intention de ne pas
tolérer cette nouvelle «secte» dans leur ville.
Oncken et d'autres durent payer des amendes et aller en prison. L'un
des lieux de détention, le Winserbaum, baigné d'eau de
deux côtés, était un bâtiment malsain et
malodorant.
Oncken eut des collaborateurs capables, entre
autres Julius Köbner, fils d'un rabbin juif du Danemark, auteur
de cantiques et prédicateur. Gottfried Wilhelm Lehmann en fut
un autre. Baptisé par Oncken, à Berlin, avec cinq
autres, ce noyau - sous la direction d'Oncken - devint la
première église baptiste de la capitale. L'oeuvre
grandit rapidement, accompagnée de persécutions,
surtout d'amendes et d'emprisonnements de la part des
autorités, mais aussi parfois de violences de la part du
peuple. Lentement, la confiance des autorités fut
gagnée et l'hostilité diminua. En 1856, l'église
de Hambourg obtint pleine tolérance et, en 1866, toutes les
dénominations religieuses de la ville furent mises sur un pied
d'égalité.
Oncken et Köbner instituèrent de
courtes périodes d'étude biblique pour jeunes gens,
afin de leur donner une préparation comme pasteurs des
églises naissantes. Ainsi commença le futur
Collège baptiste de Hambourg, où les candidats au
pastorat sont formés par quatre ans d'études. Le
mouvement grandissant fut organisé dans les divers pays
où il s'était implanté. Il y eut des
conférences annuelles de délégués et l'on
forma des comités de «frères administrateurs
», désignés pour s'occuper des diverses branches
de l'oeuvre. Un généreux appui financier était
donné par l'Amérique. Oncken devint missionnaire de la
Société missionnaire baptiste américaine et fit
de longs voyages. Le Collège, et les autres organisations,
comme l'oeuvre en général, étaient largement
subventionnés. Les convertis des diverses nationalités
furent aussi amenés à prendre leur part du
fardeau.
Quand les églises des baptistes
allemands se développèrent au sein de la nombreuse
population allemande de la Russie, elles vinrent en contact avec les
assemblées plus anciennes des croyants russes qui pratiquaient
aussi le baptême des adultes. En bien des cas, ces
dernières fusionnèrent avec les baptistes allemands, en
sorte que les nombreuses églises russes formèrent
bientôt deux grands courants. Les églises russes
primitives maintinrent l'autonomie de chaque congrégation,
tandis que les baptistes formèrent une
fédération, affiliée aux églises
d'Allemagne et d'Amérique. Les baptistes établissaient
un pasteur à la tête de chaque église, aux mains
duquel le baptême et la Cène étaient
confiés. Les anciennes églises russes avaient des
anciens dans chaque assemblée et tenaient au sacerdoce de tous
les croyants et à la liberté du ministère. Ces
points de vue différents déterminèrent les
expériences de ces deux sortes de rassemblements. Le
gouvernement favorisa le système baptiste parce qu'il
était plus facile de traiter localement avec les pasteurs et,
de façon générale, avec une organisation pourvue
d'un centre et d'une tête visibles, qu'avec les frères
qui maintenaient leur principe congrégationaliste, ou
autonome, étant moins aisément influencés par
l'hostilité du dehors. Les autorités, qui souvent
donnaient à ces derniers le nom de «chrétiens
évangéliques», essayèrent donc à
diverses reprises de les obliger à s'organiser, à
nommer un comité central et un président.
La question de l'acceptation des dons
généreux provenant des baptistes américains fut
aussi jugée différemment. Il était
évident que les baptistes russes étaient puissamment
aidés dans leur oeuvre par ces dons. Aussi fut-il
proposé d'en faire aussi bénéficier les
assemblées de frères qui ne portaient pas le nom de
baptistes. On stipula généreusement que le fait
d'accepter ces noms n'entraînerait pour les frères aucun
changement de nom ou d'ordre ecclésiastique, mais seulement
qu'ils seraient comptés comme appartenant à l'Union
mondiale des Églises baptistes. Une section, des frères
et des assemblées qu'ils représentaient étaient
disposés à accepter cet important secours, mais la
majorité déclina. Tout en appréciant l'amour et
la générosité qui avaient dicté cette
offre, ces frères sentirent qu'en acceptant ils seraient
liés en quelque mesure, et que le changement ainsi
apporté à leurs circonstances ne pourrait manquer un
jour d'influencer leur marche et les détourner de leur
entière et manifeste dépendance de Dieu. Ceci
confirmerait l'accusation qu'ils représentaient une religion
étrangère et un gouvernement étranger. Leur
conviction était que les principes de l'Écriture
s'appliquent à tous les pays et à toutes les
circonstances, à la pauvreté de la Russie comme
à la richesse de l'Amérique.
7. Fröhlich et les
Nazaréens, 1828-1930
Celui qui voyage en Europe centrale ou
méridionale ne peut qu'être frappé par le nombre
de villages qu'il traverse. Peut-être se demande-t-il ce qui
peut bien se passer dans ces groupes d'habitations humaines, souvent
peu attrayantes et si différentes de celles que l'on voit aux
abords des cités. Ces villages sont souvent le
théâtre d'expériences spirituelles vivantes et
l'on y rencontre beaucoup d'âmes sérieusement
influencées par l'importance de l'obéissance
personnelle ou collective à la Parole de Dieu.
La Hongrie, la Yougoslavie, la Bulgarie et la
Roumanie renferment de nombreuses congrégations de
chrétiens se nommant eux-mêmes Nazaréens
(113). Ils vivent si paisiblement et si
isolés de leur entourage que l'on entendrait à peine
parler d'eux, si ce n'était à cause de leur conflit
continuel avec divers gouvernements, du fait qu'ils refusent
absolument de porter les armes.
Voici ce qu'ils disent sur leur compte:
«Les apôtres prêchèrent la repentance et la
foi; ceux qui crurent furent ajoutés au peuple du Seigneur...
Des frères dans la foi ont existé à travers tous
les siècles - ici et là... Aujourd'hui encore un peuple
subsiste - celui de Dieu - dont les membres sont dispersés
dans le monde entier. Ils vivent tranquilles et retirés, loin
de la politique et des plaisirs du monde... Bien que n'étant
liés ensemble, ni par la race, ni par l'origine, ni par la
langue, ni encore par des liens, économiques et politiques,
ils sont fermement attachés les uns aux autres par un puissant
lien spirituel, l'amour divin... Ils sont devenus membres de ce
peuple de Dieu par une nouvelle naissance spirituelle... Ils sont
mariés à leur Rédempteur et Sauveur,
Jésus-Christ, et le servent corps et âme, car Il les a
achetés du monde avec son propre sang... Son enseignement
divin est leur guide pour la vie.»
Ils disent encore: «La gloire
éclatante de l'enseignement de Christ fut obscurcie... Alors
Dieu éveilla en Suisse, en 1828, un témoin
fidèle en la personne du prédicateur S. H.
Fröhlich, qui entra dans la «vie nouvelle en Christ»
par sa re-naissance... Ce fut lui qui ralluma les lampes à la
brillante lumière de l'Evangile. Pour cette raison, il fut
déposé, en 1830, de son office de pasteur. Il
commença à prêcher le pur Évangile et
réunit beaucoup de croyants en congrégations. Il
évangélisa la Suisse et se rendit jusqu'à
Strasbourg, où il mourut en 1857, en fidèle serviteur
du Seigneur... Les juifs appelèrent l'apôtre Paul le
«chef de la secte des Nazaréens ... » En Autriche,
en Hongrie et dans les Balkans, les croyants en Christ sont
nommés Nazaréens, jusqu'à ce jour.
Samuel Heinrich Fröhlich naquit en 1803
à Brugg, en Argovie. Il étudia la théologie
à Zurich et à Bâle et devint un rationaliste
(114). Son incrédulité
l'entraîna au péché et il s'opposa aux
Frères moraves et à d'autres qui étudiaient le
N. Testament grec. De fait, il combattait tous ceux qui
désiraient un renouveau spirituel. Mais à l'âge
de vingt-deux ans, il fut réveillé. Il réalisa
alors qu'il n'était pas digne de sa vocation pastorale. Il se
promit d'être fidèle à Dieu et s'efforça
de vaincre le péché en lui, mais se sentit de plus en
plus misérable et déficient. Dans les bois et sur les
montagnes, il se mit à crier à Dieu, Lui demandant son
secours. Toutefois sa détresse continua jusqu'à ce
qu'il eût regardé à Jésus et trouvé
la paix en Lui. Chez son père, il se prépara
soigneusement pour ses examens; mais ses tendances
évangéliques déplurent à ses
examinateurs, qui retardèrent son admission au pastorat,
jusqu'en 1827. Pendant de courts stages en différentes
paroisses, il étudia les Écritures et fut amené
à une plus grande liberté spirituelle. Il fut
envoyé à Leutweil, dans une église sans vie,
où, par sa prédication de Christ crucifié, un
réveil éclata, ce qui suscita l'opposition du
clergé. Il fut dès lors obligé, avant de
prêcher, de soumettre ses sermons aux anciens de son
église et au clergé des environs. Ceux-ci
éliminaient tous les passages qui présentaient l'homme
comme «mort par ses offenses et par ses
péchés», ou justifié uniquement par la foi
en Jésus-Christ. Cet enseignement apporte vie et
délivrance aux âmes chargées, mais pour les sages
il est folie et scandale. En instruisant ses
catéchumènes, Fröhlich fut éclairé
sur le baptême selon le N. Testament. Bien que
persécuté sans trêve, il continua son
ministère durant deux ans, lorsqu'en 1830, les
autorités ecclésiastiques, avec l'appui du
gouvernement, mirent de côté tous les anciens livres
religieux en usage et les remplacèrent par d'autres, de
caractère rationaliste. Ayant refusé d'accepter ce
changement, Fröhlich dut comparaître devant les
autorités pour cette offense et pour d'autres actions qui leur
avaient déplu. Il en résulta sa condamnation et sa
déposition pour avoir agi contrairement à la
loi.
Au cours de leurs voyages, deux ouvriers
serruriers hongrois vinrent de Budapest à Zurich, où
ils rencontrèrent Fröhlich. Ils furent convertis et
baptisés. De retour à Budapest, l'un d'eux, Johann
Denkel, témoigna fidèlement de l'Evangile à ses
camarades. Parmi ceux qui crurent, Ludwig Hencsey travailla
activement pour le Seigneur et fonda plusieurs congrégations
de «Nazaréens». D'entre les premiers amenés
à Christ se trouva un gentilhomme, Josef Kovacs, qui
correspondit en latin avec Fröhlich (1840). Une veuve, Anna
Nipp, offrit une chambre dans sa maison à Budapest, comme
premier local de réunion. Hencsey écrivit des livres
expliquant les principes de la foi. Ils furent copiés et
distribués par les convertis, ce qui augmenta le nombre des
croyants (1840-1841). Un groupe de frères rayonna de Budapest
en diverses directions et répandirent la foi. Des
congrégations se formèrent jusqu'aux frontières
de la Turquie. Plusieurs furent aussi fondées en
Amérique.
Partout et toujours les Nazaréens ont
reconnu les autorités constituées et les ont servies
loyalement, mais ils sont restés inflexibles dans leur refus
de porter les armes et de prêter serment. Malgré leur
bonne volonté de servir dans les unités
non-combattantes, les autorités militaires ne leur ont
témoigné aucun égard. Puis, à cause
même de leur grand nombre, on a intensifié les efforts
faits pour vaincre leur résistance. Ils furent traités
avec la plus grande sévérité. Beaucoup furent
mis en prison et y passèrent - dans des conditions
lamentables, loin de leurs familles et amis - la majeure partie de
leur vie. Maintes personnes, ne partageant pas leurs convictions, ne
purent qu'admirer leur patiente soumission, alors que groupe
après groupe comparaissait devant les tribunaux pour
s'entendre condamner à de longs termes d'emprisonnement,
rarement moins de dix ans. Cependant leur martyre continue. Plusieurs
ont été, non-seulement emprisonnés, mais encore
traités brutalement. En certains cas, où ils avaient
presque achevé leur temps de détention, on leur a
accordé un pardon qu'ils ne demandaient pas, en leur
restituant leurs droits civils et militaires, seulement pour les
sommer immédiatement de porter les armes. Sur leur refus, ils
se virent condamner à nouveau à une longue
captivité, sans tenir aucun compte de ce qu'ils avaient
déjà souffert.
S'inspirant de ses propres expériences,
Fröhlich n'hésita pas de condamner sans phrase la
religion formaliste qui dominait alors dans les grandes
églises, catholique et protestante. Aussi les Nazaréens
sont-ils généralement impitoyables dans leur jugement
de ce qu'ils croient être contraire à l'enseignement du
N. Testament. Chez eux, une église luthérienne sera
parfois décrite comme une «caverne de voleurs», et
beaucoup semblent à peine croire à la
possibilité du salut en dehors de leurs propres
assemblées. Cette exagération est évidente dans
l'enseignement de Fröhlich.
Écrivant (115)
sur «le mystère de la
piété et le mystère de l'iniquité»
(1 Tim. 3. 16; 2 Thess. 2. 7), il dit que ce dont l'humanité
souffre aujourd'hui n'est pas le résultat de la transgression
d'Adam, qui fut effacée par la mort de Christ. C'est
plutôt l'incrédulité de l'homme vis-à-vis
de Christ, qui a permis à Satan d'entraîner le monde
dans une seconde séduction et une seconde chute. Il en
résulte que les membres de l'Église soi-disant
chrétienne en sont venus à compter leur christianisme
comme quelque chose d'inné, basant leur religion sur le
baptême des enfants et sur d'autres formes, sans être
vraiment convertis, délivrés du péché,
des idoles et du pouvoir de Satan. La seconde et la pire illusion de
Satan, qui entraîne après elle la seconde mort ce sont
les formes vides et sans puissance du service divin et de la
piété. Seuls échappent au jugement ceux que Dieu
a appelés, qui ont affermi leur vocation et leur
élection par une entière sanctification.
Ces frères se répandirent dans
toute la large vallée et les plaines du Danube moyen,
pénétrant bien avant dans les Balkans. Ils se
distinguent de leurs voisins par leur gravité et leur
zèle tranquille. La persécution leur a
communiqué une force
de résistance invincible. S'ils sont entachés de
légalisme, ils montrent en revanche une grande patience
lorsqu'ils sont durement et injustement maltraités, et ne
rendent pas le mal pour le mal. Ils rendent un beau témoignage
dans leur entourage par la simplicité et par le
caractère biblique de leur culte et de leur vie
d'église.
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