Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
REGARD
Bibliothèque chrétienne online
EXAMINEZ toutes choses... RETENEZ CE QUI EST BON
- 1Thess. 5: 21 -
(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



LE PÈLERINAGE DOULOUREUX
de
L'ÉGLISE A TRAVERS LES ÂGES



 CHAPITRE XVI

Groves, Müller, Chapman

(1825-1902)

Églises formées à Dublin. - A. N. Groves. - Se rend à Bagdad avec d'autres frères. - Début de l'oeuvre. - Peste et inondations. - Mort de Mrs Groves. - Du renfort arrive d'Angleterre. - Colonel Cotton. - Groves part pour l'Inde. Buts de son séjour là-bas. - Ramener l'oeuvre missionnaire au modèle du N. Testament. - Unir le peuple de Dieu. - George Müller. - Henry Craik. - Église formée à la chapelle de Béthesda, Bristol, en Allemagne. - Institutions et orphelinat créés pour encourager la foi en Dieu. - Robert Chapman. - J. H. Evans. - Conversion de Chapman. - Son ministère à Barnstaple et ses voyages. - Cercles acceptant les Écritures comme leur guide.



1. Débuts des assemblées à Dublin

Dans la première partie du dix-neuvième siècle, bon nombre de personnes sentirent vivement l'importance aussi bien que la possibilité d'un retour aux enseignements de l'Écriture, non seulement quant aux questions de salut et de marche personnels, qu'à ce qui concerne le bon ordre et le témoignage des églises. Il y eut une sérieuse tentative de mettre en pratique ces convictions (116).

En 1827, Anthony Norris Groves, dentiste à Plymouth, se rendit à Dublin pour y poursuivre des études au Trinity College. Conversant avec John Gifford Bellett, avocat né à Dublin, avec lequel il étudiait la Bible, Groves fit la remarque que, selon l'Écriture, il lui semblait que les croyants se réunissant comme disciples du Seigneur étaient libres de rompre le pain ensemble, comme Christ le leur avait recommandé. Et encore que, se laissant guider par la pratique des apôtres, ils devraient, chaque dimanche, se souvenir de la mort du Seigneur et obéir à son dernier commandement. Peu après, ils découvrirent à Dublin un groupe de croyants qui se réunissait déjà de cette façon.

L'un des premiers membres de ce groupe fut Edward Cronin. Élevé dans le catholicisme, il s'était rattaché aux «indépendants». Comprenant l'unité essentielle du peuple de Dieu, il avait coutume de prendre de temps à autre la Cène du Seigneur dans diverses églises non-conformistes. En se fixant à Dublin, il apprit qu'il ne lui serait permis de rompre le pain dans aucune d'elles, s'il n'était pas membre de l'une ou de l'autre. Il estima que ceci était en contradiction avec cette unité même qu'il voulait reconnaître et refusa de se plier à la condition posée. Là-dessus, il fut publiquement censuré du haut d'une de leurs chaires. Un des agents de la Société biblique protesta contre ce blâme et, finalement, Cronin et lui se rencontrèrent pour prier et rompre le pain ensemble. D'autres s'étant joints à eux, ils tinrent leurs réunions dans la maison de Cronin, jusqu'en 1829. Leur nombre ayant augmenté, l'un d'eux, Francis Hutchinson, leur prêta une grande chambre chez lui, à Fitzwilliam Square.

A la même époque, un groupe semblable se forma encore à Dublin. Vers 1825, John Vesey Parnell (plus tard Lord Congleton) et deux de ses amis furent troublés à la pensée que la communion, dont ils jouissaient durant la semaine, était voilée chaque dimanche, du fait, qu'appartenant à des dénominations différentes, ils étaient obligés de se séparer le premier jour de la semaine. Ils essayèrent de découvrir un milieu religieux où ils ne seraient pas empêchés d'exprimer leur :unité spirituelle comme enfants de Dieu. Mais en vain. Alors persuadés qu'ils n'avaient nul besoin d'un bâtiment sacré, ni d'un ministre attitré, ils se rencontrèrent pour la fraction du pain dans une de leurs chambres. Peu après, un dimanche, l'un d'entre eux rencontra un membre du cercle de Bellett, qu'il savait être chrétien. Après une brève conversation, ils furent frappés de ce qu'étant un en Christ, ils suivaient des voies séparées, ce qui amena bientôt la réunion de ces deux groupes. Groves était reparti en Angleterre, mais Bellett et ses amis avaient vu se joindre à eux un jeune pasteur, John Nelson Darby. Tous se réunirent donc chez Francis Hutchinson, ayant soin de fixer pour leurs rencontres, des heures n'empêchant pas ceux qui le désiraient de fréquenter les services habituels des églises ou des chapelles.

Leur nombre s'accroissant, les réunions dans une maison privée devinrent peu pratiques. On loua alors une salle de ventes spacieuse où leurs cultes furent marqués par une grande joie, provenant du sentiment de la présence et de la bénédiction du Seigneur. Cronin écrivit alors (117): «Oh, quelles heures bénies pour mon âme, expérimentées aussi par John Parnell, William Stokes et d'autres, quand, le samedi soir, nous mettions les meubles de côté pour dresser la simple table avec le pain et le vin. C'étaient des moments de joie inoubliables, car nous étions assurés du sourire et de l'approbation du Maître en commençant un tel mouvement».

De temps en temps, ces frères découvrirent d'autres compagnies de croyants se réunissant ailleurs, dans les Iles Britanniques et au loin. Tous, sans se connaître, avaient compris dans leur coeur et conscience que le peuple de Dieu devait revenir à une obéissance littérale à sa Parole et en faire leur seul guide, dans la mesure où ils la comprenaient. Il y eut encore beaucoup de personnes qui, ayant eu individuellement le même désir, furent fort heureuses de se joindre à ce mouvement dès qu'elles en apprirent l'existence.


2. Anthony Norris Groves. Sa vie missionnaire (118)

Groves, dont la parole avait été si bénie à Dublin, bien que tout jeune homme, avait beaucoup prospéré dans sa profession. Il était heureusement marié, avait trois petits enfants, un foyer agréable à Exeter et tout un cercle d'amis et de parents selon son coeur. Avant sa conversion, étant encore adolescent, il avait senti que la vie missionnaire était le chemin idéal pour un chrétien. Quand il fut converti il se donna au Seigneur avec ce but en vue. Mais sa jeune femme, convertie vers la même époque et à laquelle il était très attaché, s'opposa absolument à la vocation missionnaire, bien qu'elle fût une avec lui dans le désir de servir le Seigneur. Ils décidèrent ensemble de réserver la dîme de leur revenu Pour la distribuer aux pauvres. Bientôt un quart fut mis de côté et, finalement, ils comprirent qu'eux et leurs biens appartenaient au Seigneur. Ils cessèrent alors d'économiser ou d'amasser de l'argent pour leurs enfants. Ils diminuèrent leurs dépenses, en vivant le plus simplement possible, et donnèrent tout le reste.

Sentant que sa femme était toujours opposée à leur départ pour la Mission, Groves ne parla plus du désir de son coeur; mais elle fit ses propres expériences. En exerçant la libéralité, elle vint en contact avec les pauvres et les malades, et en fut bénie. Au bout de quelques années, elle arriva toute seule à la décision déjà prise par son mari.

Il leur sembla alors qu'il serait bien que Groves fût officiellement consacré, afin de pouvoir partir comme agent de la «Church Missionary Society». C'est dans ce but qu'il se rendait de temps en temps à autre au «Trinity College», à Dublin, et qu'il eut, avec son ami Bellett, la conversation qui l'amena à rompre le pain dans les réunions mentionnées précédemment. Lors d'une visite ultérieure, il comprit par les Écritures que l'Esprit donne la liberté du ministère de la Parole de Dieu, et qu'il n'avait pas besoin d'être consacré par l'Église anglicane. Il en parla à Bellett: «Je suis assuré - lui dit-il - de la volonté de Dieu à ce sujet. Nous devons nous réunir en toute simplicité, comme des disciples, sans compter sur telle chaire ou tel ministère. Nous croyons que le Seigneur nous rendra capables de nous édifier les uns les autres, en nous communiquant ce qui Lui semblera bon». Bellet écrit: «Au moment où il dit ces mots, je fus persuadé que mon âme avait reçu une juste illumination; je me rappelle cet instant comme si c'était hier; je pourrais montrer l'endroit. Ce fut le jour de naissance de mon entendement spirituel ... »

Comme Groves désirait toujours s'associer à la «Church Missionary Society», il se rendit à Londres, espérant pouvoir partir comme laïque. Mais il retira sa demande d'admission lorsqu'il apprit qu'il ne lui serait pas permis de célébrer la Cène du Seigneur, même en remplacement d'un pasteur absent. Il avait été baptisé à Exeter, mais lorsqu'on lui dit: «Vous êtes évidemment devenu baptiste?» il répondit: «Non, je désire imiter les baptistes dans toutes les choses où ils suivent Christ; mais je n'aimerais pas, en m'associant à une dénomination, m'exclure des autres.»

En 1829, Groves et sa femme se mirent en route pour Bagdad, en passant par St-Pétersbourg et Tiflis. Ils étaient accompagnés de leurs deux garçonnets, de neuf et dix ans, et de leur précepteur Kitto (connu plus tard pour son érudition biblique), et de plusieurs autres personnes. Traversant le sud de la Russie en voiture, ils rencontrèrent quelques croyants mennonites. Dans la contrée montagneuse de la Transcaucasie, ils virent, au sommet d'une des innombrables montagnes, la ville bien bâtie de Choucha. Ils grimpèrent la pente rapide et une grande maison, l'une des premières de l'endroit, leur ouvrit ses portes. Ils y furent reçus par les missionnaires de la Mission de Bâle, Pfänder et le comte Zaremba, qui poursuivaient dans le pays une oeuvre importante, mais en furent finalement expulsés. Pfänder accompagna les voyageurs jusqu'à Bagdad et y resta quelque temps avec eux. Son expérience et sa connaissance des langues leur permirent de se mettre au travail plus vite qu'il n'eût été possible autrement. Il fut pourvu aux frais du voyage de diverses manières. Groves écrivit : «Je me sens si heureux de ne dépendre d'aucun système, de prendre contact soit avec les chrétiens de nom, soit avec les mahométans. Ma situation me permet de dire sincèrement aux premiers: - je ne désire pas vous enrôler dans une église quelconque, mais vous faire connaître la simple vérité de la Parole de Dieu, et aux autres. - Nous aimerions vous faire lire le N. Testament, afin que vous jugiez de la vérité de Dieu, non par ce que vous voyez dans les églises autour de vous, mais par la Parole même de Dieu».

La petite famille s'établit donc à Bagdad et l'étude de la langue commença. Le traitement des malades ouvrit bien des portes et une école prospéra dès le début. Les Arméniens se montrèrent accessibles et il y eut quelque contact avec Juifs et Syriens. Les mahométans furent souvent hostiles, mais quelques-uns furent atteints.

«Dans ces derniers jours - écrit Groves - les deux grands objectifs de l'Église me semblent être la publication en tous pays du témoignage de Jésus, et l'affranchissement des brebis de Christ, parfois emprisonnées dans les systèmes babyloniens de ce monde.»

Leur seconde année de travail commença avec de nombreux encouragements. Mais des bruits de guerre et des menaces d'épidémies ne faisaient que grandir. Lorsque la peste se déclara à Bagdad, la question se posa urgente. rester ou quitter la ville. Beaucoup de gens partaient. Mais l'école et l'oeuvre étaient pleines de promesses, et puis un groupe d'aides venus d'Angleterre avaient déjà atteint Alep. Aussi les missionnaires décidèrent-ils de rester. La peste commença à se répandre. Tous ceux qui purent partirent. Cependant beaucoup en furent empêchés par l'avance d'une armée assiégeant la ville. L'eau commença à manquer et des bandits, profitant des circonstances, se livrèrent au pillage. L'épidémie se propagea. La moitié de la population avait fui, mais il restait encore quarante mille personnes et il en mourut jusqu'à deux mille en un jour. Puis le fleuve monta et, après des journées d'anxiété dans l'attente d'une baisse des eaux, elles s'infiltrèrent dans la cité. Les murs minés tombèrent et une grande inondation emporta des milliers de maisons. Les pestiférés étaient entassés dans d'étroits espaces. La nourriture manquait. En un mois, plus de trente mille âmes avaient péri dans la plus affreuse misère! La moisson, prête à être rentrée, fut détruite sur quarante-cinq kilomètres à la ronde.

Quant à la petite famille missionnaire, elle eut le coeur déchiré à la vue des horreurs sans nom qui les entouraient de toutes parts. C'est pourtant à cette époque que Groves put écrire: «Le Seigneur nous a gardés dans une grande paix; nous nous sommes sentis assurés de sa tendre sollicitude et de sa fidélité quant à la promesse que notre pain et notre eau nous seraient donnés. Mais seul le service d'un tel Maître a pu me maintenir au milieu des scènes terribles qu'offrent ces pays, et je continuerai, je le sens, jusqu'à ce que Dieu ait achevé ses Jugements sur ce peuple, à cause de son mépris du nom, de la nature et de l'oeuvre du Fils de Dieu. je languis, dans l'espoir qu'il y a un reste parmi ces gens, et que ces calamités préparent le chemin de leur retour à Dieu... Le Seigneur a arrêté l'inondation juste au haut de notre rue par un petit renflement du sol. Nous sommes donc au sec, et l'épée de l'ange destructeur nous a tous épargnés.»

En vue de la ruine de l'oeuvre si heureusement commencée, il écrivait: «Il faut avoir une ferme confiance en l'amour de Dieu, et avoir expérimenté cet amour, pour garder son âme en paix, appuyée sur Lui, dans un pays si bouleversé. Il n'y a ici personne de notre nation et nous ne pouvons fuir dans aucune direction. Nous sommes enveloppés de la peste meurtrière et des flots destructeurs, et ne pouvons échapper à des scènes de misère qui nous angoissent l'âme sans que nous puissions y porter remède. Même en ce milieu, le Seigneur infiniment miséricordieux nous a toutefois gardés personnellement tranquilles et paisibles, cachés à l'ombre de son aile toute-puissante et nous a permis de nous réunir chaque jour au complet, alors que les dix milliers tombaient autour de nous. Et ce n'est pas tout. Il nous a fait comprendre pourquoi nous sommes restés à Bagdad, pourquoi nous n'avons jamais senti qu'il fût de notre devoir de quitter notre poste.»

Les eaux baissèrent; la violence de la peste diminua. Alors Marie, l'épouse et la mère, l'âme de la famille, dont l'amour, la grâce et la foi inébranlable avaient été un réconfort pour tous, tomba malade et, hélas! il fut bientôt évident que la peste l'avait atteinte. Son mari et une fidèle infirmière la soignèrent. Elle avait toujours cru qu'ils devaient rester à Bagdad, et maintenant il fallait envisager la perspective de laisser son mari, ses fils et un petit bébé, né dans un tel lieu! Elle put dire: «Les voies du Seigneur m'étonnent, mais plus encore la profondeur de ma paix en de telles circonstances». Elle mourut. Dans sa douleur unie à l'adoration, son mari s'écria: «Qu'il est dur pour l'âme de voir souffrir l'objet de la plus tendre de ses affections terrestres sans pouvoir donner aucun soulagement! et cela en sachant que le Père céleste qui a envoyé le mal peut l'ôter quoiqu'Il semble être sourd aux cris qu'on Lui adresse! En même temps je sentais, au tréfonds de mon âme en deuil que, malgré tout, Il est un Dieu d'amour infini. Satan m'a cruellement criblé, mais le Seigneur m'a fait voir dans le Psaume vingt-deuxième, un cri plus étonnant encore, apparemment resté sans réponse, et le St-Esprit m'a donné la victoire, me rendant capable d'accepter la volonté de mon Père, bien que je ne puisse encore comprendre le terme de ses voies saintes et bénies.»

Ensuite le bébé fut frappé et, malgré l'extrême dévouement du père, fut aussi repris. Groves lui-même tomba malade et pensa qu'il allait laisser ses enfants désolés, mais il se rétablit.

Lorsque la peste et l'inondation disparurent, l'ennemi s'avança du dehors. La ville fut assiégée et la populace régna au dedans. Plusieurs fois, la maison de Groves fut assaillie et pillée, mais ses habitants, bien que désarmés et sans défense, ne souffrirent aucun mal. Des boulets passaient sur le toit où ils dormaient et le bâtiment fut atteint par le canon. La violence dominait dans les rues et les enfants de la population chrétienne surtout furent abominablement traités. Enfin la ville fut prise. Les vainqueurs se conduisirent avec une modération inespérée; l'ordre et le calme furent rétablis.

Durant l'été de 1832, les aides longtemps désirés arrivèrent d'Angleterre. C'étaient Dr Cronin, devenu veuf, avec sa fille en bas âge et sa mère; John Parnell et Francis W. Newman (dont le frère, plus tard, devint le cardinal bien connu). Groves et tous ceux qui étaient avec lui furent grandement réjouis par ce renfort. Toute la maison entra dans une période, non seulement d'étude et de travail, mais encore de communion heureuse et bienfaisante les uns avec les autres, progressant dans une connaissance de Dieu plus complète et dans la sainteté. Ils avaient toutes choses en commun. Le vendredi, ils jeûnaient et priaient ensemble. Ils étudiaient beaucoup la Parole, et il y eut des conversions. Ce furent des temps inoubliables pour quelques-uns et qui marquèrent pour plusieurs personnes, de nationalités diverses, le commencement d'une vie nouvelle en Dieu.

La soeur de Cronin avait épousé Parnell à Alep, mais elle ne tarda pas à mourir, puis sa mère fut aussi reprise. La même année, Newman et Kitto allèrent en Angleterre pour chercher de nouveaux aides et, l'année suivante, les ouvriers de Bagdad eurent la visite du colonel Cotton (119) qui, par ses talents d'ingénieur et par son amour chrétien pour le peuple hindou, avait aboli les terribles famines périodiques du Delta de Godaveri et amené la prospérité à cette vaste population. Groves se rendit en Inde avec lui, laissant les autres frères à Bagdad pour un temps.

L'objet de ce voyage, écrivit Groves, était: «une union plus cordiale avec tous les missionnaires du pays, pour bien montrer, qu'en dépit de toutes les différences, nous sommes un en Christ, sympathisant à leurs souffrances et nous réjouissant de leurs succès». Il avait été préparé à ce ministère par les expériences poignantes qu'il avait faites. Puis son humilité remarquable et si réelle le rendait prompt à voir le bien chez les autres, lent à condamner. Enfin sa connaissance de l'Écriture et son sens pratique de l'oeuvre le qualifiaient comme sage conseiller. Il ne voyageait pas simplement pour louer tout ce qu'il voyait, mais indiquait aussi les possibilités d'amélioration. Il était si impressionné par les besoins des multitudes restées en dehors de l'Evangile qu'il préférait presque un effort quelconque pour les atteindre, si défectueux qu'il fût, à rien du tout. En outre, il espérait que, dans un pays non christianisé comme l'Inde, il serait en tout premier lieu possible aux vrais croyants de balayer toutes leurs divergences de dénominations et de réaliser l'unité essentielle des églises de Dieu dans l'obéissance aux Écritures et le support de l'amour. Cette attitude éloignerait le principal obstacle à la propagation de l'Evangile. C'était une grande entreprise qu'il fallait tenter à tout prix. Soit par de longs voyages dans tout le pays, pour visiter les missionnaires de diverses confessions, soit par des séjours dans quelque district spécial, Groves exerça un ministère plein de grâce et de puissance, et son amour désintéressé gagna beaucoup de coeurs et porta un fruit abondant dans la vie et le service de plusieurs. Toutefois, il y eut opposition quand il s'agit d'appliquer les principes de la Parole à des personnes et à des organisations qui s'en étaient écartées en quelque manière. Groves en souffrit vivement. Son ardent désir de servir fut parfois incompris par des missionnaires et sociétés, qui l'interprétèrent comme une critique et une manière de faire voir sa supériorité, menaçant plutôt la stabilité des organisations existantes.

Voici ce qu'en dit Groves: «Que nous sommes lents à apprendre réellement à souffrit, à être abaissés comme notre cher Sauveur! (Phil. 2. 3-10). Je pense pourtant qu'en général nous acceptons plus joyeusement quelque souffrance d'ordre physique ou moral que ce qui nous déshonore aux yeux du monde. Il faut une foi extraordinaire pour voir que notre abaissement est notre gloire, et notre faiblesse, notre force. Partout où je vais, je découvre la mauvaise influence des principes relâchés. je suis persuadé qu'en ne suivant pas notre Seigneur et qu'en adoptant le niveau du peuple que nous voulons servir, nous ruinons notre puissance réelle; en nous plaçant au-dessus d'eux, nous avons de la puissance, mais elle est terrestre. Oh, puisse le Seigneur susciter des hommes qui nous montrent la voie à suivre! En Inde, quand la vérité pénètre l'esprit d'une personne, elle semble la saisir avec plus de puissance et l'étreindre plus fermement que ce n'est généralement le cas en Angleterre. Les gens sont souvent laissés seuls avec la Parole de Dieu; le cercle des chrétiens de profession étant très restreint, les conceptions qu'ils se forment sont ainsi beaucoup plus bibliques. Aujourd'hui, il importe plus que jamais de faire des efforts spéciaux pour ne pas implanter dans ce pays les maux de la domination ecclésiastique, c'est-à-dire l'orgueil et la mondanité sous lesquels les églises nationales d'Europe ont gémi!»

Il est écrit encore. «Jamais l'Inde n'a connu une heure plus vitale que la présente. jusqu'à ce jour, tout dans l'église a été aussi libre que nos coeurs pouvaient le désirer. Des âmes se sont converties, soit en lisant la Parole de Dieu, soit par le contact humain; elles ont bu l'eau de la vie partout où elle coulait libre et limpide. Mais maintenant l'Église anglicane cherche à étendre son pouvoir. Les indépendants et les méthodistes essayent de parquer leurs petits troupeaux.

»En Inde, je poursuis un double but: arriver à entraver l'opération de ces systèmes exclusifs, en montrant que dans l'Église chrétienne ils ne sont pas nécessaires pour tout ce qui est sain et moral. Puis tâcher de convaincre chaque membre du corps de Christ qu'un ministère lui a été confié pour l'édification du corps, et, au lieu de décourager, encourager chacun à se mettre sur les rangs pour servir le Seigneur. Si Dieu me prête vie, j'ai grandement à coeur de former une église selon ces principes. Mon intense désir est de modeler à nouveau tout le plan des opérations missionnaires, pour les ramener au simple niveau de la Parole de Dieu. Le Seigneur m'a fortement encouragé, bien au delà de ce que j'osais espérer. je ne puis vous dire avec quelle affection J'ai été reçu, non dans un seul milieu, mais par tous.»

Il écrit une autre fois «Plus je vais de l'avant, plus je suis persuadé que le travail missionnaire en Inde d'après les méthodes européennes est entièrement au-dessus des indigènes. je ne vois pas non plus comment il pourrait y avoir d'oeuvre durable tant que les missionnaires ne s'approcheront pas du peuple mieux qu'ils ne l'ont fait jusqu'ici. Quand je mets cette question de caste en regard de l'humiliation du Fils de Dieu, J'y trouve quelque chose de profondément inacceptable, de particulièrement opposé à l'esprit de Christ. Lui, qui était Un avec le Père dans la gloire, s'est dépouillé Lui-même, et fui envoyé dans une chair semblable à celle du péché et est devenu l'ami des publicains et des pécheurs, afin de pouvoir les relever. N'est-ce pas odieux qu'un ver se refuse à manger avec un autre ver, ou à le toucher, de peur d'être souillé? Quelle condamnation frappante de tout ce système dans la révélation du Seigneur à Pierre. «Ce que Dieu a déclaré pur, ne le regarde pas comme souillé!»

En faisant des plans pour s'installer en Inde, Groves écrit: «Nous nous proposons de vivre très simplement et très économiquement; noire mode d'action sera strictement évangélique. Notre objectif principal sera de briser les odieuses barrières élevées par l'orgueil entre indigènes et Européens. Dans cette pensée, il serait bon que chaque évangéliste emmenât partout avec lui de deux à six catéchistes indigènes, avec lesquels il mangerait, boirait et dormirait en cours de route. Il parlerait avec eux des affaires du royaume - soit assis, soit debout - les préparant en peu de temps pour le ministère, comme le fit notre cher Maître avec ses disciples. Ce serait: précepte sur précepte... règle sur règle,... un peu ici, un peu là, selon leur réceptivité; sentant constamment qu'il ne nous appartient pas de faire faire aux autres ce que nous ne faisons pas nous-mêmes, ou d'agir selon des principes que nous ne pratiquons pas. Ne devons-nous pas être en tout des exemples de ce. que nous désirons voir chez nos chers frères. Je n'ai pas perdu l'espoir de voir se lever en Inde une église qui soit un petit sanctuaire au sein des jours sombres qui viennent sur la chrétienté.»

Après avoir visité l'Angleterre, où il se remaria, Groves retourna en Inde, amenant avec lui un groupe de missionnaires, entre autres les frères Bowden et Beer, avec leurs femmes, de Barnstaple, qui commencèrent une oeuvre dans le populeux Delta de Godaveri. Lui-même s'établit à Madras, où il fut rejoint par les amis laissés, à\ Bagdad. Il avait longtemps dépendu pour ses besoins des dons que le Seigneur lui avait envoyés par ses serviteurs. Il pensa alors, qu'étant donnée la situation à Madras, il valait mieux, pour le témoignage, suivre l'exemple de Paul qui, selon les circonstances, avait vécu soit des dons des églises, soit du labeur de ses mains. Il reprit donc son travail de dentiste et cela lui réussit.

Dans ses efforts pour aider aux diverses sociétés missionnaires, il rencontra de l'opposition, puis fut exclu de leur milieu et représenté comme un ennemi et un danger pour l'oeuvre. Ceci le peina profondément et contribua à lui faire quitter Madras pour se fixer à Chittour, qui devint bientôt un centre d'activité et de bénédiction.

Pour encourager les ouvriers du Seigneur à gagner leur vie, si possible, et les commerçants ou autres à travailler au bien des âmes, il acheta du terrain et s'occupa d'abord de la production de la soie, puis de la culture de la canne à sucre, ce qui lui permit d'employer beaucoup d'hommes. Parfois il prospéra, mais il y eut aussi des pertes. Il accepta une fois un prêt, qu'on lui offrit, pour développer son entreprise. Mais cela l'entraîna dans beaucoup de peines et de soucis, en vue de rembourser. Il s'explique alors dans une lettre envoyée en Angleterre:

«Votre générosité nous est doublement précieuse, car elle prouve la constance de voire amour envers nous individuellement, mais par-dessus tout envers l'oeuvre du Seigneur dans ces pays désolés et négligés. je crois que nous éprouvons tous un intérêt grandissant pour le plan missionnaire que nous poursuivons maintenant travaillant nous-mêmes ou nous associant à ceux qui exercent d'«honnêtes métiers»... Nous donnons aussi un exemple à d'autres afin que, faisant de même, ils puissent aider les faibles. Décemment, nous avons entendu parler de plusieurs missionnaires, qui s'intéressent vivement à la perspective de notre succès. Le cher jeune indigène, Aroolappen, qui nous a quittés il y a quelques mois, est resté fidèle à son propos, en dépit de beaucoup de découragements et de séductions. Il a résolu de commencer son travail dans un voisinage populeux, près des collines de Pilney, district de Madura, un peu au sud de Trichonopoly. Il espère y être rejoint par un frère indigène qui consent à venir construire, «la truelle d'une main et l'épée de l'autre» - comme la muraille doit s'élever, je crois, en ces temps troublés. - Ce cher Aroolappen a refusé toute forme de salaire, parce que, dit-il, les gens lui diraient sans cesse qu'il est payé pour prêcher. Quand il ne quitta, je désirais lui remettre une somme mensuelle fixe, comme rétribution des traductions faites pour nous. Mais, différant en cela des autres indigènes, il refusa toute somme stipulée... Les deux autres que j'ai mentionnés sont un Anglais... et un relieur hindou, décidés à suivre le même chemin.»

Au sujet de l'Anglais, il écrit encore: «Il est acclimaté et peut parcourir sans fatigue cinquante-cinq kilomètres par jour. Il parle et écrit couramment le tamil et le Télégou et a abandonné un gain mensuel de trente-cinq roupies, un cheval et une maison, pour se vouer à l'oeuvre de Dieu. Il visite tout le pays tamil et télégou dans un petit char rempli de livres, de traités et d'objets à vendre. En route, il prêche l'Evangile aux indigènes dans leurs propres langues et, en anglais, aux soldats des postes militaires. Il a déjà été l'instrument de la conversion de deux indigènes; l'un d'eux est... le relieur, l'autre, un de nos serviteurs. je vous assure que, même si notre labeur n'eût produit aucun autre fruit que ces deux ou trois frères pratiquant ces principes de service, nous serions heureux dans la pensée que notre travail n'aurait pas été vain dans le Seigneur. Nous pouvons admettre, je crois, que, par la bonté de Dieu, notre séjour en Inde nous a permis de mettre sur pied ce genre de ministère parmi les chrétiens indigènes et les païens et j'ai confiance que Dieu nous aidera à l'affermir et à l'étendre. Ceux qui connaissent les indigènes sentiront sans doute, comme moi, que cette méthode missionnaire, de placer l'Hindou dans une dépendance absolue de Dieu, est calculée pour développer cette individualité de caractère, dont on a tant déploré l'absence et pour laquelle on a rarement cherché un remède. Par nature, l'indigène aime être assuré de son bien-être, ce qui le maintient dans la dépendance des hommes. D'autre part, il plaît à l'Européen de tenir l'indigène assujetti et de dominer sur lui. Mais il est de toute évidence que si les églises indigènes ne se fortifient pas en apprenant à s'appuyer sur le Seigneur, et non sur l'homme, les changements politiques d'une heure peuvent balayer l'ordre de choses actuel, pour autant qu'il dépend des Européens, et ne rien laisser subsister. La dernière visite d'Aroolappen à sa famille, à Tinnevelly, a amené la discussion de ces principes parmi l'ensemble des ouvriers. Bien qu'il ne se soit pas fixé au milieu deux, Il vit assez près d'eux pour qu'on puisse l'observer, ainsi que les principes qu'il met en action. Nous recommandons à vos ferventes prières ces premiers bourgeons dus à la puissance de l'Esprit - tels que nous les croyons, - afin que nos frères puissent persévérer dans un esprit d'humilité vraie et de dépendance de Dieu. Le fait que notre position ici place notre oeuvre pastorale et notre communion sur un simple plan chrétien parmi les indigènes, n'est certes pas la caractéristique la moins importante de notre travail. jusqu'à notre arrivée, seul un indigène consacré avait le droit de célébrer la Cène et de baptiser; et, quand nos frères chrétiens, Aroolappen et André, participèrent à la Cène du Seigneur avec les chrétiens indigènes, il y eut effervescence et enquête, plus que vous ne pouvez l'imaginer. La constante référence à la Parole de Dieu a placé, et place encore, les questions relatives au service et au gouvernement de l'Église sur un plan complètement nouveau dans l'esprit de beaucoup.»

Tout ceci n'empêchait pourtant pas Groves de réaliser qu'il y a des hommes appelés parfois à consacrer tout leur temps au ministère de la Parole. Aussi écrit-il: «Je ne doute pas que ceux que Dieu a appelés à son service doivent s'y donner entièrement... des pasteurs et des docteurs reconnus sont essentiels au bon ordre de toutes les assemblées, de ceux que Dieu a appelés et établis. Je n'ai aucune objection à m'unir aux chrétiens qui n'ont pas de pasteurs, s'il avait plu à Dieu de ne pas leur en donner; d'autre part, il me serait tout à fait impossible de m'associer personnellement à ceux qui les rejettent comme inutiles ou non bibliques.» A cette date, il écrit de lui-même: «Je désire vivement, si le Seigneur enlève les difficultés, consacrer le reste de ma vie à un ministère ininterrompu.» Parlant de deux membres de l'Église anglicane qui avaient beaucoup aidé les frères Bowden et Beer, dans leur oeuvre du Delta de Godaveri, il dit: «Leur système peut être sectaire, mais eux ne le sont pas. Il vaut dix fois mieux avoir affaire à ceux qui sont larges dans un système sectaire qu'à ceux qui sont sectaires sans système.»

Alors qu'il visitait l'Angleterre, en 1853, il tomba malade et mourut, souffrant beaucoup, mais en paix, à l'âge de cinquante-huit ans, chez Georges Müller, à Bristol.



Table des matières

.
116 MSS. of J. G. Bellett and Ed. Cronin. «A History of the Plymouth Brethren», W. Blair Neatby.

117 M. S. Ed. Cronin.

118 «Memoir ci the laie Anthony Norris Groves containing Extracts from his Letters and Journals». Compiled by his Widow 1850.

119 «Gen. Sir Arthur F. Cotton. His Life and Work», Lady Hope.

 

- haut de page -