LE PÈLERINAGE
DOULOUREUX
de
L'ÉGLISE A
TRAVERS LES ÂGES
7. G. Fox et la
Société des Amis
A Drayton-in-the-Clay,
comté de Leicester, vivait un couple pieux, Christopher et
Mary Fox. En 1624, ils eurent un fils, nommé. George
(91). Comme enfant déjà,
il «avait une gravité et une fermeté de
pensée et d'esprit rares chez un jeune garçon».
«Quand je voyais - dit-il - des hommes âgés se
conduire légèrement, j'en éprouvais du
dégoût et je me disais: Si jamais je deviens homme, je
n'agirai pas ainsi.» A l'âge de douze ans, il comprit
qu'il devait être sobre en paroles, et que «oui» et
«non» pouvaient suffire à ses réponses. Il
décida aussi de manger et boire avec modération pour
maintenir sa santé, faisant usage des créatures qui le
servaient, comme rendant leurs services à la gloire du Dieu
qui les a créées». Après avoir passé
quelque temps dans les affaires, n'ayant alors que dix-neuf ans, il
se sentit appelé de Dieu à quitter la maison et passa
quatre ans à voyager, retournant de temps à autre chez
lui. Pendant ce temps, il passa par un sérieux exercice
spirituel, priant, jeûnant et faisant de longues promenades
solitaires. Parlant à beaucoup de personnes, il fut
troublé en découvrant que les gens apparemment
religieux ne possédaient pas ce qu'ils professaient. Aux jours
de fête, tels qu'à Noël, au lieu de prendre part
aux réjouissances habituelles, il allait de maison en maison,
visitant de pauvres veuves et leur donnant de l'argent, dont il avait
assez pour ses besoins et pour secourir son prochain. Au cours de ses
promenades, il avait - ce qu'il appelait - des «illuminations du
Seigneur.» Un jour, non loin de Coventry, il
réfléchit que l'on appelait croyants tous les
chrétiens, protestants ou papistes. «Mais - se dit-il -
on ne peut être croyant, sans être né de nouveau,
sans avoir passé de la mort à la vie», d'où
il conclut que beaucoup de ceux qui s'appelaient chrétiens ne
l'étaient réellement pas. Une autre fois, un dimanche
matin, il traversait un champ lorsque le Seigneur lui dit:
«Étudier à Oxford ou à Cambridge ne suffit
pas à qualifier des hommes pour être ministres de
Christ». Il fut impressionné par ce verset: «Vous
n'avez pas besoin qu'on vous enseigne, mais... son onction vous
enseigne toutes choses» (1 Jean 2. 27) et pensa que ces paroles
justifiaient son absence des lieux de culte, et qu'il suffisait de
lire sa Bible dans les vergers et les prairies.
Vint alors une nouvelle
lumière: «Le Dieu qui a fait le inonde... n'habite point
dans des temples faits de mains d'homme». Ceci le surprit, car
on parlait habituellement des églises comme des «temples
de Dieu», «lieux saints» ou «lieux
solennels». Alors il comprit que le peuple de Dieu est son
temple, car Il habite en lui. Après cela, il quitta son foyer
et sa parenté et commença une vie errante, logeant
quelques semaines dans une ville, puis se dirigeant vers une autre.
N'ayant plus besoin du clergé, il se tourna vers les
dissidents, mais n'y trouva rien qui pût le satisfaire.
«Alors - dit-il - quand mes espoirs dans les uns et dans les
autres furent évanouis, quand je ne sus plus de quel
côté me tourner, ni où chercher
extérieurement du secours, alors, oh! alors, j'entendis une
voix, me disant: Un seul, Jésus-Christ, peut comprendre tes
besoins, et, à ces paroles, mon coeur bondit de joie». Il
connut enfin la paix, entra en communion avec Christ, vit qu'il avait
tout pleinement en Celui qui avait tout fait pour lui et en qui il
croyait. Il ne pouvait assez louer Dieu pour sa grâce. Il
comprit le commandement du Seigneur d'aller dans le monde entier,
pour amener les hommes des ténèbres à la
lumière. «Je vis - dit-il - que Christ étant mort
pour tous, servait de propitiation pour tous, et éclairait
tous, hommes et femmes, par sa vie divine et rédemptrice, et
que personne ne pouvait être un véritable croyant, sinon
celui qui croyait en elle ... » Il ajoute : «Ces choses ne
nie furent pas révélées par les hommes, ni par
la lettre - bien qu'elles y soient contenues. Mais je les vis dans la
lumière du Seigneur Jésus-Christ, directement par son
Esprit et par sa puissance, comme les saints hommes de Dieu qui
écrivirent les Stes-Lettres. Cependant, j'avais une grande
estime pour les Stes-Ecritures. Elles m'étaient très
précieuses, car j'étais dans cet Esprit qui les a
inspirées et je découvris dans la suite qu'elles
corroboraient ce que le Seigneur m'avait
révélé». Beaucoup de gens
s'assemblèrent pour entendre ce frère et plusieurs
furent convaincus. Les réunions des «Amis»
débutèrent bientôt dans plusieurs
localités.
L'un des principes de Georges
Fox était le refus du port d'armes ou de participation
à la guerre. Il mit de côté tout emploi de la
force et enseigna que le chrétien devait tout supporter et
tout pardonner. En outre, il n'admettait ni le serment, ni le
payement des dîmes. Il était téméraire
à l'extrême dans l'application de ses principes et dans
l'accomplissement de cette mission. En voici un exemple, tiré
de son journal. «Je me rendis - écrit-il - à une
autre «maison-clocher», à environ trois milles de
distance, où prêchait un grand prêtre,
appelé docteur... J'y entrai et j'y restai jusqu'à la
fin du service. Le prêtre avait pris ces paroles pour texte:
«Vous tous qui avez soif, venez aux eaux, même celui qui
n'a pas d'argent! Venez, achetez et mangez; venez, achetez du vin et
du lait, sans argent, sans rien payer». Alors, poussé par
le Seigneur Dieu, je lui dis: «Descends de ta chaire, trompeur;
tu invites les gens à boire gratuitement Peau de la vie et tu
leur demandes trois cents livres par an pour prêcher les
Écritures. Tu devrais rougir de honte. Ont-ils agi ainsi,
Esaïe et Christ qui ont prononcé ces paroles sans se
faire payer? En envoyant prêcher ses disciples, Christ ne leur
dit-il pas: «Vous avez reçu gratuitement, donnez
gratuitement?» Frappé d'étonnement, le
prêtre disparut. je pus alors parler assez longuement à
son troupeau et m'efforçai de le conduire des
ténèbres à la lumière, à la
grâce de Dieu qui instruit chaque âme et l'amène
au salut. je leur parlai aussi du St-Esprit qui deviendrait en eux un
guide».
Un conflit éclata et
s'étendit bientôt à tout le pays et au
delà. Les méthodes des Amis renversèrent les
projets de tolérance du gouvernement et la surexcitation
locale se manifesta par des actes d'extrême violence. On tourna
en dérision les «Amis» en leur donnant le nom de
«Quakers» (trembleurs). Ils furent battus, mis à
l'amende, jetés dans des prisons nauséabondes et soumis
à toute espèce d'indignités. Fox lui-même
fut plusieurs fois emprisonné, frappé et
maltraité; toutefois le nombre de ses adhérents ne
cessait d'augmenter. Il s'en trouva souvent mille dans une même
prison. jamais ils ne fléchirent ou cherchèrent
à éviter la persécution, tout au contraire. En
dépit de tout, la Société des Amis grandit, ses
réunions remplirent le pays et formèrent des
évangélistes, hommes et femmes, qui ne reculaient
devant aucun danger. Ils se répandirent bientôt à
l'étranger ; à l'ouest, jusqu'aux Indes occidentales et
dans les colonies de la Nouvelle-Angleterre ; à l'est,
jusqu'en Hollande et en Allemagne.
Lors du règne de Jacques
II, les circonstances furent favorables aux Amis, comme à
d'autres, et la Société put développer ses
institutions pour le soulagement de la souffrance et la suppression
de l'injustice, au moyen desquelles elle s'est toujours
distinguée.
La puissance du
témoignage des Amis réside aussi bien dans le
réveil de la vérité oubliée, que dans la
réalité du St-Esprit habitant dans les coeurs. La
Société ne fonda pas des églises, dans le sens
scripturaire du terme, puisque l'enrôlement des membres ne
reposait pas sur la conversion, ou la nouvelle naissance et que les
formes extérieures du baptême et de la Ste-Cène
n'étaient pas observées. Cependant, les réunions
étaient des occasions où le St-Esprit avait la
liberté d'agir par qui il voulait, sans aucune restriction de
règlements humains.
8. Nouveaux conflits;
littérature religieuse; Bunyan
Lors de la Restauration, il y
eut un retour à la vieille tactique de forcer tout le monde
à se conformer aux pratiques de l'Église anglicane. En
1662, on publia l'Acte d'Uniformité, qui exigeait que tout
ministre de l'Église exprimât devant sa
congrégation son entier assentiment et consentement à
tout ce que renfermait le Livre de Prières. Il
réclamait en outre, la consécration épiscopale
pour les ministres. Deux mille pasteurs, et beaucoup parmi les
meilleurs, refusèrent la soumission à cet Acte et
furent expulsés de leurs églises. Ceci renforça
grandement les non-conformistes anglais; mais un acte succéda
à l'autre pour les réduire à l'impuissance. On
leur défendit de faire partie des organisations municipales;
de tenir des réunions de plus de cinq personnes, outre les
membres de leur propre famille, d'occuper aucun poste gouvernemental.
On interdit encore aux ministres déposés, dans un rayon
de huit kilomètres environ, la visite des bourgs ou des
localités où leur activité s'était
autrefois exercée. Toute contravention à ces lois
était sévèrement punie. Cependant les baptistes
et les indépendants tenaient des réunions
secrètes; les Quakers continuaient à s'assembler
ouvertement et les prisons recommencèrent à se remplir.
Amendes, piloris et geôles infectes furent de nouveau en pleine
activité. Ce fui la reprise du conflit continuel et
désespéré entre l'Église anglicane et les
dissidents, qui dura depuis le milieu du dix-septième
siècle jusque bien avant dans le dix-neuvième. Petit
à petit pourtant, cette persistante hostilité fut
brisée et les dissidents obtinrent enfin la jouissance de
leurs droits de citoyens dans leur pays natal.
Durant ces longues luttes, les
chrétiens des diverses dénominations eurent ample
occasion de faire provision de grâce et de puissance
spirituelle et intellectuelle. Parmi une multitude d'hommes
distingués, nommons ici. Baxter, presbytérien connu par
son ouvrage «Le repos éternel des saints»; John
Owens, qui exposa avec puissance les doctrines des églises
congrégationalistes ; Isaac Watts, encore un
indépendant, dont les cantiques donnèrent une nouvelle
expression à l'adoration et à la louange; et John
Bunyan, l'auteur du Voyage du chrétien, livre qui a
probablement été lu plus que tout autre, à
l'exception de la Bible. Par ses souffrances et ses labeurs, Bunyan
s'est placé aussi au premier rang.
L'église de Bedford,
dont il fut d'abord membre, puis l'un des anciens et ensuite le
pasteur, a préservé, dans ses procès-verbaux,
des notes sur le soin qu'il apportait à son ministère
(92), priant et jeûnant avant la
réception de membres et dans l'exercice de la discipline,
visitant et instruisant diligemment les croyants. Même sous la
pression de la persécution et de l'emprisonnement, appauvris
par les amendes et chassés d'un lieu de réunion
à l'autre, les anciens de cette église accomplirent
avec une fidélité inlassable le ministère qui
leur avait été confié. Bien que la
congrégation fût baptiste, ils ne firent jamais du
baptême le fondement de la communion, ni ne
considérèrent les divergences d'opinions sur ce point
comme une barrière devant séparer des frères.
Bunyan désirait la communion fraternelle avec tous les vrais
chrétiens. Il écrivit. «Je ne veux pas que le
baptême d'eau devienne la règle, la porte, le verrou, la
barre, le mur de séparation entre justes et justes.» Et
encore: «Que le Seigneur me délivre des pensées
superstitieuses et idolâtres quant aux ordonnances de Christ et
de Dieu! Puisque vous désirez savoir par quel nom je me
distingue des autres, sachez que c'est par le nom de chrétien
- et j'espère que je le suis - je veux, si Dieu m'en trouve
digne, être appelé chrétien, croyant ou de tout
autre nom approuvé du St-Esprit.»
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