LE PÈLERINAGE
DOULOUREUX
de
L'ÉGLISE A
TRAVERS LES ÂGES
4. Arminius et les exilés en
Hollande; les Pères pèlerins
'Vers la fin de son règne, Elizabeth
cessa d'emprisonner ceux qui refusaient d'adhérer à
l'Église anglicane. Elle se contenta de les bannir du royaume.
Ce fui ainsi que beaucoup de Brownistes et d'anabaptistes se
réfugièrent en Hollande. Ils fondèrent à
Amsterdam une église qui, sous la direction de Francis Johnson
et de Henry Ainsworth, publia, en 1596, une «Confession de Foi
de certains Anglais vivant en exil dans les Pays-Bas».
La Hollande fut un centre très important
d'activité spirituelle. Parmi les éminents docteurs qui
y vivaient, nul n'exerça une influence plus étendue que
Jacob Arminius (1560-1609) (90). S'il est vrai que son nom est
associé à de vives luttes religieuses - arminiens
contre calvinistes -, il n'était pourtant pas l'homme d'un
parti et ses vues n'étaient pas extrêmes. Depuis les
jours où Augustin et Pélage avaient lutté, l'un
pour défendre la souveraineté de Dieu en matière
d'élection, l'autre pour revendiquer le libre arbitre et la
responsabilité de l'homme, ces questions vitales des relations
entre Dieu et l'homme n'avaient pas cessé de se poser aux
esprits et aux coeurs. Calvin, et quelques-uns de ses disciples
encore plus que lui, en montrant puissamment ce que nous enseigne la
Bible sur la souveraineté et l'élection divines,
avaient sous-estimé les vérités correspondantes,
également contenues dans les Écritures. Leur logique en
s'appuyant sur une partie seulement de la vérité
révélée, avait abouti à conclure que
l'homme est soumis à des décrets absolus auxquels il ne
peut rien changer. Un enseignement si exagéré devait
nécessairement amener une réaction, qui à son
tour, tendrait à l'extrême. Élevé dans la
doctrine calviniste, Arminius - connu de tous comme un homme au
caractère pur, capable et hautement cultivé - fut
choisi pour écrire la défense du calvinisme le plus
modéré, attaqué de divers côtés.
Mais, en étudiant son sujet, il dut constater que beaucoup de
ses vues étaient insoutenables. Elles faisaient de Dieu
l'auteur du péché, limitaient sa grâce
rédemptrice et laissaient la majorité des hommes sans
espérance, ou possibilité de salut. Il vit par les
Écritures que l'oeuvre expiatoire de Christ était pour
tous, et que le libre arbitre de l'homme fait partie du décret
divin. Il revint donc à la doctrine et à la foi de
l'Église primitive en évitant les extrêmes dans
lesquels les deux partis étaient tombés au cours de
leur longue controverse. Par l'exposé sincère des vues
qui étaient devenues siennes, il s'attira des conflits
tellement violents qu'ils troublèrent son esprit et
raccourcirent sa vie. Le réveil méthodiste donna plus
tard à son enseignement une forme vivante et
évangélique.
Quand Jacques 1er monta sur le trône, il
s'appliqua à uniformiser la religion, alors qu'il y avait eu
une liberté relative depuis la fin du règne
d'Elizabeth. Les émigrations continuèrent,
malgré l'opposition des autorités. Il y avait alors
à Gainsborough, une congrégation de croyants
dirigée par John Smyth. Cette église en forma une
autre, dont les membres avaient d'abord fréquenté le
culte de Gainsborough, faisant dans ce but quinze à dix-huit
kilomètres de marche chaque dimanche. La réunion se
tenait à Scrooby Manor House et John Robinson en fit partie,
depuis que la persécution l'avait obligé à
quitter sa congrégation de Norwich. Ces frères ne
furent pas laissés longtemps tranquilles. On surveilla leurs
maisons, on les priva de leurs moyens d'existence, ou on les
emprisonna. Quelques-uns ayant vainement tenté de fuir en
Hollande, il fut finalement décidé qu'ils
émigreraient tous ensemble, comme église (1607). Leur
voyage fut interrompu par des arrestations
répétées, des emprisonnements et des
séparations douloureuses. Ils arrivèrent enfin par
petits groupes, dénués de tout, mais pleins de courage
et retrouvèrent leurs compagnons de route. A Amsterdam et
ailleurs, les églises les accueillirent.
L'Église d'Amsterdam souffrit
bientôt de divergences de vues. Les mennonites hollandais
étaient en faveur du baptême des adultes ainsi que John
Smyth et Thomas Helwys. Mais la plupart des membres s'y refusaient.
Il y eut de vives dissensions; Smyth, Helwys et quarante autres
croyants furent exclus de la communion et constituèrent une
église séparée. Les baptistes maintenaient
également que le pouvoir civil n'avait aucun droit
d'intervenir en matière de religion, ou d'imposer une forme de
doctrine quelconque. Ils pensaient que les autorités devaient
s'occuper uniquement des questions de politique et du maintien de
l'ordre. Les autres frères estimaient qu'il était du
devoir de l'État d'exercer un certain contrôle sur les
points de doctrine, ou d'organisation ecclésiastique. Tout en
protestant contre les mesures restrictives employées à
leur égard, ils ne consentaient pas à accorder pleine
liberté à ceux qui différaient de leur
manière de voir. Les partisans de Smyth pensaient que, pour se
conformer à l'enseignement du Seigneur, un chrétien ne
devait ni porter les armes, ni siéger comme magistrat ou chef
d'État. Johnson et Ainsworth étaient toujours plus
enclins à adopter la forme presbytérienne de
gouvernement ecclésiastique, ce qui ne plaisait pas à
John Robinson.
Pour mettre fin à ces discussions,
Robinson et d'autres allèrent fonder une église
à Leyde, où ses membres vécurent dans la paix et
l'harmonie, car le ministère de John Robinson se distinguait
par sa largeur d'esprit comme par sa puissance. Non seulement ces
églises procurèrent un foyer aux saints
persécutés et proclamèrent la
vérité, mais elles exercèrent encore une
influence étendue. Quand certains de leurs membres purent
retourner en Angleterre, ils fortifièrent grandement les
croyants. En 1612, Helwys et quelques autres formèrent,
à Londres, une église baptiste. Quelques années
plus tard, un associé de Robinson, Henry Jacob, contribua
à établir, dans la capitale, une église
indépendante, de laquelle se séparèrent plus
tard des baptistes calvinistes, ou «particuliers». D'autres
frères eurent une sphère d'activité plus vaste
encore.
Ces exilés se sentirent de plus en plus
appelés à la fondation d'églises dans le
Nouveau-Monde, où ils jouiraient d'une pleine liberté
de conscience, de culte et de témoignage. Après
beaucoup de prières et bien des négociations, le
Speedwell partit pour la grande entreprise. La séparation fut
dure des deux côtés. Dans un mémorable discours
adressé aux frères sur le navire en partance, à
Delft Haven, Robinson leur dit: «Je vous adjure devant Dieu et
les anges bienheureux de ne me suivre qu'en tant que vous m'avez vu
suivre le Seigneur Jésus-Christ. Si Dieu vous
révèle quelque chose par un autre de ses serviteurs,
soyez aussi prompts à obéir que si vous l'aviez
reçu par mon ministère. je suis absolument convaincu
que le Seigneur a d'autres vérités à nous
communiquer par sa sainte Parole. Pour ma part, je ne puis assez
déplorer la condition de ces églises
réformées qui ont acquis un certain degré de
religion, mais ne veulent pas aller au delà des instruments de
leur réformation. Les luthériens ne peuvent voir que ce
que vit Luther; ils mourraient plutôt que d'accepter tel aspect
de la vérité révélée à
Calvin. Quant aux calvinistes, vous le savez, ils se cramponnent
à l'héritage laissé par ce grand homme de Dieu,
qui pourtant ne savait pas toutes choses. C'est une pauvreté
lamentable, car, si ces hommes ont été, en leur temps,
des lampes qui brûlèrent et luirent dans les
ténèbres, ils n'avaient pas encore
pénétré dans tout le conseil de Dieu. S'ils
vivaient de nos jours, ils seraient prêts à embrasser
une lumière plus intense que celle qui les avait d'abord
éclairés. Car il est impossible, en effet, au monde
chrétien - plongé encore si récemment dans les
épaisses ténèbres anti-chrétiennes -
d'arriver tout d'un coup à la perfection de
connaissance.»
Le Speedwell fut rejoint par le Mayflower,
emmenant un groupe de croyants anglais. Les deux vaisseaux
quittèrent l'Angleterre en même temps, mais le
Speedwell, ayant une vole d'eau, dut renoncer au voyage. Tous les
passagers s'entassèrent alors sur le Mayflower et le petit
navire mit à la voile à Plymouth (1620). Ils furent
assaillis par une terrible tempête. Mais, fermes dans leur
projet, ils luttèrent vaillamment et, au bout de neuf semaines
de traversée, cent deux hommes atterrirent à Plymouth
Bay, dans la Nouvelle-Angleterre. Ils y fondèrent un
État, qui prospéra plus que tout autre en
Amérique du Nord et porte encore l'empreinte du
caractère des hommes et des femmes qui le fondèrent,
dans la crainte de Dieu et l'amour de la liberté.
5. Églises diverses en Angleterre
et en Ecosse
L'Église anglicane sortie de
l'Église de Rome, dont elle se sépara, se modifia sous
l'influence des réformateurs, luthériens et suisses. De
ce fait elle réunit les caractéristiques de tous ces
systèmes. Elle fit du roi son chef et garda ainsi un
caractère politique. En commun avec les
réformés, elle conserva une partie du système
clérical de l'Église catholique, avec les sacrements
intangibles du baptême des enfants et de la Ste-Cène
administrés par le clergé. Au début, elle
n'était pas épiscopale; mais, vers la fin du
règne d'Elizabeth, elle commença à imiter Rome
sur ce point et, avant longtemps, elle avait adopté ce
système de gouvernement. Les puritains, au sein de
l'Église anglicane, furent l'élément qui lutta
constamment contre tout ce qui venait de Rome. Ils
s'efforcèrent de donner à l'Église une forme
nettement protestante et souffrirent beaucoup dans leur lutte pour
maintenir l'autorité des Écritures, en résistant
aux décrets des chefs religieux.
Les presbytériens étaient en
sympathie plus étroite avec les réformés
continentaux que ne l'étaient les anglicans. Le
presbytérianisme devint la religion nationale de l'Ecosse,
tandis que l'Angleterre repoussa un éloignement si
marqué de l'uniformité. En 1572, les autorités
firent fermer une église presbytérienne, formée
à Wandsworth. Les indépendants maintinrent la doctrine
scripturaire de l'autonomie de chaque congrégation de croyants
et de sa dépendance directe du Seigneur. Différant
absolument de la religion établie, ils n'accordaient ni au roi
ni aux évêques la place qu'ils avaient prise dans le
gouvernement de l'Église et leur refusaient même le
droit d'être membres de l'Église, à moins qu'ils
ne fussent convertis. Cette attitude intransigeante leur attira de
violentes persécutions. Ils furent entassés dans les
prisons, mis à l'amende, mutilés et
exécutés avec une cruauté inlassable. Les
baptistes étaient considérés comme pires encore,
car, non seulement ils partageaient les vues des indépendants
sur l'église, mais encore ils contestaient à
l'État le droit de se mêler des questions religieuses.
En outre, ils rejetaient le baptême des enfants et ne
baptisaient que les croyants, coupant ainsi à sa racine le
pouvoir clérical. Ils étaient en contact spirituel avec
les anabaptistes, les Vaudois et d'autres frères, partageant
naturellement, avec les indépendants, le violent
déplaisir des hommes qui voulaient à tout prix forcer
la nation tout entière à adopter la forme de religion
ordonnée par l'État.
On trouvait, dans tous ces milieux, de vrais
membres de l'Église de Christ, qu'ils fussent catholiques,
anglicans ou non-conformistes. Il se trouvait aussi des groupements
de croyants correspondant aux églises du N. Testament parmi
les congrégations méprisées et
persécutées. Ils maintinrent leur témoignage au
milieu de circonstances troublantes, éprouvant au
suprême degré la foi et l'amour.
En 1611, un grand élan fut donné
à la propagation de l'Evangile par la publication de la belle
et puissante traduction de la Bible, connue sous le nom de Version
autorisée. Son langage et son style imagé sont devenus
partie essentielle de la langue anglaise et aucun livre n'a
été lu si largement, ou n'a exercé une influence
plus salutaire.
En dépit de la persécution, les
congrégations de croyants augmentèrent. En 1641, on
mentionna, au Parlement anglais, qu'il y avait quatre-vingts
espèces différentes de «sectaires» à
Londres et aux environs. Les conducteurs de ces cercles
étaient désignés avec mépris sous les
noms de savetiers, tailleurs et autres gens de cette sorte.
6. Guerre civile; Cromwell.
Liberté de conscience
La guerre civile amena de grands changements.
Au cours des hostilités, des propositions furent faites pour
la formation d'une nouvelle Église nationale. Comme les
évêques s'étaient tous rangés du
côté du roi et qu'il était désirable
d'obtenir l'entière adhésion de l'Ecosse, les
théologiens désignés pour élaborer une
nouvelle forme de religion adoptèrent le Covenant
écossais et la forme presbytérienne de gouvernement
ecclésiastique préconisée par le Parlement. Les
presbytériens insistèrent pour qu'elle fût
imposée à tout le peuple anglais, sous peine de
sévères châtiments. Les sectes devaient
être abolies. Les quelques indépendants, qui prirent
part aux débats à Westminster, protestèrent
vainement qu'on leur devait la liberté. Les baptistes, qui
réclamaient la tolérance religieuse absolue, ne furent
pas même consultés. Pendant la guerre, l'armée
«Nouveau modèle» de Cromwell s'était pourtant
développée et la victoire dépendait d'elle. Elle
se composait d'hommes pieux, dont beaucoup étaient des «
sectaires ». Ces soldats, de confessions diverses, avaient
lutté côte à côte pour la même cause.
Épiscopaux, puritains, presbytériens,
indépendants et baptistes s'étaient unis dans la
prière et dans les combats. Ils avaient appris à se
respecter les uns les autres, en partageant les mêmes fatigues.
Ils n'étaient pas disposés à perdre, par
l'étroitesse des législateurs, cette liberté de
conscience pour laquelle ils avaient tant lutté et souffert.
Par suite d'une rapide décision, l'assemblée qui avait
élaboré la Confession de Westminster et les Chambres du
Parlement furent dissoutes. La république fut établie
et avec elle la liberté de conscience et de culte, la
liberté d'exprimer et de publier les croyances religieuses,
libertés jusqu'alors totalement in. connues.
En 1653, le Conseil d'État
déclara que personne ne serait contraint de se conformer
à la religion nationale, ni par pénalités ni
autrement. On décréta que: «ceux qui professent
leur foi en Dieu par Jésus-Christ - même s'ils
diffèrent d'opinions sur la doctrine, le culte ou la
discipline publiquement acceptés - ne seraient pas
entravés, mais protégés dans la profession de
leur foi et l'exercice de leur religion, pourvu qu'ils n'abusent pas
de cette liberté en portant préjudice aux autres, ou en
troublant la paix publique.» Le papisme et la hiérarchie
ecclésiastique n'étaient pas inclus dans cette
liberté. Des «experts» furent désignés
pour examiner ceux qui jouissaient des bénéfices
ecclésiastiques. Les prêtres ignorants, ou de mauvaises
moeurs - et ils abondaient - furent déposés de leurs
fonctions et remplacés par des hommes jugés capables
d'instruire le peuple, pour la plupart des presbytériens, des
indépendants et quelques baptistes. L'abolition des
restrictions permit la manifestation de talents ignorés.
Nombreux furent les prédicateurs et les écrivains bien
doués qui, forts de cette nouvelle situation, vinrent
contribuer au réveil de la vie spirituelle. La proclamation de
l'Evangile augmenta en intensité et les nombreuses
églises qui se formèrent n'avaient aucun
caractère sec. taire. Les consciences
s'éveillèrent quant aux besoins des païens et le
Parlement forma une corporation pour la propagation de l'Evangile en
Nouvelle-Angleterre, déclarant que «les Communes
d'Angleterre, assemblées en Parlement, ayant appris que les
païens de la Nouvelle-Angleterre commençaient à
invoquer le nom du Seigneur, se sentaient pressées d'assister
cette oeuvre.» L'intérêt, qui provoqua cette
décision, avait été éveillé par
John Eliot. Chassé d'Angleterre par la persécution, il
s'était rendu à Boston où, vivant parmi les Indiens, il avait appris leur
langue, avait traduit la Bible et d'autres livres, puis, par la
prédication de l'Evangile, avait contribué à
leur relèvement spirituel 'et social.
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