Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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LE PÈLERINAGE DOULOUREUX
de
L'ÉGLISE A TRAVERS LES ÂGES



 
4. Münster

A cette époque se passèrent à Münster, en Westphalie, des événements qui, tout en ne se rattachant pas aux congrégations chrétiennes, furent, en Allemagne, plus nuisibles à la cause évangélique que tout ce qui avait précédé. En ces temps d'excitation, on pouvait s'attendre à voir des esprits mal équilibrés tomber dans des extrêmes. La cruauté avec laquelle on avait traité des gens innocents, à cause de leur foi, provoqua une sauvage indignation chez beaucoup de gens qui n'avaient pas les mêmes croyances. D'autre part le massacre systématique des meilleurs éléments de la nation, soit les anciens et les conducteurs des églises, fit disparaître les hommes mêmes qui, par leur pondération, auraient pu combattre les extravagances et le fanatisme, et donna ample occasion à des gens inférieurs d'exercer leur influence. Le spectacle de cruelles persécutions et de meurtres en amena beaucoup à croire que la fin des temps approchait, ainsi que le jour de la vengeance, dans lequel les oppresseurs seraient châtiés. Certains hommes prétendirent être prophètes et annoncèrent le prochain établissement du Royaume de Christ.

Münster (74) était la capitale d'une principauté, gouvernée par un évêque qui cumulait les fonctions de chef civil et ecclésiastique. Il levait les impôts et confiait tous les postes importants de l'État à des membres du clergé. Il en résultait un état de mécontentement perpétuel chez les citoyens. Bernard Rothmann, jeune théologien avide de s'instruire, alla visiter Luther. Toutefois il fut plutôt influencé par Capiton et Schwenckfeld, qu'il rencontra à Strasbourg. Il prêchait bien, avait une profonde sympathie pour tous les opprimés, et menait une vie plutôt ascétique. Quand il vint à Münster, il attira la foule par sa prédication et fit une si forte impression que beaucoup de citoyens pénétrèrent dans l'église de St-Maurice et détruisirent les images qui s'y trouvaient. Pour mettre fin à ce désordre, l'évêque employa la force militaire. Mais Philippe, landgrave de Hesse, intervint, et il en résulta que Münster fut déclarée cité évangélique et enrôlée dans la Ligue de Smalhalde des états protestants. Ce changement attira, des contrées catholiques avoisinantes à Münster, une multitude de croyants persécutés y cherchant un refuge. Mais, à côté de ceux qui avaient souffert pour l'amour de Christ et que l'on reçut avec joie, il y avait des fanatiques, dont la présence compromettait la paix de la cité. La plupart des réfugiés étaient dénués de tout et, selon les instructions et l'exemple de Rothmann, furent reçus avec bonté et générosité. L'un des Immigrants convainquit Rothmann que le baptême des enfants était contraire à l'Écriture et, pour obéir à sa conscience, Il refusa de le pratiquer. Pour cette raison, les magistrats de la ville le déposèrent de ses fonctions comme prédicateur; mais sa popularité était si grande que les citoyens s'opposèrent à la chose. A la suite d'une dispute publique sur le baptême, en estima que Rothmann avait gagné sa cause. Parmi les étrangers récemment arrivés, se trouvait un prédicateur anabaptiste qui, par la violence de ses discours, excita des émeutes. Les magistrats le firent arrêter, mais les corporations le libérèrent, et le conflit s'envenima si bien que les magistrats furent relevés de leurs fonctions et remplacés par un conseil anabaptiste.

Entre-temps, l'évêque avait réuni des troupes. Il investit la cité et intercepta les vivres, ce qui était d'autant plus sérieux qu'il y avait là un grand nombre d'étrangers dépourvus de tout et que l'on devait nourrir. Parmi les émigrants se trouvaient deux Hollandais qui en vinrent à exercer une influence prédominante à Münster, Jan Matthys et Jan Bockelson; ce dernier, un tailleur, est plutôt connu sous le nom de Jean de Leyde. Matthys, homme puissamment bâti, capable d'entraîner la foule par son éloquence, se fit passer pour un prophète et fut accepté comme tel. C'était un de ces fanatiques se laissant aller aux plus violents excès, d'autant plus dangereux qu'ils sont sincères. Il obtint le contrôle absolu du Conseil, et son point de vue sur la séparation d'avec le monde le conduisit à formuler une ordonnance en vertu de laquelle aucune personne non baptisée ne pouvait demeurer dans la cité. En quelques jours, tous devaient être baptisés, ou quitter Münster, ou mourir. Beaucoup furent baptisés, mais beaucoup aussi préférèrent s'en aller. Cet ordre était méchant et fanatique, mais pas au même degré que l'action des Églises et des États qui, durant des siècles et à travers toute l'Europe, avaient condamné à des morts cruelles ceux qui ne croyaient pas au baptême des enfants.

La ville une fois nettoyée des «Infidèles», des changements rapides s'y succédèrent. La communauté des biens fut introduite, rendue urgente par les nécessités du siège. L'observation du dimanche fut abolie, comme étant une institution légale, et tous les jours furent considérés semblables. La Ste-Cène fut célébrée publiquement, à époques fixes, et accompagnée d'une prédication. Matthys contrôlait la distribution des vivres et d'autres choses indispensables. Il était assisté de sept diacres qu'il avait nommés; ceci provoqua un autre conflit. Un cordonnier, nommé Hubert Rüscher, se mit à la tête d'un groupe de citoyens authentiques, pour protester contre les étrangers qui s'étaient emparés de l'administration de la ville et pour exprimer leur Indignation et leurs craintes des conséquences de cette usurpation. Une assemblée populaire se tint sur la place de la cathédrale, où Matthys condamna sans autre Rüscher à mort. Bockelson, agissant d'après une prétendue révélation, se constitua bourreau et blessa grièvement le cordonnier avec sa hallebarde. Trois hommes eurent la témérité de protester contre cette injustice, mais ils furent jetés en prison et échappèrent à peine à la mort. Quelques jours plus tard, l'homme blessé fut exécuté par Matthys et l'autorité du Conseil fut maintenue. Pendant ce temps, on se battait contre les troupes de l'évêque et les provisions baissaient. Un soir, Jan Matthys soupait avec d'autres, chez un ami, lorsqu'on remarqua qu'il était plongé dans une profonde méditation. Au bout de quelques instants, il se leva en disant: «Père bien-aimé, non pas ma volonté, mais la tienne», puis il embrassa ses amis et sortit avec sa femme. Le lendemain, il quitta la ville avec vingt compagnons, marcha sur les postes avancés des assiégeants et les attaqua. Les ennemis accoururent en grand nombre et une lutte acharnée s'engagea. Un à un, les combattants de la petite troupe tombèrent, y compris Jan Matthys qui mourut l'un des derniers, après une résistance désespérée.

La consternation régna à Münster; mais Jan Bockelson prit les rênes du gouvernement et déclara, selon une prétendue révélation, qu'il fallait abolir le Conseil, qui n'était qu'une institution humaine. Il devint donc chef suprême, assisté de douze anciens nommés par lui. Au don d'orateur, il joignait celui d'organisateur. De nouvelles lois furent introduites qui convenaient au «Nouvel Israël», et le peuple se laissa persuader qu'il était l'objet spécial de l'amour et de la grâce de Dieu, la véritable église apostolique. Au dire de Bockelson, Münster, sous sa forme actuelle de gouvernement, allait servir de modèle au monde entier, qui se soumettrait un jour à ses lois. La cité ne renfermait que peu d'hommes; les femmes étaient en beaucoup plus grand nombre et il y avait beaucoup d'enfants. En juillet 1534, Bockelson convoqua Rothmann et les autres prédicateurs, ainsi que les douze anciens à l'hôtel de ville pour leur faire l'étonnante proposition d'introduire la polygamie. Ce fut pour eux une suggestion inouïe, car la plupart des habitants de Münster étaient religieux et accoutumés à une vie de renoncement. Les conditions morales de la ville étaient excellentes.

Quelques semaines auparavant, on avait publié, dans la ville, un traité parlant entre autres du mariage et le dépeignant comme l'union sacrée et indissoluble d'un homme à une femme. La proposition de Bockelson fut donc mal reçue par les prédicateurs et les anciens qui la repoussèrent. Mais Bockelson persista dans son dessein et, huit jours durant, il discuta et insista avec éloquence. Il cita les fautes de quelques hommes pieux de l'Ancien Testament pour prouver que l'Écriture autorisait la polygamie. Ce faux raisonnement aurait pu s'appliquer à tout autre péché. Son principal argument fut celui de la nécessité, à cause de la grande prépondérance des femmes sur les hommes à Münster. Il obtint enfin gain de cause et, pendant cinq jours, les prédicateurs prêchèrent la polygamie à tout le peuple, sur la place de la cathédrale. Puis Bernard Rothman promulgua une loi, établissant que toutes les jeunes femmes devaient se marier et les plus âgées, faire partie de la maison de quelque homme pour être protégées. Bockelson - ce qui aide à comprendre son enthousiasme pour la nouvelle foi - épousa immédiatement Divara, veuve de Jan Matthys, distinguée par sa beauté et ses talents. Cependant l'opposition fut si forte que la guerre civile éclata dans la cité. Un maître forgeron, Henri Möllenbecker, se mit à la tête des révoltés. Ils s'emparèrent de l'hôtel de ville, saisirent quelques-uns des prédicateurs et menacèrent d'ouvrir les portes de la cité aux assiégeants, si l'on ne rétablissait pas l'ancien gouvernement. Il sembla d'abord que le règne de Bockelson allait prendre fin, mais les prédicateurs l'appuyèrent, ainsi que beaucoup de femmes. L'opposition fut vaincue; l'hôtel de ville, pris d'assaut toute résistance cessa. Les effets de la nouvelle loi furent si désastreux qu'elle dut être abolie avant la fin de l'année.

Malgré tous ces désordres internes, la défense de la cité se poursuivait avec énergie. Plusieurs victoires importantes furent obtenues. On espérait toujours que quelque secours viendrait du dehors. Un beau jour, Bockelson se fit proclamer roi. Il avait son prophète, un ex-orfèvre, qui, sur la place du marché, acclama Jean de Leyde roi de toute la terre et instaura le royaume de la Nouvelle-Sion. Le couronnement, également sur la place du marché, se fit en grande pompe. Le peuple avait fourni de l'or, qui servit à faire des couronnes et d'autres emblèmes royaux. Parmi les nombreuses femmes de Jean, Divara fut choisie comme reine. Il était abondamment pourvu aux besoins du roi, de ses gardes, de la cour royale et des dames d'honneur de la reine. Tout était somptueux et dans tous les détails. Mais le peuple, qui souffrait des privations du siège, avait peine à se laisser consoler par la promesse que le royaume ne tarderait pas à triompher. Les habitants tinrent bon pourtant, et la ville n'aurait pu être prise si elle n'avait été livrée à l'évêque par trahison. Alors commença le massacre de ses habitants; nul ne fut épargné. Trois cents hommes se défendirent désespérément sur la place du marché. On leur promit un sauf-conduit pour quitter la cité, s'ils déposaient leurs armes. Ils acceptèrent ces conditions, qui ne furent pas tenues, et ils moururent comme les autres. Un tribunal fut établi pour juger les anabaptistes qui avaient survécu. Divara eût été libérée, si elle avait abjuré; mais elle refusa de le faire et mourut. Jean de Leyde et d'autres chefs furent publiquement torturés et exécutés sur le lieu même du couronnement. Leurs corps furent exposés dans des cages de fer placées sur la tour de l'église de St-Lambert (1535).

On profita de ses événements pour appliquer le nom haï d'anabaptiste à tous ceux qui ne s'associaient pas aux trois grandes Églises admises. On se plut à placer une même étiquette, et sur les congrégations de chrétiens paisibles endurants, et sur ceux qui avaient, à Münster, fondé un royaume et institué la polygamie, afin de pouvoir les traiter tous indistinctement comme des êtres appartenant à des sectes dangereuses et subversives. Grâce au contrôle exercé pendant longtemps sur la littérature religieuse, il fut possible au parti victorieux de mélanger à dessein différentes catégories de gens et de tromper les générations futures. Bien que Mélanchton et Luther aient excusé la polygamie en certains cas, personne n'en a conclu que le luthéranisme, dans son ensemble, soit un système favorable à la polygamie. Pourtant cette déduction serait aussi logique que la première.

Plusieurs églises et chrétiens ont été si constamment et si violemment accusés d'erreurs et de crimes énormes, que la calomnie a fini par être généralement acceptée et sans l'ombre d'un doute. Ceci ne devrait pas nous étonner, car lorsque notre Seigneur annonça ses prochaines souffrances, sa mort et sa résurrection, Il ajouta immédiatement que ses disciples auraient à suivre le même chemin. Il fut incompris et faussement accusé. On Lui préféra un brigand. Les chefs, comme la foule, réclamèrent à grands cris sa crucifixion. Dans sa mort, il fut mis au rang des malfaiteurs et sa résurrection - que le monde nia - fut acceptée avec peine par ses propres disciples. Comment donc s'étonner que ceux qui Le suivent aient à souffrir comme Lui! Caïphe et Pilate, le pouvoir religieux et le pouvoir civil, s'associèrent pour les condamner aux crachats, au fouet et à une mort cruelle. La multitude, lettrés et ignorants, n'eut qu'un cri de haine contre eux. Ils furent crucifiés entre deux brigands: la fausse doctrine et la vie inique, avec lesquels ils n'eurent d'autre relation que d'être cloués au milieu. Leurs livres furent brûlés; on inventa des doctrines propres à ,entraîner leur con. damnation. Bien qu'ils vécussent dans la piété et dans l'amour, ils furent représentés comme menant une conduite qui n'existait que dans l'imagination souillée de leurs accusateurs, désireux d'excuser la cruauté de leurs meurtriers. On les appela Pauliciens, Albigeois, Vaudois, Lollards, Anabaptistes, etc., noms dont la simple mention suggérait qu'il était question d'hérétiques, de schismatiques et de révolutionnaires. Mais tous s'en allèrent devant le même juge qui se tenait debout pour recevoir Etienne, lapidé par les docteurs de son temps. Puis leurs exhortations à la tolérance, à l'amour et à la compassion pour les opprimés sont devenues l'héritage de multitudes qui n'ont jamais connu leurs noms.



Table des matières

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74 «History of the %formation», T. M. Lindsay, M. A., D. D., Edinburgh, 1907. - «Geschichte der Wiedertäufer und ihres Reicha zu Münster», Dr Ludwig Keller, 1880.

 

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