LE PÈLERINAGE
DOULOUREUX
de
L'ÉGLISE A
TRAVERS LES ÂGES
3. Dissensions et persécutions en
Suisse, en Autriche et en Allemagne
Les disputes doctrinales n'eurent pas toujours
affaire avec la défense de la vérité par un
parti opposé à l'erreur d'un autre. Les dissensions
découlèrent souvent de l'exagération d'un
certain côté de la vérité, au
détriment d'un autre côté de la même
vérité. De part et d'autre, on insistait sur les
portions de l'Écriture qui appuyaient un point de vue
particulier, en sous-estimant d'autres portions avancées par
l'adversaire comme très importantes. On en a tiré la
conclusion que tout peut se prouver par l'Écriture et que,
pour cette raison, elles ne sont pas un guide sûr. Au
contraire, cette caractéristique est justement ce qui
établit sa perfection. La Bible ne présente pas la
vérité sous un seul aspect, mais les envisage tous
à tour de rôle. Ainsi la doctrine de la justification
par la foi seule, sans les oeuvres, y est pleinement
enseignée. Toutefois l'Écriture nous présente
aussi la vérité correspondante de la
nécessité des bonnes oeuvres qui sont la
conséquence et la preuve de la foi. Il est encore
enseigné que l'homme déchu est incapable de tout bien,
de tout mouvement de la volonté vers Dieu, et que le salut
découle de l'amour et de la grâce de Dieu envers les
hommes. Mais il est aussi dit que l'homme a la capacité
d'être sauvé, ayant la faculté de répondre
à la lumière divine et à la Parole, en
condamnant le péché et en approuvant la justice
révélée. De fait, toute doctrine essentielle de
l'Écriture se trouve avoir son complément en une autre,
et toutes deux sont nécessaires pour comprendre toute la
vérité. En ceci la Parole de Dieu ressemble à
l'oeuvre de Dieu en création, où nous voyons des forces
opposées concourir à l'accomplissement du but
désiré.
On pense souvent que, lors de
l'établissement de la Réformation, l'Europe fut
divisée en deux camps: les protestants (luthériens ou
suisses) et lies catholiques romains. On perd de vue un grand nombre
de chrétiens qui n'appartenaient à aucun des deux
camps. La plupart d'entre eux formaient des églises
indépendantes. Ne comptant pas, comme les autres, sur l'appui
du pouvoir civil, elles s'efforçaient de pratiquer les
principes de l'Écriture comme aux temps apostoliques. Ces
églises étaient si nombreuses que les deux grandes
confessions liées à l'État les craignaient,
pensant qu'elles constituaient une menace pour leur propre pouvoir,
voire pour leur existence. Si un mouvement si important occupe peu de
place dans l'histoire de cette époque, c'est parce que les
grandes Églises, catholique et protestante, faisant
constamment appel au pouvoir civil, l'anéantirent presque
totalement. Les quelques adhérents qui survécurent
furent exilés, ou ne formèrent plus que des milieux
religieux faibles et comparativement sans importance. Le parti
victorieux réussit encore à détruire une partie
considérable de la littérature des frères puis,
se constituant historien de ces églises indépendantes,
il les représenta comme attachées à des
doctrines quelles ont constamment répudiées, et leur
donna des noms ayant une signification odieuse.
En 1527, sous la présidence de Michel
Sattler et d'autres, une conférence fut tenue à Baden.
On y décida :
1) que seuls les croyants devaient
être baptisés;
2) que la discipline devait être
exercée dans les églises;
3) que la Ste-Cène serait
célébrée en mémoire de la mort du
Sauveur;
4) que les membres de l'église ne
devaient pas s'allier au monde;
5) que le devoir des conducteurs du
troupeau était d'enseigner, d'exhorter, etc.;
6) que le chrétien ne devait pas
employer l'épée ou recourir à la loi;
7) qu'il ne devait pas prêter
serment. Sattler était infatigable à prêcher la
Parole dans plusieurs contrées.
Au printemps de 1527, il se rendit à
Strasbourg et en Wurtemberg. Il fut arrêté à
Rottenbourg et condamné à mort pour ses doctrines.
Conformément au jugement du tribunal, il fut honteusement
mutilé en différentes parties de la ville, puis
ramené à la porte de la cité, où ce qui
restait de lui fut jeté au feu. Sa femme et d'autres
chrétiennes furent noyées et bon nombre de
frères qui avaient été avec lui en prison furent
décapités. Ces exécutions furent les
premières d'une terrible série à Rottenbourg. La
nombreuse assemblée d'Augsbourg fut dispersée par des
moyens semblables. Le premier martyr fut Hans Leupold, ancien de
l'église. Il fut arrêté, avec quatre-vingt-sept
autres, lors d'une réunion, et décapité (1528).
En prison, il composa un cantique qui fut inclus dans le recueil des
frères. Beaucoup d'hymnes de ces baptistes furent
écrits en captivité et expriment les expériences
profondes de souffrance et d'amour pour le Seigneur de ces nobles
martyrs. Ces cantiques se répandirent rapidement et
apportèrent force et consolation aux saints si
éprouvés. Deux semaines plus tard, Eitelhans
Langenmantel, homme de talent, apparenté à des familles
très influentes, fut exécuté avec quatre ,autres
frères. Beaucoup furent battus et chassés de la ville,
parfois marqués au fer rouge d'une croix au front. A Worms, la
congrégation des croyants était si nombreuse que tous
les efforts de dispersion échouèrent. Elle continua
d'exister secrètement.
Le landgrave Philippe de Hesse fit noblement
exception parmi les autres souverains de l'époque. Seul, Il
brava toutes les conséquences que pouvait entraîner son
refus de signer ou d'exécuter le décret de l'empereur
Charles-Quint, issu à Spire commandant solennellement à
tous les magistrats et souverains de l'empire: «que toute
personne - homme ou femme en âge de raison - qui se ferait
rebaptiser ou rebaptiserait, devait être jugée et punie
de mort, par le feu, l'épée ou autre moyen, selon les
circonstances individuelles, et cela sans enquête
préalable du juge spirituel.» L'empereur ordonnait encore
que tous ceux qui ne feraient pas baptiser leurs enfants subissent la
même peine. Enfin que nul ne devait recevoir ou cacher les gens
qui essayeraient de se soustraire à cette loi, mais bien les
livrer à la justice. L'Électeur de Saxe,
conseillé par les théologiens de Wittenberg,
força le landgrave Philippe à bannir ou à
emprisonner quelques baptistes. Mais il n'obtint rien de plus et
Philippe put se vanter de n'en avoir jamais fait mettre à mort
un seul. Il maintint que, lorsqu'il y avait diversité
d'opinions, ceux qui étaient dans l'erreur devaient être
convertis, non par la force, mais par l'enseignement. Il
déclara qu'il avait vu de plus belles vies parmi ces
soi-disant «fanatiques» que parmi les luthériens et
que sa conscience ne lui permettait pas de mettre à mort ou
même de punir un homme pour sa foi, quand il n'y avait rien
d'autre à lui reprocher.
Dans le Palatinat, il y avait beaucoup de
frères, dans les environs de Heidelberg, Alzey et Kreuznach.
En 1529 seulement, trois cent cinquante furent
exécutés. Indigné de quelques
persécutions spécialement cruelles à Alzey, un
brave pasteur évangélique, Johann Odenbach,
éleva une protestation toute à son honneur. Elle est
adressée «aux juges des pauvres prisonniers d'Alzey que
l'on appelle anabaptistes.» On y lit ce qui suit: «Vous,
gens ignorants et sans instruction, devriez crier au Juste juge avec
persévérance et ferveur, et Lui demander son secours
divin, sa sagesse et sa grâce, afin de ne pas souiller vos
mains de sang innocent, même si sa majesté
impériale et tous les princes du monde vous ordonnaient de le
faire. Avec leur baptême, ces pauvres prisonniers n'ont pas
péché si gravement envers Dieu pour que leur âme
soit damnée. Ils n'ont pas non plus agi criminellement contre
le gouvernement ou contre le genre humain pour mériter la
mort. Car le vrai ou le second baptême ne possède pas
une puissance capable de sauver un homme ou de le perdre.
Nous devons reconnaître le baptême
simplement comme un signe par lequel nous déclarons que nous
sommes chrétiens, morts au monde, ennemis du diable,
misérables, crucifiés, ne cherchant pas les
bénédictions temporelles, mais les éternelles;
combattant sans cesse contre la chair, le péché et le
diable et vivant une vie chrétienne. Parmi vous, ô
juges, il en est peu qui sauraient s'expliquer sur le vrai
baptême, s'ils étaient liés et mis à la
torture. Devrait-on vous faire mourir pour cette raison ? Non! je ne
dis pas cela pour défendre le second baptême, qui
devrait disparaître par le moyen des Écritures, et non
par la main du bourreau. N'usurpez donc pas, chers amis, ce qui
appartient à la Majesté divine, de peur que la
colère de Dieu ne vous frappe plus sévèrement
que les Sodomites et d'autres malfaiteurs ici-bas. Souvent vous avez
traité des voleurs, des meurtriers, des vauriens avec plus de
clémence que ces pauvres créatures, qui n'ont ni
volé, ni tué, ne sont ni des incendiaires, ni des
traîtres, et n'ont commis aucun acte honteux, car ils
s'élèvent contre tous ces crimes. C'est
sincèrement et à bonne intention qu'ils sont
tombés dans la petite erreur du second baptême, et cela
même à l'honneur de Dieu, sans nuire à personne.
Comment pourriez-vous trouver dans votre coeur ou dans votre
conscience des motifs pour dire qu'ils doivent être
décapités et qu'ils seront dam. nés à
cause de cela? Si vous agissiez envers eux comme devraient le faire
des juges chrétiens, si vous saviez comment les instruire par
l'Evangile, il n'y aurait nul besoin du bourreau. La
vérité l'emporterait sans doute et l'emprisonnement
serait une punition suffisante.
Vos prêtres devraient en faire de
même, les porter sur leurs épaules et les ramener, comme
de pauvres brebis égarées, au troupeau de Christ. Ils
leur feraient ainsi comprendre que leur fonction consiste à
leur montrer de la grâce et de l'amour fraternel, de les
soutenir et de les restaurer par la douce doctrine
évangélique. Ne vous laissez pas induire en erreur en
condamnant à mort ces pauvres gens. Vous devriez être
terrifiés à cette pensée, suer du sang dans
votre agonie, car vous ne savez où réside la faute.
Vous ne devriez pas fermer l'oreille quand ces malheureux vous
disent. - Nous désirons être mieux instruits par la
Sainte Écriture et sommes prêts à obéir si
l'on nous montre une meilleure voie d'après l'Evangile. -
Songez à la honte éternelle résultant de votre
action! Pensez au mépris et à la colère de
l'homme du peuple quand ces gens seront massacrés! On dira
d'eux. «Quelle patience, quel amour, quel esprit d'adoration
chez ces hommes pieux, à l'heure de la mort! N'ont-ils pas
lutté en héros contre le monde?» Oh,
puissions-nous être devant Dieu aussi innocents qu'eux! Ils
n'ont pas été vaincus, ils ont enduré les
outrages. ce sont de saints martyrs de Dieu! Tout le monde dira, si
vous prononcez ce jugement cruel, que vous l'avez fait, non pour
déraciner l'erreur de ces pauvres anabaptistes, mais pour
détruire par la violence le Saint Évangile et la pure
vérité de Dieu ... »
L'effet de cette plaidoirie fut tel que les
juges refusèrent de se prononcer en matière de
foi.
Ce fut surtout en Suisse allemande que Zwingli
poursuivit sa grande oeuvre de réformation. Il exerça
une autorité prédominante dans le canton et la ville de
Zurich. En 1523, il introduisit le système de l'Église
nationale à Zurich, et le Grand Conseil endossa la
responsabilité de prendre les décisions disciplinaires
relatives à l'Église et à la doctrine. Il en fit
aussitôt usage contre les frères. Amené devant le
Conseil, un croyant nommé Muller dit ceci: «N'opprimez
pas ma conscience, car la foi est un libre don de la grâce de
Dieu et personne ne doit intervenir en cette question. Le
mystère de Dieu reste caché, semblable au trésor
dans un champ que personne ne peut découvrir à moins
que l'Esprit de Dieu ne le lui révèle. je vous en
supplie donc, serviteurs de Dieu, laissez-moi libre à
l'égard de ma foi.» On ne le lui permit pas. La nouvelle
Église de l'État revendiquait le principe de la vieille
Église, qu'il est juste de lutter contre les
«hérétiques» par la prison et même par
la mort.
Précédemment, Zwingli avait eu
d'étroites relations avec les frères. Il avait
sérieusement considéré la question du
baptême et avait constaté que rien dans
l'Écriture n'était en faveur du baptême des
enfants. Mais lorsqu'il adopta le plan d'une Église nationale,
s'appuyant sur l'autorité civile pour l'exécution de
ses décisions, il fut obligé d'abandonner les
frères.
Ces derniers étaient nombreux et actifs
à Zurich (71). Trois d'entre eux - dont l'un, un
ancien ami de Zwingli - étaient des hommes en vue. Celui-ci,
Konrad Grebel, était fils d'un membre du Conseil de la ville.
Il s'était distingué aux universités de Paris et
de Vienne et, de retour à Zurich, se joignit à la
congrégation des frères. Un autre, Félix Manz,
était un hébraïsant distingué. Sa
mère était une chrétienne vivante qui ouvrait sa
maison pour des réunions. Le troisième avait
été un moine. Influencé par la
Réformation, il était sorti de l'Église romaine.
On lui donnait le nom de «Blaurock» (robe bleue), ou encore
de «Georges le Fort», à cause de sa haute taille et
de sa vigueur.
Tous trois étaient infatigables,
voyageant, visitant de maison en maison, prêchant et exhortant;
beaucoup de gens acceptèrent l'Evangile, furent
baptisés et se rassemblèrent en églises.
À Zurich, il y avait souvent des baptêmes publics et les
croyants se réunissaient régulièrement pour
célébrer la Cène du Seigneur, qu'ils appelaient
«la fraction du pain». Ils se considéraient comme
l'assemblée des vrais enfants de Dieu et se tenaient
séparés du monde, c'est-à-dire de
l'Église réformée comme de l'Église
catholique. Le Conseil interdisant toutes ces choses, une dispute
publique fut ordonnée. Cependant ayant le droit de
décider en dernier ressort, le Conseil décréta
que tous les petits enfants qui n'avaient pas encore
été baptisés devaient l'être dans l'espace
de huit jours et qu'il était défendu aux frères
de baptiser, sous peine de sévères châtiments.
Mais Grebel, Manz et Blaurock redoublèrent d'activité.
Des centaines de personnes vinrent écouter la Parole de Dieu
et se firent baptiser. Grebel et Manz agissaient avec
modération, en usant de la persuasion, tandis que Blaurock,
animé d'un zèle excessif, interrompait parfois le
service dans les églises pour y prêcher lui-même.
Le peuple lui était très attaché, mais le
conflit avec les autorités s'envenima rapidement et plusieurs
des frères furent sévèrement punis.
Blaurock osa s'adresser à Zwingli
lui-même en ces termes. «0 mon Zwingli! tu as souvent
attaqué les papistes en disant que ce qui n'est pas
fondé sur la Parole de Dieu n'a aucune valeur; et maintenant
tu déclares qu'il y a bien des choses qui ne sont pas dans la
Parole, mais peuvent pourtant se faire en communion avec Dieu.
Où est aujourd'hui la puissante éloquence avec laquelle
tu as résisté à l'évêque Faber et
à tous les moines?» Finalement, les trois
prédicateurs et quinze autres, dont six femmes, furent
condamnés à l'emprisonnement, - soit au pain et
à l'eau avec de la paille pour couche, - jusqu'à ce
qu'ils y périssent. Il fut en outre ordonné que
désormais baptiseurs ou baptisés seraient jetés
à l'eau (1526). Les prisonniers échappèrent
d'une manière ou de l'autre, car ils avaient beaucoup d'amis.
Toutefois la persécution ne se ralentit pas et les cantons de
Berne et de St-Gall, entre autres, se joignirent à Zurich dans
cet effort d'extermination des églises
indépendantes.
Dans le canton de Berne,
trente-quatre personnes furent exécutées, et
quelques-unes qui avaient fui à Bienne - où il y avait
une grande assemblée de frères - y furent poursuivies.
Les réunions, qui se tenaient de nuit dans une forêt,
furent découvertes et dispersées. Il fallut trouver
d'autres lieux pour se rencontrer. Vers cette époque, Grebel
mourut de la peste (1526). Blaurock fut saisi, condamné
à être battu de verges à travers la ville
«jusqu'à ce que le sang coulât», puis banni.
Manz fut arrêté et noyé.
Les églises n'en
progressèrent pas moins, mais la persécution chassa les
frères dans la province autrichienne voisine du Tyrol,
où leur prédication et leur témoignage
amenèrent la formation de nouvelles églises.
«Georges le Fort» parcourut toute la province, ignorant le
danger, et gagna beaucoup d'âmes par son ministère,
surtout à Klausen et aux alentours, où les croyants
devinrent nombreux et zélés pour répandre la
doctrine évangélique. Finalement, Blaurock et l'un de
ses compagnons, Hansen Langegger, furent saisis et
brûlés à Klausen (1529).
La même année,
Michael Kirschner, qui avait rendu un bon témoignage à
Innsbruck, fut brûlé publiquement dans cette ville.
Jakob Huter et d'autres continuèrent le dangereux
ministère de Blaurock. L'année de la mort de Blaurock,
Huter présidait un service de Ste-Cène lorsqu'il fut
surpris par des soldats. Quatorze frères et soeurs furent
arrêtés, et les autres échappèrent, y
compris Huter. Toujours en danger, il parcourut le pays, aplanissant
des conflits, encourageant les affligés et prêchant la
Parole. La persécution devint si intense que beaucoup de gens
s'enfuirent en Moravie où ils jouirent de la liberté
pendant quelque temps. Mais les frontières étaient
strictement surveillées de ce côté-là. Un
accord fut aussi conclu avec le gouvernement de Venise pour
empêcher les pauvres gens pourchassés de
s'échapper dans cette direction. L'Evangile se propagea
à travers toute l'Autriche. Beaucoup d'églises y
prirent naissance; mais, après de longues et
héroïques souffrances, elles furent dispersées et
anéanties par la persécution. Un millier de personnes
furent brûlées, décapitées ou
noyées dans le Tyrol et à Gorizia. A Salzbourg, on
surprit une réunion dans la maison d'un pasteur et un grand
nombre de croyants subirent le martyre. Une jeune fille de seize ans
éveilla tant de pitié par sa jeunesse et sa
beauté que tous supplièrent le bourreau de
l'épargner; mais comme elle refusait de se rétracter,
il la porta dans ses bras jusqu'à un abreuvoir, la maintint
sous l'eau jusqu'à extinction de la vie, puis livra son corps
aux flammes. Ambroise Spittelmeyer, de Linz, subit le martyre
à Nuremberg, après un témoignage actif et
fécond. L'église de Linz était sous la
fidèle direction de Wolfgang Brandhuber, qui fut mis à
mort, en 1528, avec soixante-dix membres de l'assemblée. C'est
ainsi que, de lieu en lieu, des témoins du Seigneur furent
suscités par la prédication de Jésus-Christ
crucifié, et marchèrent littéralement sur ses
traces. Des troupes de soldats parcouraient tous ces pays afin de
découvrir et de tuer sans jugement les soi-disant
«hérétiques».
Bien qu'on les nommât
anabaptistes (72), ce n'était pas le mode de
baptême qui leur donnait le courage de souffrir comme ils le
faisaient. Ils étaient conscients d'une communion
immédiate avec leur Rédempteur. Ni prêtre, ni
rite religieux ne venaient se placer entre Lui et leur âme.
Tout comme les mystiques, ils firent l'expérience que demeurer
en Christ et Lui en eux les rendait participants de sa victoire sur
le monde. Cette communion avec Lui les unissait d'une manière
toute spéciale avec ceux qui partageaient les mêmes
souffrances et la même victoire. Ces églises n'eurent ni
les mêmes commencements, ni la même histoire. Elles
différaient selon le caractère des personnes qui en
faisaient partie. Mais elles avaient un seul et même
désir. suivre le modèle du christianisme primitif
indiqué dans le N. Testament. C'est pourquoi elles refusaient
de baptiser les petits enfants, ce que ne pouvaient faire les
réformateurs, et restaient indépendantes de tout appui
du monde, sans lequel les grandes Églises professantes ne
semblaient pouvoir subsister. Toutefois ces choses n'étaient
que les parties d'un tout, qui consistait à accepter les
Écritures comme la suffisante volonté
révélée de Dieu, pour les guider, en mettant
leur confiance en Lui pour obéir à sa voix. En suivant
cette voie, les croyants étaient exposés à des
tentations spéciales et faisaient une chute grave s'ils
cédaient à des désirs charnels, à
l'ambition politique ou à la convoitise, mais, en
général, ils rendaient un bon témoignage
à la fidélité de Dieu. Ils décrivaient
l'Église chrétienne comme suit:
«l'assemblée de tous les croyants rassemblés par
le St-Esprit, séparés du monde par le pur enseignement
de Christ, unis par l'amour divin, et apportant au Seigneur, d'un
seul coeur, des offrandes spirituelles. Quiconque veut appartenir
à cette Église - disaient-ils - et devenir un membre de
la Maison de Dieu, doit vivre et marcher dans le Seigneur. Quiconque
est en dehors de cette Église est en dehors de Christ.»
Leur rejet du baptême des enfants a souvent provoqué la
question: qu'en est-il des enfants qui meurent en bas âge? Leur
réponse était qu'ils participent à la vie
éternelle à cause de Christ.
Dans les chroniques des
anabaptistes d'Autriche-Hongrie, l'un d'eux écrit. «Le
fondement de la foi chrétienne fut posé par les
apôtres en divers pays. Mais il fut souvent
ébranlé par la tyrannie et les fausses doctrines,
tellement qu'on a pu se demander si l'Église existait encore
tant elle était diminuée. Comme le disait Elie: Ils ont
renversé tes autels, et ils ont tué par
l'épée tes prophètes; je suis resté, moi
seul. Mais Dieu n'a pas permis que son Église disparût
complètement. Autrement cet article de la foi
chrétienne aurait perdu son sens: «Je crois à la
Sainte Église universelle, à la communion des
saints.» Si on ne pouvait l'indiquer du doigt, si parfois on ne
trouvait plus que deux ou trois croyants, le Seigneur, selon sa
promesse, était avec eux et Il ne les a jamais
abandonnés parce qu'ils étaient fidèles à
sa Parole. Il les fit même prospérer. Mais, lorsqu'ils
étaient négligents et oubliaient la bonté de
Christ, Dieu leur reprenait les dons qu'Il leur avait confiés,
puis, éveillant des hommes fidèles, Il les qualifiait
pour la tâche de fonder des églises en d'autres lieux.
Ainsi, depuis les temps apostoliques jusqu'à ce jour, le
Royaume de Dieu s'est propagé d'une nation à l'autre et
est parvenu jusqu'à nous.»
«Ailleurs - continue
l'écrivain - l'Église eut un bon commencement et une
bonne fin, quand les témoins étaient martyrisés,
car la tyrannie de l'Église romaine effaçait presque
toute trace de vie. Seuls les Picards et les Vaudois retinrent
quelque chose de la vérité. Au début du
règne de Charles-Quint, le Seigneur fit de nouveau briller sa
lumière. Luther et Zwingli détruisirent, comme par le
feu du ciel, l'impureté babylonienne. Toutefois ils
n'édifièrent rien de mieux à la place; car, une
fois au pouvoir, ils s'appuyèrent sur l'homme plutôt que
sur Dieu. En dépit d'un beau commencement, la lumière
de la vérité fut obscurcie. Ce fut comme si l'on avait
bouché un trou dans un vieux chaudron, pour le rendre pire
qu'auparavant. Aussi leurs adeptes pèchent-ils sans en rougir.
Beaucoup se joignirent à ces deux réformateurs, croyant
que leur doctrine était pure. Quelques-uns perdirent
même la vie pour la vérité, et ils sont
sûrement sauvés, car ils ont combattu le bon
combat.»
L'auteur décrit ensuite
les conflits avec Zwingli, à Zurich, au sujet du
baptême. Il rappelle comment ce dernier, après avoir
témoigné que le baptême des enfants ne peut
être prouvé par une seule parole de l'Écriture,
prêcha finalement que le baptême des croyants adultes est
faux et ne doit pas être toléré. Il relate enfin
qu'il fut décrété, à Zurich et dans le
canton, de jeter à l'eau toute personne se faisant baptiser.
Cette persécution amena la dispersion de nombreux serviteurs
de Christ qui allèrent en Autriche pour y prêcher
l'Evangile.
Dans ce dernier pays et dans
les États avoisinants, les Églises prirent un essor
merveilleux. Les souffrances des croyants et des martyrs en grand
nombre constituent une chronique effroyable, et pourtant il se trouve
toujours des hommes pour assumer la dangereuse tâche
d'évangéliste et d'ancien. On a pu dire de
quelques-uns: «Ils marchèrent à la mort pleins de
joie. Tandis que l'on noyait les uns, les autres attendaient leur
tour en chantant, se réjouissant de la mort qui allait
être bientôt la leur. Ils étaient fermes dans la
vérité et forts de la foi qu'ils avaient reçue
de Dieu.» Cette vaillance provoquait toujours de
l'étonnement et des questions sur la source de leur courage.
Leur foi triomphante gagnait beaucoup d'âmes à Christ,
bien que les chefs religieux des deux Églises, catholique et
réformée, l'attribuassent à Satan. Les croyants
eux-mêmes disaient: «Ils ont bu à la source qui
coule du sanctuaire de Dieu, à la fontaine de la Vie.
Voilà pourquoi il est impossible à la pauvre raison
humaine de comprendre leur attitude d'âme. Ils ont
expérimenté que Dieu aide ceux qui portent la croix et
ont vaincu l'amertume de la mort. Le feu de Dieu brûle en eux.
Leur tabernacle n'était pas sur la terre; il était
planté dans l'éternité; leur foi reposait sur un
fondement inébranlable. Leur foi fleurissait comme le lis,
leur fidélité, comme la rose; leur piété
et leur justice étaient des fleurs du jardin de Dieu. L'ange
de l'Éternel a brandi sa lance devant eux, et nul n'a pu les
dépouiller du casque du salut, ni du bouclier d'or de David.
Ils ont entendu l'appel de la trompette en Sion, et ils l'ont compris
- voilà pourquoi ils ont triomphé de la douleur et
n'ont pas craint le martyre. S'attachant à des choses
sublimes, leur âme sanctifiée a estimé les choses
terrestres comme n'étant qu'une ombre. Formés par Dieu,
ils ne connaissaient rien, ne cherchaient rien, ne voulaient rien,
n'aimaient rien, sauf le bien céleste et éternel. Aussi
eurent-ils plus de patience dans leurs souffrances que n'en eurent
leurs ennemis, qui les leur infligeaient.»
Le roi Ferdinand 1er,
frère de Charles-Quint, fut un persécuteur fanatique
des frères (73). Souvent les autorités ne
consentaient qu'à regret à l'exécution de ses
ordres cruels, elles auraient aimé épargner ces gens
pieux et innocents. Mais Ferdinand ne cessait de publier des
édits et des décrets, exigeant d'elles une plus grande
férocité et les menaçant à cause de leur
indulgence. Ainsi il se trouva au Tyrol des magistrats s'excusant
auprès de leur farouche souverain de la douceur dont il les
accusait. «Voilà deux ans - lui écrivaient-ils -
qu'il s'est à peine passé un jour sans que nous ayons
eu à juger des affaires anabaptistes. Dans le duché de
Tyrol, plus de sept cents hommes et femmes, en divers lieux, ont
été condamnés à mort. D'autres ont
été bannis du pays et un plus grand nombre encore se
sont enfuis dans la misère, abandonnant leurs biens et souvent
même leurs enfants... Nous ne saurions cacher à Votre
Majesté la folie de ces gens; car, en général,
loin d'être terrifiés par le châtiment des autres,
ils vont vers les prisonniers et les reconnaissent comme étant
leurs frères et leurs soeurs. Si alors les magistrats les
accusent, ils confessent leur foi, sans être mis à la
torture. Aucune instruction n'arrive à les convaincre et il
est bien rare que l'un d'entre eux se détourne de son
infidélité. La plupart du temps, ils ne désirent
que la mort.. Nous espérons que ce fidèle rapport
montrera à Votre Majesté royale que nous n'avons pas
manqué de zèle.»
Lorsque Ferdinand devint aussi
roi de Bohême, le refuge que ce pays et la Moravie avaient
procuré aux frères leur fut enlevé. Il ne leur
fut plus possible d'échapper. Des récompenses toujours
plus fortes furent promises à ceux qui livreraient un
anabaptiste aux autorités. Les biens de ceux que l'on
exécutait étaient saisis et servaient en partie
à couvrir les frais de la persécution. Les femmes
enceintes étaient ramenées en prison jusqu'après
la naissance de l'enfant, puis mises à mort. Un magistrat de
Sillian, Jörg Scharlinger, fut tellement troublé d'avoir
à exécuter deux jeunes garçons de seize et
dix-sept ans qu'il remit le jugement jusqu'à plus ample
information. Il fut décidé qu'en des cas de ce genre
les accusés seraient instruits par les catholiques romains, en
employant pour couvrir la dépense les biens confisqués
aux anabaptistes. Ils seraient alors exécutés
dès l'âge de dix-huit ans, s'ils n'avaient pas
abjuré leur foi. Imaginez un jeune homme, aimant le Seigneur,
attendant son dix-huitième anniversaire dans de telles
conditions!
Les choses allèrent de
mal en pis. Toutefois Jakob Huter ne cessait de tenir des
réunions, dans les forêts ou dans des maisons
isolées, les frères et les soeurs risquant
continuellement leur vie en le recevant. Une fois, une quarantaine de
croyants s'étaient réunis dans une maison à
St-Georgen, pour y prendre la Ste-Cène, lorsqu'ils furent
surpris par une troupe de soldats et sept d'entre eux furent faits
prisonniers. Les autres s'échappèrent, et Huter avec
eux. Il fut enfin saisi, trahi pour une récompense. La maison
où il se tenait caché fut cernée de nuit par des
soldats. On s'empara de lui et de sa femme, d'une jeune fille et de
leur hôtesse âgée. On le bâillonna
«afin qu'il ne pût dire la vérité»,
puis on l'emmena à Innsbruck où il y eut des
réjouissances au sujet de cette capture, car le roi n'avait
pas laissé de repos aux autorités que Huter ne
fût découvert. Dès qu'il apprit la nouvelle, il
fit dire que le prisonnier devait mourir, même s'il se
rétractait. Mais Huter n'était pas homme à se
rétracter, ayant dénoncé avec la plus grande
virulence la manière d'agir du roi, du pape et des
prêtres. Les autorités désiraient qu'il fût
décapité secrètement pour éviter un
tumulte parmi le peuple, sympathique envers le con. damné.
Mais Ferdinand insista pour qu'il mourût publiquement par le
feu. Il monta donc sur le bûcher à Innsbruck
(1536).
Le vide qu'il laissait fut
comblé par Hans Mändl, homme à l'esprit doux, mais
d'un égal courage, qui avait su gagner la confiance et
l'affection de tous par ses dons et son dévouement sans
bornes. Il baptisa plus de quatre cents personnes dans le seul Tyrol.
Il fut souvent emprisonné, mais le clergé chargé
de le convertir se plaignit de la bonté avec laquelle les
magistrats le traitaient. Ses fréquentes évasions
semblent indiquer, en effet, beaucoup de bienveillance chez ses
surveillants. Peu après l'une de ces délivrances, il
présida une assemblée d'un millier de frères et
soeurs réunis dans une forêt, mais il fut de nouveau
arrêté la même année (1560). Cette fois-ci,
il fut jeté dans le cachot d'un donjon, à Innsbruck,
où se trouvaient aussi deux autres frères. De
là, il écrivit: «Je suis dans la tour, où
mon cher frère, Jorg Liebich, est déjà
resté longtemps... C'est un cachot profond, mais tout en haut
il y a une petite fenêtre qui donne un peu de lumière
quand le soleil brille... je suis allé à la torture
sans plus de crainte que si elle n'eût pas existé.
Après m'avoir mis à la question pendant trois jours, on
m'a ramené à la tour. La nuit, j'entends les vers dans
les murailles; les chauves-souris me frôlent et les rats
s'ébattent autour de moi; mais Dieu me rend toutes choses
faciles. Il est très réellement avec moi. Il emploie
même les esprits qui, dans l'ombre, viennent effrayer les
hommes et me les rend agréables et utiles». Quand son
compagnon, Jorg Meyer, fut examiné, on lui demanda pourquoi il
s'était fait baptiser. Il répondit qu'avant
d'être arrivé à cette foi, il avait entendu
parler d'un certain Jakob Huter, mort sur le bûcher, à
Innsbruck. On l'avait, paraît-il bâillonné en
l'amenant à cette ville, de peur qu'il ne proclamât la
vérité. En outre, il avait appris la mort, à
Klausen, d'Ulrich Müllner, un homme ayant la même foi,
aimé du peuple et considéré comme fidèle.
Troisièmement, enfin, il
avait vu de ses yeux, à Steinach, comment on avait jeté
aux flammes un homme possédant cette foi. Il avait pris tout
cela très à coeur, estimant que seule la puissante
grâce de Dieu pouvait fortifier ces gens dans leur foi et leur
permettre de souffrir jusqu'au bout; voilà comment il avait
commencé à s'intéresser à ces
frères. A toutes les questions qu'on leur posa, les trois
prisonniers répondirent calmement et selon les
Écritures. Ils dirent que, bien qu'ils n'eussent en ce moment
aucun lieu fixe d'habitation et qu'ils fussent partout
persécutés, l'heure sonnerait où ils seraient
récompensés au centuple. Ils protestèrent contre
l'épithète de «maudite secte»
appliquée à leur foi et déclarèrent qu'il
n'y avait pas de «fauteurs de désordre» parmi eux.
Mändl expliqua que les frères et l'assemblée dont
il faisait partie l'avaient choisi pour maître et pour
conducteur.
Douze hommes d'Innsbruck et
environs furent désignés comme jurés.
Après avoir prêté le serment habituel, de rendre
un verdict selon la justice, on leur demanda encore de jurer qu'ils
se conformeraient au décret de l'empereur, autrement dit
qu'ils condamneraient à mort les accusés. Mais ils s'y
refusèrent. Le tribunal en fut très irrité.
Cependant Ferdinand (devenu alors empereur) n'osa pas les maltraiter,
de peur de soulever l'opposition générale, on discuta
avec eux et on les menaça, si bien que neuf finirent par
céder. Les trois autres restèrent inébranlables
et furent emprisonnés. Au bout de quelques jours de
captivité, ces trois cédèrent aussi et le jury
tout entier prêta le serment exigé, ce qui fixa le
verdict avant la comparution des frères. Mändl fut
condamné à être brûlé, les deux
autres à être décapités. De leur prison,
ils avaient écrit aux frères, peu auparavant:
«Nous vous informons qu'après la Fête-Dieu nous
serons condamnés et accomplirons nos voeux envers Dieu. Nous
le faisons avec joie; nous ne sommes pas tristes, car le jour est
saint à l'Éternel.» Parmi la foule des gens qui
assistèrent à leur mort se trouvait Leonhard Dax,
ancien prêtre appartenant aux frères.
Les trois prisonniers furent
grandement encouragés par le salut courageux qu'il leur
adressa à leur passage. Ils parlèrent à la
foule, l'exhortant à se repentir et à rendre
témoignage à la vérité. Lorsque leur
condamnation fut lut, ils reprochèrent aux magistrats et au
jury de verser le sang innocent. Ceux-ci s'excusèrent en
disant qu'ils agissaient contraints par l'empereur... « 0 monde
aveugle - s'écria Mändl - chaque homme ne doit-il pas
agir selon son coeur et sa conscience, mais vous, vous nous condamnez
sur l'ordre de l'empereur!» Ils prêchèrent encore
au peuple, et Mändl continua jusqu'à l'enrouement.
«Tais-toi, mon Hans», cria le magistrat; mais le
condamné poursuivit: «Ce que j'ai enseigné et
attesté est la vérité divine.» Nul ne put
les empêcher de parler jusqu'à l'heure de la mort. L'un
d'entre eux était si malade qu'on craignait qu'il ne
mourût, avant l'exécution; on le décapita le
premier.
L'autre se tourna vers le
bourreau et s'écria avec un courage triomphant. «Je
laisse ici-bas femme et enfant, maison et ferme; j'abandonne corps et
vie, par amour pour la foi et la vérité.» Puis il
s'agenouilla pour recevoir le coup fatal. Hans Mändl fut
ligoté à une échelle et jeté vivant dans
les flammes, où les corps des deux autres martyrs l'avaient
précédé. Paul Lenz, l'un des témoins de
cette scène, en fut si profondément remué qu'il
se joignit bientôt aux frères méprisés,
pour partager avec eux les souffrances de Christ.
En quelques endroits, surtout
en Moravie, les croyants formèrent des communautés. Ils
vivaient ensemble, comme une grande famille, sous une même
direction, possédant toutes choses en commun. Ce plan avait
été inspiré par deux désirs: procurer,
dans les districts favorisés, un refuge à ceux que la
persécution avait chassés de leurs foyers, et suivre
l'exemple donné au début par l'église de
Jérusalem. Si cette communauté de biens avait
été l'effet d'une grâce spéciale à
Jérusalem, où les croyants habitaient tous en un
même lieu et se rencontraient au temple, elle ne fut pourtant
jamais un commandement laissé à l'Église. Elle
devint impossible quand les assemblées furent
dispersées et, même dans les temps apostoliques, ne fut
pratiquée qu'à Jérusalem. En Moravie et
ailleurs, ces lieux de refuge reçurent beaucoup de gens. Dans
leurs meilleurs jours, ils furent richement bénis
spirituellement, et même matériellement, car, en
travaillant diligemment comme cultivateurs ou artisans de divers
métiers, les frères devinrent prospères. Mais,
peu à peu, de sérieux inconvénients se
manifestèrent. Dans une communauté de ce genre,
l'éducation des enfants ne pouvait se faire comme dans la
famille. On remarqua bientôt chez les membres un esprit chagrin
et irritable. Plusieurs des divisions qui affaiblirent les
églises prirent naissance dans ces communautés. Quand
les contrées où elles se trouvaient furent la proie de
la guerre, leur prospérité et l'abondance de logements
et de provisions qu'elles offraient attirèrent la soldatesque.
Ce fut une des raisons qui conduisirent à l'abandon de ces
lieux de refuge.
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