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TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
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LE PÈLERINAGE DOULOUREUX
de
L'ÉGLISE A TRAVERS LES ÂGES



 CHAPITRE IX

Les Anabaptistes

(1516-1566)

Le nom d'anabaptiste. - Pas une secte nouvelle. - Rapide développement. - Législation contre eux. - Balthazar Hubmeyer. - Cercle de frères à Bâle. Activité et martyre de Hubmeyer et de sa femme. - Hans Denck. Balance de la Vérité. - Partis. - M. Sattler. - La persécution augmente. - Landgrave Philippe de Hesse. - Protestation d'Odenbach. - Zwingli. - Persécution en Suisse. - Grebel, Manz, Blaurock. - Kirschner. - Persécution en Autriche. - Chronique des anabaptistes en Autriche-Hongrie. - Férocité de Ferdinand. - Huter. - Mändl et ses compagnons. - Communautés. - Münster. - Le Royaume de la Nouvelle-Sion. - Fausse Interprétation des événements à Münster pour calomnier les frères. - Les disciples du Christ sont traités comme Lui. - Menno Simon. - Pilgram Marbeek et son livre. - Sectarisme. - Persécution en Allemagne occidentale. - Hermann, archevêque de Cologne, son effort de réforme. - Schwenckfeld.



1. Leur origine

Vers 1524, beaucoup d'églises de frères en Allemagne, qui remontaient aux premiers temps, rappelèrent ce qui avait été arrêté à Lhota, en 1467, c'est-à-dire qu'elles déclarèrent leur indépendance comme congrégations de croyants et leur détermination de s'en tenir aux enseignements de l'Écriture. Comme autrefois à Lhota, on baptisa alors par immersion ceux des frères qui n'avaient pas encore été baptisés comme croyants (66). Un nom nouveau leur fut donné, celui d'Anabaptiste (rebaptisé), bien que les frères répudiassent ce nom comme étant une épithète injurieuse, destinée à donner l'impression qu'ils avaient fondé une nouvelle secte. Avec le temps, ce nom fut appliqué à des gens violents, dont les habitudes et les principes communistes étaient contraires à l'ordre et à la morale. Les frères n'avaient pas les moindres rapports avec ces derniers. Mais, en employant le même nom pour les uns comme pour les autres, les persécuteurs purent justifier leur conduite et paraître vouloir supprimer les désordres. Ce qui s'était passé autrefois se renouvela au seizième siècle. La littérature des chrétiens fut détruite, et leur histoire écrite par leurs adversaires. Vu la violence inouïe du langage employé dans la controverse religieuse de ce temps, il est nécessaire de rechercher tout ce qui a survécu des écrits et des rapports concernant ces congrégations indépendantes.

Dans le protocole du Concile de l'archevêque de Cologne (67) sur le «mouvement anabaptiste», adressé à Charles Quint, il est dit que les anabaptistes se considèrent comme de «vrais chrétiens», qu'ils pratiquent la communauté des biens, «ce qu'ont toujours tait les anabaptistes depuis plus de mille ans, comme en témoignent l'histoire et les lois impériales.» Lors de la dissolution de la diète de Spire, on constata que «la nouvelle secte des anabaptistes» avait déjà été condamnée des centaines d'années auparavant et «défendue par la loi commune». Il est exact que, pendant plus de douze siècles, le baptême tel que l'enseigne et le décrit le N. Testament, avait été regardé comme une infraction de la loi, punissable de mort.

Le réveil général, causé par la Renaissance, amena à la lumière beaucoup d'assemblées de croyants qui avaient vécu secrètement par suite des persécutions. Un édit ecclésias. tique, décrété à Lyon contre l'un des frères, disait: « Plusieurs nouveaux rejetons sont sortis des cendres de Valdo; il faudra faire un exemple en imposant un châtiment très sévère.» D'autres croyants apparurent venant des vallées suisses. Ils se donnaient le nom de frères et soeurs, et étaient parfaitement conscients de n'avoir rien fondé de nouveau, mais de perpétuer le témoignage de ceux qui, durant des siècles, avaient été persécutés comme «hérétiques» et subi le martyre.

En Suisse, les frères persécutés se réfugiaient surtout dans les montagnes, tandis qu'en Allemagne, ils trouvaient un puissant secours dans les corporations d'artisans. La Réformation fit paraître au grand jour beaucoup de croyants cachés qui se joignirent aux assemblées existantes et en formèrent de nouvelles. Leur rapide développement et leur grande activité alarmèrent les Églises d'État - catholique romaine - et luthérienne. Un observateur sympathique, en dehors de leurs cercles, écrit qu'en 1526, il s'était formé un nouveau parti qui s'était rapidement étendu, avait rempli tout le pays de sa doctrine et avait gagné beaucoup d'adeptes. Plusieurs qui s'étaient joints à eux étaient sincères de coeur et zélés envers Dieu. Ils semblaient n'enseigner autre chose que l'amour, la foi et la Croix. Ils étaient humbles et patients au milieu de beaucoup de souffrances, rompaient le pain entre eux, en signe d'unité et d'amour, et s'aidaient fidèlement les uns les autres. Ils ne formaient qu'un corps et augmentaient si rapidement que le monde craignit une révolution. Cependant on les trouva toujours innocents de telles pensées, alors même qu'en bien des endroits ils furent fort maltraités.


2. Prédicateurs anabaptistes et réformateurs suisses

Bien que les frères eussent soin de prendre la Parole de Dieu pour guide et de ne pas se placer sous la domination de l'homme, ils reconnaissaient, dans leurs églises, des anciens et des surveillants, hommes ayant les dons de l'Esprit qui faisaient d'eux des guides qualifiés. Dr Balthazar Hubmeyer en fut l'un des plus éminents à cette époque. Après une brillante carrière comme étudiant à l'université de Fribourg en B. et comme professeur de théologie à Ingoldstadt, il fut nommé (1516) prédicateur à la cathédrale de Ratisbonne, où ses sermons attirèrent des foules d'auditeurs (68). Au bout de trois ans, il se rendit à Waldshut. Là, il passa par une transformation spirituelle, accepta l'enseignement de Luther, puis en vint aussi à être regardé comme étant influencé par «l'hérésie tchèque», c'est-à-dire par l'enseignement des assemblées de frères de Bohême. Le Il janvier 1524, dans son «Invitation aux Frères», il convoque ceux que cela intéresse à se réunir chez lui avec leurs Bibles. Il explique que le but de cette réunion est d'apprendre à mieux connaître la Parole de Dieu pour pouvoir continuer à paître les agneaux de Christ. Il rappelle aux frères que, dès les temps apostoliques, ceux qui étaient appelés à prêcher la Parole divine avaient coutume de se rencontrer et de se consulter ensemble sur la manière de traiter les questions difficiles de la foi. Hubmeyer suggérait plusieurs points et priait affectueusement les frères de les examiner à la lumière des Écritures, promettant de leur offrir, selon ses moyens, un repas fraternel à l'occasion de cette rencontre.

Voici comment il exprimait sa pensée et sa doctrine: «La sainte Église chrétienne universelle est une communion des saints, et une fraternité de beaucoup d'hommes pieux et croyants qui, d'un même accord, honorent un seul Seigneur, un seul Dieu, une seule foi, un seul baptême.» «C'est - dit-il - l'assemblée de tous les chrétiens sur la terre, dans n'importe quelle partie du globe où ils se trouvent» ou encore: «C'est une association séparée d'un certain nombre d'hommes qui croient au Christ.» Puis il établissait: «qu'il y a deux églises, qui, de fait, n'en font qu'une: l'église générale et la locale; l'église locale est cette partie de l'église générale renfermant tous les hommes qui veulent montrer qu'ils sont chrétiens.» Quant à la communauté des biens, elle consiste dans l'aide accordée aux frères dans le besoin; car, disait-il, ce que nous avons n'est pas à nous; cela nous a été confié par Dieu comme à des intendants. Hubmeyer pensait que le pouvoir de l'épée avait été remis aux gouvernements terrestres pour châtier le péché et qu'il fallait s'y soumettre dans la crainte de Dieu. Ce fut à Bâle que se tinrent souvent les réunions où Hubmeyer et ses amis sondaient diligemment les Écritures et examinaient certaines questions.

Bâle était un grand centre d'activité spirituelle. Les imprimeurs ne craignaient pas d'y imprimer les livres mis à l'index comme hérétiques, et ce fut dans cette ville que se publièrent des ouvrages comme ceux de Marsiglio de Padoue et de John Wicleff qui furent répandus dans le monde entier. Parmi ceux qui étudiaient les Écritures avec Hubmeyer, il y avait des frères spécialement doués. On rapporte de l'un d'eux - Guillaume Reublin - qu'il expliquait l'Écriture d'une manière excellente, surpassant tout ce qu'on avait entendu jusqu'alors, et attirait beaucoup de gens. Il avait été. prêtre à Bâle où, à l'occasion de la Fête-Dieu, il avait porté, à la procession, une Bible au lieu d'un ostensoir. Il fut baptisé et, plus tard, vécut près de Zurich, d'où il fut banni. Il continua à prêcher en Allemagne et en Moravie. Des frères de l'étranger visitaient souvent les frères bâlois et les relations avec les églises du dehors étaient ainsi maintenues. L'un de ces visiteurs fut Richard Crocus, d'Angleterre. C'était un homme érudit qui exerça une forte influence sur les étudiants. Plusieurs vinrent aussi de France et de Hollande.

En 1527, les frères convoquèrent en Moravie une autre Conférence à laquelle participa Hubmeyer. Elle se tint sous la protection du comte Leonhard et de Hans von Lichtenstein. Le premier fut baptisé, à cette occasion, par Hubmeyer qui avait lui-même été baptisé, deux ans auparavant, par Reublin. Cent-dix autres croyants passèrent alors par les eaux du baptême et, un peu plus tard, trois cents furent baptisés par Hubmeyer, entre autres sa femme, fille d'un citoyen de Waldshut. La même année, Hubmeyer et son épouse durent fuir devant une armée autrichienne, en perdant tous leurs biens. Ils atteignirent Zurich, mais furent bientôt découverts par le parti de Zwingli et jetés en prison.

A cette époque, la ville et le canton de Zurich étaient complètement sous l'influence d'Ulrich Zwingli, qui avait commencé l'oeuvre de la Réformation en Suisse, même avant celle de Luther en Allemagne. La doctrine des réformateurs suisses, quelque peu différente de celle de Luther, s'était répandue en plusieurs cantons et avait fortement pris pied dans les états de l'Allemagne du Sud.

Le Conseil de Zurich organisa une dispute entre Zwingli et Hubmeyer. Ce dernier, affaibli par son emprisonnement, ne put résister à son robuste adversaire. Craignant d'être livré entre les mains de l'Empereur, il alla jusqu'à rétracter une partie de son enseignement, mais se repentit aussitôt amèrement d'avoir eu peur des hommes et supplia Dieu de lui pardonner et de le restaurer dans sa communion. De là, il se rendit à Constance, puis à Augsbourg où il baptisa Hans Denck. A Nikolsbourg, en Moravie, Hubmeyer écrivit beaucoup. Il fit imprimer environ seize livres. Pendant son court séjour dans cette contrée, près de six mille personnes furent baptisées et les églises s'accrurent de quinze mille membres. Les frères ne s'accordaient souvent pas en tous points. Hubmeyer fit opposition à un prédicateur enthousiaste, Hans Hut, venu à Nikolsbourg, qui enseignait qu'il n'était pas scripturaire pour un croyant de prendre les armes, ni au service de sa patrie, ni pour sa propre défense, et pas davantage de payer tes taxes militaires. En 1527, le roi Ferdinand força les autorités à lui livrer Hubmeyer, l'emmena à Vienne et insista pour qu'il fût torturé et mis à mort. La femme du martyr l'encouragea à demeurer ferme et, quelques mois après son arrivée à Vienne, il monta sur le bûcher élevé sur la place du marché. On l'entendit prier à haute voix: «Oh Dieu miséricordieux! rends-moi patient dans mon martyre! je te rends grâces, ô mon Père, de ce que tu me fais sortir aujourd'hui de cette vallée de larmes. 0 Agneau, Agneau, toi qui ôtes le péché du monde ! 0 mon Dieu, entre tes mains je remets mon esprit!» Du sein des flammes, il s'écria encore: «Jésus, Jésus!» Trois jours après sa femme héroïque était noyée dans le Danube. On la jeta du haut d'un pont avec une pierre attachée au cou.

Hans Denck (69), homme influent parmi les frères, aida à diriger les églises à travers les temps troublés de la Réformation. Originaire de la Bavière, il avait étudié à Bâle où il prit un titre universitaire. Il y vint en contact avec Erasme et le cercle distingué des savants et imprimeurs qui habitaient cette cité. Ayant été nommé directeur d'une des écoles les plus importantes de Nuremberg, il s'y rendit (1523). Le mouvement luthérien y avait pénétré depuis un an, sous la conduite du jeune et capable Osiander. Denck, qui n'avait alors que vingt-cinq ans, s'attendait à ce que la nouvelle religion eût porté des fruits de moralité, de droiture et de piété sincère dans la vie des gens. Il fut désappointé en découvrant que tel n'était pas le cas et en rechercha la cause. Il fut bientôt amené à la conclusion que l'enseignement de Luther était défectueux, en ce qu'il insistait avant tout sur la justification par la foi, sans les oeuvres, et sur l'abolition de beaucoup d'abus prédominants dans l'Église catholique. Mais il négligeait cette partie essentielle de toute foi réelle, l'obéissance à Dieu, l'abandon de la vie propre et la marche sur les traces de Christ. Ayant graduellement acquis cette conviction, Osiander s'attacha à démontrer (1551) que l'enseignement de Wittenberg avait produit «des hommes sûrs de leur salut, mais insouciants», ce que prouvaient les faits. «La plupart des gens - disait-il - n'aiment pas une religion qui leur impose des obligations morales et entrave leurs désirs naturels. Ils aiment à être regardés comme chrétiens. Ils écoutent volontiers les hypocrites qui leur prêchent que nous ne sommes justes que parce que Dieu nous considère comme tels, même si nous vivons mal et si notre justice est tout extérieure et non en nous. D'après cette doctrine, ils peuvent se flatter d'être un peuple saint. Malheur à ceux qui prêchent que celui qui vit dans le péché ne peut être regardé comme pieux! Beaucoup sont furieux en entendant de telles paroles; nous en faisons l'expérience. Ils aimeraient que ces prédicateurs fussent chassés, ou mis à mort. Quand cela ne peut être, ils encouragent leurs conducteurs hypocrites par des louanges et des encensements, des présents et des protections, afin qu'ils continuent à ne point donner de place à la vérité, si claire qu'elle soit. Ainsi ces faux saints et ces prédicateurs hypocrites ne font qu'un: tel pasteur, tels auditeurs.»

Denck avait signalé ces errements longtemps avant Osiander, qui qualifiait d'«horrible erreur» l'enseignement de Denck. Osiander avait même dénoncé ce dernier aux magistrats de la ville qui sommèrent Denck de comparaître devant eux et devant ses adversaires luthériens. Dans la dispute qui s'ensuivit, «Denck se montra si capable - déclara un de ses antagonistes - que l'on vit qu'il était inutile de lutter contre lui par la parole.» Il fut donc décidé de lui demander une confession écrite de ses convictions, concernant sept points importants que l'on indiquait; Osiander s'engagea à lui répondre par écrit. Mais, lorsqu'ils prirent connaissance des réponses de Denck, les prédicateurs de Nuremberg déclarèrent qu'il ne serait pas sage de laisser Osiander accomplir sa promesse. Eux-mêmes se sentant incapables de convaincre Denck, ils préférèrent donner leur réplique directement au Conseil de la cité. Il en résulta que Denck fut sommé de quitter Nuremberg le même soir pour se rendre à dix heures de la ville (1525). On le menaça d'emprisonnement s'il ne s'y engageait par serment. La raison donnée fut qu'il avait introduit des erreurs antichrétiennes et osé les défendre. En outre, il ne voulait recevoir aucune instruction et ses réponses fourbes et rusées démontraient qu'il était vain d'essayer de le convaincre. Le lendemain matin, Denck avait dit adieu à sa famille et perdu sa situation. Il prit le chemin de l'exil et ne le quitta plus, sa vie durant.

Dans sa «confession», Denck reconnaissait la misère de son état naturel, mais disait qu'il était conscient de quelque chose en lui qui était contraire au péché et éveillait un besoin de vie sainte. On lui disait que cette bénédiction s'obtenait par la foi, mais il pensait, lui, que la foi n'était pas simplement l'acceptation de ce qu'il avait lu ou entendu. Il éprouvait une résistance naturelle à lire les Écritures, qui était toutefois «vaincue par la voix intime de la conscience le contraignant de faire cette lecture». Le Christ, que lui révélait l'Écriture, correspondait à tout ce que son propre coeur lui avait déjà révélé. Il ajoutait qu'il ne pouvait comprendre la Bible en la lisant superficiellement. Seul le St-Esprit pouvait l'appliquer à son coeur et à sa conscience.

Le document des ministres luthériens qui amena la condamnation de Denck constatait qu'il «avait de bonnes intentions», que «ses convictions étaient exprimées avec tant ,d'intelligence chrétienne qu'il était possible d'accepter sa manière de penser.» Toutefois, par égard pour l'unité de l'Église luthérienne, on se voyait obligé de sévir contre lui. Néanmoins, partout où il se rendit, Denck s'aperçut que la calomnie l'avait précédé et qu'on lui attribuait toute espèce de doctrines pernicieuses, faisant de lui un homme dangereux qu'il fallait éviter. Il ne se permit jamais d'user de représailles envers ses adversaires. Selon la coutume de l'époque, il eut à subir de violentes accusations, mais ses écrits ne furent jamais empreints d'un tel esprit. Ayant été une fois spécialement provoqué, il écrivît: «Quelques-uns m'ont méconnu et accusé de telle manière que même un coeur doux et humble a grand'peine à l'accepter.» Et encore: «J'ai le coeur navré d'être en désaccord avec plus d'une personne que je regarde comme étant mon frère, puisqu'il adore le Dieu que j'adore et honore le Père que j'honore. Autant que cela dépend de moi, je ne veux pas faire de mon frère un adversaire, ou de mon Père un juge; mais me réconcilier en chemin avec tous mes adversaires.»

Denck passa quelque temps sous le toit hospitalier de l'un des frères de St-Gall, après quoi il dut partir lorsque son hôte eut affaire aux autorités. Grâce à l'influence de ses amis, il trouva une place à Augsbourg. Il y avait alors dans cette ville des luttes entre luthériens et zwingliens, ainsi qu'entre protestants des deux camps et catholiques. En outre, le niveau moral du peuple était très bas. Prenant ces pauvres âmes en pitié, Denck commença à réunir ceux qui consentaient à se rassembler comme croyants et associaient à leur foi dans l'oeuvre rédemptrice de Christ une sainte conduite dans la vie journalière. Il ne s'était pas encore joint aux croyants appelés baptistes ou anabaptistes. Il fit à Augsbourg ce qu'ils avaient fait ailleurs et ce qu'il avait vu de très près à St-Gall. Une visite du Dr Hubmeyer le décida à partager le sort des frères et à être baptisé par immersion. Avant l'arrivée de Denck, il y avait déjà à Augsbourg beaucoup de croyants baptisés et l'église s'accrut rapidement. La plupart d'entre eux étaient pauvres; cependant il y en avait pourtant quelques-uns de riches et bien placés. Les écrits et le zèle d'Eitelhans Langenmantel attirèrent beaucoup de gens. Il était l'un des fils d'un éminent citoyen d'Augsbourg qui avait été bourgmestre quatorze fois et avait servi l'État en occupant de hautes positions. En 1527, l'église comptait environ onze cents membres, et leur action dans la contrée environnante aida à fonder et à fortifier les assemblées de tous les principaux centres.

Un écrivain, informé à bonne source, écrit ceci (70) «Beaucoup, cela se comprend, ayant au coeur une vraie soif et fatigués des récriminations et des accusations mutuelles d'hérésie entre ecclésiastiques, cherchèrent à être édifiés, dans la paix et en dehors de tout esprit sectaire... Parmi les anabaptistes, les âmes les plus pures avaient un idéal magnifique. Regardant en arrière ils soupiraient après un renouveau de cette glorieuse époque où les apôtres voyageaient de ville en ville en fondant les premières églises chrétiennes, et où tous, membres d'un même corps, se réunissaient dans un esprit d'amour.»

Les croyants écrivirent alors beaucoup de cantiques y exprimant leur adoration et leur expérience chrétienne.

La persécution dirigée particulièrement contre Denck, sévissant à nouveau, il dut quitter Augsbourg et se réfugier à Strasbourg, où se trouvait une nombreuse assemblée de croyants baptisés. Les conducteurs du parti protestant étaient deux hommes de valeur, qui ne s'étaient rattachés définitivement ni à Wittenberg, ni à Zurich, tout en maintenant des relations très intimes avec Zwingli et les réformateurs suisses. Leurs noms étaient Capiton et Bucer. Le premier pensait qu'il serait possible de demeurer en rapport avec les deux partis et de les amener ainsi à des relations plus cordiales. Il hésitait aussi sur la question du baptême et maintenait un contact amical avec plusieurs frères. Mais, parmi ces derniers se trouvaient des hommes aux vues extrêmes, dont ils ne pouvaient se débarrasser. Cela nuisait à leur influence et éloignait d'eux ceux qui auraient aimé un rapprochement. Puis Zwingli introduisit la peine de mort pour quiconque différerait de lui en matière de doctrine, ce qui éloigna Capiton de lui. Quand Denck arriva, les conditions étaient telles et les frères étaient si nombreux et si influents qu'il semblait qu'ils allaient devenir le facteur dominant de la vie religieuse de la cité. Denck se lia bientôt intimément avec Capiton. Par sa piété, ses talents et ses charmes personnels, il attira à lui, comme à un conducteur digne de confiance, non seulement ces frères que l'on appelait baptistes, mais encore beaucoup d'autres qui, troublés par des conditions si confuses, hésitaient sur la voie à suivre. Bucer fut alarmé par ces circonstances et pensant qu'il n'y avait point d'avenir pour un parti privé de l'appui des autorités civiles - en collaboration avec Zwingli - il excita si bien les craintes du Conseil de la cité que, quelques semaines après son arrivée, Denck reçut un arrêt d'expulsion. Grâce à ses nombreux amis, prêts à intervenir en sa faveur, Denck aurait probablement pu rester à Strasbourg. Mais il avait pour principe la pleine soumission aux autorités. Il quitta donc la ville en 1526.

Exposé à bien des dangers, il erra de lieu en lieu. A Worms, où il y avait une nombreuse congrégation, il resta quelque temps et fit imprimer une traduction des Prophètes, faite par lui et Ludwig Hetzer (1527). En trois ans, ce travail fut tiré à treize éditions. La première s'imprima d'abord cinq fois, puis, l'année suivante, six fois. L'édition d'Augsbourg se réimprima cinq fois en neuf mois. Peu après, Denck joua un rôle important à une conférence de frères venus de plusieurs contrées et tenue à Augsbourg. Il s'opposa à l'opinion de quelques-uns qui auraient aimé employer la force contre les persécutions grandissantes. Cette rencontre fut appelée la «Conférence des martyrs», parce que beaucoup des participants furent mis à mort plus tard. Denck se rendit à Bâle, la santé ruinée par les fatigues et privations de tous genres. Il y reprit contact avec son ami des premiers jours, le réformateur Hausschein, appelé Oecolampade. Il était près de sa fin. Le réformateur lui procura une retraite sûre et tranquille, où il mourut paisiblement. Il avait écrit peu avant sa mort: «Il m'est bien dur d'être privé d'un foyer, mais ce qui m'étreint encore davantage c'est de savoir que mon zèle a produit si peu de résultats et de fruit. Dieu sait que j'aurais aimé voir par-dessus tout beaucoup de gens glorifier le Père de notre Seigneur Jésus. Christ, de coeur et d'âme, qu'ils soient circoncis, baptisés ou non. Car je diffère absolument de ceux qui voient dans le Royaume de Dieu surtout les cérémonies et les rudiments du monde, quels qu'ils puissent être.» En ces temps, où la tolérance était si peu pratiquée, il dit: «En matière de foi, tout doit être libre, volontaire et le produit d'une conviction.»



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66 «Die Reformation und die älteren Reformparteien., Dr Ludwig Keller, qui cite des sources d'autorité.

67 Die Taufe. Gedanken über die urchristliche Taufe, ihre Geschichte und ihre Bedeutung für die Gegenwart», J. Warns, qui donne aussi des sources autorisées.

68 «Neue Studien zur Geschichte der Theologie und der Kirche». Édité par N. Bonwetsch, Göttingen, et B. Seeberg, Berlin. 20e volume.
«Dr Balthasar Hubmeier als Theologe» (Berlin, Trowitzch, & Sohn, 1914) von Carl Sachsse.

69 «Ein Apostel der Wiedertaüfer», Dr Ludwig Keller.

70 «Reformations-Geschichte Augsburg», Friedrich Roth. (Manchen 1881.)

 

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