Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
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LE PÈLERINAGE DOULOUREUX
de
L'ÉGLISE A TRAVERS LES ÂGES



 CHAPITRE V

Vaudois et Albigeois

(1100-1230, 70-1700, 1160-1318, 1100-1500)

Pierre de Bruys. - Henri le Diacre. - Refus de noms sectaires. - Le nom d'Albigeois. Visites de frères des Balkans. - Les Parfaits. - La Provence envahie. Établissement de l'Inquisition. - Les Vaudois. - Les Léonistes. - Noms. Tradition dans les vallées. - Pierre Valdo. - Les Pauvres de Lyon. Augmentation de l'activité missionnaire. - François d'Assise. - Ordres monastiques. - Dissémination des églises. - Doctrine et pratiques des Frères. - Les vallées vaudoises attaquées. - Béghards et Béghines.



1. Mouvements spirituels en Occident, 1100-1230

Des frères de Bosnie et d'autres régions des Balkans, traversant l'Italie pour se rendre dans le Midi de la France, trouvaient partout des croyants qui partageaient leur foi et approuvaient pleinement leur doctrine. Le clergé romain les appelait Bulgares, Cathares, Patarins, etc., et, se conformant à l'habitude de l'Asie Mineure et des Balkans depuis des siècles, affirmait qu'ils étaient manichéens.

A côté des milieux auxquels appartenaient ces frères, d'autres se formèrent dans l'Église de Rome (41). Ils résultaient de mouvements spirituels qui gagnèrent une multitude de personnes nominalement attachées à l'Église de Rome, mais qui avaient délaissé les offices catholiques pour s'unir à ceux qui leur lisaient et leur expliquaient la Parole de Dieu. Parmi ces maîtres, l'un des plus éminents fui Pierre de Bruys, prédicateur capable et actif qui, bravant tous les dangers durant vingt ans, voyagea en Dauphiné, en Provence, en Languedoc et en Gascogne, ramenant des multitudes aux enseignements des Écritures, en les faisant abandonner les superstitions qu'on leur avait enseignées. Il fut brûlé à St-Gilles, en 1126. Il montrait par l'Evangile que l'on ne doit être baptisé qu'après avoir atteint l'âge de raison et qu'il est inutile de bâtir des églises, puisque Dieu accepte en tous lieux l'adoration sincère. Il enseignait que les crucifix ne doivent pas être vénérés, mais plutôt regardés avec horreur, puisqu'ils représentent l'instrument de supplice de notre Seigneur, et que le pain et le vin ne deviennent pas le corps et le sang de Christ, mais sont des symboles qui commémorent sa mort, enfin, que les prières et les bonnes oeuvres des vivants ne peuvent venir en aide aux morts.

Un diacre, Henri de Lausanne, moine de Cluny, se joignit à Pierre de Bruys. Son apparence remarquable, sa voix puissante et ses dons d'orateur attiraient la foule. Par sa dénonciation des iniquités criantes qui abondaient, par ses explications convaincantes des Écritures et par son zèle dévorant, il amena beaucoup de gens à la repentance et à la foi, et parmi eux des pécheurs notoires dont la vie fut entièrement changée. Les prêtres qui essayaient de lui résister étaient terrifiés en l'entendant prêcher avec tant de puissance aux grandes foules qui le suivaient. Loin d'être effrayé par la mort violente de son frère aîné en la foi si admiré, il continua son témoignage jusqu'au jour où Bernard de Clairvaux, à l'époque l'homme le plus puissant de l'Europe, fut appelé pour lui résister, le seul, pensait-on, qui pourrait réussir. Bernard trouva les églises désertées et le peuple entièrement détourné du clergé. Henri fut obligé de fuir. Toutefois, l'éloquence et l'autorité de Bernard n'arrêtèrent que temporairement le mouvement qui, ne dépendant pas d'un homme, était d'ordre spirituel et influençait toute la population. Pendant longtemps, Henri put échapper à ses ennemis et continuer son oeuvre courageusement. Il tomba finalement entre les mains du clergé et fut mis en prison où il mourut, soit de mort naturelle, soit de mort violente (1147).

Selon l'habitude invétérée de l'époque de donner des noms sectaires à ceux qui revenaient à l'enseignement des Écritures, beaucoup de ces croyants furent nommés Pétrobrussiens ou Henriciens, épithètes qu'ils n'acceptèrent jamais.

Bernard de Clairvaux se plaignit amèrement de ce qu'ils ne voulaient porter le nom d'aucun de leurs fondateurs. Il écrit: «Si vous leur demandez qui est l'auteur de leur secte, ils se refuseront à vous donner un nom. Où trouver une hérésie qui n'ait pas son propre hérésiarque? Les manichéens avaient Mani comme prince et précepteur, les sabelliens, Sabellius, les ariens, Arius, les eunomiens, Eunomius, les nestoriens, Nestorius. Il n'existe pas une peste de ce genre qui n'ait eu son fondateur, dont elle ait reçu le nom et l'existence. Sous quel nom ou titre faut-il donc classer ces hérétiques? Sous aucun, vraiment, car leur hérésie n'est pas d'origine humaine, et ils ne l'ont reçue d'aucun homme ... » Et Bernard conclut qu'ils l'ont reçue des démons!

Le nom d'Albigeois (42) ne fut pas connu avant le Concile de Lombers, près d'Albi, vers le milieu du douzième siècle. Les gens amenés là comme accusés firent une profession de foi fort semblable à celle qu'aurait pu faire un catholique romain. Ils furent cependant condamnés pour n'avoir pas voulu confirmer par le serment leurs déclarations. Et pourtant ils baptisaient les petits enfants. Cela démontre que ces croyants, influencés par les divers mouvements religieux d'alors, n'étaient pas tous arrivés au même point dans leurs divergences des enseignements de l'Église romaine. A cette époque de grands troubles spirituels, toutes sortes d'idées étranges s'implantaient dans les esprits. L'erreur, comme la vérité, trouvait un sol propice. Quelques-uns de ceux qui furent condamnés par l'Église semblent avoir été des mystiques. Beaucoup furent faussement accusés de manichéisme. A la vérité, quelques-uns s'attachaient à cette doctrine, et des innocents furent ainsi confondus avec les coupables.

Dans le peuple, les frères furent fréquemment appelés «Hommes bons», et on rendait généralement témoignage à leur vie exemplaire, ainsi qu'à leur simplicité et à leur piété qui contrastaient avec le relâchement des moeurs du clergé.

Il y eut, en 1167, à St-Félix de Caraman, près Toulouse, une conférence des chefs de ces églises, à laquelle un ancien de Constantinople prit une part active. Il apporta de bonnes nouvelles du progrès des églises dans son propre pays, ainsi qu'en Roumanie, en Bulgarie et en Dalmatie. En 1201, la visite d'un autre conducteur, venu d'Albanie, fut l'occasion d'un réveil étendu dans le Midi de la France.

Quelques-uns des frères consacrèrent tout leur temps à voyager en annonçant la Parole. On les appelait «les Parfaits» car selon l'exhortation de Matthieu 19. 21. «Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel, puis viens, et suis-moi», ils ne possédaient rien, n'avaient pas de foyer et agissaient littéralement d'après ces paroles. On comprit toutefois que tous n'étaient pas appelés à suivre cette voie et que la majorité des croyants, tout en reconnaissant qu'eux et leurs biens appartenaient à Christ, devaient Le servir au sein de leurs familles, en continuant d'accomplir leurs devoirs habituels.


2. Les Albigeois

La civilisation du Languedoc, de la Provence et du Midi de la France était plus avancée qu'en d'autres pays. On s'y était généralement opposé à la domination de l'Église romaine; aussi y trouvait-on de nombreuses congrégations de croyants se réunissant en dehors de l'Église catholique.

On les appelle souvent Albigeois, du nom de la ville d'Albi, où ils étaient très nombreux. Mais eux-mêmes ne se donnèrent jamais ce nom qui ne fut adopté que plus tard. Ils entretenaient des relations étroites avec les frères des pays environnants - qu'ils se nommassent Vaudois, Pauvres de Lyon, Bogoumiles, ou autrement. - Le pape Innocent III ordonna au comte de Toulouse Raymond VI, qui gouvernait la Provence, et aux dirigeants et prélats du Midi de la France, de bannir les hérétiques. C'eût été ruiner le pays. Aussi Raymond temporisa-t-il; mais il se trouva bientôt engagé dans un conflit sans issue avec le pape qui, en 1209, proclama une croisade contre lui et son peuple. Tout comme aux Croisés, qui avaient tout risqué pour sauver les Lieux-Saints des mains des Sarrasins, des indulgences furent offertes, à tous ceux qui participeraient à la tâche plus aisée de ravager les provinces les plus fertiles de la France. Cette promesse, alliée à la perspective du pillage et de la licence, attira des centaines de milliers d'hommes. Sous l'égide de hauts dignitaires cléricaux et conduits militairement par Simon de Montfort, homme capable mais excessivement cruel et ambitieux, on ravagea donc la terre la plus belle et la mieux cultivée d'Europe. Vingt ans durant, elle fut la scène d'une campagne féroce et impie et réduite à la désolation. Quand la ville de Béziers fut sommée de se rendre, catholiques et dissidents s'unirent pour résister, bien qu'ils fussent avertis que, si la place était prise, pas une âme n'aurait la vie sauve. La ville tomba et les quelque dix milliers qui s'y étaient réfugiés furent mis à mort. Après la prise d'une autre localité, La Minerve, en découvrit environ cent-quarante croyants, les femmes dans une maison, les hommes dans l'autre, occupés à prier en attendant leur sort. De Montfort fit préparer une grande pile de bois et leur ordonna ou de se convertir, ou de monter sur le bûcher. Ils répondirent qu'ils ne reconnaissaient ni l'autorité du pape ni celle des prêtres, mais seulement celle de Christ et de sa Parole. Le feu fut allumé et, sans hésitation, ces confesseurs se jetèrent dans les flammes.

Ce fut près de ce lieu, dans le voisinage de Narbonne, que fut établie l'Inquisition (1210), sous la direction de Dominique, fondateur de l'ordre des dominicains. Au Concile de Toulouse (1229), où l'Inquisition devint une institution permanente, on interdit aux laïques la lecture de la Bible, à l'exception des Psaumes latins. Il fut aussi décrété qu'elle ne devait être traduite en aucune des langues du pays. L'Inquisition acheva l'oeuvre commencée par la croisade. Beaucoup de frères s'enfuirent dans les Balkans, d'autres se dispersèrent dans les pays voisins. La civilisation de la Provence disparut et les provinces du Midi, jusqu'ici indépendantes, furent incorporées au royaume de France.


3. Les Vaudois du Piémont, 70-1700

Dans les vallées alpestres du Piémont, il existait depuis des siècles des congrégations de croyants portant le nom de frères, connus plus tard sous le nom de Vaudois, mais non de leur propre aveu. Ils faisaient remonter leur séjour en ces lieux aux temps apostoliques. Comme beaucoup d'autres - les soi-disant cathares, pauliciens, etc. - ces croyants n'étaient pas des «réformés», ne s'étant jamais éloignés du modèle du N. Testament, contrairement aux Romains, aux Grecs et à d'autres. Ils avaient maintenu, en une certaine mesure, la tradition apostolique Depuis les jours de Constantin, il y a toujours eu une succession de prédicateurs de l'Evangile qui fondèrent des églises, sans être jamais influencés par les relations existant entre l'Église et l'État. Ceci explique la présence, dans le Taurus et dans les vallées alpestres, de grandes congrégations de chrétiens bien établis dans les Écritures, libérés de l'idolâtrie et de tout autre mal dominant alors dans l'Église généralement reconnue.

Dans la paisible retraite de leurs montagnes, ces Vaudois n'avaient pas été touchés par le développement de l'Église romaine. Pour eux l'Écriture était l'autorité inviolable, en matière de doctrine et de discipline, que rien - ni le temps, ni les circonstances - ne pouvait diminuer. On a dit d'eux que toute leur manière de penser et d'agir était un effort pour se conformer au caractère du christianisme originel. Une preuve qu'ils n'étaient pas des «réformateurs» est leur tolérance, comparativement à l'Église catholique romaine, car tout réformateur doit - pour justifier son action - insister fortement sur l'erreur dont il s'est séparé. Dans leurs rapports avec leurs contemporains qui avaient quitté l'Église romaine, ainsi que plus tard dans leurs négociations avec les hommes de la Réformation, on remarque fréquemment cette tendance à reconnaître le bien dans l'Église qui les persécutait.

L'inquisiteur Reinerius, mort en 1259, rapporte ce qui suit. «Concernant les sectes d'anciens hérétiques, au nombre de plus de septante, par la grâce de Dieu, elles ont toutes été détruites, à l'exception des manichéens, des ariens, des roncariens et des léonistes qui ont infesté l'Allemagne. Parmi toutes ces sectes, existantes ou non, nulle n'est plus pernicieuse pour l'Église que celle des léonistes, et ceci pour trois raisons. La première, c'est la longue durée de cette hérésie, car en croit qu'elle existe depuis le temps de Sylvestre, selon d'autres, dès les temps apostoliques. La seconde, c'est que les léonistes se trouvent un peu partout; il n'y a guère de pays où il n'y en ait pas. La troisième, c'est que si toutes les autres sectes horrifient leurs auditeurs par l'énormité de leurs blasphèmes contre Dieu, les léonistes ont une grande apparence de piété, ayant une conduite pure devant les hommes, s'attachant avec foi aux choses de Dieu, ainsi qu'à tous les articles de la confession de foi. Seulement ils blasphèment l'Église romaine et le clergé, et la multitude des laïques n'est que trop portée à les croire.» Plus tard, Pilichdorf, autre adversaire acharné, écrit que ce sont les Vaudois qui déclarent avoir existé de. puis le temps du pape Sylvestre.

Quelques-uns ont suggéré que Claude, évêque de Turin, était le fondateur de l'église des Vaudois. Il avait certes beaucoup en commun avec ces frères et ils ont dû s'encourager mutuellement. Mais les Vaudois ont une origine beaucoup plus ancienne. En 1630, un prieur de St-Roch à Turin, Marc Aurèle Rorenco, fut chargé d'écrire une histoire des Vaudois. Il pense qu'ils remontent à des temps si reculés qu'il est impossible de fixer la date de leur origine. Aux neuvième et dixième siècles, ils n'étaient pas une secte nouvelle. Il ajoute qu'à cette époque, ils étaient connus comme une race de fauteurs de désordres, encourageant des opinions déjà existantes. Il écrit encore que Claude de Turin peut être compté comme l'un d'entre eux, puisqu'il refusa de révérer la sainte croix, rejeta la vénération et l'invocation des saints et fut l'un des principaux iconoclastes. Dans son commentaire sur l'Épître aux Galates, Claude enseigne clairement la justification par la foi et démontre l'erreur de l'Église en s'écartant de cette vérité.

Les frères du Piémont eurent toujours conscience de leur origine et de leur histoire se rattachant tout entière à ces vallées. Dès le quatorzième siècle, lorsque leur pays fut envahi et qu'ils eurent à négocier avec les autorités des pays voisins, ils affirmèrent constamment cela. Aux princes de Savoie qui eurent le plus longtemps affaire avec eux, ils déclarèrent, sans redouter la contradiction, l'uniformité de leur foi de père en fils, et cela de temps immémorial, soit dès l'âge apostolique. En 1544, ils dirent au roi de France, François 1er: «Cette confession est celle qui nous a été transmise par nos ancêtres, de la main à la main, comme cela avait été enseigné et pratiqué en tout temps par nos prédécesseurs.» Quelques années plus tard, ils dirent encore au prince de Savoie: «Que votre Altesse veuille bien considérer que la religion que nous pratiquons ne date ni d'aujourd'hui, ni de quelques années en arrière, comme le prétendent nos ennemis. C'est la religion de nos pères et grands-pères, voire de nos ancêtres les plus reculés. Elle remonte aux saints et aux martyrs, aux confesseurs et aux apôtres.» Lorsque les Vaudois prirent contact avec les réformateurs du seizième siècle, ils dirent: «Nos ancêtres nous ont souvent raconté que nous existions depuis le temps des apôtres. Cependant en toutes choses nous sommes d'accord avec vous et pensons comme vous. Depuis les jours apostoliques nous sommes restés fermes quant à la foi. » Lors de leur retour dans leurs vallées, en 1689, leur chef, Henri Arnaud disait: «Même les adversaires des Vaudois déclarent que leur religion est aussi primitive que leur nom est vénérable.» Puis il cite Reinarius, l'inquisiteur, dans un rapport qu'il adresse au pape à propos de la foi de ces croyants: « ... Ils ont existé de temps immémorial.» Arnaud poursuit: «Il ne serait pas difficile de prouver que cette pauvre bande d'hommes fidèles habitaient les vallées du Piémont plus de quatre siècles avant l'apparition de ces personnages extraordinaires, Luther, Calvin et d'autres lumières de la Déformation. Leur église n'a jamais été réformée, c'est pourquoi elle porte le titre d'évangélique. Les Vaudois descendent en fait de ces réfugiés d'Italie qui, après que saint Paul eût prêché l'Evangile dans ce pays, abandonnèrent leur belle contrée et, comme la femme mentionnée dans l'Apocalypse, se cachèrent dans ces montagnes sauvages où, jusqu'à ce jour, ils transmirent de père en fils l'Evangile dans toute sa pureté et simplicité, tel que l'avait prêché saint Paul.»



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41 Latin Christianity», Dean Milman.

42 The Ancient Valdenses and Albigenses», G. S. Faber. «Facts and Documents illustrative of the History, Doctrine and Rites of the Ancient Albigenses and Valdenses», S. R. Maitland.

 

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