LE PÈLERINAGE
DOULOUREUX
de
L'ÉGLISE A
TRAVERS LES ÂGES
CHAPITRE IV
L'Orient
(De 4 av. J.-C. à 1400 ap.
J.-C.)
L'Evangile en Orient. -,La Syrie et la Perse.
Les églises de l'empire Perse se séparent de celles de
l'empire Romain. Les églises orientales retiennent leur
caractère scripturaire plus longtemps que celles de
l'Occident. - Papa ben Aggaï fédère les
églises. - Zoroastre. Persécution sous Sapor IL -
Homélies d'Afrahat. - Synode de Séleucie. Reprise des
persécutions. - Nestor. Le Bazar d'Héraclide. -
Tolérance. - Affluence d'évêques occidentaux.
Augmentation de centralisation. - Extension des églises
syriennes en Asie. - Invasion islamique. - Le Catholikos quitte
Séleucie pour Bagdad. - Genghis Khan. - Lutte entre les
Nestoriens et l'Islam en Asie centrale. - Tamerlan. - Les
Franciscains et les Jésuites trouvent des Nestoriens dans le
Cathay. - Traduction au seizième siècle d'une partie de
la Bible en chinois. - Disparition des Nestoriens. dans presque toute
l'Asie. - Causes d'insuccès.
1. Les conquêtes de l'Evangile en
Orient
Conduits à Bethléem par
l'étoile, «des mages d'Orient» adorèrent
l'Enfant, né «roi des Juifs». Ils lui
«offrirent en présent de l'or', de l'encens et de la
myrrhe», puis «ils regagnèrent leur pays»
(Matth. 2) où, sans doute, ils racontèrent ce qu'ils
avaient vu et entendu. Parmi la multitude assemblée à
Jérusalem, le jour de la Pentecôte, se trouvaient
«des Parthes, des Mèdes, des Élamites et ceux qui
habitent la Mésopotamie». Ils furent témoins de
l'effusion du St-Esprit et des miracles qui l'accompagnèrent.
Ils entendirent Pierre prêcher: «Dieu a fait Seigneur et
Christ ce Jésus que vous avez crucifié» (Actes 2).
C'est par eux que l'Evangile fut apporté, dès les
premiers jours, aux synagogues de l'Orient.
Eusèbe, rapportant les
événements qui prirent place au deuxième
siècle (32), nous apprend que beaucoup de
disciples, «dont les âmes étaient enflammées
par la Parole divine et par un ardent désir de sagesse,
observèrent d'abord le commandement de notre Sauveur en
distribuant leurs biens aux pauvres. Ils voyageaient ensuite au loin
pour prêcher l'Evangile à ceux qui n'avaient jamais
entendu la parole de la foi, car ils ambitionnaient par-dessus tout
de prêcher Christ et de faire connaître les divins
Évangiles. Après avoir seulement posé les
fondements de la foi dans des régions barbares et
reculées, ils formaient des pasteurs et leur remettaient le
soin des âmes qu'ils avaient amenées à la foi et
s'en allaient en d'autres lieux.» Des églises furent
ainsi fondées et les évangélistes poursuivirent
leur oeuvre, non seulement dans le vaste empire romain, mais encore
dans les limites du grand empire voisin, la Perse, et au delà.
«Cette nouvelle puissance - dit un écrivain du
troisième siècle - qui émane des oeuvres
accomplies par le Seigneur et ses apôtres, a dompté la
flamme des passions humaines et amené à la cordiale
acceptation d'une même foi une grande variété de
races et de nations, aux moeurs très différentes. Car
nous pouvons enregistrer des faits accomplis en Inde, parmi les
Sères (ou Chinois), les Perses et les Mèdes, en Arabie,
en Egypte, en Asie et en Syrie; parmi les Galates, les Parthes et les
Phrygiens; en Achaïe, en Macédoine et en Epire; dans
toutes les îles et provinces sur lesquelles se lève et
se couche le soleil.»
Les églises qui se répandirent si
rapidement en Syrie et dans l'empire perse furent
préservées de bon nombre d'influences que connurent les
églises occidentales du fait des différences de langues
et de circonstances politiques. L'araméen se parlait en
Palestine et à Palmyre. Il était aussi employé
comme langue commerciale dans toute la vallée de l'Euphrate;
et la méfiance jalouse qui régnait entre les empires
romain et perse était une muraille efficace pour
empêcher toutes relations.
2. Le christianisme en Perse
Les églises orientales
conservèrent plus longtemps que celles de l'Occident leur
caractère de simplicité scripturaire (33). Même au troisième
siècle, elles n'étaient pas encore organisées en
un système unique et le pays n'était pas divisé
en diocèses. Il y avait parfois plusieurs évêques
pour une même église, et les chrétiens
s'employaient activement et avec succès à porter leur
témoignage dans des régions toujours nouvelles.
Vers le début du quatrième
siècle, Papa ben Aggai proposa un plan de
fédération de toutes les églises de Perse, y
compris celles de la Syrie et de la Mésopotamie, sous la
conduite de l'évêque de la capitale, Séleucie -
Ctésiphon, où il résidait lui-même. On
résista vigoureusement à cette proposition. Mais
l'évêque insista tant et si bien qu'il finit par
être appelé le Catholikos, et, en 498, le titre de
Patriarche de l'Orient fut adopté.
La religion dominante de la Perse
dérivait de celle qu'avait introduite Zoroastre huit
siècles avant Jésus-Christ. En son temps, il avait
protesté contre l'idolâtrie et l'impiété,
enseignant qu'il n'y avait qu'un Dieu, le Créateur, plein de
bonté, et que Lui seul devait être adoré.
Zoroastre n'imposait pas sa religion par la force, il croyait que la
vérité de son enseignement triompherait. Il employait
le feu et la lumière pour représenter les oeuvres de
Dieu, mais les ténèbres et le charbon de bois pour
illustrer les puissances du mal. Il croyait que Dieu produisait ce
qui est bon et résumait la conduite en ces termes:
«Accomplis de bonnes actions et abstiens-toi des
mauvaises.» Du sixième au troisième siècle
avant Christ, l'enseignement de Zoroastre prévalut parmi les
Persans, puis il connut le déclin et fut renouvelé par
la dynastie sassanide, celle qui régnait à
l'époque dont nous parlons ici.
Quand Constantin fit du christianisme la
religion d'État de l'empire romain, les rois persans
commencèrent à suspecter ceux que l'on nommait
Nazaréens, dans leur pays, d'être en sympathie avec
l'empire rival qu'ils haïssaient et redoutaient. Durant le long
règne du roi persan Sapor II, ce soupçon se transforma
en une violente persécution qui fut attisée par les
mages ou prêtres zoroastriens, oublieux et des principes de
leur fondateur et du témoignage de leurs
prédécesseurs conduits par l'étoile de
Bethléem. Cette persécution dura quarante ans,
période durant laquelle les chrétiens souffrirent tous
les tourments imaginables. On suppose qu'environ seize mille d'entre
eux furent mis à mort, et que d'innombrables confesseurs du
Christ eurent à subir des pertes et des angoisses
indescriptibles. Par leur patience et par leur foi, les
églises persanes sortirent victorieuses de cette longue et
redoutable épreuve, et, après une
génération de souffrances (339-379), elles jouirent
à nouveau d'une grande liberté religieuse.
De cette époque, il nous est parvenu les
Homélies d'Afrahat, le «Sage persan» (34). Ces «Homélies»
renferment un exposé de doctrine et de morale,
démontrant aussi combien réelle était la
séparation entre l'empire romain et les autres pays. En effet,
l'auteur n'y mentionne même pas le concile de Nicée, ni
les noms d'Arius et d'Athanase, bien qu'écrivant à
l'époque où les églises occidentales
étaient violemment agitées par ces conflits de
doctrine. La première homélie traite de la foi. En
voici un extrait: «La foi, c'est quand un homme croit que Dieu
est l'Auteur de toutes choses, Celui qui créa les cieux, la
terre, la mer, et tout ce qui s'y trouve, qui forma Adam à son
image, qui donna la loi à Moïse, qui envoya son Esprit
sur les prophètes et qui, de plus, envoya son Messie dans le
monde. Cet homme doit croire aussi à la résurrection
des morts et au mystère du baptême. Telle est la foi de
l'Église de Dieu. Puis il faut cesser d'observer les heures,
les sabbats, les mois et les saisons. Rejeter les enchantements, la
divination, le chaldéisme, la magie, ainsi que la fornication,
les orgies et toute vaine doctrine, qui sont les armes du Malin.
S'abstenir de la flatterie, des paroles mielleuses, du
blasphème et de l'adultère. Se garder enfin du faux
témoignage et de l'hypocrisie. Telles sont les oeuvres de la
foi bâtie sur le vrai Roc, le Messie, sur qui
s'élève tout l'édifice.»
Afrahat condamne les enseignements de Marcion
et de Mani. Il mentionne qu'il y a beaucoup de choses que nous ne
pouvons comprendre. Il reconnaît le mystère de la
Trinité, mais déplore les questions curieuses. Il
écrit: «Qu'y a-t-il au-dessus des cieux, qui peut le
dire? Et sous la terre, que trouve-t-on? Nul ne le sait. Le
firmament, sur quoi est-il étendu? Les cieux, comment sont-ils
suspendus? La terre, sur quoi repose-t-elle? Et l'océan,
qu'est-ce qui le fixe?
Nous sommes fils d'Adam et, ici-bas, nous
percevons bien peu à l'aide de nos sens. Mais nous savons
ceci: Dieu est Un, son Messie est Un et l'Esprit est Un. Il y a une
foi et un baptême. Ce que nous dirions de plus ne nous
servirait à rien; nous resterions au-dessous de la
vérité. Et si nous cherchions à comprendre, ce
serait encore vain.» En étudiant les prophéties,
Afrahat arriva à la conclusion que les attaques de la Perse
contre l'empire romain ne pouvaient réussir.
La persécution des chrétiens en
Perse, quand le christianisme était déjà devenu
la religion d'État des Romains, amena des relations
très tendues entre les deux empires, et lorsqu'en 399,
Yezdegerd 1er monta sur le trône persan, l'empereur romain lui
envoya l'évêque Maruta pour plaider en faveur des
croyants. Maruta fut un habile diplomate et, en collaboration avec
Isaak qui avait été établi
Métropolitain-Primat de Séleucie-Ctésiphon, il
obtint du roi persan la permission de convoquer un synode à
Séleucie (410), afin de réorganiser l'Église
persane, grandement diminuée par la persécution. A ce
synode, deux fonctionnaires royaux présentèrent Isaak
comme «Chef des chrétiens» (35).
Les évêques occidentaux avaient
remis à Maruta une lettre qui fut traduite du grec en persan
et présentée au roi. Celui-ci l'approuva et ordonna
qu'elle fût lue devant les évêques
assemblés. Les réclamations qui y étaient
renfermées rencontrèrent l'approbation
générale. Après la grande tribulation qu'ils
venaient de traverser, les chrétiens persans étaient
disposés à faire des concessions à ceux qui leur
apportaient la paix. Le compte rendu du synode nous apprend
«qu'il se tint la onzième année de Yezdegerd, le
grand roi victorieux, après que les églises du Seigneur
eurent trouvé la paix, le souverain ayant donné aux
assemblées de Christ la liberté de glorifier Christ
hardiment dans leur corps, soit dans la vie, soit dans la mort, et
après qu'il eût dispersé les nuages de la
persécution qui pesaient sur toutes les églises de
Dieu, sur tous les troupeaux de Christ.» Il avait ordonné
que, dans tout le royaume, les temples détruits par ses
ancêtres fussent magnifiquement restaurés, que les
autels fussent relevés et remis en usage et que ceux qui
avaient enduré des coups ou la prison pour l'amour de Dieu
fussent libérés. «Ceci se passa à
l'occasion de l'élection de notre honorable Père devant
Dieu, Mar Isaak, évêque de Séleucie et chef de
tous les évêques orientaux. Il était digne de
cette grâce accordée par Dieu, lui dont la
présence et le gouvernement ouvrirent à l'Église
de Dieu la porte de la paix, lui qui dépassa en
humilité et en honorabilité tous les
évêques orientaux qui le
précédèrent... et par le messager de paix que
Dieu, dans sa miséricorde, envoya en Orient, Mar Maruta,
Père sage et honorable, qui procura la paix et l'unité
entre l'Orient et l'Occident. Il s'efforça d'édifier
les églises de Christ, pour que les pieuses lois et les justes
canons établis en Occident par nos honorables
évêques fussent adoptés en Orient, pour
l'édification de la vérité et de tout le peuple
de Dieu. Par les soins de divers évêques des pays
romains bien que corporellement éloignés de nous,
toutes les églises et assemblées de l'Orient
reçurent des dons d'amour et de compassion.»
Il y eut une joie sincère pour cette
délivrance de l'oppression et des actions de grâces
montèrent à Dieu pour son intervention
miséricordieuse. On pria aussi pour que le roi
vécût longtemps et à jamais. Il est dit
qu'à ce moment glorieux du Synode, les âmes des
participants se sentirent comme transportées devant le
trône de la gloire de Christ. «Nous, quarante
évêques, venus de lieux divers, écoutèrent
avec grande attention la lecture de la lettre des
évêques d'Occident.» Elle constatait qu'il
n'était pas nécessaire d'avoir deux ou trois
évêques en un même lieu et qu'un seul devait
suffire par ville et par district. La nomination d'un
évêque devait dépendre de trois
évêques au minimum, agissant au nom du
métropolitain. Les dates des fêtes étaient
fixées. Lecture fut faite de tous les articles du Concile de
Nicée, au temps de Constantin, et les participants les
signèrent. Mar Isaak déclara: «Quiconque
n'approuve pas et n'accepte pas ces lois excellentes et admirables,
qu'il soit maudit par le peuple de Dieu et dépourvu de toute
autorité dans l'Église de Christ.» «Nous tous
évêques, est-il encore dit, avons confirmé cette
déclaration par un Amen et avons répété
ses paroles.» Mar Maruta dit alors: «Toutes ces
explications lois et canons seront écrits, puis nous les
signerons et les confirmerons par une alliance
éternelle.» Mar Isaak déclara «Je signe en
tête de tous.» Ensuite tous les évêques
promirent après lui: «Nous aussi acceptons tout avec joie
et confirmons par nos signatures l'écrit ci-dessus.»
Après avoir présenté cette
déclaration au roi, Isaak et Maruta s'adressèrent
encore aux évêques en ces termes. «Autrefois vous
étiez dans l'angoisse et agissiez en secret; mais maintenant
le grand roi vous a accordé la paix. Et comme Isaak avait la
faveur du grand roi, il plut à ce dernier de l'instituer chef
de tous les chrétiens de l'Orient. Spécialement depuis
l'arrivée de l'évêque Maruta, la faveur du grand
roi nous a procuré paix et sécurité.» On
établit ensuite des règles pour la nomination des chefs
à venir - par Isaak et Maruta ou leurs successeurs - avec
l'approbation du souverain régnant. Parlant du chef, Maruta,
il fut encore dit: «Personne ne s'élèvera contre
lui. Si quelqu'un se révolte contre lui, s'oppose à sa
volonté, nous devons en être informés. Nous en
référerons alors au grand roi et c'est lui qui jugera
le coupable, quel qu'il soit.» En terminant, Isaak et Maruta
dirent que toutes ces choses devaient être couchées par
écrit, tout ce qui était utile pour le service de
l'Église catholique. Ceci fut joyeusement accepté et il
fut convenu que quiconque s'élèverait contre ces
ordonnances serait définitivement exclu de l'Église de
Christ, que sa blessure ne pourrait être guérie et que
le roi le punirait avec grande sévérité.
Beaucoup d'autres ordonnances furent
décrétées, telles que les prêtres seraient
désormais célibataires. Les évêques
retentis loin du Synode par la distance seraient liés par
l'accord conclu. Quelques évêques qui, dès le
début, avaient résisté à Isaak, furent
condamnés comme rebelles. Les réunions dans des maisons
privées furent interdites. Les limites des paroisses furent
fixées, avec une église pour chacune.
L'Orient et l'Occident furent ainsi unis et des
évêques, envoyés en diverses localités
pour mettre fin à toutes les différences. Il ne devait
plus y avoir ni partis, ni divisions.
La mort d'Isaak révéla la
fragilité de cette entente qui ne reposait que sur la
volonté du roi. Un grand nombre de nobles s'étant
joints aux églises, la jalousie des mages en fut
excitée, et le roi, fidèle à son ancienne
religion, fut influencé par ses prêtres. Isaak
n'était plus là pour intervenir, et quand quelques
prêtres chrétiens, trop pénétrés de
l'importance de leurs nouvelles positions officielles,
défièrent le roi en face, celui-ci, vexé de
cette opposition, en fit exécuter plusieurs sur-le-champ. A la
mort du souverain, ses successeurs, Yezdegerd II et Bahram V,
déchaînèrent une persécution
générale et rigoureuse.
3. Nestorius
Entre-temps, certains événements
en Occident préparaient un changement gros de
conséquences pour les églises syrienne et
persane.
En 428, Nestorius (36), prédicateur à
Antioche, né au pied du Mont Taurus, en Syrie, fut
nommé, par l'empereur byzantin Théodose II,
évêque de Constantinople. Sa grande éloquence et
son énergie donnaient encore plus d'éclat à sa
haute position. Il avait été influencé par
l'enseignement de Théodore de Mopsuestia qui, résistant
à la tendance croissante de faire de la Vierge Marie un objet
d'adoration, avait insisté sur l'impropriété du
ferme «Mère de Dieu». L'enseignement de
Théodore n'avait pas été
généralement condamné. Toutefois, quand
Nestorius l'adopta, il se heurta au désir populaire d'exalter
Marie et fut accusé de nier la vraie divinité du
Seigneur. La rivalité, existant entre les épiscopats
d'Alexandrie et de Constantinople et entre les écoles
d'Alexandrie et d'Antioche, incita Cyrille, évêque
d'Alexandrie, à profiter de cette occasion pour attaquer
Nestorius. Un concile se réunit à Éphèse.
Entièrement dominé par Cyrille, il n'attendit pas
l'arrivée des évêques favorables à
Nestorius, et condamna ce dernier. Une querelle amère
s'engagea alors, et, par amour de la paix, l'empereur, qui avait
d'abord refusé de confirmer la décision du concile,
finit par déposer et exiler Nestorius. Celui-ci passa le reste
de ses jours dans la pauvreté et les dangers,
échangeant son activité et sa popularité contre
une vie d'indigence et d'isolement dans une oasis du désert
égyptien.
Il n'enseigna jamais la doctrine en question et
son exclusion, causée soi-disant par ses vues erronées,
fut simplement le résultat de la jalousie personnelle de son
collègue Cyrille. Un grand nombre d'évêques,
ayant protesté contre le jugement prononcé sur
Nestorius, furent finalement expulsés et se
réfugièrent en Perse, où on les reçut
fort bien. L'arrivée de tant d'hommes capables et
expérimentés ne pouvait qu'aider au réveil des
églises et donner un nouvel élan à l'extension
du christianisme dans les régions lointaines. Toutes les
églises orientales furent dès lors appelées
nestoriennes - bien qu'elles protestassent contre cette
étiquette - et furent regardées comme s'attachant
à une doctrine que ni elles ni Nestorius ne professaient.
Elles différaient des églises byzantine et romaine et
leur étaient même opposées. L'un des leurs
écrivait: «Elles sont injustement et injurieusement
appelées nestoriennes, puisque Nestorius ne fui jamais leur
patriarche; car ces églises ne comprennent même pas la
langue dans laquelle il écrivit. Mais, lorsqu'elles apprirent
comment il défendait la vérité orthodoxe des
deux natures et des deux personnalités du seul Fils de Dieu et
du seul Christ, elles confirmèrent son témoignage,
ayant elles-mêmes une même conviction sur ce point. La
vérité est plutôt que Nestorius suivit ces
églises et non pas qu'il les conduisit.»
Durant son exil, Nestorius écrivit un
exposé de sa foi (37)
ci ce qui suit est tiré du «Bazar
d'Héraclide», titre donné au livre pour en
empêcher la destruction.
Écrivant sur l'obéissance de
Christ, il dit: «Il prit donc la forme d'un serviteur, une
humble forme' qui avait perdu la ressemblance avec Dieu. Il ne prit
ni l'honneur et la gloire, ni l'adoration, ni même
l'autorité, bien qu'Il fût Fils. La forme d'un serviteur
agissait avec obéissance en la personne du Fils, selon le plan
de Dieu, ayant fait sienne la pensée de Dieu et
renonçant à la sienne propre. Il ne fit rien de ce
qu'Il désirait, mais seulement ce que désirait Dieu, la
Parole. Car c'est ce que signifie «en forme de Dieu», que
la forme du serviteur ne pouvait avoir une pensée ou une
volonté qui lui soient propres, mais accomplir la
volonté de Celui dont il est la personne et la forme. C'est
pourquoi la forme de Dieu prit la forme d'un serviteur et ne recula
devant rien de ce qui fait de cette forme de serviteur une
humiliation. Il accepta tout afin que la forme divine pût
être en tous.
» Il prit cette forme afin d'enlever la
culpabilité du premier homme et de lui rendre cette image
originelle qu'il avait perdue. Il convenait qu'Il prît sur Lui
ce qui avait entraîné la culpabilité, ce qui
était assujetti et asservi, ainsi que le déshonneur et
la disgrâce s'attachant à la culpabilité, car en
dehors de Sa personne, il n'y avait plus rien de divin, d'honorable
ou d'indépendant... Quand un homme est sauvé de toutes
les causes qui ont produit la désobéissance, on peut
vraiment le considérer comme étant sans
péché. C'est pourquoi Il prit la nature humaine; car,
s'Il avait pris une nature incapable de péché, on
aurait pu croire que c'était par sa nature qu'Il ne pouvait
pécher, et non par son obéissance...
» ... Il ne chercha pas non plus à
obéir dans les choses qui peuvent procurer l'honneur, la
puissance ou la renommée, mais dans celles qui sont pauvres,
méprisables, faibles et insignifiantes, - aptes plutôt
à Le détourner du chemin de l'obéissance, - dans
des choses qui ne peuvent inciter à l'obéissance, mais
plutôt au relâchement et à la négligence.
Il ne reçut aucune espèce d'encouragement. En Lui seul
Il trouva le désir d'obéir à Dieu et d'aimer sa
volonté. Donc tout appui extérieur lui manquait. Mais
bien qu'attiré nettement par des choses contraires à la
pensée de Dieu, Il ne s'en écarta en rien, lors
même que Satan employa tous les moyens possibles pour L'en
faire sortir. Et le Diable s'y appliqua d'autant plus qu'il vit que
Christ ne recherchait rien pour Lui-même; Car, au début,
Il ne fit aucun miracle et ne parut pas avoir mission d'enseigner. Il
se contenta d'être soumis et de garder tous les commandements.
Il fut en contact avec des hommes de toute condition et eut affaire
avec tous les commandements. Il avait donc la possibilité de
désobéir, mais Il se conduisit toujours virilement et
n'employa pour sa subsistance rien de spécial ou de
différent des moyens habituels, se contentant d'agir en ceci
comme les autres. Autrement on eût pu supposer qu'Il
était préservé du péché par une
aide extérieure et n'aurait pu y échapper sans cette
assistance. Il observa donc tous les commandements en mangeant et en
buvant. Ainsi à travers la fatigue et la sueur, Il resta ferme
dans son propos, sa volonté étant fixée sur
celle de Dieu. Et rien ne réussit à l'en faire sortir,
ou à l'en séparer, car Il ne vivait point pour
Lui-même, mais pour Celui à qui sa Personne appartenait.
Cette personne Il la conserva sans tache, ni ride, et c'est ainsi
qu'Il donna la victoire à la nature humaine.»
Après avoir parlé du
baptême et de la tentation de Christ, puis de sa mission de
prêcher le salut, Nestorius continue:
«Par la mort, Dieu n'a pas voulu accomplir
la destruction de l'homme; Il l'a amené à la repentance
et l'a secouru ... » L'auteur montre ensuite que le plan de
Satan était de conduire l'homme une deuxième fois
à la destruction finale, cette fois en le persuadant de mettre
Christ à mort - et il poursuit: « Christ mourut pour
nous, hommes égarés, plaçant la mort au centre
parce qu'il fallait qu'elle fût détruite. Il ne recula
même pas devant le fait que Lui-même devait se soumettre
à la mort pour obtenir l'espérance de
l'anéantissement de cette mort... C'est dans cette
espérance qu'Il accepta l'obéissance dans un immense
amour - non pas en expiation de sa propre culpabilité - car ce
fui pour nous qu'Il subit la condamnation. Ce fut pour tous les
hommes qu'Il remporta la victoire. Car de même qu'en Adam nous
avons tous été constitués coupables, en sa
victoire, la victoire nous est acquise.»
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