LE PÈLERINAGE
DOULOUREUX
de
L'ÉGLISE A
TRAVERS LES ÂGES
2. La grande
querelle des images
La vénération des
reliques commença de bonne heure dans la vie de
l'Église.
Hélène,
mère de Constantin-le-Grand, apporta de Jérusalem du
bois provenant soi-disant de la croix et des clous qui auraient servi
à la crucifixion. On commença à attribuer de la
valeur aux gravures, aux images et aux icônes. On bâtit
des églises pour y recueillir les reliques, en y
commémora la mort des martyrs. Insensiblement,
les réunions des disciples du Seigneur,
dans de simples chambres ou maisons, se transformèrent en
rassemblements de gens - croyants et non-croyants - dans
des bâtiments sacrés,
dédiés à la Vierge ou à l'un des saints,
remplis d'images et de reliques, objets
d'adoration. La prière s'adressa, non plus à Dieu, mais
à la Vierge et aux saints, et l'idolâtrie païenne
avec ses plus grossières superstitions se reproduisit autour
des images, des prêtres et des rites. Une preuve de la
puissance de la révélation de Christ dans les
Écritures, c'est que, même après l'introduction
dans les églises catholiques de l'idolâtrie et de la
superstition païennes, on ait trouvé dans leur sein,
comme aujourd'hui du reste, beaucoup de croyants s'appuyant sur
Christ pour leur salut et vivant saintement. Ils ne formaient
toutefois qu'un reste, caché dans la masse des gens
égarés par le système idolâtre, avec son
accompagnement de péché et d'ignorance qui en
résulte fatalement, les protestations de ces fidèles
n'ayant aucun effet.
Certains groupes - les
Pauliciens et d'autres - s'élevèrent contre
l'idolâtrie dominante, et ce fut l'une des principales raisons
de la violente persécution dirigée contre eux. Dans la
région du Taurus, où ils abondaient, naquit
Léon III qui devint empereur de l'Empire
d'Orient ou byzantin. Il est connu sous le nom de Léon
l'Isaurien. Il fut un des meilleurs et des plus capables empereurs
byzantins. Il défendit
Constantinople contre les Sarrasins et
fortifia l'Empire intérieurement par de sages et
énergiques réformes. S'apercevant que l'idolâtrie
et la superstition étaient parmi les principales causes des
maux si évidents en Orient comme en Occident, il décida
de déraciner le mal. En 726, il publia son premier édit
contre l'adoration des images et le fit suivre d'une campagne
acharnée de destruction des images et de persécution
contre ceux qui en conservaient. Ce fut le commencement d'une lutte
de plus d'un siècle. Léon eut à compter avec une
armée d'adversaires, dont le plus érudit fut
Jean de Damas.
Ce dernier écrivit
(25) : « ... puisque certains
nous reprochent d'adorer et d'honorer les images de notre Sauveur et
de Notre-Dame, ainsi que celles des saints et des
serviteurs de Christ, qu'ils se rappellent qu'au commencement Dieu
créa l'homme à son image... Dans l'Ancien Testament,
l'emploi des images n'était pas fréquent. Mais Dieu,
dans Ses entrailles de miséricorde, devint
véritablement homme pour notre salut... Il vécut sur la
terre, accomplit des miracles, souffrit, fui crucifié,
ressuscita et remonta au ciel. Toutes ces choses ont pris place
ici-bas et ont été vues des hommes. Elles ont
été écrites pour que nous en gardions la
mémoire et pour instruire ceux d'entre nous qui ne vivaient
pas à cette époque. Ainsi, bien que n'ayant rien vu,
nous pouvons, en attendant et en croyant, obtenir la
bénédiction du Seigneur. Or comme tous n'ont pas la
connaissance des lettres, ou le temps de lire, les Pères ont
autorisé la reproduction de ces événements par
les images, afin de constituer un mémorial concis de ces actes
héroïques. Lorsque nous ne pensons pas aux souffrances du
Seigneur, il arrive que la vue d'une image de sa crucifixion nous
rappelle son amour de Sauveur. Alors nous nous prosternons et adorons
non point l'image elle-même, mais ce qu'elle
représente... Ceci n'est qu'une tradition orale, tout comme
adorer en se tournant vers l'Orient, vénérer la Croix
et bien d'autres choses semblables».
Presque tous les prêtres
et les moines étaient contre Léon. Le patriarche
âgé de Constantinople refusa la soumission à ses
ordres et fut remplacé par un autre. Le pape de Rome,
Grégoire II, et son successeur, Grégoire Ill, furent
d'implacables adversaires de l'empereur. En Grèce, un empereur
rival fut nommé, qui attaqua Constantinople, mais fut
défait. En Italie, les ordres impériaux furent
condamnés et transgressés. Léon, appelé
«l'Iconoclaste» -
le destructeur d'images - eut pour
successeurs son fils Constantin, puis son petit-fils
Léon IV, qui suivirent son exemple en
redoublant de sévérité. A la mort de ce dernier,
sa veuve, Irène, fit une politique
opposée. Toutefois, pendant plusieurs règnes, le
conflit continua avec des résultats divers, jusqu'en 842
où, après la mort de l'empereur
Théophile, ennemi des images, sa veuve,
Théodora, devint régente durant
la minorité de son fils, Michel
III. Sous l'influence des prêtres,
cette femme, qui soutenait en secret l'adoration des images, en
rétablit le culte dès qu'elle le put. Une grande
cérémonie eut lieu à
l'église de Ste-Sophie, à Constantinople, pour
célébrer solennellement la restauration des images.
Toutes celles qui avaient été cachées pendant un
temps furent réinstallées et les dignitaires de
l'Église et de l'État se prosternèrent devant
elles.
Cette question des images prit
une place importante au Concile de Francfort
(794) / (26), convoqué et
présidé par Charlemagne. Il y
avait là des chefs civils et ecclésiastiques, qui
légiférèrent sur des matières très
diverses. Le pape envoya ses représentants. Les
décisions du Second Concile de
Nicée, qui avait autorisé le service et l'adoration des
images, furent abrogées, lors même qu'elles avaient
été confirmées par le pape et acceptées
en Orient. Dans leur zèle pour les images, ceux qui en
favorisaient l'usage, allèrent jusqu'à nommer leurs
adversaires, non seulement iconoclastes, mais encore
mahométans. Néanmoins il fut
décrété à Francfort que toute adoration
de ce genre devait être rejetée; défense fut
faite d'adorer, de révérer ou de vénérer
les images, d'allumer des cierges ou de brûler de l'encens
devant elles, d'embrasser ces formes sans vie, même
lorsqu'elles représentaient la Vierge et l'Enfant
Jésus. Elles étaient pourtant tolérées
dans les églises comme ornements et en souvenir d'hommes pieux
et d'actions pieuses. On repoussa aussi l'assertion que Dieu ne peut
être adoré qu'en trois langues, le latin, le grec et
l'hébreu. et on déclara «qu'il n'est pas de langue
dans laquelle on ne puisse prier». Les représentants du
pape n'étaient pas en bonne posture pour protester. Le
sentiment général des Francs, dans leurs guerres contre
les païens saxons et dans leurs missions parmi eux,
n'étaient pas favorable à l'idolâtrie.
Charlemagne eut pour successeur
(813) son troisième fils, Louis, alors
roi d'Aquitaine. Ce nouvel empereur admirait un Espagnol,
nommé Claude, diligent étudiant des Écritures,
devenu célèbre par ses commentaires sur la Bible.
Dès qu'il fut sur le trône, Louis nomma
Claude évêque de Turin. Le nouvel
évêque, qui connaissait et aimait les Écritures,
profita des circonstances favorables créées par le
Concile de Francfort et outrepassa ses droits en enlevant des
églises de Turin toutes les images qu'il appelait des idoles,
y compris les croix. Tant de gens l'approuvèrent qu'il n'y eut
pas de résistance effective à Turin. Claude enseigna
également que l'office apostolique de saint Pierre avait
cessé avec sa vie, que «le pouvoir des chefs» se
transmettait à tout l'ordre épiscopal et que
l'évêque de Rome ne possédait le pouvoir
apostolique qu'en tant qu'il menait une vie apostolique. Ceci suscita
naturellement une vive opposition. L'un des principaux adversaires
fut l'abbé d'un monastère
près de Nîmes. Cependant il dut reconnaître que la
plupart des prélats transalpins se rangeaient du
côté de l'évêque de Turin.
3. Apparition du
Mahométisme
Des événements
plus importants, ayant aussi affaire à la question des images,
se présentèrent à cette époque comme le
développement inattendu d'un faible commencement. En 571,
Mahomet naquit à La
Mecque et, à sa mort en 632, la
religion islamique, dont il était le fondateur et le
prophète, s'était étendue à la majeure
partie de l'Arabie. L'islamisme (du mot islam, soumission à la
volonté de Dieu) a pour credo: «Dieu seul est Dieu et
Mahomet est Son prophète». Il répudie absolument
les statues ou images de toutes sortes. Son livre, le
Coran, renferme beaucoup de
références confuses aux personnes et aux
événements mentionnés dans la Bible. Abraham,
comme Ami de Dieu, Moïse, la Loi de Dieu, Jésus, l'Esprit
de Dieu, sont tous vénérés, mais seulement
après Mahomet le Prophète de Dieu, qui les surpasse en
grandeur. Cette religion fit son chemin par la force de
l'épée et telle fut l'irrésistible
énergie de cette croyance nouvelle que, moins d'un
siècle après la mort de Mahomet, elle exerçait
sa domination de l'Inde à l'Espagne. Le choix à faire
entre la conversion ou la mort fut un moyen efficace de grossir les
rangs de l'Islam. Beaucoup cependant moururent plutôt que de
renier Christ. Dans l'Afrique du Nord, spécialement, où
les églises abondaient et où tant de chrétiens
avaient souffert le martyre au temps des persécutions de
l'Empire romain, une grande proportion de la population fut
anéantie. Le mahométisme était un jugement de
l'idolâtrie, qu'elle fût païenne ou
chrétienne.:
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