LE PÈLERINAGE
DOULOUREUX
de
L'ÉGLISE A
TRAVERS LES ÂGES
CHAPITRE
II
Le Christianisme
dans la Chrétienté
(313-476, 300-850,
350-385)
Association de l'Église
à l'État. - Églises refusant cette association.
- Condamnation des donatistes. - Le concile de Nicée. -
Restauration de l'arianisme. - Athanase. - Professions de foi. - Le
canon des Écritures. - Le monde romain et l'Église. -
Dissolution de l'empire d'Occident. - Augustin. - Pélage. -
Changement d'attitude de l'Église. - Fausses doctrines:
manichéisme, arianisme, pélagianisme, sacerdotalisme. -
Système monastique. - Les Écritures comme règle
de vie. - Missions. - Abandon des principes missionnaires du Nouveau
Testament. - Missions irlandaises et écossaises sur le
Continent. - Conflit entre les missions britannique et romaine. -
Priscillien.
1. L'Église et
l'État.
Fin de l'Empire romain
d'Occident
La prééminence
des évêques, et surtout des métropolites dans les
églises catholiques favorisa grandement les relations de
l'Église avec les autorités civiles. Constantin
lui-même, tout en conservant l'ancienne dignité
impériale de grand prêtre de la religion païenne,
se chargea du rôle d'arbitre des églises
chrétiennes.L'Église et
l'État ne tardèrent pas à être
étroitement associés et, très vite, la puissance
de l'État fui à la disposition des chefs de
l'Église pour sanctionner leurs décisions. C'est ainsi
que les persécutés devinrent promptement
persécuteurs.
Plus tard,
leséglises qui, restées
fidèles à la Parole de Dieu furent
persécutées par l'Église dominante
commehérétiques et sectaires,
exprimèrent souvent dans leurs écrits leur
entière désapprobation de l'union de l'Église et
de l'État au temps de Constantin et
deSylvestre, alors évêque de
Rome. Elles faisaient remonter leur existence et leur
continuité aux assemblées primitives, scripturaires,
des jours apostoliques, ayant conservé leur pureté
durant la période où tant d'églises
s'associèrent au pouvoir séculier. Pour toutes il y eut
bientôt un renouveau de persécution, venant cette
fois-ci, non pas de l'empire païen de Rome, mais de
l'Église officielle, investie de la puissance de l'État
christianisé.
LesDonatistes, très
nombreux dans l'Afrique du Nord, avaient retenu ou
réadopté dans leur organisation plusieurs
éléments du type catholique. Ils étaient en
bonne posture pour en appeler à l'empereur dans leur lutte
avec le parti catholique, et ils le firent sans retard. Constantin
convoqua plusieurs évêques des deux tendances et se
prononça contre les Donatistes, qui furent alors
persécutés et punis. Mais le conflit n'en fut pas
adouci; il continua jusqu'àl'invasion
mahométane du septième siècle qui les
détruisit tous.
LeConcile
de Nicée, premier concile général des
églises catholiques, fut convoqué par Constantin. Il se
réunit à Nicée, en Bithynie (325). La principale
question à examiner était la doctrine
d'Arius, presbytre
d'Alexandrie, qui prétendait que le
Fils de Dieu était un être créé, le
premier et le plus grand de tous, il est vrai, mais ne pouvait
pourtant être considéré comme égal au
Père. Plus de trois cents évêques, venus de
toutes les parties de l'Empire, avec leurs nombreux assistants, se
rassemblèrent à Nicée pour y débattre ce
point. Le concile fut ouvert en grande pompe par Constantin.
Plusieurs évêques portaient sur leur corps les marques
des tortures endurées au temps des persécutions. A part
deux opposants, le concile décida que l'enseignement d'Arius
était faux, car telle n'avait pas été la
doctrine de l'Église au début.
Lecredo de Nicée fut alors
élaboré pour exprimer la vérité quant
à la nature réellement divine du Fils et à Son
égalité avec le Père.
Bien que la décision
obtenue fût juste, la manière d'y arriver, par les
efforts combinés de l'empereur et des évêques, et
le mode de l'appliquer, par le pouvoir de l'État,
manifestaient de la part de l'Église catholique son
éloignement de l'Écriture. Deux ans après le
Concile de Nicée, Constantin changea d'opinion et rappela
Arius de l'exil. Durant le règne de son
filsConstance, tous les
évêchés furent confiés à des
évêques ariens. Le
gouvernement devint alors arien et la persécution se
détourna des Ariens pour se reporter sur les
Catholiques.
A cette
époque,Athanase était un homme
occupant une position éminente, que ni les clameurs
populaires, ni les menaces ou les flatteries des autorités ne
parvenaient à ébranler. Comme jeune homme, il avait
assisté au Concile de Nicée et, plus fard, devint
évêque d'Alexandrie. Pendant près de cinquante
ans, bien qu'exilé à plusieurs reprises, il maintint un
courageux témoignage à la vraie divinité du
Sauveur. Calomnié, traduit devant les tribunaux, se
réfugiant au désert, puis retournant en ville, rien ne
put le détourner de la défense de la
vérité qu'il professait.
Dans un bon nombre de pays,
surtout dans les royaumes du Nord,l'arianisme
se maintint encore pendant trois siècles comme religion
d'État. Les Lombards, en Italie, furent les derniers à
l'abandonner.
Confessions de
foi.-Les six premiers conciles
généraux,dont le dernier se réunit en 680,
s'occupèrent surtout de questions concernant la nature divine
et les relations entre le Père, le Fils et le St-Esprit.
Après des discussions interminables, on forgea des confessions
de foi et énonça des dogmes, dans l'espoir de fixer
à jamais la vérité et de la transmettre aux
générations futures. Notons ici que telle n'est pas la
méthode des Écritures. Elles nous enseignent que la
lettre seule ne peut communiquer la vérité, qui doit
être saisie spirituellement et non mécaniquement
transmise d'une personne à l'autre. Chaque âme
individuellement la reçoit et la fait sienne dans
l'intimité avec Dieu, puis s'y affermit en la confessant et en
la maintenant dans la lutte quotidienne.
Le canon des
Écritures. - On
estime parfois que l'Écriture seule ne suffit pas pour
l'orientation des Églises et qu'il faut y ajouter au moins la
tradition primitive, puisque ce furent les premiers conciles de
l'Église qui fixèrent le canon des Écritures.
Ceci n'avait trait naturellement qu'au Nouveau Testament. Par ses
caractéristiques particulières et par son histoire
unique, le peuple d'Israël avait été
préparé à recevoir la révélation
divine, à reconnaître les écrits inspirés,
et à les conserver avec une ténacité et une
exactitude invincibles. Quant au Nouveau Testament, le canon des
livres inspirés ne fut pas fixé par les conciles. Ils
le reconnurent comme déjà clairement
désigné par le St-Esprit et généralement
accepté dans les églises. Cette marque spirituelle et
cette acceptation n'ont cessé d'être confirmées
par la supériorité en valeur et en puissance des livres
canoniques, comparés auxlivres
apocryphes ou non canoniques.
Union de l'Église
et de l'État. -
Commençant en 313, avec l'Édit de tolérance de
Constantin, la seconde période de l'histoire de certaines
églises est très importante parce qu'elle
démontre, sur une large échelle, l'expérience de
l'union de l'Église à
l'État.L'Église pouvait-elle
sauver le monde en s'associant à lui?
Le monde romain(16) avait alors atteint
l'apogée de sa puissance et de sa gloire, la civilisation, son
plus haut degré possible, la connaissance de Dieu mise
à part. Et pourtant la misère du monde était
extrême. Tandis que la luxure et les vices des riches
dépassaient toute mesure, une large proportion du peuple
vivait dans l'esclavage. La dégradation générale
était encore accrue par des spectacles publics, où l'on
amusait la populace par toute espèce de scènes de
cruauté et d'iniquité. On trouvait encore quelques
éléments sains aux extrémités de
l'Empire, mais le coeur de la nation était malade et
compromettait la vie de tout l'organisme. Rome était
irrémédiablement vicieuse et corrompue.
Tant que l'Église
était restée séparée de l'État,
elle avait été un puissant témoin du Christ dans
le monde et avait introduit constamment de nombreux convertis dans sa
sainte communion. Mais lorsque, déjà affaiblie pour
avoir obéi à des conducteurs humains plutôt qu'au
St-Esprit, elle devint soudainement partenaire de l'État, elle
en partagea la souillure et la dégradation.
Très vite, le
clergé aspira à des positions lucratives et
éminentes, au même titre que les fonctionnaires de la
Cour, tandis que dans les congrégations où
prévalait l'élément impie, les avantages
matériels d'un christianisme de surface changeaient la
pureté des églises persécutées en
mondanité. L'Église devint ainsi incapable d'enrayer la
marche du monde civilisé vers la corruption.
Invasion des
Barbares. - De
sinistres nuages s'amassaient, annonçant le jugement. Dans la
Chine lointaine, des mouvements de la population vers l'ouest
amenèrent une grande migration des Huns qui, traversant
laVolga, poursuivirent les Goths dans ce qui est
aujourd'hui la Russie, et les refoulèrent jusqu'aux
frontières de l'Empire romain, déjà
divisé en Empire d'Orient ou Byzantin,
avecConstantinople pour capitale, et en
Empire d'Occident, avec Rome. Les nations germaniques ou teutoniques
sortirent de leurs forêts. Harcelés par les hordes
mongoles de l'Orient et attirés par l'opulence et la faiblesse
de l'Empire, les Goths - divisés en Ostrogoths et Visigoths,
selon qu'ils venaient de l'est ou de l'ouest - puis d'autres peuples
germaniques: les Francs, les Vandales, les Burgondes, les
Suèves, les Hérules, etc., s'abattirent comme un flot
dévastateur sur la civilisation avilie de Rome. En une
année, de vastes provinces, comme l'Espagne et la Gaule,
furent ravagées. Leurs habitants, dès longtemps
accoutumés à la paix, se réfugièrent dans
les cités, par amour de l'aise et du plaisir. Les
armées qui, si longtemps avaient gardé leurs
frontières, furent dispersées, les villes
détruites et une population cultivée, raffinée,
qui ne s'était jamais pliée à la discipline
militaire, fut massacrée ou réduite en esclavage par
des païens.Rome, elle-même, tomba au
pouvoir des Goths sous Alaric(410) et cette grande métropole
fut pillée et dévastée par ces hordes barbares.
En 476, l'Empire romain d'Occident prit fin ci de nouveaux royaumes
surgirent là où le pouvoir romain avait si longtemps
dominé. Quant à l'Empire d'Orient, il subsista encore
jusqu'en 1453, pendant un millier d'années environ,
année oùConstantinople
fut prise par les Turcs mahométans.
2. Lutte contre les
erreurs
Augustin(354-430) nous apparaît à cette
époque comme l'une des grandes figures de
l'histoire(17), dont l'enseignement a
laissé une marque indélébile sur les âges
successifs. Dans ses nombreux écrits, spécialement dans
ses «Confessions», Augustin ouvre
son âme au lecteur de façon si intime qu'il lui donne
l'impression d'être une connaissance et un ami. Né
enNumidie, il décrit l'entourage, les
pensées et les sentiments de sa jeunesse. Dans ces pages il
fait revivre sa pieuse mère,Monique,
priant et espérant pour lui, tandis que dans son chagrin elle
voit son fils grandir dans une vie de péché. Mais, -
encouragée par une vision et par les sages
conseilsd'Ambroise, évêque de
Milan, - elle crut fermement qu'Augustin serait un jour sauvé.
Le père du jeune homme se préoccupait surtout de son
avancement matériel et mondain.
Tout en cherchant la
lumière, Augustin reconnaissait lui-même que sa
situation était désespérée, lié
qu'il était dans le filet de la débauche. Un certain
temps,il crut avoir trouvé sa
délivrance dans le manichéisme, mais en reconnut
bientôt l'inconséquence et la faiblesse. Bien
qu'influencé par la prédication d'Ambroise, il ne
trouvait pas la paix. A trente-deux ans - il enseignait alors la
réthorique à Milan - il était tombé dans
une profonde détresse d'âme. Voici ce qu'il
écrit: «Je me jetai à terre, sous un certain
figuier et donnai libre cours à mes larmes... je
m'écriai dans ma douleur: «Jusques à quand,
jusques à quand? Demain et encore demain? Pourquoi pas
maintenant? Pourquoi cette heure ne marquerait-elle pas la fin de ma
vie impure?» Tout en parlant, je versais des larmes
d'amère repentance quand, soudain, j'entendis la voix d'un
garçon ou d'une jeune fille, je ne sais, venant d'une maison
voisine et répétant souvent: «Prends et lis,
prends et lis.» Ces paroles produisirent en moi un changement
immédiat. Je me demandai très sérieusement s'il
existait un jeu quelconque où les enfants chantaient ces trois
mots, mais je ne pus me rappeler les avoir jamais entendus. Alors,
luttant contre mes larmes, je me levai, convaincu que j'avais
ouï un commandement venant du ciel, d'ouvrir le Livre et d'y
lire le premier chapitre qui me tomberait sous les yeux... je le
saisis, l'ouvris et lus en silence le paragraphe suivant:
«Marchons... loin des excès et de l'ivrognerie, de la
luxure et de l'impudicité, des querelles et des jalousies.
Mais revêtez-vous du Seigneur Jésus-Christ, et n'ayez
pas soin de la chair pour en satisfaire les convoitises.» je ne
lus rien de plus, et ce n'était pas nécessaire car,
instantanément, en terminant la phrase, - par une
lumière versant l'assurance - en mon coeur, - toute l'angoisse
du doute s'évanouit.»
Cette conversion causa la plus
grande joie, mais non l'étonnement, à Monique, qui
mourut en paix, un an plus fard, durant leur voyage de retour en
Afrique.Augustin fut baptisé par
Ambroise de Milan(387) et devint plus tard
évêqued'Hippone(aujourd'hui
Bône), en Afrique du Nord (395).
La controverse occupa une
grande partie de sa vie si remplie. Il vécut à
l'époque où l'Empire d'Occident était
près de disparaître. De fait, lorsqu'il mourut, une
armée de Barbares assiégeait la ville d'Hippone. Ce fut
la chute de l'Empire d'Occident qui l'amena à écrire
son fameux livre, la «Cité de
Dieu». Le titre complet de cet ouvrage en explique le but:
«Bien que la plus grande cité du monde soit
tombée, la Cité de Dieu demeure à jamais.»
Toutefois l'enseignement qui découle de son point de vue sur
la Cité de Dieu eut des conséquences
désastreuses sur les esprits, car sa grande renommée ne
pouvait qu'intensifier les effets nuisibles de ses erreurs. Plus que
tout autre,il énonça la
doctrine du salut par l'Église seule, au moyen des
sacrements.Enlever le salut des mains du Sauveur pour le confier
à des mains d'hommes; interposer entre le Sauveur et le
pécheur un système imaginé par l'homme: n'est-ce
pas là une flagrante opposition à la
révélation de l'Evangile? Christ a dit: «Venez
à moi», et aucun prêtre, aucune église n'a
le droit d'intervenir.
Dans son zèle pour
l'unité de l'Église et dans son horreur de toute
divergence de doctrine, ou différence de forme, Augustin
perdit de vue l'unité vivante, spirituelle et indestructible
de l'Église, ou Corps de Christ, unissant tous ceux qui, par
la nouvelle naissance, participent à la vie de Dieu. Il ne
comprit donc pas que les églises de Dieu peuvent pratiquement
exister partout et en tous temps, chacune d'elles se maintenant en
relation directe avec le Seigneur par le Saint-Esprit, tout en
restant en communion les unes avec les autres, malgré la
faiblesse humaine, les degrés divers de connaissance, les
divergences dans l'interprétation des Écritures et dans
les pratiques extérieures.
Cette manière de
considérer l'Église comme une organisation terrestre,
devait inévitablement l'amener à la recherche de moyens
tangibles et matériels pour préserver et même
imposer l'unité extérieure de l'Église. Dans sa
controverse avec lesDonatistes, il
écrit: «Il vaut évidemment mieux... que les hommes
apprennent à adorer Dieu par la vérité
enseignée que par crainte des châtiments, ou de la
douleur. Mais, s'il est vrai que la première méthode
produit des hommes meilleurs, il ne s'ensuit pas qu'on doive
négliger ceux qui ne s'y plient pas. Car beaucoup ont
trouvé avantageux - nous Pavons prouvé et le prouvons
encore journellement par l'expérience - d'être d'abord
contraints par la crainte ou la douleur, pour pouvoir ensuite
être influencés par la doctrine et traduire en actes ce
qu'ils avaient appris en paroles... Si les hommes guidés par
l'amour sont meilleurs, ceux que la crainte corrige sont plus
nombreux. Car qui sut jamais mieux nous aimer que Christ, Lui qui
donna sa vie pour les brebis? Et pourtant, après avoir
appelé Pierre et les autres apôtres par Ses
enseignements, quand il s'agit de Paul, non seulement Il le
contraignit d'obéir par Sa voix, mais encore le jeta à
terre par Sa puissance. En outre, pour faire soupirer après la
lumière du coeur cet homme qui se débattait dans les
ténèbres de l'infidélité, Il le frappa
d'aveuglement physique.Pourquoi donc
l'Église n'emploierait-elle pas la force pour ramener à
elle ses fils égarés?... Christ n'a-t-Il pas dit: Va
dans les chemins et le long des haies, et ceux que tu trouveras,
contrains-les d'entrer ... ? Si donc la puissance que l'Église
a reçue de Dieu au temps marqué, - par le
caractère religieux et la foi des rois, - est l'instrument qui
peut contraindre d'entrer ceux qui passent dans les chemins et le
long des haies, - c'est-à-dire dans les hérésies
et les schismes, - pourquoi ceux-ci se plaindraient-ils d'avoir
à subir cette contrainte? -
Un tel enseignement,
appuyé sur une telle autorité, encouragea et justifia
ces méthodes de persécution qui firent égaler en
cruauté la Rome papale à la Rome païenne. Ainsi
cet homme au coeur affectueux et largement ouvert à la
sympathie, s'étant écarté, avec les meilleures
intentions, des principes de l'Écriture, se trouva
engagé dans un vaste et impitoyable système de
persécution.
Pélage(18), avec lequel
Augustin eut une longue controverse, était né dans les
Iles britanniques. Il vint à Rome au début du
cinquième siècle, à l'âge de trente ans
environ, et, bien que simple laïque, fut bientôt reconnu
comme écrivain habile à commenter les Écritures,
et comme un homme scrupuleusement intègre. Ce
témoignage lui est rendu par Augustin qui, plus tard, devint
son grand adversaire doctrinal. Certains rapports
défavorables, publiés ensuite
parJérôme, semblent avoir
été formulés plutôt dans l'ardeur de la
controverse qu'appuyés sur des faits réels. A Rome,
Pélage rencontraCélestin, qui
devint un zélé interprète de son enseignement.
Pélage était un réformateur. Le
relâchement et l'amour du luxe de beaucoup de chrétiens
de nom l'affligeaient profondément. Il devint un
prédicateur vigoureux de la justice et de la sanctification
pratiques.
Ens'attachant trop
exclusivement à cet aspect de la vérité, il en
vint à exagérer le rôle de la libre
volonté de l'homme et à sous-estimer l'opération
de la grâce divine.Il enseignait que les hommes ne participent
pas à la transgression d'Adam, sauf en suivant l'exemple
donné. Qu'Adam aurait dû mourir, même s'il n'avait
pas péché. Qu'il n'y a pas de péché
originel, car chaque homme agit de son libre choix. De ce fait, tout
être humain peut atteindre à la justice parfaite. Les
enfants, à son avis, viennent au monde sans
péché. C'est ainsi qu'il vint en conflit direct avec
l'enseignement catholique. Il enseignait le baptême des petits
enfants, tout en niant qu'il fût un moyen de
régénération. Il pensait que le baptême
amène l'enfant à un état de grâce qui lui
ouvre le Royaume de Dieu et le place dans une condition lui
permettant d'obtenir le salut et la vie, la sanctification et l'union
avec Christ.
Pour combattre cette doctrine,
Augustin lut à sa congrégation l'extrait d'un ouvrage
de Cyprien, écrit cent-cinquante ans auparavant et
déclarant que les petits enfants sont baptisés pour la
rémission du péché. Augustin supplia alors
Pélage de s'abstenir d'un enseignement qui divergeait d'une
doctrine et d'une pratique si fondamentales de l'Église. Les
Pélagiens n'employaient pas la prière:
«Pardonne-nous nos péchés» ils la
considéraient comme non applicable aux chrétiens, qui
n'avaient nullement besoin de pécher. Si nous péchons,
pensaient les Pélagiens, c'est de notre libre choix. Cette
prière serait donc l'expression d'une fausse
humilité.
Le conflit au sujet des
doctrines de Pélage et de Célestin prit une grande
extension et absorba une partie considérable du temps et des
forces d'Augustin, qui écrivit très abondamment sur ce
sujet.On tint des conciles. Ceux de l'Orient
acquittèrent Pélage; ceux de l'Occident le
condamnèrent, en raison de l'influence d'Augustin dans les
églises latines.Ces dernières, en effet, avaient
accepté un enseignement dogmatique plus défini sur la
relation entre la volonté de Dieu et celle de l'homme que ne
l'avaient fait les églises de l'Orient. On fit appel au
papeInnocent, à Rome, qui fut heureux
de pouvoir ainsi affirmer son autorité. Il excommunia
Pélage et tous ses adeptes, maisZosime,
son successeur, les réintégra. Réunis
àCarthage, les évêques
occidentaux parvinrent à gagner l'appui du pouvoir civil et
Pélage ainsi que tous ses adhérents furent bannis et se
virent confisquer leurs biens. Le pape Zosime changea alors d'opinion
et condamna aussi Pélage. Dix-huit évêques
italiens refusèrent de se soumettre au décret
impérial. L'un d'entre eux,Julien,
évêque d'Eclanum,contestant avec Augustin, fit preuve de
vraies capacités et d'une modération
inaccoutumée. Il démontra que l'emploi de la force et
le changement d'opinion d'un pape n'étaient pas les armes
qu'il fallait pour trancher les questions de doctrine.
Pélage enseigna beaucoup
de choses vraies et salutaires. Cependant la doctrine
caractéristique du pélagianisme est contraire, non
seulement à l'Écriture, mais encore aux faits. Les
hommes sont conscients de leur nature déchue et corrompue, de
leur asservissement au péché, et les faits
démontrent cet état de choses. Notre participation
à la vie et à la nature pécheresse d'un homme,
le premier Adam; notre assujettissement à la mort, tout comme
lui, permettent à toute la race d'entrer en relation vivante
avec l'Homme Christ-Jésus, le second Adam qui ouvre le chemin
du salut à chaque homme. Le pécheur peut donc, par le
libre choix de la foi, participer à la vie éternelle et
à la nature divine.
En résumé, au
cours des trois premiers siècles de son histoire,
l'Église avait prouvé qu'aucune puissance terrestre ne
saurait l'écraser. Les attaques du dehors n'avaient pu la
vaincre. Elle avait amené à la conversion les
témoins de ses souffrances et même ses
persécuteurs. Elle avait augmenté plus rapidement
quelle n'avait diminué. La période suivante, d'environ
deux siècles, montra que l'union de l'Église et de
l'État, même lorsque l'Église détient le
pouvoir du plus puissant empire, ne peut sauver l'État de la
destruction. Car en abandonnant la position qui s'attache à
son nom même, «Ecclésia», - appelée
hors du monde, - sa séparation pour Christ, elle perd la force
qui découle pour elle de la soumission à son Seigneur,
en l'échangeant contre une autorité terrestre qui lui
est fatale.
L'Église de Christ
souffrit, non seulement de la violence des persécuteurs et des
séductions du pouvoir temporel, mais aussi des assauts des
fausses doctrines. Du troisième au cinquième
siècle, on voit s'affirmer quatre formes d'erreur, d'un
caractère si fondamental que leurs effets se font encore
sentir aujourd'hui dans l'Église et dans le monde.
1. Le manichéisme
attaque l'enseignement de l'Écriture tout comme le
témoignage de la nature: Dieu est le Créateur de toutes
choses. La Bible s'ouvre par ces mots: «Au commencement, Dieu
créa les cieux et la terre» (Gen. 1. 1). Elle montre
ensuite l'homme comme étant le couronnement de la
création, en disant: «Dieu créa l'homme à
son image» (Gen. 1. 27). Enfin, passant en revue tout ce qu'Il
avait accompli, Dieu vit que «cela était très
bon» (Gen. 1. 31). Maisle
manichéisme attribue les choses visibles et matérielles
à l'oeuvre d'une puissance mauvaise et
ténébreuse, ne laissant au vrai Dieu que ce qui est
spirituel. Il s'attaque ainsi aux racines de la
révélation divine dont la création, la chute et
la rédemption forment les parties essentielles et
indivisibles.De ces vues erronées découlent, d'une
part, les excès de l'ascétisme, qui traite le corps
comme foncièrement mauvais. D'autre part, les pratiques et
doctrines dégradantes, encouragées par le principe que
le corps doit être envisagé comme purement animal. On
perd ainsi de vue l'origine totalement divine de l'homme et, par
suite, la possibilité de sa rédemption et de sa
restauration à l'image du Fils de Dieu.
2. La plus glorieuse
révélation, vers laquelle convergent toutes les
Écritures, c'est que Jésus-Christ est Dieu,
manifesté en chair, devenu homme pour se révéler
à nous, et que, par Son sacrifice sur la croix, il a accompli
l'oeuvre de propitiation pour le péché du monde. En
niant la divinité de Christ et en déclarant qu'Il est
un être créé - le premier et le plus grand de
tous - l'arianisme met une distance incommensurable entre l'homme et
Dieu. Il nous empêche de connaître ce Dieu comme notre
Sauveur et nous abandonne au vague espoir d'arriver, par
l'amélioration de notre caractère, à quelque
chose de supérieur à ce que nous expérimentons
présentement.
3. En contradiction avec
l'Écriture, le pélagianisme nie que toute
l'humanité participe à la transgression d'Adam. Il
affirme que le péché d'Adam ne concerne que
lui-même et ses relations avec Dieu, et que tout homme,
né dans ce monde, est originellement sans péché.
Cette doctrine affaiblit chez l'homme la notion de son besoin du
Sauveur. Elle l'empêche de parvenir à une vraie
connaissance de lui-même et l'encourage à devenir, au
moins en partie, l'auteur de son propre salut. Dans
l'Écriture, la part que nous prenons à la chute est
intimement liée à la part que nous avons à
l'oeuvre rédemptrice de Christ, le second Adam. Si la Bible
insiste sur la responsabilité individuelle et sur le libre
arbitre, ce n'est pas à l'exclusion de la souveraineté
de Dieu et de la solidarité raciale de l'humanité, mais
bien plutôt en rapport avec la doctrine que tous étant
inclus dans une même condamnation, le sont aussi dans un
même salut.
4.
Lesacerdotalisme déclare que
l'Église seule peut communiquer le salut au moyen des
sacrements administrés par les prêtres. A cette
époque, le terme «Église» s'appliquait
à la seule Église romaine. Toutefois cette doctrine,
qui devint la sienne, a été. et est encore
proclamée par bien d'autres systèmes religieux, petits
et grands. Or, rien n'est plus nettement et plus constamment
enseigné par le Seigneur et ses apôtres, que le salut du
pécheur est gratuitement accordé par la foi au Fils de
Dieu, à Sa mort expiatoire et à Sa résurrection.
Une église, ou un groupement qui prétend monopoliser le
salut, - des hommes qui s'arrogent le droit d'introduire les
âmes dans le Royaume de Dieu, ou de les en exclure,
-des sacrements, ou des rites
considérés comme indispensables au salut: tout cela
constitue une tyrannie, source de souffrance inouïe pour
l'humanité. L'âme tâtonne dans les
ténèbres. Elle ne peut avancer sur la voie du salut,
ouverte par Christ seul à tous ceux qui croient en Lui.
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