Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
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LE PÈLERINAGE DOULOUREUX
de
L'ÉGLISE A TRAVERS LES ÂGES




 CHAPITRE II

Le Christianisme dans la Chrétienté

(313-476, 300-850, 350-385)

Association de l'Église à l'État. - Églises refusant cette association. - Condamnation des donatistes. - Le concile de Nicée. - Restauration de l'arianisme. - Athanase. - Professions de foi. - Le canon des Écritures. - Le monde romain et l'Église. - Dissolution de l'empire d'Occident. - Augustin. - Pélage. - Changement d'attitude de l'Église. - Fausses doctrines: manichéisme, arianisme, pélagianisme, sacerdotalisme. - Système monastique. - Les Écritures comme règle de vie. - Missions. - Abandon des principes missionnaires du Nouveau Testament. - Missions irlandaises et écossaises sur le Continent. - Conflit entre les missions britannique et romaine. - Priscillien.


1. L'Église et l'État.

Fin de l'Empire romain d'Occident

La prééminence des évêques, et surtout des métropolites dans les églises catholiques favorisa grandement les relations de l'Église avec les autorités civiles. Constantin lui-même, tout en conservant l'ancienne dignité impériale de grand prêtre de la religion païenne, se chargea du rôle d'arbitre des églises chrétiennes.L'Église et l'État ne tardèrent pas à être étroitement associés et, très vite, la puissance de l'État fui à la disposition des chefs de l'Église pour sanctionner leurs décisions. C'est ainsi que les persécutés devinrent promptement persécuteurs.

Plus tard, leséglises qui, restées fidèles à la Parole de Dieu furent persécutées par l'Église dominante commehérétiques et sectaires, exprimèrent souvent dans leurs écrits leur entière désapprobation de l'union de l'Église et de l'État au temps de Constantin et deSylvestre, alors évêque de Rome. Elles faisaient remonter leur existence et leur continuité aux assemblées primitives, scripturaires, des jours apostoliques, ayant conservé leur pureté durant la période où tant d'églises s'associèrent au pouvoir séculier. Pour toutes il y eut bientôt un renouveau de persécution, venant cette fois-ci, non pas de l'empire païen de Rome, mais de l'Église officielle, investie de la puissance de l'État christianisé.

LesDonatistes, très nombreux dans l'Afrique du Nord, avaient retenu ou réadopté dans leur organisation plusieurs éléments du type catholique. Ils étaient en bonne posture pour en appeler à l'empereur dans leur lutte avec le parti catholique, et ils le firent sans retard. Constantin convoqua plusieurs évêques des deux tendances et se prononça contre les Donatistes, qui furent alors persécutés et punis. Mais le conflit n'en fut pas adouci; il continua jusqu'àl'invasion mahométane du septième siècle qui les détruisit tous.

LeConcile de Nicée, premier concile général des églises catholiques, fut convoqué par Constantin. Il se réunit à Nicée, en Bithynie (325). La principale question à examiner était la doctrine d'Arius, presbytre d'Alexandrie, qui prétendait que le Fils de Dieu était un être créé, le premier et le plus grand de tous, il est vrai, mais ne pouvait pourtant être considéré comme égal au Père. Plus de trois cents évêques, venus de toutes les parties de l'Empire, avec leurs nombreux assistants, se rassemblèrent à Nicée pour y débattre ce point. Le concile fut ouvert en grande pompe par Constantin. Plusieurs évêques portaient sur leur corps les marques des tortures endurées au temps des persécutions. A part deux opposants, le concile décida que l'enseignement d'Arius était faux, car telle n'avait pas été la doctrine de l'Église au début. Lecredo de Nicée fut alors élaboré pour exprimer la vérité quant à la nature réellement divine du Fils et à Son égalité avec le Père.

Bien que la décision obtenue fût juste, la manière d'y arriver, par les efforts combinés de l'empereur et des évêques, et le mode de l'appliquer, par le pouvoir de l'État, manifestaient de la part de l'Église catholique son éloignement de l'Écriture. Deux ans après le Concile de Nicée, Constantin changea d'opinion et rappela Arius de l'exil. Durant le règne de son filsConstance, tous les évêchés furent confiés à des évêques ariens. Le gouvernement devint alors arien et la persécution se détourna des Ariens pour se reporter sur les Catholiques.

A cette époque,Athanase était un homme occupant une position éminente, que ni les clameurs populaires, ni les menaces ou les flatteries des autorités ne parvenaient à ébranler. Comme jeune homme, il avait assisté au Concile de Nicée et, plus fard, devint évêque d'Alexandrie. Pendant près de cinquante ans, bien qu'exilé à plusieurs reprises, il maintint un courageux témoignage à la vraie divinité du Sauveur. Calomnié, traduit devant les tribunaux, se réfugiant au désert, puis retournant en ville, rien ne put le détourner de la défense de la vérité qu'il professait.

Dans un bon nombre de pays, surtout dans les royaumes du Nord,l'arianisme se maintint encore pendant trois siècles comme religion d'État. Les Lombards, en Italie, furent les derniers à l'abandonner.

Confessions de foi.-Les six premiers conciles généraux,dont le dernier se réunit en 680, s'occupèrent surtout de questions concernant la nature divine et les relations entre le Père, le Fils et le St-Esprit. Après des discussions interminables, on forgea des confessions de foi et énonça des dogmes, dans l'espoir de fixer à jamais la vérité et de la transmettre aux générations futures. Notons ici que telle n'est pas la méthode des Écritures. Elles nous enseignent que la lettre seule ne peut communiquer la vérité, qui doit être saisie spirituellement et non mécaniquement transmise d'une personne à l'autre. Chaque âme individuellement la reçoit et la fait sienne dans l'intimité avec Dieu, puis s'y affermit en la confessant et en la maintenant dans la lutte quotidienne.


Le canon des Écritures. - On estime parfois que l'Écriture seule ne suffit pas pour l'orientation des Églises et qu'il faut y ajouter au moins la tradition primitive, puisque ce furent les premiers conciles de l'Église qui fixèrent le canon des Écritures. Ceci n'avait trait naturellement qu'au Nouveau Testament. Par ses caractéristiques particulières et par son histoire unique, le peuple d'Israël avait été préparé à recevoir la révélation divine, à reconnaître les écrits inspirés, et à les conserver avec une ténacité et une exactitude invincibles. Quant au Nouveau Testament, le canon des livres inspirés ne fut pas fixé par les conciles. Ils le reconnurent comme déjà clairement désigné par le St-Esprit et généralement accepté dans les églises. Cette marque spirituelle et cette acceptation n'ont cessé d'être confirmées par la supériorité en valeur et en puissance des livres canoniques, comparés auxlivres apocryphes ou non canoniques.


Union de l'Église et de l'État. - Commençant en 313, avec l'Édit de tolérance de Constantin, la seconde période de l'histoire de certaines églises est très importante parce qu'elle démontre, sur une large échelle, l'expérience de l'union de l'Église à l'État.L'Église pouvait-elle sauver le monde en s'associant à lui?

Le monde romain(16) avait alors atteint l'apogée de sa puissance et de sa gloire, la civilisation, son plus haut degré possible, la connaissance de Dieu mise à part. Et pourtant la misère du monde était extrême. Tandis que la luxure et les vices des riches dépassaient toute mesure, une large proportion du peuple vivait dans l'esclavage. La dégradation générale était encore accrue par des spectacles publics, où l'on amusait la populace par toute espèce de scènes de cruauté et d'iniquité. On trouvait encore quelques éléments sains aux extrémités de l'Empire, mais le coeur de la nation était malade et compromettait la vie de tout l'organisme. Rome était irrémédiablement vicieuse et corrompue.

Tant que l'Église était restée séparée de l'État, elle avait été un puissant témoin du Christ dans le monde et avait introduit constamment de nombreux convertis dans sa sainte communion. Mais lorsque, déjà affaiblie pour avoir obéi à des conducteurs humains plutôt qu'au St-Esprit, elle devint soudainement partenaire de l'État, elle en partagea la souillure et la dégradation.

Très vite, le clergé aspira à des positions lucratives et éminentes, au même titre que les fonctionnaires de la Cour, tandis que dans les congrégations où prévalait l'élément impie, les avantages matériels d'un christianisme de surface changeaient la pureté des églises persécutées en mondanité. L'Église devint ainsi incapable d'enrayer la marche du monde civilisé vers la corruption.

Invasion des Barbares. - De sinistres nuages s'amassaient, annonçant le jugement. Dans la Chine lointaine, des mouvements de la population vers l'ouest amenèrent une grande migration des Huns qui, traversant laVolga, poursuivirent les Goths dans ce qui est aujourd'hui la Russie, et les refoulèrent jusqu'aux frontières de l'Empire romain, déjà divisé en Empire d'Orient ou Byzantin, avecConstantinople pour capitale, et en Empire d'Occident, avec Rome. Les nations germaniques ou teutoniques sortirent de leurs forêts. Harcelés par les hordes mongoles de l'Orient et attirés par l'opulence et la faiblesse de l'Empire, les Goths - divisés en Ostrogoths et Visigoths, selon qu'ils venaient de l'est ou de l'ouest - puis d'autres peuples germaniques: les Francs, les Vandales, les Burgondes, les Suèves, les Hérules, etc., s'abattirent comme un flot dévastateur sur la civilisation avilie de Rome. En une année, de vastes provinces, comme l'Espagne et la Gaule, furent ravagées. Leurs habitants, dès longtemps accoutumés à la paix, se réfugièrent dans les cités, par amour de l'aise et du plaisir. Les armées qui, si longtemps avaient gardé leurs frontières, furent dispersées, les villes détruites et une population cultivée, raffinée, qui ne s'était jamais pliée à la discipline militaire, fut massacrée ou réduite en esclavage par des païens.Rome, elle-même, tomba au pouvoir des Goths sous Alaric(410) et cette grande métropole fut pillée et dévastée par ces hordes barbares. En 476, l'Empire romain d'Occident prit fin ci de nouveaux royaumes surgirent là où le pouvoir romain avait si longtemps dominé. Quant à l'Empire d'Orient, il subsista encore jusqu'en 1453, pendant un millier d'années environ, année oùConstantinople fut prise par les Turcs mahométans.


2. Lutte contre les erreurs

Augustin(354-430) nous apparaît à cette époque comme l'une des grandes figures de l'histoire(17), dont l'enseignement a laissé une marque indélébile sur les âges successifs. Dans ses nombreux écrits, spécialement dans ses «Confessions», Augustin ouvre son âme au lecteur de façon si intime qu'il lui donne l'impression d'être une connaissance et un ami. Né enNumidie, il décrit l'entourage, les pensées et les sentiments de sa jeunesse. Dans ces pages il fait revivre sa pieuse mère,Monique, priant et espérant pour lui, tandis que dans son chagrin elle voit son fils grandir dans une vie de péché. Mais, - encouragée par une vision et par les sages conseilsd'Ambroise, évêque de Milan, - elle crut fermement qu'Augustin serait un jour sauvé. Le père du jeune homme se préoccupait surtout de son avancement matériel et mondain.

Tout en cherchant la lumière, Augustin reconnaissait lui-même que sa situation était désespérée, lié qu'il était dans le filet de la débauche. Un certain temps,il crut avoir trouvé sa délivrance dans le manichéisme, mais en reconnut bientôt l'inconséquence et la faiblesse. Bien qu'influencé par la prédication d'Ambroise, il ne trouvait pas la paix. A trente-deux ans - il enseignait alors la réthorique à Milan - il était tombé dans une profonde détresse d'âme. Voici ce qu'il écrit: «Je me jetai à terre, sous un certain figuier et donnai libre cours à mes larmes... je m'écriai dans ma douleur: «Jusques à quand, jusques à quand? Demain et encore demain? Pourquoi pas maintenant? Pourquoi cette heure ne marquerait-elle pas la fin de ma vie impure?» Tout en parlant, je versais des larmes d'amère repentance quand, soudain, j'entendis la voix d'un garçon ou d'une jeune fille, je ne sais, venant d'une maison voisine et répétant souvent: «Prends et lis, prends et lis.» Ces paroles produisirent en moi un changement immédiat. Je me demandai très sérieusement s'il existait un jeu quelconque où les enfants chantaient ces trois mots, mais je ne pus me rappeler les avoir jamais entendus. Alors, luttant contre mes larmes, je me levai, convaincu que j'avais ouï un commandement venant du ciel, d'ouvrir le Livre et d'y lire le premier chapitre qui me tomberait sous les yeux... je le saisis, l'ouvris et lus en silence le paragraphe suivant: «Marchons... loin des excès et de l'ivrognerie, de la luxure et de l'impudicité, des querelles et des jalousies. Mais revêtez-vous du Seigneur Jésus-Christ, et n'ayez pas soin de la chair pour en satisfaire les convoitises.» je ne lus rien de plus, et ce n'était pas nécessaire car, instantanément, en terminant la phrase, - par une lumière versant l'assurance - en mon coeur, - toute l'angoisse du doute s'évanouit.»

Cette conversion causa la plus grande joie, mais non l'étonnement, à Monique, qui mourut en paix, un an plus fard, durant leur voyage de retour en Afrique.Augustin fut baptisé par Ambroise de Milan(387) et devint plus tard évêqued'Hippone(aujourd'hui Bône), en Afrique du Nord (395).

La controverse occupa une grande partie de sa vie si remplie. Il vécut à l'époque où l'Empire d'Occident était près de disparaître. De fait, lorsqu'il mourut, une armée de Barbares assiégeait la ville d'Hippone. Ce fut la chute de l'Empire d'Occident qui l'amena à écrire son fameux livre, la «Cité de Dieu». Le titre complet de cet ouvrage en explique le but: «Bien que la plus grande cité du monde soit tombée, la Cité de Dieu demeure à jamais.» Toutefois l'enseignement qui découle de son point de vue sur la Cité de Dieu eut des conséquences désastreuses sur les esprits, car sa grande renommée ne pouvait qu'intensifier les effets nuisibles de ses erreurs. Plus que tout autre,il énonça la doctrine du salut par l'Église seule, au moyen des sacrements.Enlever le salut des mains du Sauveur pour le confier à des mains d'hommes; interposer entre le Sauveur et le pécheur un système imaginé par l'homme: n'est-ce pas là une flagrante opposition à la révélation de l'Evangile? Christ a dit: «Venez à moi», et aucun prêtre, aucune église n'a le droit d'intervenir.

Dans son zèle pour l'unité de l'Église et dans son horreur de toute divergence de doctrine, ou différence de forme, Augustin perdit de vue l'unité vivante, spirituelle et indestructible de l'Église, ou Corps de Christ, unissant tous ceux qui, par la nouvelle naissance, participent à la vie de Dieu. Il ne comprit donc pas que les églises de Dieu peuvent pratiquement exister partout et en tous temps, chacune d'elles se maintenant en relation directe avec le Seigneur par le Saint-Esprit, tout en restant en communion les unes avec les autres, malgré la faiblesse humaine, les degrés divers de connaissance, les divergences dans l'interprétation des Écritures et dans les pratiques extérieures.

Cette manière de considérer l'Église comme une organisation terrestre, devait inévitablement l'amener à la recherche de moyens tangibles et matériels pour préserver et même imposer l'unité extérieure de l'Église. Dans sa controverse avec lesDonatistes, il écrit: «Il vaut évidemment mieux... que les hommes apprennent à adorer Dieu par la vérité enseignée que par crainte des châtiments, ou de la douleur. Mais, s'il est vrai que la première méthode produit des hommes meilleurs, il ne s'ensuit pas qu'on doive négliger ceux qui ne s'y plient pas. Car beaucoup ont trouvé avantageux - nous Pavons prouvé et le prouvons encore journellement par l'expérience - d'être d'abord contraints par la crainte ou la douleur, pour pouvoir ensuite être influencés par la doctrine et traduire en actes ce qu'ils avaient appris en paroles... Si les hommes guidés par l'amour sont meilleurs, ceux que la crainte corrige sont plus nombreux. Car qui sut jamais mieux nous aimer que Christ, Lui qui donna sa vie pour les brebis? Et pourtant, après avoir appelé Pierre et les autres apôtres par Ses enseignements, quand il s'agit de Paul, non seulement Il le contraignit d'obéir par Sa voix, mais encore le jeta à terre par Sa puissance. En outre, pour faire soupirer après la lumière du coeur cet homme qui se débattait dans les ténèbres de l'infidélité, Il le frappa d'aveuglement physique.Pourquoi donc l'Église n'emploierait-elle pas la force pour ramener à elle ses fils égarés?... Christ n'a-t-Il pas dit: Va dans les chemins et le long des haies, et ceux que tu trouveras, contrains-les d'entrer ... ? Si donc la puissance que l'Église a reçue de Dieu au temps marqué, - par le caractère religieux et la foi des rois, - est l'instrument qui peut contraindre d'entrer ceux qui passent dans les chemins et le long des haies, - c'est-à-dire dans les hérésies et les schismes, - pourquoi ceux-ci se plaindraient-ils d'avoir à subir cette contrainte? -

Un tel enseignement, appuyé sur une telle autorité, encouragea et justifia ces méthodes de persécution qui firent égaler en cruauté la Rome papale à la Rome païenne. Ainsi cet homme au coeur affectueux et largement ouvert à la sympathie, s'étant écarté, avec les meilleures intentions, des principes de l'Écriture, se trouva engagé dans un vaste et impitoyable système de persécution.

Pélage(18), avec lequel Augustin eut une longue controverse, était né dans les Iles britanniques. Il vint à Rome au début du cinquième siècle, à l'âge de trente ans environ, et, bien que simple laïque, fut bientôt reconnu comme écrivain habile à commenter les Écritures, et comme un homme scrupuleusement intègre. Ce témoignage lui est rendu par Augustin qui, plus tard, devint son grand adversaire doctrinal. Certains rapports défavorables, publiés ensuite parJérôme, semblent avoir été formulés plutôt dans l'ardeur de la controverse qu'appuyés sur des faits réels. A Rome, Pélage rencontraCélestin, qui devint un zélé interprète de son enseignement. Pélage était un réformateur. Le relâchement et l'amour du luxe de beaucoup de chrétiens de nom l'affligeaient profondément. Il devint un prédicateur vigoureux de la justice et de la sanctification pratiques.

Ens'attachant trop exclusivement à cet aspect de la vérité, il en vint à exagérer le rôle de la libre volonté de l'homme et à sous-estimer l'opération de la grâce divine.Il enseignait que les hommes ne participent pas à la transgression d'Adam, sauf en suivant l'exemple donné. Qu'Adam aurait dû mourir, même s'il n'avait pas péché. Qu'il n'y a pas de péché originel, car chaque homme agit de son libre choix. De ce fait, tout être humain peut atteindre à la justice parfaite. Les enfants, à son avis, viennent au monde sans péché. C'est ainsi qu'il vint en conflit direct avec l'enseignement catholique. Il enseignait le baptême des petits enfants, tout en niant qu'il fût un moyen de régénération. Il pensait que le baptême amène l'enfant à un état de grâce qui lui ouvre le Royaume de Dieu et le place dans une condition lui permettant d'obtenir le salut et la vie, la sanctification et l'union avec Christ.

Pour combattre cette doctrine, Augustin lut à sa congrégation l'extrait d'un ouvrage de Cyprien, écrit cent-cinquante ans auparavant et déclarant que les petits enfants sont baptisés pour la rémission du péché. Augustin supplia alors Pélage de s'abstenir d'un enseignement qui divergeait d'une doctrine et d'une pratique si fondamentales de l'Église. Les Pélagiens n'employaient pas la prière: «Pardonne-nous nos péchés» ils la considéraient comme non applicable aux chrétiens, qui n'avaient nullement besoin de pécher. Si nous péchons, pensaient les Pélagiens, c'est de notre libre choix. Cette prière serait donc l'expression d'une fausse humilité.

Le conflit au sujet des doctrines de Pélage et de Célestin prit une grande extension et absorba une partie considérable du temps et des forces d'Augustin, qui écrivit très abondamment sur ce sujet.On tint des conciles. Ceux de l'Orient acquittèrent Pélage; ceux de l'Occident le condamnèrent, en raison de l'influence d'Augustin dans les églises latines.Ces dernières, en effet, avaient accepté un enseignement dogmatique plus défini sur la relation entre la volonté de Dieu et celle de l'homme que ne l'avaient fait les églises de l'Orient. On fit appel au papeInnocent, à Rome, qui fut heureux de pouvoir ainsi affirmer son autorité. Il excommunia Pélage et tous ses adeptes, maisZosime, son successeur, les réintégra. Réunis àCarthage, les évêques occidentaux parvinrent à gagner l'appui du pouvoir civil et Pélage ainsi que tous ses adhérents furent bannis et se virent confisquer leurs biens. Le pape Zosime changea alors d'opinion et condamna aussi Pélage. Dix-huit évêques italiens refusèrent de se soumettre au décret impérial. L'un d'entre eux,Julien, évêque d'Eclanum,contestant avec Augustin, fit preuve de vraies capacités et d'une modération inaccoutumée. Il démontra que l'emploi de la force et le changement d'opinion d'un pape n'étaient pas les armes qu'il fallait pour trancher les questions de doctrine.

Pélage enseigna beaucoup de choses vraies et salutaires. Cependant la doctrine caractéristique du pélagianisme est contraire, non seulement à l'Écriture, mais encore aux faits. Les hommes sont conscients de leur nature déchue et corrompue, de leur asservissement au péché, et les faits démontrent cet état de choses. Notre participation à la vie et à la nature pécheresse d'un homme, le premier Adam; notre assujettissement à la mort, tout comme lui, permettent à toute la race d'entrer en relation vivante avec l'Homme Christ-Jésus, le second Adam qui ouvre le chemin du salut à chaque homme. Le pécheur peut donc, par le libre choix de la foi, participer à la vie éternelle et à la nature divine.

En résumé, au cours des trois premiers siècles de son histoire, l'Église avait prouvé qu'aucune puissance terrestre ne saurait l'écraser. Les attaques du dehors n'avaient pu la vaincre. Elle avait amené à la conversion les témoins de ses souffrances et même ses persécuteurs. Elle avait augmenté plus rapidement quelle n'avait diminué. La période suivante, d'environ deux siècles, montra que l'union de l'Église et de l'État, même lorsque l'Église détient le pouvoir du plus puissant empire, ne peut sauver l'État de la destruction. Car en abandonnant la position qui s'attache à son nom même, «Ecclésia», - appelée hors du monde, - sa séparation pour Christ, elle perd la force qui découle pour elle de la soumission à son Seigneur, en l'échangeant contre une autorité terrestre qui lui est fatale.

L'Église de Christ souffrit, non seulement de la violence des persécuteurs et des séductions du pouvoir temporel, mais aussi des assauts des fausses doctrines. Du troisième au cinquième siècle, on voit s'affirmer quatre formes d'erreur, d'un caractère si fondamental que leurs effets se font encore sentir aujourd'hui dans l'Église et dans le monde.

1. Le manichéisme attaque l'enseignement de l'Écriture tout comme le témoignage de la nature: Dieu est le Créateur de toutes choses. La Bible s'ouvre par ces mots: «Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre» (Gen. 1. 1). Elle montre ensuite l'homme comme étant le couronnement de la création, en disant: «Dieu créa l'homme à son image» (Gen. 1. 27). Enfin, passant en revue tout ce qu'Il avait accompli, Dieu vit que «cela était très bon» (Gen. 1. 31). Maisle manichéisme attribue les choses visibles et matérielles à l'oeuvre d'une puissance mauvaise et ténébreuse, ne laissant au vrai Dieu que ce qui est spirituel. Il s'attaque ainsi aux racines de la révélation divine dont la création, la chute et la rédemption forment les parties essentielles et indivisibles.De ces vues erronées découlent, d'une part, les excès de l'ascétisme, qui traite le corps comme foncièrement mauvais. D'autre part, les pratiques et doctrines dégradantes, encouragées par le principe que le corps doit être envisagé comme purement animal. On perd ainsi de vue l'origine totalement divine de l'homme et, par suite, la possibilité de sa rédemption et de sa restauration à l'image du Fils de Dieu.

2. La plus glorieuse révélation, vers laquelle convergent toutes les Écritures, c'est que Jésus-Christ est Dieu, manifesté en chair, devenu homme pour se révéler à nous, et que, par Son sacrifice sur la croix, il a accompli l'oeuvre de propitiation pour le péché du monde. En niant la divinité de Christ et en déclarant qu'Il est un être créé - le premier et le plus grand de tous - l'arianisme met une distance incommensurable entre l'homme et Dieu. Il nous empêche de connaître ce Dieu comme notre Sauveur et nous abandonne au vague espoir d'arriver, par l'amélioration de notre caractère, à quelque chose de supérieur à ce que nous expérimentons présentement.

3. En contradiction avec l'Écriture, le pélagianisme nie que toute l'humanité participe à la transgression d'Adam. Il affirme que le péché d'Adam ne concerne que lui-même et ses relations avec Dieu, et que tout homme, né dans ce monde, est originellement sans péché. Cette doctrine affaiblit chez l'homme la notion de son besoin du Sauveur. Elle l'empêche de parvenir à une vraie connaissance de lui-même et l'encourage à devenir, au moins en partie, l'auteur de son propre salut. Dans l'Écriture, la part que nous prenons à la chute est intimement liée à la part que nous avons à l'oeuvre rédemptrice de Christ, le second Adam. Si la Bible insiste sur la responsabilité individuelle et sur le libre arbitre, ce n'est pas à l'exclusion de la souveraineté de Dieu et de la solidarité raciale de l'humanité, mais bien plutôt en rapport avec la doctrine que tous étant inclus dans une même condamnation, le sont aussi dans un même salut.

4. Lesacerdotalisme déclare que l'Église seule peut communiquer le salut au moyen des sacrements administrés par les prêtres. A cette époque, le terme «Église» s'appliquait à la seule Église romaine. Toutefois cette doctrine, qui devint la sienne, a été. et est encore proclamée par bien d'autres systèmes religieux, petits et grands. Or, rien n'est plus nettement et plus constamment enseigné par le Seigneur et ses apôtres, que le salut du pécheur est gratuitement accordé par la foi au Fils de Dieu, à Sa mort expiatoire et à Sa résurrection. Une église, ou un groupement qui prétend monopoliser le salut, - des hommes qui s'arrogent le droit d'introduire les âmes dans le Royaume de Dieu, ou de les en exclure, -des sacrements, ou des rites considérés comme indispensables au salut: tout cela constitue une tyrannie, source de souffrance inouïe pour l'humanité. L'âme tâtonne dans les ténèbres. Elle ne peut avancer sur la voie du salut, ouverte par Christ seul à tous ceux qui croient en Lui.



Table des matières


16 «East and West Through Fifteen Centuries», Br.-general G. F. Young, C. B.

17 A Select Library of the Nicene and Post Nicene Fathers of the Christian Church translated and annotated by J. C. Pilkington, M. A. Edited by Philip Schaff.

18 «Dictionary of Christian Biography», Smith & Wace.

 

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