LE PÈLERINAGE
DOULOUREUX
de
L'ÉGLISE A
TRAVERS LES ÂGES
CHAPITRE
PREMIER
Débuts
(29-313)
Le Nouveau Testament s'applique
aux conditions actuelles. - Ancien et Nouveau Testaments. -
L'Église de Christ et les Églises de Dieu. - Le livre
des Actes fournit encore un modèle pour notre époque. -
Plan de cet ouvrage rapportant des événements
ultérieurs. - Pentecôte et formation d'églises. -
Les synagogues. - Synagogues et églises. - La diaspora juive
répand la connaissance de Dieu. - Les églises
judéo-chrétiennes. - Les Juifs rejettent Christ. - La
religion juive, la philosophie grecque et la puissance romaine
s'opposent aux églises. - Clôture des
Saintes-Écritures. - Écrits postérieurs. -
Clément aux Corinthiens. - Ignace. - Derniers chaînons
avec les temps du Nouveau Testament. - Baptême et
Sainte-Cène. - Développement d'une classe
cléricale. - Origène. - Cyprien. - Novatien. -
Différentes espèces d'églises. - Montanistes. -
Marcionites. - Cathares. - Novatiens. - Donatistes. -
Manichéens. - Épître à Diognetus. -
L'empire Romain persécute l'Église. - Constantin
accorde la liberté religieuse. - Triomphe extérieur de
l'Église.
1. L'Église de
Christ et les églises de Dieu
Le Nouveau Testament
est le digne
complément de l'Ancien. Il est le Seul aboutissement possible
de la loi et des prophètes. Il ne les met pas de
côté, mais les enrichit, en les accomplissant et en les
remplaçant. Il porte en soi le cachet d'une oeuvre
achevée, car il ne traite pas des détails rudimentaires
d'une époque nouvelle, ce qui entraînerait de nombreuses
modifications et additions pour répondre aux besoins toujours
changeants des temps; il est une révélation qui
convient à tous les hommes, dans tous les âges.
Jésus-Christ ne pourrait nous être mieux dépeint
qu'Il ne l'est dans les quatre évangiles. Les
conséquences ou doctrines découlant de Sa mort et de Sa
résurrection ne sauraient nous être plus clairement
enseignées qu'elles ne le sont dans les
épîtres.
L'Ancien Testament
rapporte la formation
et l'histoire d'Israël, ce peuple par lequel Dieu se
révéla au monde jusqu'à la venue de Christ. Le
Nouveau Testament révèle l'Église de Christ,
formée de tous ceux qui sont nés de nouveau par la foi
au Fils de Dieu et qui deviennent ainsi participants de la vie divine
et éternelle (Jean 3. 16).
Ce corps, soit toute
l'Église de Christ, ne peut être vu et agir en un seul
et même lieu, beaucoup de ses membres étant
déjà avec Christ et d'autres, dispersés à
travers le monde. L'Église est donc appelée à se
faire connaître et à rendre un témoignage en
divers lieux et à maintes époques, par le moyen des
églises de Dieu. Chacune d'elles se compose des disciples du
Seigneur Jésus-Christ qui, là où ils vivent,
s'assemblent en Son nom. Le Seigneur leur a promis d'être au
milieu d'eux et le Saint-Esprit se manifeste de diverses
manières par le moyen de tous les membres (Matth. 18. 20; 1
Cor. 12. 7).
Chacune de ces églises
est en relation directe avec le Seigneur, tire son autorité de
Lui, étant responsable envers Lui seul (Apoc. 2 et 3). Rien
dans l'Écriture ne suggère que telle église soit
sous la tutelle de telle autre, ou qu'il puisse exister une
fédération de toutes les églises. Elles sont
cependant unies entre elles par une communion intime et personnelle
(Actes 15. 36).
Leur mission principale est de
répandre dans le monde entier l'Evangile ou la bonne nouvelle
du Salut. Ainsi l'or;donna le Seigneur avant Son ascension, tout en
promettant la puissance du Saint-Esprit pour rendre possible
l'accomplissement de cette tâche (Actes 1. 8).
Le livre des Actes
renferme certains
événements de l'histoire des églises
apostoliques, choisis de manière à fournir un
modèle permanent. Tout écart a des conséquences
désastreuses, et tout réveil, toute restauration ont
été le résultat du retour au modèle et
aux principes contenus dans l'Écriture.
Les événements
ultérieurs, rapportés dans les pages de ce livre, sont
tirés de différents auteurs. Ils montrent qu'il y a eu
une succession ininterrompue d'églises, formées de
croyants qui se sont appliqués à agir selon
l'enseignement du Nouveau Testament. Cette succession ne se trouve
pas nécessairement en un lieu déterminé car
souvent de telles églises ont été
dispersées, ou ont dégénéré,
tandis que de nouvelles surgissaient ailleurs. Les Écritures
présentent si clairement le modèle à imiter que
de nombreuses églises, portant ce caractère, ont pu se
former en divers lieux, parmi des croyants qui ignoraient qu'avant
eux d'autres avaient suivi cette voie-là, ou qu'il y avait
quelque part dans le monde des chrétiens qui la suivaient
aussi.
Les points de contact avec
l'histoire: générale, nécessaires à la
compréhension de certains faits en rapport avec les
églises décrites, sont soigneusement notés.
Déférence est aussi faite à certains mouvements
spirituels qui, sans avoir contribué à la formation
d'églises du type apostolique, en ont pourtant mis d'autres en
lumière aboutissant à la fondation de ces
églises.
2. Église,
Synagogue et philosophie païenne
Après la
Pentecôte, l'Evangile se répandit rapidement. Les
nombreux juifs qui en entendirent la première proclamation
à Jérusalem, lors de la fête, propagèrent
la bonne nouvelle dans les divers pays où ils
retournèrent. Bien que le Nouveau Testament ne raconte en
détail que les voyages de l'apôtre Paul, les autres
apôtres firent aussi de longs voyages, prêchant et
fondant des églises dans de vastes régions. Tous les
croyants témoignaient pour Christ, «ceux qui avaient
été dispersés allaient de lieu en lieu,
annonçant la bonne nouvelle de la parole» (Actes 8. 4).
L'habitude de fonder partout des églises, même lorsque
les disciples étaient en très petit nombre, contribua
à établir l'oeuvre. En outre, chaque église
ayant compris dès le début sa dépendance du
Saint-Esprit et sa responsabilité envers le Christ, devint un
centre d'où rayonna la Parole de vie. A l'église,
récemment fondée de Thessalonique, Paul pouvait dire :
«La Parole du Seigneur a retenti chez vous dans la
Macédoine ... » (1 Thess. 1. 8). Tout en ne se rattachant
à aucune organisation, ou fédération, les
églises étaient étroitement unies entre elles.
Cette relation était maintenue par les visites
fréquentes de frères enseignant la Parole (Actes 15.
36). Comme les réunions se tenaient dans des maisons
privées, dans des locaux provisoires ou en plein air, aucun
bâtiment n'était requis (1). Cet appel de tous les membres au
service, cette mobilité et cette unité non
organisée, permettaient une grande diversité, qui
soulignait le lien d'une vie commune en Christ, par le Saint-Esprit.
Les églises furent ainsi préparées à
endurer la persécution et à s'acquitter de leur mandat:
proclamer sur toute la terre le message du Salut.
Ce furent d'abord les juifs qui
annoncèrent l'Evangile à leurs coreligionnaires, en
prêchant fréquemment dans les synagogues. La synagogue a
été le moyen simple et effectif par lequel le sentiment
national et l'unité religieuse du peuple juif ont
été préservés à travers les
siècles de la dispersion parmi les nations. La puissance de la
synagogue dérive des Écritures de l'Ancien Testament,
et son influence est démontrée par le fait que les
juifs, depuis leur dispersion, n'ont jamais été
anéantis ou absorbés par les nations. Le but que
poursuit la synagogue est essentiellement la lecture des
Écritures, l'enseignement de ses préceptes et la
prière. Son origine remonte à des temps anciens. Au
psaume 74. 4 et 8, nous lisons cette plainte. «Ces adversaires
ont rugi au milieu de ton temple... Ils ont brûlé dans
le pays tous les lieux saints». Lors du retour de la
captivité,Esdras réorganisa les synagogues. Plus tard,
la dispersion des juifs rehaussa l'importance de ces lieux de culte.
Quand les Romains eurent détruit le temple de
Jérusalem,centre du culte israélite, les synagogues,
largement disséminées en divers lieux, devinrent un
lien indestructible qui survécut à toutes les
persécutions subséquentes. Au centre de toute synagogue
se trouve l'arche qui renferme les Écritures, et, à
côté, le pupitre d'où elles sont lues. En l'an
135, A. D. Barcochebas renouvela un des nombreux efforts qui avaient
déjà été tentés pour
délivrer la Judée du joug romain. Après une
courte période de succès apparent, cette tentative
échoua comme d'autres et fut suivie de terribles
représailles. Mais si l'emploi de la force ne put lui procurer
la liberté, le peuple juif fut préservé
d'extinction en se réunissant autour des Écritures,
centre de sa vie religieuse.
L'analogie et la relation des
synagogues avec les églises sont évidentes.
Jésus s'est constitué le centre de chacune des
assemblées répandues dans le monde, car Il a dit
«Là où deux ou trois sont assemblés en mon
nom, je suis au milieu d'eux» (Matth. 18. 20), et Il a
donné les Écritures pour servir de règle
permanente aux croyants. C'est la raison pour laquelle il a
été impossible de faire disparaître le
témoignage chrétien. Les églises
détruites dans un endroit ont réapparu ailleurs.
Les juifs de la dispersion
(2) déployèrent un
grand zèle pour faire connaître le vrai Dieu parmi les
païens, et grâce à leur témoignage, il y eut
de nombreuses conversions. Au troisième siècle av.
J.-C., l'Ancien Testament avait été traduit en grec,
-version dite des Septante- le grec
étant alors, et fui longtemps encore, le principal moyen de
communication entre peuples de langues différentes. Cette
version devint un précieux auxiliaire pour faire
connaître aux Gentils les Écrits de l'Ancien Testament,
car les juifs en firent bon usage dans leurs relations d'affaires
comme dans les synagogues. Jacques dit: «Depuis bien des
générations, Moïse a dans chaque ville des gens
qui le prêchent, puisqu'on le lit tous les jours
desabbat dans les synagogues» (Actes 15.
21). Ces sanctuaires furent fréquentés par des Grecs et
des hommes d'autres nationalités, qui souffraient des
péchés et de la corruption du paganisme,
dégoûtés des systèmes philosophiques
païens. En entendant lire la loi et les prophètes, ils
étaient amenés à la connaissance du vrai Dieu.
Comme marchands, les juifs entraient en contact avec toutes les
classes de la société, et ils en profitèrent
grandement pour répandre la connaissance de Dieu. Un
païen, en quête de la vérité, écrit
qu'il avait décidé de n'adhérer à aucun
des systèmes de philosophie en vogue parce qu'il avait eu la
bonne fortune de rencontrer à Rome un marchand de toile juif
qui, très simplement, lui avait fait connaître le seul
vrai Dieu.
Dans les synagogues
régnait la liberté du ministère. Jésus y
enseignait habituellement: « ... selon sa coutume, il entra dans
la synagogue le jour du sabbat: il se leva pour faire la
lecture» (Luc 4. 16). Quand, au cours de leur voyage, Paul
etBarnabas arrivèrent
àAntioche de Pisidie, ils
entrèrent dans la synagogue et s'y assirent.
«Après la lecture de la loi et des prophètes, les
chefs de la synagogue leur envoyèrent dire: Hommes
frères, si vous avez quelque exhortation à adresser au
peuple, parlez» (Actes 13. 15).
Lorsque parut Christ, le Messie
qui était le plein accomplissement de l'espérance et du
témoignage de tout Israël, un grand nombre de juifs et de
prosélytes crurent en Lui. Ce furent eux qui fondèrent
les premières églises. Mais les chefs du peuple furent
jaloux de Celui qui est la postérité promise à
Abraham, le plus grand des fils de David. Irrités par la
proclamation de l'Evangile, qui ouvrait aux Gentils la porte de la
grâce, ils rejetèrent leur Roi et Rédempteur et
persécutèrent ses disciples. Ils
persévérèrent ainsi dans leur voie douloureuse,
sans le Sauveur qui était venu premièrement pour eux,
comme la vivante expression de l'amour de Dieu et de Sa puissance de
salut envers les hommes.
Au début,
l'Église fut formée surtout de Juifs convertis; les
autres devinrent ses premiers adversaires. Puis elle atteignit
bientôt d'autres cercles d'auditeurs, et quand les Gentils se
convertirent à Christ, elle entra en conflit avec la
pensée grecque et la puissance romaine. L'accusation
placée sur la croix du Christ avait été
écrite en hébreu, en grec et en latin (Jean 19. 20), et
ce fut dans la sphère des puissances spirituelle et politique,
représentée par ces langues, que l'Église eut
d'abord à souffrir. Mais c'est là aussi qu'elle fit ses
premières conquêtes.
La religion juive devint un
danger pour l'Église, non seulement en la persécutant,
mais encore, de façon plus permanente, en assujettissant les
chrétiens à la loi. L'épître aux Galates
nous rapporte le cri d'alarme de l'apôtre Paul en face de ce
mouvement de recul. «...ce n'est pas par les oeuvres de la loi
que l'homme est justifié, mais par la toi en
Jésus-Christ» (Gal. 2. 16). Le livre des Actes et
l'épître aux Galates démontrent nettement que le
premier péril sérieux pour l'Église fut celui
d'être enfermée dans les limites d'une secte juive et de
perdre ainsi sa puissance et sa liberté d'apporter au monde
entier la connaissance du 'salut de Dieu en Christ.
Dans sa recherche de la
divinité, de l'explication du monde naturel, ou de
préceptes de morale, la philosophie grecque s'empara de toutes
les religions et spéculations humaines, qu'elles vinssent de
la Grèce ou de Rome, d'Afrique ou d'Asie. Il en résulta
une grande diversité de «connaissances»
(«gnosis»), un système de philosophie
succédant à un autre et provoquant d'ardentes
discussions. La plupart dessystèmes
gnostiques, étant dérivés de sources
variées, réunissaient les enseignements des païens
et des juifs, et plus tard, ceux des chrétiens. Ils sondaient
les « mystères » que les initiés
découvraient derrière les formes extérieures des
religions païennes. Ces systèmes enseignaient
fréquemment l'existence de deux dieux ou principes: la
Lumière et les Ténèbres, le Bien et le Mal. La
matière et les choses matérielles étaient
regardées comme des produits de la puissance des
ténèbres et placées sous son contrôle. Ce
qui était d'ordre spirituel provenait du dieu
supérieur. Ces spéculations philosophiques furent
à la base deplusieurs
hérésies qui, dès les premiers siècles,
envahirent l'Église et sont déjà
réfutées dans la dernière partie du Nouveau
Testament, surtout dans les écrits de Paul et de
Jean.Les moyens adoptés pour combattre
ces attaques et pour préserver l'unité de la doctrine
affectèrent davantage l'Église que les
hérésies elles-mêmes, car ils
contribuèrent largement au développement du pouvoir
épiscopal et de ses abus, ce qui ne tarda pas à
modifier sérieusement le caractère des
églises.
L'empire Romain fut
graduellement amené à attaquer les églises. Il y
employa toute sa puissance et toutes ses ressources, espérant
écraser le christianisme.
3. Premiers Pères
de l'Église et leurs écrits
Vers l'an 65 ap. J.-C.,
l'apôtrePierre fut mis à mort, et,
quelques années plus tard,
l'apôtrePaul(3).La
destruction de Jérusalem par les Romains (en l'an 70)prouva
qu'il n'a été donné aux églises, ni chef,
ni centre visibles sur la terre. Plus tard, l'apôtre Jean
termina dignement les Écritures de l'Ancien et du Nouveau
Testament en écrivant son évangile, ses
épîtres et l'Apocalypse.
Il y a une notable
différence entre les écrits du Nouveau Testament et
ceux des deux premiers siècles, non inclus dans
lecanon des Écritures inspirées.
L'infériorité de ces derniers est évidente,
même en tenant compte de ce qu'ils renferment de bon. Ils
expliquent les Écritures et exhortent les disciples;
défendent la vérité et réfutent l'erreur.
Mais ils manifestent aussi des divergences croissantes des principes
divins du Nouveau Testament, divergences qui avaient
déjà commencé à se manifester au temps
des apôtres et s'accentuèrent très rapidement
ensuite.
Clément. - Écrite durant la vie de l'apôtre
Jean,la première
épître de Clément aux Corinthiens donne un
aperçu des églises à la fin de la période
apostolique (4). Clément était un
des anciens de l'église de Rome. Il avait vu les apôtres
Pierre et Paul et, dans sa lettre, il mentionne leur martyre. Il
débute par ces mots «L'Église de Dieu,
séjournant à Rome à l'église de Dieu,
séjournant à Corinthe ». Les persécutions
endurées sont relatées avec l'accent paisible de la
victoire. «Les femmes persécutées -
écrit-il - après avoir souffert des tourments
indicibles, achèvent leur carrière chrétienne
avec fermeté et, bien que faibles de corps, elles
reçoivent une noble récompense.» Le ton de la
lettre est humble. «Nous vous écrivons - dit l'auteur -
non seulement pour vous rappeler votre devoir, mais encore pour nous
en souvenir nous-mêmes.» De fréquentes allusions
sont faites à l'Ancien Testament et à sa valeur
typique, et plusieurs citations sont tirées du Nouveau
Testament. Clément place devant ses lecteurs
l'espérance du retour de Christ. Il leur rappelle aussi que le
salut ne dépend pas de la sagesse de nos paroles ou de nos
oeuvres, mais de notre foi. Il ajoute
quela justification par la foi ne doit
jamais faire négliger les bonnes oeuvres. Mais
déjà dans cette épître se dessine une
distinction bien nette - tirée des ordonnances de l'Ancien
Testament - entre le clergé et les laïques.
Ignace. - Dans le récit des adieux de
l'apôtre Paul (Actes 20), il nous est dit que, de passage
àMilet, Paul envoya chercher
lesanciens de l'église
d'Éphèse et leur parla comme étant
établis par le
St-Espritsurveillants de l'église.
Le mot ancien est la traduction de
«presbytre» et surveillant celle du
moi «évêque». Tout le passage montre que ces
deux termes s'appliquaient aux mêmes hommes, à la
même église. Ignace (5) avait connu quelques-uns des
apôtres. Cependant, écrivant quelques années
après àClément, il
attribue aux évêques une autorité et une
prééminence inconnues dans le Nouveau Testament et
même beaucoup plus accentuée que dans les écrits
de Clément. En commentant Actes 20 (6), il dit que Paul fit venir
d'Éphèse à Milet les évêques et les
presbytres, appliquant ainsi deux noms à la même charge.
Il ajoute que ces chrétiens venaient d'Éphèse
«et des cités avoisinantes», jetant ainsi de la
confusion sur le fait que la seule église
d'Éphèse avaitplusieurs
évêques ou surveillants.
Polycarpe, évêque deSmyrne,
mis à mort en cette ville en l'an 156, fui l'un des derniers
ayant connu personnellement quelques-uns des apôtres. Il fut
instruit longuement par Jean et eut des relations intimes avec
d'autres qui avaient vu le Seigneur.
Irénée
occupe aussi une place
dans cette chaîne de relations personnelles avec
l'époque de Christ. Il fut disciple de Polycarpe et
devintévêque de Lyon, en
177.
Tertullien. - La coutume de baptiser les croyants
(7) en raison de la confession de
leur foi au Seigneur Jésus-Christ - selon l'enseignement et
l'exemple du Nouveau Testament - se maintint encore quelque temps. La
première allusion définie
aubaptême des petits enfants se
trouve dans un écrit de Tertullien, en 197,
quicondamne cet usage, récemment
introduit, ainsi que celui de baptiser les morts. Ce changement avait
été amené par un enseignement contraire à
celui du Nouveau Testament, car, déjà au début
du deuxième siècle, on enseignait
larégénération
baptismale. Une autre modification frappante fut celle qui fit du
repas en mémoire du Seigneur et de sa mort -
laSainte Cène
-un acte accompli miraculeusement par un
prêtre. Ces deux faux enseignements marquèrent encore
davantage la distinction erronée entre le clergé et les
laïques. Il se développa un système
clérical placé sous la domination des
évêques, soumis eux-mêmes à des
«métropolites» établis sur de vastes
territoires. Ainsi une organisation tout humaine, avec ses formes
religieuses stéréotypées, vint supplanter dans
les églises autonomes la puissance agissante du Saint-Esprit
et les directions des Écritures.
Ce développement fut
graduel (8) et beaucoup de chrétiens
n'en furent pas influencés. Au début, aucune
église n'eut la prétention de dominer sur d'autres,
bien qu'il arrivât parfois à une petite
congrégation de demander à une plus importante l'envoi
d'«hommes choisis» pour aider au règlement de
questions importantes. Il y avait de temps à autre
desconférences locales d'anciens.
Mais, jusqu'à la fin du deuxième siècle, ils
semblent n'avoir été convoqués qu'en des
occasions spéciales qui rendaient ces rencontres
nécessaires. Tertullien écrivait: «La religion
n'est pas appelée à imposer la religion. C'est
librement, et non par force, qu'elle doit être
adoptée.»
Origène, l'un des plus éminents pères de
l'Église (9), par son enseignement comme par
sa spiritualité, rendit un témoignage bien net au
caractère spirituel de l'Église. Né en 185,
àAlexandrie, de parents
chrétiens, il fut un de ceux qui, dès leurs plus jeunes
années, ressentent l'action du Saint-Esprit. Il fut instruit
dans les Écritures d'abord par son père, le sage et
pieux Léonidas. Lorsque ce dernier fut emprisonné pour
sa foi, Origène, âgé alors de dix-sept ans,
montra son dévouement filial en essayant de le rejoindre en
prison. Il en fut empêché par un stratagème de
samère, qui cacha ses
vêtements. Il écrivit à son père en prison
pour l'encourager à la constance.
QuandLéonidas fut mis à mort et
que ses biens furent confisqués, Origène devint le
principal soutien de sa mère et de ses six jeunes
frères. Ses capacités exceptionnelles dans
l'enseignement de la Parole ne tardèrent pas à le faire
connaître. Tout en se traitant lui-même avec une
extrême sévérité, il montra tant de
bonté aux frères persécutés qu'il eut
à souffrir en conséquence. Il se réfugia quelque
temps en Palestine, où, par son érudition et ses
écrits, il attira l'attention des évêques,
tellement qu'ils venaient en simples étudiants écouter
ses exposés des Écritures. Démétrius,
évêque d'Alexandrie, s'indignant de ce qu'un simple
laïque, comme Origène, osât instruire des
évêques, le censura et le rappela à Alexandrie,
puis finit par l'excommunier (231), bien qu'Origène se
fût soumis à ses ordres. Par le charme spécial de
son caractère, et par la profondeur et la clarté de son
enseignement, il sut gagner les coeurs d'hommes qui lui
restèrent loyalement attachés et continuèrent
son enseignement après sa mort.
Ellesurvint en 254, suite des tortures qu'il
avait endurées cinq ans auparavant,
àTyr, lors des persécutions sous
Décius.
Origène
définissait l'Église comme réunissant tous ceux
qui avaient expérimenté dans leurs vies la puissance de
l'Evangile éternel. Ce sont ces croyants-là qui forment
la véritable Église spirituelle, laquelle ne
coïncide pas toujours avec ce que les hommes appellent
Église. Son esprit ardent, spéculatif, l'entraîna
au delà de ce qu'avaient pu saisir la plupart des
chrétiens, en sorte qu'il fut souvent regardé comme
hérétique dans son enseignement. Il distinguait
cependant entre les choses qui doivent être clairement et
dogmatiquement démontrées et celles qu'il ne convient
d'avancer qu'avec prudence en vue d'examen. De ces dernières
il disait: «De ce qu'il en est, Dieu seul en a une parfaite
connaissance, ainsi que ceux qui sont Ses amis par Christ et par le
Saint-Esprit.» Sa vie laborieuse fut consacrée à
faire mieux comprendre les Écritures. Un de ses grands
ouvrages, le «Hexapla», facilite la comparaison des
diverses versions.
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