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écrit: TA PAROLE EST LA VERITE (Jean 17.17) Cela me suffit... |
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écrit: TA PAROLE EST LA VERITE (Jean 17.17) Cela me suffit... |
HISTOIRE DES MARTYRS PERSÉCUTÉS ET MIS Á MORTpour la vérité de l'ÉvangileLIVRE PREMIER(1)
Comprenant les choses plus remarquables dans l'Église du Fils de Dieu, depuis la persécution menée contre les Chrétiens sous l'Empire de Néron trente et un ans après l'ascension de Jésus-Christ au ciel, jusques au temps de Jean Wiclef. Quoique ce soit une parole certaine & entièrement digne d'être reçue, que les Chrétiens sont régénérés, non corruptible, non point par une semence corruptible, mais incorruptible, à savoir par la parole incorruptible de Dieu, vivante & demeurante à toujours: & qu'à cette vérité céleste écrite dans les livres des Prophètes & des Apôtres, résonnante par le ministère de l'Église, & accompagnée du Saint-Esprit, il faille attribuer le changement du cœur, à cause de la puissance de Dieu en salut à tout croyant: cela ne nous empêche point toutefois de recevoir & tenir pour véritable cette belle sentence, vérifiée par tant de témoignages depuis plusieurs centaines d'années: Que le sang des Martyrs est la semence de l'Église (2) Car les fidèles qui ont cru et connu ce témoignage sacré être très véritable, se sont souvenus que la vérité de Dieu n'a point été révélée à l'Église pour demeurer simplement dans des livres, qui sont des prêcheurs muets, mais aussi pour être dans la bouche des élus de Dieu, afin de maintenir par eux, dans leur vocation, la gloire de leur Seigneur & Père, & le témoignage de leur salut. «Voici mon alliance avec mon Église, dit le Seigneur. Mon esprit qui est en toi &, mes paroles que j'ai mises en ta bouche ne bougeront point de ta bouche, ni de la bouche de ta postérité, ni de la bouche de la postérité de ta postérité, dit l'Éternel, dès maintenant, dorénavant, & à jamais.» Esaïe 59: 21 Pourtant toutes les fois qu'il a plu au Père de la sainte famille d'ouvrir la bouche à quelques-uns de ses serviteurs & enfants, pour les faire parler aux hommes de ce monde, & éclairer de sa lumière ceux qui croupissaient dans les ténèbres, s'il est advenu que les aveugles au lieu d'accepter le bien qui leur était présenté ont tâché de l'éteindre, si les sourds rejetant le message du salut qu'on leur apportait ont bouché leurs oreilles, & si les incrédules & profanes, non contents de dédaigner la voix du Fils unique de la maison de Dieu & de tant de ses fidèles serviteurs, les ont mis à mort, il ne faut pourtant estimer que les fidèles ont perdu leurs peines, & que la vérité de Dieu, laquelle est incorruptible, se soit évanouie quand & le son de leur voix: au contraire, si j'ose ainsi parler, le Seigneur l'a comme cachée dedans la terre avec le sang de ses témoins afin de faire germer de là une maison spirituelle, c'est à dire nouveaux peuples quittant les impostures de Satan pour se ranger à Jésus-Christ. Par conséquent, le sang des Martyrs, (la mort desquels est précieuse devant le Seigneur,) criant de la terre au ciel, & exaucé par le mérite de l'Agneau sans tâche, occis pour la réconciliation de l'Église à son Dieu, a attiré d'une part de nouvelles saveurs du Seigneur en terre, pour manifester sa miséricorde en appelant à sa connaissance un nombre infini de personnes: comme aussi il a fait tomber de terribles traits de la vengeance du Tout-puissant sur les hommes mortels qui se sont égayés à répandre le sang. Et la confiance de cette belle armée de témoins, par la faiblesse desquels Dieu a combattu, renversé & éteint l'orgueil & l'effort de Satan, de l'Antéchrist, et de leurs suppôts, montre clairement qu'il y a eu une vertu plus qu'humaine qui les accompagnait & vivifiait (comme c'est son propre) au milieu de la mort. C'est cette semence de vie laquelle donnant de l'efficace à leurs confessions au milieu de tous les tourments, a fait que la voix des Martyrs, tués pour le témoignage de Jésus-Christ, il y a cent ans, voire 1500 ans, retentit encore puissamment en joie au cœur des élus de Dieu, & parle dans la méchante conscience des réprouvés qui tremblent, parce que la vérité qui accompagnait cette voix n'est point un bruit qui passe, mais elle est la parole vivante & permanente à jamais, vivifiée par celui sur qui le temps n'a pas de puissance, mais qui demeure & vit éternellement. Cette semence fait que le sang des Martyrs a tant fructifié de tout temps, spécialement depuis l'Ascension de Jésus-Christ, & même en ce dernier âge, plein de miracles du Seigneur, autant que l'on en saurait remarquer ... dans les siècles précédents: comme il apparaît par la lecture des livres que nous présentons maintenant. Mais avant d'entrer en matière, nous avons encore ce mot à ajouter, après un bon docteur de l'Église: Que le Supplice ne fait pas le martyr, mais c'est la cause qui fait le Martyr (3). Voilà peu de mots qui en disent beaucoup, & qui seraient grandement utiles à l’instruction & à la consolation de tous les Chrétiens. L'Apôtre S. Pierre avait dit la même chose en d'autres termes, y ajoutant quelque pointe pour réveiller et réjouir les âmes fidèles. «Si vous êtes (dit-il) injuriez au nom de Christ, vous êtes bienheureux, car l’esprit de gloire & de Dieu repose sur vous, lequel (quant aux méchants) est blâmé, mais (quant à vous) est glorifié. Et de fait, que nul de vous ne souffre comme meurtrier, ou larron, ou malfaiteur, ou convoiteux de biens d'autrui. Mais si quelqu'un est affligé comme Chrétien, qu'il n'en ait point de honte, mais qu'il glorifie Dieu en cet endroit.» S. Pierre suit en cela (comme en toutes autres choses) la doctrine de son maître, lequel avait, quelques années auparavant, déclaré: «BIENHEUREUX CEUX QUI SOUFFRENT POUR LA JUSTICE parce que le Royaume des cieux est à eux.» Ainsi donc souffrir pour la justice, souffrir comme Chrétien, & non comme malfaiteur, est LA CAUSE QUI FAIT LE MARTYR. Nous appelons maintenant à cet examen tous ceux qui peuvent avoir souffert de diverses manières. Où la cause (c'est-à-dire la justice & la piété) font défaut, là où le maléfice (c’est-à-dire l'athéisme, l'idolâtrie, la superstition, l'injustice & l'ordure) se découvre, la cause en est éloignée, le supplice mérité est proche et redoutable. Que les profanes vantent leurs hommes courageux; que les idolâtres mettent en avant les troupes de leurs maniaques (fous furieux); que les superstitieux produisent tant de millions de sectes écloses par l'ignorance, & travaillées de tant d'incommodités; que les violents & les injustes allèguent les dangers & les morts dans lesquelles leurs adhérents se lancent allègrement & à tête baissée; nous dirons en un mot que voilà des soldats de Satan, puisqu'ils accomplirent les désirs de ce Père de meurtre & de mensonge.
Cette
sentence donc distingue entre les souffrances de la vraie Église,
&,
les tourments que les incrédules & méchants endurent, soit que
leur maléfice soit couvert, soit qu'il apparaisse aux hommes. Au contraire, c’est une indicible consolation à tous les fidèles, d'entendre, de lire, de savoir, de voir, que leurs cheveux sont comptés, que leurs larmes ne se perdent point, que Dieu les tient aussi chers qu’un homme délicat ferait de la prunelle de son œil, que leurs jours sont comptés, que celui qui veille pour eux ne sommeille point, qu'il est à leur droite afin qu'ils ne chancellent, qu'il est au milieu d'eux, qu'il est dedans eux, que Christ est leur chef, & eux ses membres, qu'il veut habiter, vivre & régner en eux & avec eux, qu'il veut qu'ils habitent, vivent & règnent en lui & avec lui & voire: -
s'ils souffrent avec lui, C’est la CAUSE qui a fait les martyrs, qui les a fortifiés parmi tant d'ignominies tant de supplices, tant de morts qui seront, ci-après, déclarés, au milieu desquels ils se sont armés de cette pensée, que cette cause n'était point leur cause, mais celle de Dieu. Pourtant
ne se sont-ils point beaucoup tourmentés pour résoudre en eux-mêmes
de ce qu'ils auraient à répondre à leurs plus hardis &
importuns adversaires, n'ont point trop redouté leurs propres
infirmités, mais ils ont espéré & senti le secours de la
sagesse & la puissance de celui qui les conduisait, lequel, une
infinité de fois, a fait sentir, aux persécuteurs qu'il ne
regardait pas de loin pour juger des coups, comme on dit, mais était
dans le combat, pour encourager, bénir, diriger,
consoler, guérir, vivifier & sauver les siens, leur servant de
cœur, de mains, d'yeux, de pieds, de bouclier, d'épée, de harnois (d'armure),
c’est-à-dire de tous moyens, & plus qu'ils n'eussent osé
désirer pour les maintenir d’une façon spéciale; renversant au
contraire ses ennemis, exterminant les uns d'une façon, mais avec
telle promptitude vigueur & adresse, qu'il faut que chacun
reconnaisse qu'une main toute puissante y a passé. Que les Athées froncent le nez contre cet ouvrage, pour s'en moquer entre leurs compagnons, que les faux docteurs fassent tant d'invectives qu'ils pourront aller à l'encontre des Martyrs, dont la cause est avouée par le Seigneur Dieu en sa sainte parole. Quand le mondain estime que son seul bien consiste dans ses folles opinions; que l’hérétique, le libertin, le malfaiteur prenne son plaisir en ses erreurs, rêveries, & méchancetés fuyant la croix de Jésus-Christ pour porter celle du diable: les fidèles témoins de la vérité de l'évangile se contentent de savoir que Dieu les approuve; son esprit rendant témoignage au leur qu'ils sont de ses enfants. Or sans disputer d’avantage de cela (entrer en contestation) avec la sagesse du monde, ennemie jurée de la gloire du Seigneur Jésus, considérons (suivant ce qui a été brièvement proposé en l'argument du premier livre) en premier lieu, les Martyrs du temps de l'Église ancienne, sous l'empire de Néron, puis nous traiterons du reste en son endroit. Sur quoi il faut dire encore ceci, qu'il suffira de réciter (raconter) simplement ce que... les historiens, tant anciens que modernes, en ont couché par écrit quelque chose. Et si nous disons beaucoup, ce sera toujours trop peu, pour un sujet aussi fertile: d'autre part en disant peu, ce sera une exhortation à tout lecteur Chrétien de recourir plus avidement à l’histoire de l'Église primitive Chrétienne, pour rassasier son désir, & surtout prendre de bien près garde à la conformité & la convenance qui apparaît entre les Martyrs anciens & modernes, tant en conversion, qu'en doctrine, patience, vraie invocation, confiance, & heureuse fin au Seigneur, Au reste, la raison pourquoi nous n'avons pas fait mention des martyrs qui ont précédé le temps de Néron, c'est parce que ce qui en est dit dans l'Écriture sainte doit suffire à tout fidèle les choses y étant proposées & déduites en toute perfection, tellement que ce serait une témérité trop grande de vouloir spécifier & éclairer ce qui se découvre de prime face (d'abord) aussi ouvertement que la clarté d'amour serein. Venons donc à notre récit.
PERSÉCUTION DE L'ÉGLISE CHRÉTIENNE SOUS NÉRON
Ainsi
donc, il écrivit touchant cette persécution, que Néron, sixième
Empereur Romain, commanda qu'on tourmenta & tua tous les
Chrétiens qui étaient dans
la ville de Rome, & dans toutes les provinces de l'empire. Car il
avait délibéré d'extirper de tous lieux la Religion Chrétienne, &
tous les Chrétiens.
Néron
mit donc le feu dans
la vilaine ville de Rome. Il y avait encore un quartier de la ville
qui lui déplaisait, d'autant plus
que les maisons étaient petites & les rues étroites: il fit
commencer par là pour y faire après de beaux bâtiments. Ce
feu souffle de l'ire (la
colère) de
Dieu, s'étant embrasé plus fort que Néron ne pensait et ayant fait
un dommage irréparable à la ville, les citoyens de Rome, dont cette
perte les touchait, en furent merveilleusement (extrêmement)
irrités.
Néron voulant détourner de lui cette malveillance, sema partout (la
pensée) que
les Chrétiens, ennemis de la religion & des
dieux
Romains, étaient les boutefeux qui auraient ainsi endommagé la
ville. Et afin que cela eût plus d'apparence & fut plus
croyable, il fit prisonniers plusieurs Chrétiens, & les fit
géhenner (brûler) cruellement,
pour
leur faire confesser qu'ils avaient mis le feu dans la ville. Nous
ajouterons ici les propres mots de Tacitus selon qu'ils sont traduits
du Latin de son 15e livre d'Annales. Ainsi
donc, ayant premièrement été pris, ceux qui confessaient être
Chrétiens, & puis sur leur confession une grande multitude, au
lieu de les convaincre (les
accuser) d’avoir
mis ce feu, on fut bien aise de les tourmenter simplement
parce qu'ils étaient haïs de chacun. Ainsi
donc, encore que ces gens fussent estimés coupables de mort; si
avait-on pitié d'eux comme n'étant pas justiciés (condamnés) pour
le bien & l'Empire Romain, il
fut
commandé qu'on exterminât les Chrétiens comme ennemis de Dieu et
de la religion Romaine, & comme boutefeux. Les histoires témoignent que saint Pierre & saint Paul furent mis à mort en cette persécution comme il a été dit par ci-devant. Aussi les chronographes (chroniqueurs) font mention de plusieurs saints personnages & gens d'apparence, lesquels, après grands outrages, douleurs & tourments, furent misérablement tués dans cette persécution, laquelle dura quatre ans (à savoir depuis le 10. an de l'Empire de ce monstre jusqu'à sa malheureuse mort) non seulement dans la ville de Rome, mais aussi partout l'empire Romain. Or combien que cette persécution procède d'une cause plus sale & abominable que l'on ne saurait dire ni penser.
SECONDE PERSÉCUTION DE L'ÉGLISE SOUS DOMITIEN
Or
ce Domitien émut (mis
en mouvement)
la seconde persécution contre les Chrétiens, durant laquelle
plusieurs saints personnages furent bannis, les autres tués ou
privés de leurs biens, après avoir été fort tourmentés. Flavia Domicilia, dame des plus illustres maisons de Rome, fut avec plusieurs autres, à cause de la religion Chrétienne, envoyée en exil par ce tyran. Mais saint Jean retourna d'exil à Éphèse, où il mourut cent deux ans après la nativité de Jésus Christ, l'an troisième de Trajan. TROISIÈME
PERSÉCUTION SOUS TRAJAN
L'Empereur
Trajan, Prince autrement puissant & victorieux, commença une
troisième persécution contre les Chrétiens à Rome, & dans en
tout l’Empire Romain, environ l'an cent & dix après la
nativité de Jésus Christ. Or
les Chrétiens n'avaient pas seulement en horreur les temples,
autels, sacrifices, idoles & fêtes des dieux, dont ils
ne tenaient pas
compte, ils
méprisaient les dieux des Romains & leur service, & pourtant
il ne les fallait aucunement les endurer. «D'où nous adviendrait tout ceci sinon des Chrétiens qui méprisent nos dieux & leur service? Car au contraire (contrairement à nous) ils invoquent un seul Dieu, & honorent un seul Christ Fils de Dieu, comme leur Sauveur unique, & maintiennent ouvertement que notre religion est fausse & diabolique, & que leur foi en Christ est vraie & infaillible, & qu'il ne faut point adorer pour Dieu les idoles & les temples, par des sacrifices & fêtes & autres choses semblables, mais seulement en esprit & vérité, comme il a commandé en sa parole.» Or
les Romains & les autres Païens étaient, partout le monde, fort
obstiné dans leur superstition, & avec hardiesse employaient
leur bien & leur
vie pour maintenir leur religion, s'exhortant l'un l'autre à ne pas
la quitter, alléguant qu'ils l'avaient reçue de leurs
prédécesseurs, qui avaient été des gens
sages, & qui ne se laissaient point tromper. Au contraire, les Chrétiens étaient toujours pauvres & malheureux, & pourtant que ce n'était pas raison qu'on leur quittât (laissât) ainsi la place, & qu'ils endurassent (acceptent) que les Chrétiens (lesquels ils appelaient sacrilèges) eussent victoire sur leur religion ancienne. Pour ces raisons les Chrétiens étaient persécutés par les Empereurs Romains. Si on veut encore pour ce jour bien peser & sonder toutes choses, il se trouvera qu'on persécute les fidèles seulement pour les mêmes raisons.
En
cette persécution de Trajan fut répandu du sang chrétien sans fin
ni mesure. On
voit au 3. livre de l'histoire d'Eusèbe, chap. 36. ce qu'Ignace
disait de foi (par
la foi):
Au
reste, il fut livré à dix soldats, pour le mener à Rome, desquels
lui-même écrit: Au
lieu de perdre cœur en chemin il écrivit des
lettres consolatrices à diverse Églises, recommanda celle
d'Antioche à Polycarpe, ministre de l'Églises de Smyrne, &
étant amené à Rome, eut cette belle sentence en la bouche jusqu'à
à la mort: Le massacre des Chrétiens était si grand qu'un gouverneur de l'Empereur, nommé Pline Second, homme prudent, en écrivit à l'Empereur, rendant un excellent témoignage de l'innocence des Chrétiens. On trouve cette lettre au dixième livre de ses Épîtres (7). Et par ce moyen, les Chrétiens eurent quelque relâche. La longue durée de cette persécution, & la perte de tant de pauvres Chrétiens ne rendait pas mauvaise pourtant la religion Chrétienne, & la Païenne bonne; elle n'empêchait pas que la foi & la religion Chrétienne soit la vraie & certaine. Et Dieu n'a point failli, permettant que tout ceci soit fait contre les fidèles, car par le martyre & le sang des innocents il a augmenté la vraie foi dans tous les pays. Tellement que les anciens avaient toujours en bouche cette belle sentence: que le sang des Chrétiens était la graisse du champ de l'Église. Pourtant, ayons bonne espérance aujourd’hui que nous sommes au milieu des persécutions & parmi l'effusion du sang innocent des Chrétiens.
LA
QUATRIÈME PERSÉCUTION, Environ l'an 170. & 78. depuis la nativité de Christ, les Empereurs Hadrien, Marc Antonin, surnommé le Débonnaire, & Antonin le Philosophe firent des grandes & âpres persécutions contre les Chrétiens pour les raisons que nous avons déjà racontées. Cette persécution n'emporta pas seulement quelques particuliers, mais aussi les principaux & plus excellents Docteurs de ce temps-là, lesquels par leur doctrine & par leurs écrits avaient avancé & maintenu la religion Chrétienne, & l'avaient ornée avec l'innocence & sainteté de leur vie, puis la scellèrent de leur sang. De
ce nombre furent Polycarpe, disciple des Apôtres, & fort ancien
ministre de l'Église de Smyrne, lequel était appelé le Docteur
d'Asie, & père des Chrétiens, & Pionius, saint et
personnage diligent serviteur de Jésus Christ. Ces deux furent
brûlés avec plusieurs autres Chrétiens. Après
avoir dit dans la préface qu'il serait impossible de décrire les
tourments des Martyrs, contre lesquels l'ennemi s'était alors plus
furieusement bandé que jamais, ils montrent en premier lieu que les
persécuteurs privèrent les Chrétiens des privilèges & charges
publiques, les chassèrent des compagnies, commencèrent à se
mutiner, à crier contre tous, à les traîner, battre, piller, puis
les accuser & faire emprisonner, irritants le gouverneur, pour
qu'il les traitât en toute rigueur. «Vetius Epagathus l’un de nos frères, tout affectionné envers Dieu & envers le prochain, tout embrasé de zèle, & ne pouvant plus supporter les iniques procédures qu'on tenait contre nous, demanda audience, pour monter que nous n'étions méchants comme l'on nous chargeait. Les
adversaires s'opposent à cette requête, & le gouverneur, sans
avoir égard à la qualité de ce personnage, gentilhomme honorable,
au lieu de l'entendre, ne fait que lui demander s'il était Chrétien.
Ce que Vetius ayant confessé tout haut, il fut serré (mis
en prison) avec les autres &, appelé l’avocat des
Chrétiens, avec lesquels il souffrit mort puis après. Les
principaux d'entre les Martyrs, en suivant cet exemple, se
présentèrent incontinent aux tourments, prêts en toute allégresse
de cœur à confesser le nom de Dieu jusqu'à la dernière goutte de
leur sang. »
Les principaux des deux Églises, les Pasteurs, Diacres & anciens
furent emprisonnés. Par les mêmes
moyens, quelques Païens serviteurs des Chrétiens furent aussi
appréhendés par le commandement, du gouverneur, qui faisait faire
une recherche générale. Alors
les saints Martyrs endurèrent tant de tourments, qu'il ne serait pas
possible de les raconter. Et le diable faisait tous ses efforts, afin
que même quelques blasphèmes sortissent de leur bouche. Mais
Blandine fut tellement remplie de cet esprit de confiance, que ceux
qui la tourmentaient en toutes les sortes (avec
tous les moyens)
du monde, depuis le matin jusqu'au soir, chacun à son tour, se
lassaient, & la force leur
faisant défaut,
ils confessaient qu'ils étaient vaincus, ne sachant plus que lui
faire, & ils
s'ébahissaient (s'étonnaient),
vu que même son corps était tout rompu, froissé & ouvert de
partout.
Quant
à Sandus, il endurait constamment, & plus que les forces
humaines ne peuvent porter, toutes les peines que les hommes lui
donnaient. Et comme les iniques à cause des
passions & angoisses si dures s’attendaient bien d’ouïr (à
entendre) de lui quelque parole déshonnête, & mal
convenable, il leur résista avec une telle confiance qu'ils
ne purent lui faire dire son propre nom, ni de quel pays & ville
& condition, s'il était franche ou servile (libre
ou esclave): mais à toutes les interrogations & demandes
qu'on lui faisait, il répondit seulement en langage Romain: Je suis
Chrétien ! »
Or ne sachant plus que faire, finalement ils lui appliquèrent
des lames de cuivre toutes rouges de feu, aux parties les plus
tendres de son corps. Ses membres étaient brûlés, cependant, sans
s'en étonner, il demeurait confiant & ferme dans la confession
qu'il avait faite, étant arrosé & fortifié par la
fontaine céleste d'eau vive, sortant du ventre de Christ. Quelques jours après, ces bourreaux iniques tourmentèrent derechef ce Martyr du Seigneur, & s'attendaient d'être bien victorieux sur lui, quand ils viendraient derechef à tourmenter son pauvre corps déjà tout enflé & boutonné, ne pouvant souffrir qu'on y mît la main: ou bien que les autres, s'il mourait à la torture, en seraient effrayés. Mais
contre l'attente des hommes, son corps fut redressé et restauré par
les autres tourments qui s'ensuivirent, et il recouvra la
première forme & l'usage de ses membres, tellement (au
point) que la seconde torture lui apporta médecine. «Comment se peut-il faire que ceux auxquels il n’est licite (il est interdit) de manger le sang des bêtes brutes, mangent la chair des petits enfants» (La primitive Église pour l'infirmité de plusieurs retenait encore quelques cérémonies de l'Église d'Israël.) Et dès lors confessant ouvertement qu'elle était Chrétienne, elle fut mise aux mêmes conditions que les Martyrs. Or comme ainsi soit que par la grâce de Jésus Christ, les bourreaux en leurs tourments tyranniques n'eussent rien gagné sur la patience des Martyrs bienheureux, le diable s'avisa de quelques autres artifices, à savoir que les fidèles étant resserrés en une prison obscure, dedans un croton (cachot) puant, leurs pieds fussent étendus en une façon de torture (de façon à les torturer), & tirez jusqu'au cinquième pertuis (trous), & là endurassent le reste des tourments que les bourreaux dépités & pleins de rage diabolique ont accoutumé de faire; de sorte que plusieurs y furent étranglés, à savoir ceux que le Seigneur voulait retirer à foy (à cause de leur foi) pour leur faire voir la gloire. Et
certes ayant enduré une si horrible torture, que si même on y eût
appliqué toutes sortes de remèdes, on n’eut jamais pensé qu'ils
eussent pu vivre, ils demeurèrent en prison, destitués de toute
aide humaine, mais cependant refaits par le Seigneur, & conservés
de corps & d’esprit, en sorte que même ils exhortaient les
autres & les consolaient. Mais
le bienheureux Photin, diacre en l'Église de Lyon, âgé de plus de
nonante ans fort faible de son corps, & qui ne pouvait bonnement
respirer, à cause de son imbécillité (sa
faiblesse) corporelle, était néanmoins conservé d'une
grande allégresse d'esprit, de ce qu'il était saisi d’une
singulière affection de Martyre, il fut aussi traîné devant le siège judicial (judiciaire),
ayant le corps tout abattu tant à cause de la vieillesse, que par
les maladies qu'il avait eues, ayant aussi réservé son âme à
cette fin, que Jésus Christ triomphait par lui. Ceux
qui étaient loin jetaient furieusement contre lui tout ce qui leur
venait en main, & tous avaient cette opinion que ce serait un
grand un péché & une impiété énorme, si
quelqu’un se fût déporté (se
fut interdit) de lui faire quelque outrage. Car par ce moyen
ils pensaient se bien venger de l'injure faite à leurs dieux. Là
se montra une singulière conduite & providence de Dieu & la
miséricorde infinie de Jésus Christ. Car ceux qui avaient fait
abjuration en la première persécution, furent aussi resserrés
(remis dans les liens) & participants des afflictions. Or la joie du Martyre & l'attente des promesses & l'amour de Jésus Christ , & l’Esprit du Père céleste étaient un merveilleux allégement pour les premiers, mais ceux-ci sentaient de grands remords en leur conscience, de sorte qu'en passant, ils montraient en la face quelques signes qui donnaient à connaître ce qui les affligeait au-dedans. Les
premiers marchaient joyeux, ayant des marques en leurs faces d’une
gloire & grâce merveilleuse. En sorte que leurs liens leur
servaient d'un ornement
convenable & bien séant comme si c'eussent été des
épouses, parées de leurs franges dorées, de diverses couleurs, qui
les faisaient sentir bon de
l'agréable odeur de Christ. Tellement qu'il y en avait
aucuns (plusieurs), qui
pensaient que les Martyrs fussent parfumés de quelques onguents
précieux. Or
un peu après est ajouté en cette épître »
Ainsi donc, Maturus, Sanctus, Blandine & Attalus, furent menez
aux bêtes, pour être en spectacle, & un jour fut
assigné... pour ce combat contre les bêtes. Et derechef Maturus &
Sanctus furent tourmentez de toutes (diverses)
façons, dans l'Amphithéâtre, comme s'ils n'eussent encore
rien souffert, mais plutôt comme s'ils eussent combattu pour
la couronne. Ainsi donc, ces saints personnages, ayant conservé leurs âmes durant ces divers & âpres combats, finalement furent occis en ce jour même, après avoir été en spectacle à tout le monde, & servi de passe-temps au peuple, au lieu des combats qu'on faisait faire d'homme à homme en champ clos. Blandine fut pendue à une potence, & exposée aux bêtes, lesquelles se ruaient contre elle, pour la dévorer. Et on pouvait la voir pendue en ce bois, en forme de croix, &, faisant continuellement des prières, elle donnait courage aux autres fidèles combattants, qui pouvaient, en ce terrible combat contempler de leurs yeux externes, et en leur coeur, celui qui a été crucifié pour eux: afin que tous ceux qui croyaient au Fils de Dieu, fussent bien persuadés que toutes personnes qui endurent pour la gloire de Jésus Christ ont communion avec le Dieu vivant. Et comme pas une de ces bêtes ne la touchât pour lui mal faire, elle fut mise bas de cette potence, & ramenée en prison, & réservée pour d'autres combats, à cette fin qu'ayant été victorieuse en tant de sortes elle montrât à ce serpent tortu (malfaisant), que sa condamnation était du tout irrévocable. Car même cette femmelette, faible & contemptible (méprisable), représentant néanmoins ce vaillant & invincible champion Jésus Christ, exhortait & encourageait ses frères, ayant avec tant de forces repoussé l’adversaire, & finalement par tant & si difficiles combats, elle a obtenu la couronne incorruptible. »
Or quant à Attalus, le peuple aussi demandait à touteinstance , que celui-ci
fût mené au supplice: car il était fort renommé.
Et lui aussi plein d’une bonne conscience, allait joyeusement au
combat. En outre, il s'était fort heureusement exercé en tout à
l'ordre & la police (discipline)
Chrétienne, & avait toujours rendu bon témoignage à la vérité
qui est entre nous. La mère vierge (c'est-à-dire l'Église) était grandement réjouie, laquelle les recouvrait vivants, en lieu qu'ils étaient sortis de son ventre avortons & comme morts. Car plusieurs de ceux qui avaient abjuré revenaient à eux, & étaient derechef engendrés & réchauffés, apprenant à faire courageusement confession. Or ayant recouvré la vie, & étant fortifié par la débonnaireté & douceur de celui qui ne veut point la mort du pécheur, mais pour qui il est facile de pardonner à ceux qui se repentent, ils étaient menés au siège judicial (judiciaire), pour être là derechef interrogés par le gouverneur. Car l'Empereur avait rescrit (écrit), que ceux qui persisteraient dans leur confession fussent étendus comme tabourins(8), & qu'on laissât aller ceux qui abjureraient, quand on commencerait à célébrer la grande fête, en laquelle un fort grand peuple s’assemblait de toutes parts. »
En ce jour-là qu'il tenait la Cour, les Martyrs bien heureux furent
menés au siège Judicial (judiciaire),
pour les montrer devant cette grande multitude, &
derechef il les interrogea: & ceux qui avaient eu quelque droit
de bourgeoisie à Rome, avaient la tête tranchée;les autres étaient
exposés aux bêtes. Ceux qui n'avaient eu aucune trace de foi, ni de sentiment pour la robe de l'Époux, ni aucune pensée de la crainte de Dieu, ayant plutôt tourné leur robe, diffamaient la vérité, demeuraient dehors, comme enfants de perdition. Or tous les autres furent conjoints à I'Église, lesquels on interrogeait? Entre autres, il y eut un certain personnage, nommé Alexandre, Phrygien de nation, médecin de son état, qui avait demeuré plusieurs années en Gaule, & était connu presque de tous, à cause de l'amour qu'il avait envers Dieu, & de la hardiesse dont il usait en son parler (car il n'était point vuide (vide) de dons & de grâces Apostoliques) lequel se trouva près du tribunal, exhortant par signes ses frères à confesser franchement Jésus Christ: & comme ayant la face triste, fut soudainement aperçu de toute l'assistance. Ce
peuple, qui était fort marri (attristé)
de voir faire confession ceux qui avaient auparavant abjuré, criait
à pleine tête contre Alexandre , comme à celui qui était cause de
cela. «Voici
ce que vous faites, c'est vraiment manger & avaler les hommes;
mais quant à nous, nous ne mangeons point la chair des hommes, &
ne faisons aucune autre méchanceté. Or
après toutes ces choses, pour le dernier jour des jeux, Blandine fut
derechef produite avec Pontique, qui était un jeune garçon de
quinze ans. Quant
à Blandine , elle fut gardée la dernière: laquelle après
avoir, comme noble mère, exhorté ses enfants, & qu'elle les
eût envoyés à leur Roi Jésus, & considéré attentivement
tous leurs combats, finalement elle s'avança pour
aller après eux, toute joyeuse & alaigre (dans
l'allégresse) en chemin, comme si elle eût été à
un banquet nuptial, & non point comme jetée & exposée aux
bêtes. Les Païens & les infidèles furent contraints de confesser que jamais cela n'était advenu (arrivé) entre eux, qu'une femme eût enduré tant de tourments si terribles. Mais pour tout cela, leur rage & leur cruauté contre les saints ne cessa point. Car aussi ces bêtes sauvages étant poussées par Satan , qui est une bête cruelle, n'avaient aucun repos. Et comme ils étaient violents & outrageux, ils cherchèrent d'autres façons de tourmenter le corps. Car, quoiqu'ils fussent vaincus en eux-mêmes, ils n'étaient pas apaisés pour tout cela, d'autant qu'ils avaient perdu tout sens & entendement humain. Mais, bien plus, le gouverneur & le peuple étaient embrasés de rage comme des bêtes furieuses, montrant également & méchamment leur haine contre nous, afin que l'Écriture fût accomplie, qui dit que celui qui est inique, soit encore plus inique: & que celui qui est juste soit encore justifié (Apoc., XXII, 11). Car ils jetèrent aux chiens ceux qui étaient étouffés ou étranglés en prison; ils mirent des gardes qui veillaient jour et nuit pour nous empêcher d'ensevelir nos frères. Et,
en même temps les reliques des corps qui avaient été laissées
tant par les bêtes que par le feu, en partie déchirées & en
partie brûlées, furent produites ensemble avec les têtes des
autres & quelque tronçon de leur corps, qui demeurèrent sans
sépulture, & durant plusieurs jours députèrent (envoyèrent) quelques gens de
guerre pour la garde. “ Où est leur Dieu, & de quoi leur a servi cette religion, laquelle même ils ont préférée à leurs propres vies?” Voilà comment ces infidèles & ces Païens étaient émus en diverses sortes. Quant
à nous, nous étions merveilleusement (extrêmement) angoissés pour ne pouvoir enterrer les
corps de nos
frères.
Car la nuit ne nous servait à rien pour ce faire, & les gardes
ne pouvaient être gagnés par de l'argent, ni aucunement
apaisés, ni fléchis par nos prières et nos supplications Après
ces choses & quelques autres, il est ajouté en cette même
Épître ce qui s'ensuit: Ce que le même auteur récite (raconte) du Martyre de Polycarpe , Évêque de Smyrne, est du tout mémorable, pour l'instruction & d'une grande consolation pour les fidèles. Après avoir récité (raconté) comment les persécuteurs recherchèrent ce bon pasteur qu'ils trouvèrent caché par les fidèles dans un lieu à l'écart où il fut averti trois jours avant sa prise, que son lit était en un feu qui le consuma en moins de rien, à cette occasion il assura (affirma à) ceux qui l'accompagnaient, qu'il finirait cette vie mortelle dedans le feu. Étant
découvert, il descend vers ceux qui le cherchaient, leur montre fort
bon visage, leur fait dresser la table, & ayant obtenu d'eux de
prier Dieu l'espace d'une heure en leur présence, il les étonna
tellement, que la plupart d'eux déploraient & détestaient le
rude traitement fait à un si honorable vieillard. Le
chemin était couvert de gens, qui fut cause que bien peu ouïrent (entendirent) une
voix qui
leur criait du ciel: D.
Es-tu celui qu'on nomme Polycarpe? Sur
ce Polycarpe, regardant d'un œil ferme la troupe qui l'environnait,
haussant (levant) sa
main
avec un grand soupir & levant les yeux au ciel, répondit:
Extermine ces infidèles-ci. Polycarpe parlant ainsi se sentait plein de foi & de joie. Sa face était si vermeille, qu'au lieu d'être troublée par les menaces du gouverneur, on le voyait très assuré, & le gouverneur tout pâle, envoya un des officiers crier par trois fois au milieu de la place: POLYCARPE A CONFESSÉ QU'IL EST CHRÉTIEN. Après
cette annonce tous les Gentils & Juifs demeurant dans
la ville de Smyrne commencent à tempêter & à crier de
tous côtés: «C'est le Docteur de l'Asie, le père des Chrétiens,
le ruineur de nos Dieux qui a prêché à plusieurs, qu'il ne les
faut point adorer.» Le
peuple courut de ce pas dans ses bûchers & greniers,
d'où il apporte du bois & des sarments: en quoi ils
étaient secondés par les Juifs qui s'y employaient avec
grand courage, selon leur coutume. Comme
il achevait, les bourreaux mettent le feu au monceau de bois, mais
d'autant que le feu se voûtait autour de ce martyr, sans
l'approcher, les méchants commencèrent à crier à l'un des
bourreaux, & lui commandent de le transpercer d'un coup de
javeline. Ce qu'ayant fait, il sortit tant de sang du corps de ce
saint personnage, pasteur de l'Église de Smyrne, que le feu en fut
presque éteint. Et sur ce, il rendit paisiblement l’esprit au
Seigneur. Or j'ai récité (raconté) un peu au long le fait des martyrs de Lyon & de Vienne, & la procédure tenue contre Polycarpe, pource (dans le but) que cela montre comme les anciens persécuteurs besognaient pour la plupart envers les serviteurs de Dieu; je répéterai en cet endroit ce que j'ai déjà dit ci-dessus: Qui
sera celui tant dépourvu d'entendement, qui ose dire que la doctrine
& pure religion des saints martyrs & témoins de Jésus
Christ, ait été fausse, encore qu'ils aient été livrés de Dieu
en la main des païens leurs ennemis: et que la fausse religion de
ces incrédules ait été bonne et vraie pour ce qu'ils surmontèrent
corporellement, et tuèrent les pauvres fidèles? Mais Dieu par sa grâce suscita de La Religion ce temps-là, et après aussi, d'entre les païens même, de saints & savants, de grande estime & autorité, lesquels par leurs doctes, saints, & divins écrits (qu'ils appelaient Apologies) adressés aux Empereurs Romains, au Sénat, & aux Gouverneurs, proposaient l'innocence des Chrétiens, confessaient, magnifiaient, & défendaient la religion chrétienne, & prouvaient que les Chrétiens sont innocents des forfaits dont ils étaient accusés à tort. Qui plus est, ils furent si hardis que de découvrir, taxer et réfuter par ces Apologies la vanité & la fausseté de la religion des païens. Or je mettrai ci-après les noms de tels personnages, prenant d'Eusèbe, & noterai le temps auquel ils ont vécu: afin que chacun voit, comme la foi chrétienne, en grandes persécutions, s'est montrée ouvertement et hardiment, sans aucune peur ni frayeur, & a répandu ses rayons comme le soleil, nonobstant qu'elle fût persécutée en qualité d'hérésies & séduction, & arrosée du sang des Chrétiens. L'an
du Seigneur 119. Quadratus, homme craignant Dieu, & de grande autorité,
présenta un livre à l'Empereur Hadrien, en faveur des Chrétiens.
Semblablement,
Athenagoras, Philosophe Athénien, écrivit une Apologie à Marc
Aurèle Antonin, & à Lucius Aurelius Commodus, laquelle on
trouve imprimée en Grec & en Latin. Finalement
l'an 209. Tertullien écrivit aussi un fort beau livre pour les
Chrétiens, où il démontre leur innocence, la folie des
superstitions païennes, & la vérité & l'excellence de la
Religion chrétienne. «CEUX qui croient (dit Justin en sa seconde Apologie (9) pour les Chrétiens) ce que nous enseignons de Christ est véritable, & promettent de vivre comme sa parole le requiert, apprennent premièrement à demander à Dieu par prières, accompagnées de jeûnes, qu'il leur pardonne les fautes passées, & de notre part nous joignons nos prières aux leurs. Puis
après nous les menons à l'eau, & renaissent en la même sorte
que nous avons été régénérés: car ils sont baptisés d'eau au
Nom du Père de tous, de notre Dieu & Sauveur Jésus Christ, &
du S. Esprit. Le
jour du Dimanche, les fidèles des villes & des champs
s'assemblent: alors on lit les écrits des Prophètes & des
Apôtres. TERTULLIAN,
en son apologétique,chap. 39: Ce bref extrait de l'Apologétique de Tertullien nous amène par l'ordre des temps à la 5. persécution de l'Église sous l'Empereur Septime Sévère, environ deux cent cinq ans après la naissance de Jésus Christ. Ce
Prince, comme témoigne Tertullien (qui vivait de son temps) en son
livret à Scapula, portait bonne affection aux Chrétiens, &
s'opposait à la fureur du peuple qui leur courrait sus. Même il fit
des édits en leur faveur. Or, en l'an neuvième de son empire, étant
allé en pèlerinage vers l'idole de Serapis en Alexandrie, il
changea de volonté. Les crimes imposés aux Chrétiens étaient sédition, crime de lèse-majesté. On les accusait d'être homicides, sacrilèges, incestueux, meurtriers de petits enfants & mangeurs de chair humaine, se mettant ensemble comme bêtes brutes, après les chandelles éteintes, adorant une tête d'âne, & le Soleil pour leur Dieu; qu'ils ne servaient de rien (qu'ils ne serviraient pour rien) au monde, mais étaient ennemis du genre humain, contempteurs (mépriseurs) de la religion que les peuples observaient & maintenaient par si longue espace de temps: c'est ce qui avait attiré tous les malheurs dont le monde était foulé, comme S. Cyprian dit de Démetrian qui diffamait ainsi la doctrine de l'Évangile & les anciens Chrétiens. Eusèbe décrit cette persécution sous Sévère, au 6. liv. de son histoire, ch. 1. & parle des fidèles d'Égypte & de Thébaïde exécutés à mort en la ville d'Alexandrie, entre lesquels fut Leonides, Père d'Origène docteur fort renommé, & infinis autres. La persécution fut véhémente à Carthage, comme le livret à Scapula le montre, & en Cappadoce pareillement les martyrs étaient décapités & brûlés. On confisquait leurs biens. Ce néanmoins (malgré cela), tous persévérèrent constamment, & au milieu des supplices condamnaient & détestaient les superstitions de leurs adversaires, ce qui est amplement traité en l'Apologétique de Tertullien, lequel découvre la vanité & l'iniquité des païens, répond à toutes les calomnies imposées aux Chrétiens, & prouve qu'ils ne font coupables d'aucun des crimes qu'on leur imposait. Durant ces horribles tempêtes, la Foi, la Charité & la Patience des fidèles croissaient & s'épuraient comme l'or en la fournaise: & le Seigneur d'autre part conserva beaucoup de pasteurs & autres particuliers de son Église pour remettre les choses au-dessus après la mort de cet Empereur; l'état de l'Église fut assez tranquille sous Caracalla, Macrin & Héliogabale. Mais la sixième persécution se ralluma sous Maximin, de laquelle il faut dire aussi quelque chose. L'an de Christ 239. Jules Maximin persécuta l'Église Chrétienne, commandant qu'on empoignât principalement les docteurs de l'Église, à savoir les pasteurs et ministres: car c'étaient eux qui séduisent (comme il disait) le pauvre peuple par leurs prêches, & étaient cause de troubles en l'Empire. Et pourtant les fallait dépêcher (s'en débarrasser rapidement) pour remettre l'Empire en repos, & nettoyer le monde de celle fausse doctrine. Plusieurs ministres de l'Église furent alors mis à mort: du nombre desquels sont Pamphile & Maximus.
Origène
écrivit en ce temps-là, pour la consolation de l'Église, un beau
livre du Martyre, où il montre qu'il faut que les vrais Chrétiens
confessent et rendent témoignage de leur foi, de bouche & par
oeuvres & qu'ils la scellent de leur sang, si besoin est. Car de
son temps s'était élevée une pernicieuse secte des Helchefaites,
lesquels disaient qu'il suffisait d'avoir & de garder la
foi au coeur, & qu'on pouvait fort bien (en temps de
nécessité) la renier de bouche. L'an de Christ 252. ou comme les autres disent 254. commença... dans toutes les provinces de l'Empire, sous Decius, la septième persécution contre l'Église chrétienne, qui fut beaucoup plus cruelle que la précédente. L'Église
fut privée de beaucoup d'excellents personnages en cette
persécution. Sixtus Évêque de Rome fut décapité Babylas
très excellent serviteur de CHRIST, & Évêque d'Antioche fut
tué. Ce dernier pria fort qu'on mît auprès de lui la chaîne
avec laquelle on le traînait à la mort, comme son ornement &
collier de l'ordre. Plusieurs
vierges excellentes furent cruellement tourmentées & mises à
mort, à savoir Apolloine, Eugène, Victoire , Théodore, Anatholie,
Rufine, & plusieurs autres. Hermannus Contradus (10) fait aussi un long dénombrement en sa chronique des S. martyrs, qui souffrirent la mort en divers lieux de l'empire, sous Decius. Bref en cette persécution fut répandu une infinité de précieux sang des innocents. Comme Tertullien avait plaidé sous Sévère la cause des Chrétiens, Cyprian, Évêque de Carthage, son disciple, fit de même & réfuta les calomnies des païens en répondant à un de leurs principaux Avocats nommé Demetrian. Prudence aussi, peu après fit répondre, en beaux vers latins, aux plaintes & objections de Symmachus grand ennemi des Chrétiens. À grand peine que la VII. persécution eut cessée, que la VIII. Commença par le commandement de l'Empereur Valérien , l'an de Christ 260. en laquelle furent décapités deux excellents personnages, à savoir Corneille Evêque de Rome, & Cyprian Evêque de Carthage en Afrique. Les histoires font mention d'un grand nombre de grands personnages, qui en ce temps-là reçurent la couronne de Martyre. On écorcha adonc (à ce moment-là) plusieurs fidèles pour tâcher de les détourner, par ce cruel tourment, de la foi chrétienne, à celle des païens: en quoi ils n'obtinrent point ce qu'ils désiraient. |
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