ABRÉGÉ
DE LA DOCTRINE DU SALUT
IX
Ordre
de la grâce dans le salut.
84.
En rassemblant ce que nous avons dit ailleurs en d'autres termes [61,
68 et 80], le
SALUT se compose de quatre grâces principales auxquelles toutes les
autres se rattachent; à savoir l'illumination, la justification, la
sanctification et la glorification. Nous avons déjà dit aussi que,
dans l'ordre de la grâce, la justification précède
la
sanctification. [69.]
Mais,
pour exposer ce sujet d'une façon plus complète, et après avoir
encore rappelé que le principe de toutes les grâces du salut est
dans l'ÉLECTION DIVINE, nous devons remarquer que la manière dont
Dieu manifeste en tout premier lieu sa grâce envers ses élus, c'est
par LA VOCATION ou par I’APPEL qu'il leur adresse, au moyen de sa
Parole (1). Il y a des appels qui sont pour tous (2), mais auxquels
tous ne répondent pas (3), et ce refus d'écouter ne peut être
attribué qu'à la méchanceté même de leur cœur (4). Quant à
ceux qui répondent à la vocation de Dieu (5), l'Écriture nous dit
que c'est l’effet d'une grâce spéciale appelée LA RÉGÉNÉRATION
(6).
1)
Ceux que Dieu a préconnus, il a aussi déterminé d'avance qu'ils
seraient conformes à l'image de son Fils, pour qu’il soit le
premier-né parmi beaucoup de frères. Et ceux à l'égard desquels
il a déterminé d'avance cela, il les a aussi appelés.... Rom.
VIII, 29, 30; 2 Tim. I, 9; Rom. X, 17.
2)
Dieu ayant donc laissé comme inaperçus les temps d'ignorance,
ordonne maintenant à tous les hommes, en tous lieux, qu'ils se
convertissent. Act. XVII, 30; Ésa. XLV, 22; LV, 1; Math. XI, 28;
Jean VII, 37.
3)
Mais tous n'ont pas obéi à la Bonne nouvelle; car Ésaïe dit:
«Seigneur, qui est-ce qui a cru à ce qu’il a entendu de nous?»
Rom. VIII. 16; Math. XX, 16.
4)
Les hommes ont mieux aimé les ténèbres que la lumière, car leurs
œuvres étaient mauvaises. Jean III, 19; Luc XIII, 34; Prov. XXVIII,
5.
5)
Gen. XII, 1-4; Math. IX, 9; Act. IX, 3-6.
6)
À tous ceux qui ont reçu la Parole, elle leur a donné le droit de
devenir enfants de Dieu; à ceux qui croient en son nom, lesquels ont
été engendrés, non du sang, ni de la volonté
de
la chair, ni de la volonté de l'homme, mais de Dieu. Jean I, 12, 13.
85.
La régénération, ou le réengendrement spirituel,
est cette
œuvre du Saint-Esprit, parlant dans les Écritures, au moyen de
laquelle l'esprit des élus est éclairé ou illuminé d'en
Haut, et leur cœur conduit à regarder vers Jésus-Christ pour être
sauvé. C'est le commencement de la vie de Dieu dans l'âme; ou,
selon le sens même du mot, une nouvelle naissance, et comme une
nouvelle création (1).
1) Aimez-vous les uns les autres avec constance, d'un cœur pur, ayant
été réengendrés, non d'une semence corruptible, mais d'une
semence incorruptible, par le moyen de la Parole de Dieu qui vit et
qui demeure éternellement. l Pier. l, 22, 23; Jacq. I, 17, 18; Jean
III, 3, 5; 2 Cor. V, 17.
86.
Le premier sentiment que le Saint-Esprit imprime dans le cœur de
ceux qu'il régénère, c'est de les humilier par la conviction de
leurs péchés (1). Cette conviction se produit au moyen de la loi de
Dieu (2), mais plus souvent peut-être au moyen de la croix de
Jésus-Christ (3). L'une et l'autre, en effet, nous prêchent notre
misère et notre condamnation.
1)
Il convaincra le monde de péché, de justice et de jugement. Jean
XVI, 8; I Jean l, 8, 10; Jacq. IV, 8, 9.
2)
La loi a été notre instituteur pour nous conduire au Christ, afin
que nous fussions justifiés par la foi. Gal. III, 21; Rom. III, 20.
3)
Car, chose impossible à la loi, parce qu'elle était sans force en
passant par la chair, Dieu ayant envoyé son Fils en ressemblance de
chair de péché et en sacrifice pour le péché, condamna le péché
dans la chair [de Christ], afin que l'ordonnance de la loi fût
accomplie en nous qui marchons, non selon la chair, mais selon
l`Esprit. Rom. VIII, 3, 4; 1 Cor. I, 18; 2 Cor. V, 21.
87.
Mais encore faut-il que l'attention du pécheur soit attirée vers
ces deux grands faits du Gouvernement de Dieu et que sa conscience
soit mise en état de les apprécier; car, de lui-même, le pécheur
n'y prend pas garde, ou ne le fait qu'avec mépris (1). C'est pourquoi,
le Saint-Esprit ouvre le cœur de ceux qu'il régénère;
il les rend attentifs et intelligents (2). En sorte qu’une première
illumination du cœur et de l'esprit
est bien le commencement de l'œuvre entière de la grâce (3).
1)
Car l'homme n'ayant que l'âme ne reçoit pas les choses de l'Esprit
de Dieu, car elles sont une folie pour lui, et il ne peut les
connaître, parce que c'est spirituellement qu'on en juge. 1 Cor. II,
14; I, 18.
2)
Luc XXIV, 45; Act. XVI, 16.
3)
Réveille-toi, toi qui dors, et te relève d'entre les morts, et le
Christ resplendira sur toi. Eph. V, 14; Math. IV, 16.
88.
C'est ainsi que se produit en nous LA REPENTANCE, à laquelle toute
la Parole de Dieu nous convie (1). Point de départ de la conversion,
la repentance est une douleur amère occasionnée par le sentiment de
nos péchés (2). Sans elle jamais nous n'irions à Celui qui est
venu nous chercher et nous sauver (3).
1)
Convertissez-vous, car le royaume des cieux est proche. Math. III, 2,
8; IV, 17; Marc I, 15; VI, 12; Act. II, 38; III, 19; XVII, 30.
2)
Et Pierre étant sorti dehors, pleura amèrement. Luc XXII, 62; Ps.
LI.
3)
Par ta dureté et par ton cœur qui ne se convertit pas, tu t'amasses
un trésor de colère pour le jour de la colère et de la révélation
du juste jugement de Dieu. Rom. II, 5; Luc V, 31, 32; XIII, 3.
89.
La vraie repentance doit être soigneusement distinguée d'avec les
angoisses et les remords d'une conscience agitée (1). La cause et
les effets de ces remords ne sont point les mêmes que ceux de la
tristesse selon Dieu; celle-ci seule produit une repentance à
salut (2). Elle le fait en nous apprenant à détester le péché et
notre volonté propre, ce qui est renoncer à soi-même. Elle le fait
surtout en nous conduisant à Jésus-Christ (3). Voilà comment elle
est, en quelque sorte, la racine de LA FOI qui sauve, et à la base
de tout le salut (4).
1)
1 Sam. XV, 27; Math. XXVII, 3.
La
tristesse selon Dieu produit une conversion à salut dont on ne se
repent point; mais la tristesse du monde produit la mort. 2 Cor. VII,
10.
3)
Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il se renonce lui-même et
qu'il prenne sa croix et me
suive. Math. XVI, 24; Luc VII, 37, 38.
4)
Convertissez-vous et croyez à la Bonne nouvelle. Marc. I, 15; Act.
XX, 21; Math. XIII, 6.
90.
Un pécheur que le Saint-Esprit a convaincu de sa misère et conduit
à la croix de Jésus, est dès ce moment converti à Dieu, et de
nouvelles grâces vont s'ajouter à sa foi (1)
1)
Convertissez-vous donc et que chacun de vous soit baptisé au nom de
Jésus-Christ pour le pardon de vos péchés, et vous recevrez le don
du Saint-Esprit. Act. II, 37, 38; IX, 6, 17-19; 1 Thes. I, 9, 10.
91.
La foi qui sauve, cette foi qui couronne le
vrai repentir,
nous unit à Christ ainsi que nous l'avons vu. [70.]
De cette
union même découle LA PAIX de l'âme, par l'effet de notre
réconciliation avec Dieu (1). C'est le premier signe, ou le premier
témoignage que le pécheur justifié ait de sa conversion, et, en
même temps, l'indispensable condition de ses progrès dans la
sainteté. Car ce n'est pas avec une âme troublée qu'on peut servir
le Seigneur comme il l'entend (2).
1)
Justifiés par la foi, nous avons la paix auprès de Dieu par
Jésus-Christ notre Seigneur. Rom. V, 1 , 10, 14; Jean XX, 19, 21,
26.
2)
Je courrai dans la voie de tes commandements quand tu auras mis mon
cœur au large. Ps. CXIX, 32; Jacq. III, 18.
92.
Il faut distinguer cette paix du fidèle d'avec la fausse paix du
mondain et du pharisien (1). Celui qui est né de Dieu jouit de la
paix sans se dissimuler le nombre et l'énormité de ses
transgressions, sans perdre d'aucune manière le sentiment de ses
obligations morales ou de sa responsabilité, et sans détourner sa
pensée du redoutable jugement de Dieu.
C'est
qu'il fonde toute sa paix sur Jésus-Christ crucifié, et non point
sur le mérite de sa repentance, de sa foi, ou de son obéissance. Il
goûte la paix, par cela même que sa JUSTIFICATION, ou sa justice
est toute en Christ. [68.]
1)
Il n'y a point de paix pour le méchant, a dit l'Éternel. Ésa.
XLVIII 22; Jean XIV, 27; 1 Thess. V, 3.
93.
En même temps qu'il est revêtu de ces premières grâces,
le
fidèle reçoit du Saint-Esprit, par la foi, le sentiment de son
ADOPTION. Il comprend que, de créature coupable et révoltée qu'il
était, la grâce d'en-Haut l'a fait devenir enfant de Dieu, héritier
de son royaume et cohéritier de Christ. Quelle grâce (1)!
1)
Car vous n'avez pas reçu un esprit d'esclavage pour être de nouveau
dans la crainte; mais vous avez reçu un esprit d'adoption, par
lequel nous crions: Abba! Père! L'Esprit lui-même rend témoignage
avec notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. Rom. VIII, 15, 16;
Gal. IV, 5; Eph. I, 5; 1 Jean III, 1.
94.
Dès lors aussi le Saint-Esprit le remplit des dispositions d'un
enfant de Dieu (1). L'amour pour le Seigneur, la consécration de
soi-même à son service, une horreur croissante pour le mal, un
attachement au bien toujours plus vif, un sentiment très prononcé
de sa constante indignité, un dévouement réel pour son prochain et
une affection toute fraternelle pour les autres enfants de Dieu; tels
sont les principaux traits du caractère dont la foi revêt un
pécheur régénéré (2). C'est l`image de Dieu rétablie; c'est une
SAINTETÉ VÉRITABLE; ou littéralement, la sainteté de la vérité
(3).
1)
Car tous ceux qui sont conduits par l'Esprit de Dieu, sont fils de
Dieu. Rom. VIII, 14.
2)
Le fruit de l'Esprit, c'est l'amour, la joie, la paix, la patience,
la bonté, la bénignité, la fidélité, la douceur, la tempérance.
Gal. V, 22: Eph. V, 9, 10; Col. III, 12-15.
3)
Quiconque a été engendré de Dieu ne pratique point le péché,
parce que la semence de Dieu demeure en lui; et il ne peut pêcher,
parce qu'il a été engendré de Dieu. 1 Jean III, 9; Eph. IV, 20-24.
95.
Il est à remarquer toutefois que, si la grâce de la justification
est complète des que le pécheur a cru, quelles que soient encore
les imperfections de sa foi; que si, dans ces premiers moments, sa
paix peut être entière et même éclater en transports d'une pieuse
joie, il n'en est pas ainsi de la sainteté.
Elle est vraie, dès le principe, car elle est de Dieu; mais elle
n'est pas la perfection. Celle-ci est le terme vers lequel le
Saint-Esprit pousse les fidèles (1). Sous sa conduite, ils y tendent
constamment, et c'est en cela que consiste le travail de la
SANCTIFICATION (2)
1)
Vous serez donc parfaits comme votre Père qui est dans les cieux est
parfait. Math. V, 48; 2 Cor. XIII, 9, 11; Philip. III, 12-14.
2)
Ayant donc ces promesses, purifions-nous de toute souillure de la
chair et de L'esprit, achevant notre sainteté dans la crainte de
Dieu. 2 Cor. VII, 1; 1 Thes. IV, 3; V, 23; 2 Thes. Il, 13, 14; 1
Pier. l, 2, 15, 16.
96.
Il est encore à remarquer que, si le germe de la sainteté est
déposé dans les cœurs aussitôt que l'Esprit de Dieu y commence
l'œuvre de la régénération, puisqu'il y a de la sainteté dans le
premier réveil de l'âme et dans le repentir de la conscience, le
travail du fidèle pour sa sanctification ne commence proprement
qu'après sa conversion, c'est-à-dire, après qu'il s'est tourné du
cœur vers Jésus-Christ pour être sauvé, après donc qu'il a cru
et que, par la foi, il s'est uni à Celui qui, en même temps,
justifie et sanctifie le pécheur (1).
1)
Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, porte beaucoup de
fruits; car hors de moi, vous ne pouvez rien faire. Jean XV, 5; Math.
XII, 33; Mal. III, 18; Rom. VI, 3-11.
97.
Cherchant donc en Jésus-Christ uniquement tous les bienfaits du
Salut, les pécheurs régénérés sont mis en possession d'une
nouvelle et précieuse grâce qui est L'ASSURANCE. Mélange
d'humilité et de joie, cette assurance se fonde sur les seules
promesses de Dieu. En conséquence elle ne se développe
régulièrement et ne s'affermit dans les élus qu'avec leur foi;
c'est-à-dire que plus leur foi se développe, s'affermit et
fructifie, plus leur assurance est ferme. Aimés
d'un amour éternel [83], ils se savent gardés par la
puissance de Dieu, par le moyen de la foi, pour le salut (1).
1)
Car les dons de grâce et l'appel de Dieu sont sans repentir. Rom.
XI, 29; VIII, 30-38; I Pier. I, 5-9; Eph. III, 12.
98.
Enfin, il est à remarquer ici que la sainteté du fidèle et son
assurance lui étant données par le moyen de la foi (1), il est
évident que, suivant ce que sera notre foi, nous aurons plus ou
moins de succès dans le travail de notre sanctification, tout comme
aussi notre paix et notre joie seront plus ou moins inaltérables.
1)
Professant la vérité dans l'amour, nous croissons à tous égards
en celui qui est la tête, le Christ. Eph. IV, 15.
99.
De tout cela résulte que, si les régénérés ont reçu, par la
foi, le pardon de leurs transgressions, que s'ils ne vivent plus dans
l'esclavage du péché et loin de Dieu, ils peuvent néanmoins
retourner un temps en arrière et retomber dans le mal (19. Par ces
rechutes les fidèles semblent quelquefois redescendre à un état
pire qu'avant leur conversion et la paix fuit de leur cœur (2), mais
ils se relèvent par la grâce de Dieu pour combattre de nouveau
contre Satan. On peut même dire que leur sainteté consiste presque
autant dans ce combat fait avec persévérance, que
dans les
victoires qu'il leur est donné de remporter habituellement par la
foi (3); et cette persévérance même, ils l'attendent de la grâce
de Dieu (4).
1)
Que celui qui pense être debout prenne garde qu'il ne tombe. 1 Cor.
X, 12; Rom. XI, 20; 2 Sam. XI; Math. XXVI, 74.
2)
Ps. XXXII, 8; L, 3, 4; LI, 12.
Or
Dieu est fidèle, et il ne permettra pas que vous soyez tentés
au-delà de ce que vous pouvez; mais avec la tentation il fera aussi
l'issue, pour que vous puissiez la supporter. 1 Cor. X, 13; IX,
24-27; Rom. VII, 14-25; 1 Cor. I, 4-9; I Jean V, 4, 5.
4)
Étant bien persuadé de ceci, que celui qui a commencé en vous une
bonne œuvre, l'achèvera jusqu'au jour de Jésus-Christ. Philip. l,
6.
100.
Il est d'ailleurs à observer sur toutes ces grâces du salut,
qu'elles sont plus distinctes par leurs fonctions que par leur
nature. Dans la vraie repentance, il y a déjà de la foi; dans la
vraie foi, il y a de la sainteté: mais on ne peut pas dire de la
repentance et de la sainteté qu'elles justifient; ceci est le propre
de la foi. On ne peut pas dire non plus de la repentance et de la foi
qu'elles sont le rétablissement de l’image de Dieu en nous: ceci
n'est vrai proprement que de la sainteté (1).
1)
Or maintenant ces trois choses demeurent: la foi, l'espérance et
l'amour; mais la plus grande de ces choses c'est l'amour. 1 Cor.
XIII, 13. Dieu est amour. 1 Jean IV, 8.
101.
Il faut encore observer que si la repentance, qui est elle-même une
grâce, est à la base de la foi [89], elle ne devient
tout ce
qu'elle doit être que par la foi [94]: cette
grâce-ci étant
toujours en nous le principe de toutes les autres. Quelle que soit
donc la grâce dont nous éprouvons le vide et le besoin, nous devons
la chercher en Jésus-Christ, par la foi, dans le sentiment de notre
profonde indignité (1).
102.
Observons enfin que, si, de coutume, les grâces du salut se suivent
dans l'ordre que nous avons indiqué, ce n'est pourtant pas à dire
que le Saint-Esprit n'ait qu’une manière d'agir sur les âmes et
de les conduire. Souvent même le pécheur est amené à Christ par
des voies qui peuvent nous sembler en dehors de l'Évangile. Mais ce
qu'il est essentiel de reconnaître, c'est que, dans tous les cas, il
n'y a, ni ne saurait y avoir rien de véritablement bon en nous que
par la grâce, et que toute l'œuvre du salut se commence, se
continue et s'achève par le SAINT-ESPRIT de la part du Père et pour
l'amour du Fils, Jésus-Christ, notre Seigneur.
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