Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
REGARD
Bibliothèque chrétienne online
EXAMINEZ toutes choses... RETENEZ CE QUI EST BON
- 1Thess. 5: 21 -
(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



HISTOIRE DE LA TERRE




CHAPITRE TROISIÈME

Le Déluge.

Plus on étudie l'histoire du Déluge telle que nous la donne la Genèse, plus on en admire la simplicité et la précision. C'est le récit d'un témoin oculaire : il ne sait des causes de ce cataclysme que ce qu'il en a vu lui-même ; il garde le silence sur les révolutions qui ont eu lieu, soit près de lui sous la surface des eaux, soit dans les régions lointaines où ses regards ne pouvaient atteindre. Mais quel récit et quel témoin ! à chaque ligne on sent la foi naïvement sublime de Noé, qui, échappant seul au naufrage de l'humanité, apporte au calcul des jours, des semaines et des mois, le calme d'un voyageur moderne qui traverse l'Atlantique de Liverpool à New-York ; et si l'Éternel intervient dans cette ruine et dans cette délivrance, il le fait d'une manière si naturelle que la raison, toujours rebelle aux miracles, se trouve comme séduite tout d'abord.

Il y a bien dans cette histoire deux ou trois chiffres qui semblent avoir une signification symbolique, mais ce ne sont là que de ces singulières coïncidences, de ces rencontres étranges qui se présentent sans cesse dans le cours ordinaire de la vie.
On chercherait en vain à ce récit une intention secrète qui autoriserait à n'y voir qu'une fiction ; l'orgueil national des Hébreux n'est nullement intéressé dans un événement qui concerne toute l'humanité, et pour imprimer avant au coeur d'Israël

p 116

la crainte des jugements de Dieu, il était fort inutile d'attribuer à Noé tel âge plutôt que tel autre, et d'imaginer les dates exactes de la crue et de la chute des eaux.
On ne peut négliger un mot de ces pages sans se faire tort à soi-même, comme c'est le cas de ces physiciens, même les plus croyants, qui, dans l'explication des causes du Déluge, ne prennent pas garde aux indications contenues dans le texte sacré. On ne peut y toucher sans le gâter : témoin Origène, qui veut que la coudée de Noé eût six fois la longueur de la coudée ordinaire, ou saint Augustin, qui croit que l'arche avait neuf étages. Mais c'est en comparant aux traditions correspondantes des païens le récit biblique, qu'on en voit l'intime vérité : point de ces fables puériles dont abonde le mythe de Satiavrata, de Dieu se faisant poisson, remplissant la mer de son corps démesurément agrandi, et tirant le navire par un câble attaché à sa corne ; point de ces mesures gigantesques telles que Bérose en donne à l'arche, qui aurait eu quatre mille pieds de longueur sur six cent soixante de largeur. Il faut être bien partial, il faut n'avoir aucun tact de la vérité historique pour assimiler le récit de Moïse aux légendes des païens.

La terre sera détruite, a dit l'Éternel à Noé. Voilà la clef de toutes les énigmes du Déluge, qui a été un cataclysme géologique, une révolution tellurique dont les effets se sont prolongés pendant plusieurs siècles. En faire une simple inondation locale, même une inondation universelle, c'est aller à rencontre du texte biblique, ainsi que des traditions païennes (1). De Luc avait déjà signalé toute l'importance de ce mot de destruction ; mais on ne l'a pas écouté. Cependant la vérité se fera jour une fois ou l'autre.

En face de cette ruine de tout un monde, et de cette effrayante et pénible transformation de la nature terrestre, les plaisanteries de Celse et de Voltaire sur l'arche deviennent bien puériles. Elles atteignent d'ailleurs non pas la Bible seulement, mais les traditions des Babyloniens, des Syriens, des Égyptiens, des Grecs, des Indiens, des Chinois, qui tous ont gardé le souvenir du vaisseau du salut.
Noé, le seul juste, doit perpétuer l'humanité primitive sur la terre nouvelle. Mais quand un roi change de résidence, toute sa cour le suit, et de même il ne se peut faire que le rejeton de l'antique Adam soit entouré dans sa nouvelle demeure d'êtres qui lui seraient tous inconnus ; il faut qu'il garde autour de lui ses animaux domestiques, qui sont ses serviteurs, et avec eux les autres quadrupèdes et oiseaux qui sont ses vieilles connaissances.

La possibilité d'un navire qui aurait les dimensions de l'arche a été reconnue par les juges les plus compétents (2). Sa longueur, de cent soixante-deux mètres, dépasse de peu celle de nos plus grands bateaux à vapeur transatlantiques, et n'atteint pas celle du Léviathan, qui est actuellement en construction en Angleterre, et qui aura deux cent sept mètres de longueur, et un port de vingt-cinq mille tonneaux.
Un vaisseau construit par un memnonite hollandais, d'après les proportions consignées dans le texte sacré, s'est trouvé être mauvais voilier, mais porter un tiers en sus des bâtiments ordinaires. Ces proportions étaient donc les plus convenables dans le cas donné, et il est assez difficile de concevoir comment Noé, dans un temps où l'art de la construction des vaisseaux n'était sans doute pas fort avancé, aurait pu les découvrir sans une intervention extraordinaire du Dieu qui voulait le sauver.

L'arche, qui avait vingt-sept mètres de largeur, était un vaisseau, dit-on, de quatre-vingt mille tonneaux. Ce serait la charge de quarante vaisseaux de ligne qui auraient chacun cent trente canons et neuf cents hommes. Suffiraient-ils pour transporter à travers l'Océan, avec la nourriture d'une année entière, tous les animaux terrestres et atmosphériques qui vivent aujourd'hui dans nos divers continents ? Nous l'ignorons.
Mais ce que nous devons bien considérer, c'est qu'il ne s'agit dans le texte sacré que des êtres qui habitaient la patrie de Noé. La Genèse, depuis le second chapitre, est un livre historique où nous sont conservés, avec une parfaite vérité, les souvenirs des patriarches qui racontaient à leur postérité les événements dont ils avaient été les témoins. Ils ne connaissaient de la terre que la région qu'avaient peuplée les enfants du premier homme, et les animaux que l'arche doit sauver sont la faune spéciale créée pour Adam dans le Paradis. Il est bien vrai qu'avant le diluvium la température était plus douce et plus uniforme, que par conséquent les demeures des animaux devaient être plus étendues qu'elles ne le sont aujourd'hui, et qu'ainsi la patrie de Noé pouvait réunir des espèces qui vivent maintenant reléguées loin les unes des autres, dans des continents différents.
Toutefois la géologie des terrains tertiaires nous fait connaître l'existence de faunes locales, dont aucun représentant, vu la distance, n'a pu se réfugier dans l'arche, et nous savons en outre par cette même science que plusieurs genres de mammifères ont péri complètement dans le diluvium, tels que les palseothères et les anoplothères, qui n'avaient donc point été recueillis dans le grand navire de Noé.

Au reste, le texte même donne à entendre que tous les animaux n'y avaient point trouvé un asile : dans l'énumération de ceux qui y étaient entrés, figurent le bétail, les petits animaux qui rampent et se glissent sur la terre, et tout ce qui a des ailes, mais non ces animaux de la terre qui comprennent les bêtes féroces, et l'on pourrait donc soutenir que Noé, qui n'avait pris avec lui pour la nourriture des animaux que des végétaux, n'avait vu entrer dans sa maison flottante ni lions, tigres, panthères, ni loups, hyènes et ours. Du moins nous paraît-il certain que rien dans le récit inspiré ne nous oblige à admettre que les animaux terrestres et atmosphériques de la patrie de Noé soient tous entrés dans l'arche sans aucune exception, et sur ce point spécial, la Genèse n'est point en désaccord avec la paléontologie du diluvium.

La Genèse autorise bien moins encore à dire que toutes nos espèces actuelles soient sorties de l'arche. Elle déclare formellement le contraire dans un passage (IX, 10), que les Septante n'ont pas osé traduire, et dont la Vulgate n'a point rendu toute la force : « J'établis mon alliance avec tout animal vivant qui est avec vous, ..... de tous ceux qui sont sortis de l'arche, à tous les animaux de la terre. »

Il y a manifestement ici deux classes d'animaux très distinctes. On a voulu conclure de là que tous les animaux n'avaient pas péri dans le Déluge, et que le Déluge n'avait pas été universel. Mais nous verrons tout à l'heure que cette interprétation est inadmissible.
Le passage cité fait allusion, non point à d'anciennes espèces d'animaux qui auraient échappé à la mort hors de l'arche, mais à de nouvelles espèces que Dieu appellerait à l'existence après le Déluge, pour peupler les continents où la faune de l'arche ne pourrait parvenir (3).

Si toutes les faunes actuelles n'ont point eu l'arche pour berceau, si elle n'a pas non plus servi de retraite à la faune entière de l'époque pliocène, si elle devait simplement servir à conserver avec notre race les animaux dont les destinées étaient plus ou moins étroitement unies aux nôtres, nul ne peut plus prétendre qu'elle ait été trop petite pour son but, toutes les objections sérieuses tombent d'elles-mêmes, et la vraisemblance qui renaît se change, même sans la foi, en certitude, par le témoignage concordant de tous ces peuples qui ont la tradition d'un Noé sauvé dans un vaisseau d'une forme extraordinaire (4).

L'arche, si vaste et si difficile à construire, devient inadmissible si le Déluge n'a pas été universel, et si, pour échappera ses flots, il eût suffi à Noé d'émigrer dans une contrée plus ou moins éloignée. Le voyage lui aurait en tout cas pris moins de temps et coûté moins de peine que la construction de son château flottant. Mais ce n'est pas là notre unique preuve en faveur de l'universalité du Déluge.
Elle n'avait été mise en doute par personne dans l'Église jusqu'au dix-septième siècle, où Isaac Vossius l'a attaquée avec des raisons tirées surtout des sciences physiques. Appelée à se prononcer sur cette opinion nouvelle, Rome ne l'avait condamnée qu'avec beaucoup de ménagements. Dès lors elle s'est propagée de plus en plus, et elle prévaut généralement aujourd'hui. Cependant nous la croyons erronée.

1° Noé déclare de la manière la plus formelle et par trois fois, que toute chair a péri dans le Déluge (Gen : VII, 21-23), et il ajoute que les eaux recouvrirent les plus hautes montagnes.

Sans doute il raconte ce dont il a été témoin, et ignore ce qui se passait au sud de l'Afrique ou dans le Nouveau-Monde. Mais il n'aurait pas affirmé avec une telle insistance la mort de tous les hommes et de tous les animaux si, en sa qualité de prophète, il n'avait pas reçu intérieurement de Dieu l'assurance qu'il en était bien réellement ainsi.

2° Les peuples qui auraient échappé au Déluge seraient ou des descendants d'Adam, ou ceux d'une autre souche. Dans le premier cas, ils auraient été ou épargnés malgré leur corruption, ce que la justice de Dieu ne permet pas de supposer, ou sauvés à cause de leur grande piété, ce qui rend inutile et absurde l'arche destinée à préserver le seul juste.
Dans le second cas, il y a plusieurs Adam ; mais avec l'unique Adam, source de tout péché, disparaît l'unique source de tout pardon, Jésus-Christ.

3° Les peuples que n'aurait pas atteints le Déluge, auraient sur les autres plus de seize siècles d'avance, soit de civilisation, soit de barbarie, et il devrait être aisé de les distinguer à leurs langues, à leur conformation physique, à leurs croyances. Or tous les peuples civilisés ont eu leur Noé et leur arche ; parmi les sauvages plusieurs ont pareillement des traditions diluviennes, et ceux qui n'en ont pas n'ont aucune tradition quelconque. Ces derniers pourraient seuls passer pour n'avoir pas été détruits par le cataclysme ; mais ce serait abuser de leur mutisme que de l'interpréter dans un sens opposé au témoignage universel, et d'ailleurs ils se rattachent par trop de liens à leurs voisins pour qu'on puisse ainsi leur faire des destinées extraordinaires.

4° Tous les hommes, dira-t-on, auraient péri, que des continents qu'ils n'auraient pas encore occupés auront été épargnés avec leurs faunes. Mais le Déluge n'est une destruction de la terre, qu'à la condition que toute chair ait péri, comme le dit et répète le texte sacré.
Le texte sacré est plus explicite sur ce point-là que sur les causes physiques du Déluge. Pour bien comprendre le peu qu'il nous en dit, nous devons nous mettre à la place de Noé lui-même.

C'était le dix-septième jour du second mois. L'année, chez les Hébreux et les Chaldéens, chez les Égyptiens, chez les Perses, commençait en automne, et le second mois, qui est novembre, est en Orient l'époque des grandes pluies. Aussi se nomme-t-il en hébreu Boul, pluie.
Nous admettons donc avec les rabbins et les commentateurs chrétiens, que le calendrier de Noé était celui de l'antique Orient, et que le Déluge a commencé un mois et dix-sept jours après l'équinoxe d'automne. Nous avons vu cette date être confirmée d'une manière vraiment surprenante par la tradition de l'Égypte (5). Notons toutefois que Bérose fait commencer le Déluge en juin, le quinzième jour de Daesius.

D'ailleurs l'année de Noé n'était pas identique à celle des Hébreux. En effet, on lit dans le texte que les eaux s'accrurent pendant cent cinquante jours, et que l'arche s'arrêta sur l'Ararat le dix-septième jour du septième mois ; or, de la date du commencement du Déluge à cette dernière, il n'y aurait, d'après le calendrier juif, que cent quarante-sept jours, tandis qu'il y en a précisément cent cinquante si l'on donne trente jours à chaque mois.
L'année antédiluvienne aurait ainsi été de 12X30=360 jours, soit qu'à cette époque la terre fît sa révolution annuelle en ce nombre exact de jours, soit qu'on rétablît par quelque intercalation l'harmonie entre la marche des deux et le calendrier de l'homme. Après le Déluge, l'année de 360 jours se retrouve chez plusieurs des nations primitives.

En ce dix-septième jour du second mois, Noé vit toutes les sources du grand abîme être rompues, et les ouvertures des cieux ouvertes.
L'eau jaillit du sol, l'eau tombe du haut des airs. Voilà les deux seules causes du Déluge que l'homme ait vues ; ce qui sans doute n'en exclut pas nécessairement d'autres qui se seraient dérobées à ses yeux.

La première, par le mot de grand abîme, nous reporte au chaos, dont les puissances dévastatrices saisissent pour la dernière fois la terre que le péché leur a livrée de nouveau. Les eaux de cet abîme, ce sont celles sur laquelle la terre a été fondée et étendue (Psaumes XXIV, 2 ; CXXXVI, 6). Elles ont comme un fleuve emporté les méchants, submergé leur séjour (Job XXII, 16). Mahomet et les commentateurs du Coran, recueillant d'anciennes traditions, disent que les premières eaux du Déluge sortirent du four d'une certaine vieille nommée Zala Cufa, que c'était celui dont Ève s'était servie pour cuire son pain, et qu'il avait sa bouche dans sa partie supérieure. Ils disent aussi que la terre parut entièrement percée comme un crible, et que les sources en sortaient à gros bouillons, s'élevant en mille jets et retombant sur la terre en forme de pluie avec les nuages du ciel (6).
Ces traditions ne font que dépeindre poétiquement ce que Moïse nous dit de la rupture des sources de l'abîme ; mais voici un fait tout nouveau, qui concorde parfaitement avec les découvertes modernes sur la chaleur interne de la terre, et qui donne peut-être la clef du Déluge : Les eaux en étaient chaudes, disent les rabbins.

Que la chaleur ait joué un rôle très important dans le diluvium, c'est ce que la géologie ne niera point. Car les dépôts diluviens contiennent en plusieurs contrées de l'or en poudre, qui se trouve le plus souvent dans des débris de granit, et pour décomposer le granit ainsi que pour réduire l'or à son état de poudre très fine, il faut l'action d'eaux brûlantes, il faut des forces volcaniques.

Ce serait donc la chaleur qui aurait fait jaillir d'immenses cavités souterraines ou du grand abîme, une quantité d'eau suffisante pour inonder, de concert avec la pluie, la terre entière jusqu'au sommet des plus hautes montagnes. L'Himalaya a des sommets de 24,600 pieds. Il faudrait, pour élever le niveau de nos océans à cette hauteur, qu'ils s'accrussent de dix millions de milles (allemands) cubiques d'eau. Or le volume de la terre est de 2650 millions de milles cubiques. Il suffirait donc, pour expliquer le Déluge, que la capacité de l'abîme souterrain fût la deux cent soixante-cinquième partie du volume total de notre planète.
D'ailleurs l'eau que Noé vit sortir des entrailles de la terre pouvait y avoir existé combinée avec le fer. La terre a la densité du fer ; les aurores boréales et australes s'expliquent par le magnétisme qui s'échappe par les deux pôles de cet immense aimant qui forme le noyau de notre globe ; le minerai de fer se trouve dans tous les terrains : il y a du fer dans la lave, dans le basalte, que la terre a vomis de son sein ; les corps organiques contiennent presque tous du fer. Or ce métal se combine avec l'eau et produit ainsi diverses espèces de mines de fer qui contiennent une telle quantité d'eau qu'elle forme le septième de leur poids. Elle s'en dégage à une chaleur proportionnellement peu élevée, et l'on a calculé qu'une masse de ces substances, qui ne formerait pas même une centième partie du volume de la terre, pourrait fournir les dix millions de milles cubiques d'eau nécessaires pour recouvrir la terre à la hauteur de l'Himalaya (7).

Mais l'Himalaya existait-il lors du Déluge ? Avait-il son immense hauteur actuelle ? Plusieurs géologues ne placent-ils pas au temps du diluvium le soulèvement de nos plus grandes chaînes de montagnes ?
L'Arménie, au temps de Noé, n'avait point encore peut-être son relief définitif ; l'Ararat n'était point un mont de 16000 pieds, et tous les calculs que l'on fait sur la masse des eaux diluviennes reposeraient ainsi sur une base beaucoup trop large.

La seconde cause du Déluge que nous fait connaître Moïse ou Noé, c'est une pluie torrentielle de quarante jours, qui ne ressemblait à aucune autre : on eût dit que toutes les écluses de la voûte céleste s'ouvraient à la fois.
Cette pluie était une précipitation de toutes les eaux contenues à cette époque dans l'air, et une transformation de l'atmosphère. Rassemblons les faits qui peuvent jeter quelque jour sur cette crise.
Nous savons par la géologie que, pendant la période tertiaire, qui comprend notre monde antédiluvien, la température moyenne de l'air était plus élevée qu'elle ne l'est aujourd'hui. La vapeur qui, d'après la Genèse, arrosait seule la terre au temps d'Adam, s'explique par nos climats tropicaux, où les rosées sont fort abondantes et où le ciel est serein pendant la majeure partie de l'année. La Genèse concorde donc avec la géologie sur la plus grande chaleur atmosphérique des temps antédiluviens.
Nous avons ensuite vu que la sécheresse de Méhujaël avait fini par une pluie extraordinaire : les plus petites gouttes, s'il faut en croire le Zend Avesta (8), étaient grosses comme le poing de l'homme, les plus grandes comme la tête d'un taureau. Or, en supposant que les gouttes de pluie étaient avant le Déluge un peu plus grosses qu'elles ne le sont maintenant, on expliquerait comment le premier arc-en-ciel n'a apparu qu'après le Déluge, qu'après la transformation de l'atmosphère. Mais ce ne serait pas se hasarder beaucoup que d'admettre que l'atmosphère de cette terre tertiaire et antédiluvienne qui subsistait parmi l'eau, contenait plus d'humidité et était plus volumineuse que celle de notre terre actuelle, et qu'ainsi elle aurait, en se réduisant de beaucoup, fourni au Déluge une quantité d'eau fort supérieure à celle qui est contenue maintenant dans l'air.

La cause atmosphérique et supérieure du Déluge a commencé d'agir au même jour et pour ainsi dire à la même heure que la cause inférieure et souterraine.
L'eau tomba des cieux et elle jaillit du sol en même temps. Cette simultanéité, à laquelle on n'a pas pris garde, nous semble fort remarquable.
Ce n'était point le concours fortuit de deux causes étrangères l'une à l'autre. Il y avait donc d'intimes relations entre l'éruption des eaux souterraines et la chute des eaux atmosphériques. Or, que dit Arago ? « De nos jours, lorsque l'atmosphère est orageuse, il y a en même temps de grandes perturbations dans les entrailles de la terre, à la surface ou au sein des eaux. Certaines sources se troublent quand le ciel se couvre, bouillonnent, font entendre des bruits semblables à ceux du tonnerre quand un orage approche, ou jaillissent inopinément du sol, soit pendant soit après la crise atmosphérique, et l'on a vu pareillement la mer pendant des orages être dans un bouillonnement extraordinaire, qui aurait pu faire croire, par les colonnes d'eau qui s'élançaient dans les airs, à l'existence de plusieurs volcans sous-marins (9). »
Ce qui se passe dans nos temps sur une très petite échelle, s'est opéré, lors du Déluge, sur toute la face de la terre à la fois. Ce fut dans le sol, dans les mers, dans l'air, une crise universelle, immense, unique, effroyable. Voilà comment s'est annoncé le Déluge, non pas celui des modernes qui l'ont expliqué par des causes toutes locales ou tout accidentelles, mais celui de la Genèse, qui a ses sources dans les dernières profondeurs de l'économie terrestre !
Le texte sacré n'est-il pas, dans sa simplicité, bien autrement profond que ne le sont les philosophes, les naturalistes, les théologiens passés et présents qui ont tenté de l'expliquer ?

Les deux causes du Déluge qui sont indiquées dans la Genèse suffisent certainement pour rendre compte du cataclysme ; mais elles ne sont elles-mêmes que des symptômes de la crise que subissait la terre entière, et qui a pu se manifester par d'autres effets.

Ainsi l'on a voulu conclure de la première mention des saisons qui se lit dans les paroles de l'Éternel après la sortie de l'arche (Gen. VIII, 22: Comp. à I, 14), à leur non existence avant le cataclysme, et au déplacement de l'axe de rotation de la terre, ou du moins à son changement de direction.
D'Adam à Noé, l'axe aurait été perpendiculaire à l'écliptique, d'où la fable d'une zone torride inhabitable ; la terre aurait fait en trois cent soixante jours sa révolution annuelle, d'où le calendrier de Noé et de plusieurs peuples anciens dont l'année avait précisément cette durée.
Ce sont là de bien fragiles bases pour une hypothèse dont les astronomes contestent la possibilité. Pour la défendre avec quelque apparence de raison, il faudrait s'appuyer sur les traditions des païens. Les Égyptiens parlaient de changements survenus dans la marche des astres et dans les points du lever et du coucher du soleil.
D'après l'Edda, le soleil se levait vers le sud avant que les Ases, fils de Bôr, eussent embelli la terre. En Chine, c'est Kong-Kong qui, dans sa colère contre les saints patriarches, brise d'un coup de corne les colonnes du ciel, le fait tomber au nord-ouest, en même temps que la terre reçoit une brèche au sud-est, et cause le Déluge, après lequel Niuva redresse les quatre points cardinaux, répare la brèche du ciel au nord-ouest et donne à la terre des forces nouvelles.
Ajoutons le printemps éternel de l'âge d'or chez les Grecs, les demeures septentrionales des pieux Hyperboréens, qui sont en quelque manière les Sethites. Qu'y a-t-il de vrai dans ces traditions ?

C'est à la géologie à nous l'apprendre, et nous n'anticiperons pas sur ses enseignements. Toutefois nous savons déjà qu'elle ne prouvera pas, par les grands pachydermes des pays chauds qui se trouvent enveloppés de glaces en Sibérie, un changement dans l'inclinaison de l'axe terrestre, puisque ces animaux sont couverts de poils épais et que dans leurs dents se voient encore des débris de végétaux du Nord. L'Islande, qui, d'après ses plantes fossiles, a eu la température du Mississipi, a sans doute passé subitement de son climat ancien à son climat actuel par une crise accompagnée de grandes éruptions volcaniques. Mais ce changement atmosphérique est compris dans des limites assez restreintes pour s'expliquer autrement que par une révolution astronomique.
Quant aux végétaux des tropiques qui ont couvert le Groenland, ils appartiennent à une période beaucoup plus ancienne que celle des terrains diluviens.
L'axe de la terre aurait conservé son ancienne direction, que ce ne serait pas une raison de nier que la crise de notre planète ait été accompagnée de signes extraordinaires dans les cieux. Ainsi, la fameuse comète de Newton ou de 1680, dont la révolution est de 575 ans, passait près de la terre pendant le Déluge ; et, au dire des Grecs, Vénus aurait alors changé de couleur, de grandeur, de figure et de course (10).

De Luc avait expliqué le Déluge par une totale destruction du continent qu'avait habité l'humanité primitive, et qu'aurait englouti l'Océan. Prise dans un sens absolu, cette hypothèse est inconciliable avec la Genèse ; car Moïse, en décrivant le Paradis, suppose que la terre d'Adam diffère peu de celle des Noachides, et dans son récit du Déluge il nous dépeint les lents progrès des eaux diluviennes, qui jaillissent des abîmes ou tombent des cieux, et non les scènes subites et effroyables d'un monde qui s'abîme dans les entrailles de la terre et sous les flots de la mer. D'ailleurs, parmi les traditions diluviennes des peuples païens, les moins altérées et les plus complètes supposent toutes l'identité de la terre ancienne et de la terre nouvelle.

Mais si la contrée d'Adam et de Noé est bien certainement celle qu'arrosent de nos jours l'Euphrate et le Tigre, ce n'est pas à dire que d'autres terres, habitées déjà ou bien encore désertes, n'aient disparu sous les eaux lors du Déluge. La géologie abonde en catastrophes de ce genre, et l'on peut se demander si ce n'est point du Déluge que date la forme actuelle de la Polynésie. En effet, les archipels qui peuplent l'océan Pacifique sont de deux natures fort distinctes ; les uns sont des dômes sporadiques de basalte, les autres de simples bancs de coraux. Or, les polypes ont construit leurs immenses édifices sur les sommets de montagnes sous-marines et de cratères qui ne sont qu'à une profondeur fort peu considérable au-dessous du niveau de l'Océan. Il y avait donc, a-t-on dit, dans ces parages, une vaste terre qui s'est abaissée sous les flots de toute la hauteur de ses plus grandes montagnes.
Cette catastrophe, à en juger par les travaux des polypes, ne peut remonter à une période géologique où le niveau de la mer aurait été différent de ce qu'il est aujourd'hui. D'autre part, l'absence de tout mammifère sauvage sur les îles du Grand-Océan prouve que le continent en question était déjà submergé lorsque les animaux de l'époque actuelle se dispersèrent sur la face de la terre. Il faut donc, semble-t-il, admettre que la submersion de cette antique terre sans nom a eu lieu lors du Déluge.

La tradition reste muette sur cette immense catastrophe ; car les terres qui ont été submergées étaient probablement désertes ou du moins leurs habitants ont tous péri dans les flots. Les deux races qui peuplent aujourd'hui la Polynésie sont les Nègres et les Malais. Les Nègres sont des Éthiopiens ou Cuschites, les Malais des Japhétites, et leurs traditions diluviennes sont des variantes de l'histoire de Noé (11).

Ni la tradition, ni les sciences physiques n'indiquent qu'il y ait eu dans l'océan Indien, entre l'Arabie, le Décan, Madagascar et le Zanguebar, un continent qu'aurait détruit le Déluge. Mais l'océan Atlantique offre à l'ouest des Canaries et des Açores un immense banc de fucus qui repose, à une profondeur peu considérable, sur un plateau sous-marin ; ce plateau, dit-on, se prolonge à d'inégales hauteurs, au loin vers l'Amérique ; les courants océaniques décrivent autour de ce haut-fond, en trois ans, un immense circuit, et l'on se demande si ce n'est point là quelque ancien monde qui se serait affaissé sous les eaux lors du Déluge.

C'est dans ce même Océan et en quelque sorte dans ces mêmes parages, qu'était située l'Atlantide de Platon. Le philosophe athénien ne nous aurait-il point conservé dans son Timée et son Critias, l'histoire de cette terre océanique ? et ne connaissait-il pas la Mer des Herbes, où la marche de nos vaisseaux est entravée par d'épaisses forêts d'algues, quand il ajoute que, depuis la destruction de cette Atlantide, qui était plus grande que la Libye et l'Asie, l'Océan oppose aux navigateurs un limon impraticable ?

Mais ici comme partout la première apparence est trompeuse. Au temps de Platon, ou du moins à celui d'Hérodote et d'Hannon, les Carthaginois eux-mêmes ne connaissaient pas encore les Canaries, et jamais vaisseau ne s'était donc avancé au delà de ces îles jusqu'au grand banc de fucus. Aussi Platon parle-t-il d'une mer boueuse et non de prairies d'algues ; il ne décrit pas, il invente : seulement sa fiction s'est trouvée plus tard être presque une vérité. L'Atlantide elle-même, c'est la terre antédiluvienne transportée au delà des limites du monde connu, et les faits historiques auxquels il est fait allusion dans le mythe de Platon, se sont passés non point à l'ouest des Colonnes d'Hercule, mais vers l'orient et dans la vraie patrie des Caïnites et des Sethites (12). Ainsi l'existence d'un ancien continent entre l'Afrique et l'Amérique, ne s'appuie absolument que sur des considérations empruntées aux sciences physiques.

Enfin, on pourrait supposer que la Crête, les îles de la mer Égée, Rhodes, Chypre, et peut-être la Sicile, sont les débris d'une grande terre qui aurait disparu dans les flots du Déluge. Cette supposition semble fort invraisemblable quand on considère tant la grande profondeur de la mer actuelle dans ces parages, que l'éloignement réciproque de ces îles dont on parvient difficilement à faire une terre unique, et leur voisinage de l'Asie Mineure, de la Grèce et de l'Italie dont elles semblent, la plupart, n'être que des fragments détachés. Mais c'est ici la tradition qui nous contraint à ne pas repousser sans examen une pensée que la géologie n'accepterait qu'avec répugnance.
Les Grecs donnaient le nom (sémitique ?) de Lectonie ou Lyctonie (13) à un vaste pays que Neptune aurait (lors du Déluge) précipité dans les flots, et dont les débris seraient Chypre et l'Eubée, avec les îles intermédiaires. La légende ou le mythe laisse de côté la Crête, ce qui est fort extraordinaire, et semble dire que l'Asie Mineure était bordée, au sud du Taurus, par une large zone de basses terres qui s'étendait de Chypre jusqu'à Rhodes, et de Rhodes au nord-ouest jusqu'aux côtes de la Béotie et de la Locride. Le nord de la mer Égée aurait ainsi formé un bassin isolé qui n'aurait point communiqué avec la mer de Crête. Quoi qu'il en soit de cette Lectonie, elle a laissé si peu de traces de son existence dans la mémoire des hommes, qu'on peut affirmer qu'elle n'existait déjà plus lors de l'arrivée des Noachides dans l'Asie Mineure, et qu'elle avait péri dans le grand cataclysme diluvien (14).
La destruction de la Lectonie serait un exemple des changements que le Déluge a pu produire dans la forme des continents. L'affaissement du continent Atlantique et du continent Polynésien serait plutôt une des causes de ce cataclysme. Passons à son histoire, telle que nous la donne Moïse d'après les récits qu'en avait faits Noé.

La pluie cessa au bout de quarante jours, et ce n'est que plus tard que les eaux s'accrurent au point de soulever l'arche, et qu'elles se renforcèrent prodigieusement et recouvrirent toutes les montagnes. Le mouvement ascensionnel dura cent cinquante jours, d'après le dernier verset du chapitre septième, où l'on a traduit par se maintinrent (OBTINUERUNT TERRAM) le même verbe qui, aux versets dix-huitième, dix-neuvième et vingtième, est rendu par s'accrurent.
Nous ne nous lasserons pas de signaler ces infidélités de nos versions, qui partent toutes d'un manque de foi et qui altèrent le livre au profil de certaines idées préconçues. Mais notons encore l'exactitude avec laquelle l'hébreu a été rendu par les Septante et par la version anglaise.
Quelle cause a, du quarantième au cent cinquantième jour, élevé les eaux à l'immense hauteur qu'elles atteignirent ? L'éruption des eaux souterraines seule ; car la précipitation des eaux atmosphériques avait cessé, et ce qu'il tombait encore de pluie (15) ne pouvait plus contribuer à l'exhaussement de l'océan terrestre.
L'éruption des eaux de l'abîme a donc eu lieu pendant cinq mois, et depuis le quarantième jour avec beaucoup plus d'intensité qu'avant. Ce n'est point là une inondation brusque et subite comme le serait une vague immense qui aurait passé sur l'Asie occidentale ; elle aurait tout détruit et emporté, et l'arche n'aurait pu échapper à une ruine complète.
Nous ignorons où l'arche a été construite, mais tout nous porte à croire qu'elle l'a été vers l'Euphrate. Elle s'est arrêtée à une distance peu considérable, sur les montagnes de l'Arménie. Les courants diluviens étaient donc peu rapides, et leur direction aurait été du sud au nord.

Au cent cinquantième jour la crise diluvienne entre subitement dans une phase nouvelle : un vent s'élève, les sources de l'abîme se ferment, ainsi que les ouvertures des cieux, et la pluie cesse entièrement ; les eaux, allant et venant, se retirent de dessus la terre, et l'arche s'arrête sur les monts Ararat.
Que signifie ce vent ? Est-ce simplement celui qui succède d'ordinaire aux pluies abondantes et prolongées ? Mais comment, pendant les cinq mois où la terre fut submergée et détruite, un calme plat a-t-il régné dans l'atmosphère ? Comment fait-il tout à coup place à un vent violent au jour où les eaux commencent à baisser ? N'y a-t-il pas là l'indice d'une révolution qui se fait dans l'atmosphère ? Et ce mouvement de va et vient dans la masse des eaux n'est-il pas fort remarquable ? Ce n'est pas celui des vents, ni des courants, ni même des marées. Plus loin nous lisons que « les eaux étaient allant et décroissant. »
N'est-ce pas la description d'un océan bouleversé par des convulsions sous-marines et s'écoulant dans la terre par d'immenses failles ? On voit en plusieurs pays les souvenirs du Déluge se rattacher à chaque gouffre qui se perd dans les profondeurs de la terre (16). Ce serait à ce moment du Déluge que nous rapporterions les éruptions basaltiques qui datent de ce cataclysme, et le soulèvement de nos plus hautes Alpes, des Andes, de l'Himalaya. La chaleur interne du globe qui allait s'accroissant toujours plus, et qui faisait monter à la surface toutes les eaux souterraines, aura produit enfin une immense explosion qui aura fait surgir des chaînes entières de montagnes, produit dans l'écorce du globe d'énormes failles, et permis ainsi aux eaux diluviennes de rentrer dans l'abîme. Peut-être l'explosion aura-t-elle eu lieu lorsque les eaux diluviennes, qui se précipitaient dans les cratères béants des nombreux volcans de l'époque pliocène, auront fermé successivement toutes ces soupapes de sûreté.

Les eaux avaient cru en cinq mois ; elles décroissent en quatre. Soixante-treize jours s'écoulent avant que les premières cimes apparaissent aux regards de Noé, dont l'arche est déjà immobile sur le plus haut sommet. Comme il est peu probable que ce dernier sommet fût beaucoup plus élevé que les autres, la retraite des eaux aura été d'abord fort lente. Mais quarante-sept (ou suivant une autre interprétation cinquante-quatre) jours plus tard, elles s'étaient abaissées de plusieurs mille pieds depuis la cime des montagnes jusqu'au fond de leurs vallées.
Il fallut encore cent (ou quatre-vingt-treize) jours pour que les hautes terres de l'Arménie fussent entièrement sèches, et que Noé pût sortir de l'arche.

Nous aimerions à appeler sur ces dates de la retraite des eaux, ainsi que sur les autres détails du récit biblique du Déluge, la sérieuse attention de quelque naturaliste. Il y retrouverait certainement de précieux indices sur la vraie nature de ce cataclysme.

Il nous reste à comparer le déluge de Noé et le diluvium, qui sont l'un et l'autre la dernière révolution générale de la terre (15).
Le Déluge ayant recouvert tous les continents et les plus hautes montagnes, les dépôts diluviens doivent se trouver partout et à toutes les hauteurs. Or ils existent sur les plateaux des Andes, à douze mille pieds d'altitude absolue, et Webb rapporte que dans l'Himalaya, des ossements de chevaux et de cerfs, dont le gisement est à seize mille pieds, descendent avec les avalanches dans le fond des vallées, où l'on s'imagine qu'ils tombent des cieux. Seize mille pieds est précisément la hauteur de l'Ararat, et à supposer que les dimensions actuelles des montagnes soient les mêmes qu'au Déluge, nous aurions par l'Inde la preuve directe que les plus hautes montagnes de l'Arménie ont été recouvertes par les eaux, comme le raconte Moïse. Les pics de l'Himalaya ne l'auraient pas été, qu'encore nul animal n'aurait pu y trouver pendant une année un asile contre les pluies du ciel, le froid et la faim.
Comme le Déluge a duré fort peu de temps, le terrain diluvien forme une couche unique.
Cette couche varie considérablement d'épaisseur, selon l'abondance de rochers, de sables, de terres que fournissait la contrée, ou selon la durée du séjour des eaux, qui se seront retirées très promptement des plateaux, et qui auront séjourné plus longtemps dans les bas pays. La couche diminue de volume avec l'éloignement des hautes terres : ce qui ne peut s'expliquer que par des courants d'eau.
Les blocs et surtout les cailloux du terrain diluvien ont la surface lisse, et sont d'ordinaire arrondis pour avoir été ballottés dans des flots très puissants et très agités.
Ce terrain est stratifié, mais les bancs en sont fort irréguliers et peu distincts, car ils ont été déposés dans une mer en tourmente qui était emportée par un mouvement de va et vient.
Ces bancs contiennent des coquilles d'eau douce mêlées à des coquilles marines ; car les eaux de l'Océan se sont répandues par le Déluge dans le bassin des lacs et des fleuves.

Le Déluge étant la dernière grande catastrophe de la terre, le diluvium ne doit pas avoir été disloqué plus tard, si ce n'est par des révolutions toutes locales et fort restreintes ; et en effet, il est partout étendu en couches horizontales autour des Alpes principales, qui sont de toutes les chaînes de montagnes celle qui a été le plus récemment soulevée. Mais il a été sillonné par les courants modernes, qui y ont creusé leur lit et qui y déposent journellement des débris nouveaux.

Nos vallées d'érosion, dont la vaste largeur et la grande profondeur sont hors de proportion avec les eaux qui coulent aujourd'hui dans leur fond, doivent leur formation à des courants d'une force extraordinaire...... tels qu'ont dû être précisément ceux du Déluge.

Si le dépôt du diluvium a suivi de fort près l'émersion des Alpes principales, nous aurions dans l'apparition de ces montagnes à l'époque du diluvium, la confirmation de ce que nous disions d'après Moïse des changements qu'a dû subir le relief de l'Asie occidentale lors du Déluge.
Dans les célèbres grottes à ossements, dont plusieurs sont à six cents pieds au-dessus des vallées, le terrain diluvien est recouvert de stalagmites qui s'accroissent d'année en année. L'inondation tout extraordinaire qui a rempli d'os et de limon ces cavernes, n'a donc été suivie d'aucun autre, et le diluvium ou le Déluge est bien la plus récente des révolutions géologiques.

Le diluvium a été accompagné d'un abaissement subit de la température, qui a saisi dans la glace les pachydermes de la Sibérie, et le Déluge l'a pareillement été de quelque grande crise atmosphérique.
Il est vrai que le diluvium ne contient point d'ossements humains dans notre Europe. Mais en est-il de même dans les contrées de l'Arménie, de l'Iran, de l'Euphrate et du Liban ? C'est ce qu'on ne saurait encore affirmer. D'ailleurs les hommes se seront tous réfugiés sur les montagnes, où leurs ossements seront en majeure partie restés exposés à l'air qui les aura consumés.

Quant aux causes physiques du Déluge, les géologues, au besoin, nous dispenseraient de les chercher. « Puisque l'observation, dit M. Beudant, nous montre clairement, en Europe, une série de mouvements successifs du sol qui ont modifié toute cette partie du monde, et plusieurs même tout un hémisphère, il n'y a rien d'absurde à admettre que ce qui a eu lieu à tant de reprises différentes, depuis les époques les plus anciennes de formation jusqu'aux plus modernes, soit arrivé une fois quelque part depuis l'apparition du genre humain sur la terre. Par conséquent, il n'y a rien non plus de contraire à la raison dans la croyance à une grande irruption des eaux sur la terre, à une inondation générale, à un déluge enfin, qu'on trouve non seulement écrit dans la Bible, mais encore profondément empreint dans les traditions de tous les peuples, et, ce qui est remarquable, à une date presque uniforme.
Ainsi, tout en reconnaissant dans le récit de Moïse des circonstances extraordinaires qui indiquent l'intervention surnaturelle de la volonté divine pour châtier le genre humain, nous voyons, d'un côté, la possibilité matérielle de cet affreux événement, et nous trouvons, de l'autre, le secret même des moyens qui purent être mis en jeu, c'est-à-dire les soulèvements, les affaissements, les oscillations que les eaux purent en éprouver, qui deviennent dès lors les instruments de la justice céleste.... Peut-être trouverait-on la cause de cette grande catastrophe dans l'apparition des Andes et de la chaîne volcanique de l'Asie centrale (16). »


Table des matières

Page précédente:


(1) Voyez Peuple Primitif, t. II, p. 175 sq.

(2) Entre autres le vice-amiral français Thevenard, dans ses Mémoires relatifs à la marine, 1800, t. IV, p. 213.

(3) Voyez plus haut, page 97.

(4) Voyez Peuple Primitif, liv. VIII et liv. XIII, section seconde.

(5) Peuple Primitif, t. II, p. 198.

(6) Peuple Primitif, t. II, p. 521. Boulanger, Antiquité dévoilée, t. I, p. 103.

(7) G.-H. de Schubert, Histoire de la nature, t.1, p. 576 et suiv. 677.

(8) Ou plutôt, le Boundehesch,

(9) Arago. Annuaire des Longitudes, 1838.
Dans les inondations qui ont exercé leurs ravages sur tout le plateau de la Suisse les 17 et 18 septembre 1852, on a vu, dès le matin du 16, après une pluie douce et continue de peu d'heures, grossir d'une manière extraordinaire un grand nombre de sources qui d'ordinaire ne grossissent jamais, ou qui ne le font qu'après plusieurs jours de pluie, et jaillir d'autres sources à des endroits où il n'en avait jamais existé. Ces dernières ont disparu le même jour. Cependant on a observé dans la journée du 17 de fréquentes lueurs phosphorescentes, et senti, dans la soirée du 17 et dans la matinée du 18, dans la campagne ou dans les caves, des exhalaisons carboniques, suffocantes, et parfois sulfuriques. La température du sol était partout, le 16 et le 17, remarquablement plus élevée que celle de l'atmosphère. Ces faits divers ont été rapportés par les naturalistes, non point à des causes volcaniques, mais à l'action réciproque de l'atmosphère et du sol. Voyez le journal allemand der Bund.

(10) Yarron dans saint Augustin : Cité de Dieu.

(11) Voyez Peuple Primitif, t. II, p. 539 sq.

(12) Voyez Peuple Primitif, t. II, p. 217. Nous expliquerons dans le tome III les mythes identiques de l'Atlantide de Platon, des Atlantes de Diodore, des Hyperboréens d'Hécatée, des Méropes de Théopompe.

(13) La vraie leçon doit être Lectonie, d'après le cap Lecton, sur les confins de la Troade et de l'Eolide. (Pline, Hist natur., V, 32-41.)

(14) M. de Noroff cite en faveur de la Lectonie (que du reste il ne nomme nulle part), plusieurs passages d'écrivains arabes, où je ne puis voir autre chose que la destruction de langues de terre qui protégeaient contre les flots de la Méditerranée les basses terres du Delta du Nil. (L'Atlantide, en allemand, 1854.)

(15) Gen. VIII, 2 : la pluie cesse et non avait cessé, avait été retenue.

(16) Voyez Peuple Primitif, t. II, p. 200 sq.

(15) L'identité du Déluge et du dilavium avait été admise par Cuvier, 1808, et Buckland, 1823. Mais Férussac, Prévost, de Beaumont, et surtout Boué, 1832, se sont prononcés dans un sens contraire, et ont entraîné chacun, même Buckland, 1836.

(16) Cours élémentaire d'histoire naturelle. Géologie, p. 331.

 

- haut de page -