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TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
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HISTOIRE DE LA TERRE





CHAPITRE QUATRIÈME.

L'époque diluvienne ou quaternaire.

Nous donnons à l'époque quaternaire de la géologie le nom d'époque diluvienne, parce que tous les phénomènes dont elle a été témoin ne sont, au point de vue biblique, que des suites du Déluge. La Bible le dit positivement de plusieurs d'entre eux, et elle nous autorise à le supposer pour les autres.

Nous distinguerons les changements généraux qui se sont opérés depuis le Déluge dans l'économie de la nature terrestre, et les révolutions locales qui ont modifié simplement le relief de telle ou telle contrée.

I. CHANGEMENTS OPÉRÉS DANS L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE DE LA NATURE.

Ces faits concernent l'atmosphère, l'homme, le règne animal et le règne végétal.
Changements survenus dans l'atmosphère.
Ils sont tous la conséquence de l'abaissement subit qui s'est fait dans la température pendant le Déluge.
Le jour même de la sortie de l'arche, apparaît pour la première fois l'arc-en-ciel. C'est ce qui résulte de la manière la plus positive du texte hébreu : Dieu annonce à Noé qu'il va placer dans la nue un signe de son alliance nouvelle, et bientôt après il le lui montre au ciel (1).
Sans admettre que l'inclinaison actuelle de l'axe de la terre et les saisons datent du Déluge, nous pouvons dire que la chaude atmosphère du monde antédiluvien tempérait les rigueurs de l'hiver au point que cette portion de l'année n'était point alors ce qu'elle est devenue depuis le cataclysme.
Nos grandes variations de chaud et de froid, nos étés, nos hivers ne datent réellement que de cette révolution tellurique (Gen. VIII, 22). Il en est de même de ces vents violents, de ces tempêtes, de ces ouragans (2), dont le plus ancien est celui qui, d'après Bérose, a renversé la tour de Babel, et qui sont entre les mains de Dieu l'arme toujours prête avec laquelle il rappelle à l'homme pécheur que le fruit du péché c'est la souffrance, c'est la mort.

La malédiction prononcée contre la terre après la chute, n'aurait ainsi reçu qu'au Déluge son entier accomplissement. Au verset 21 du chapitre VIII, Dieu ne dit point qu'il ne maudira plus désormais la terre ; il laisse bien au contraire peser sur elle l'antique sentence de condamnation ; seulement il ne s'indignera plus contre elle au point de la détruire une seconde fois. Le verbe que nous rendons par s'indigner, se dit des injures et des malédictions dictées par le mépris ou la colère, et n'a aucun rapport avec le verbe de III, 17 : « La terre sera maudite. »

L'époque diluvienne doit avoir eu d'ailleurs une température plus basse que l'époque actuelle, par suite de l'évaporation simultanée de l'immense quantité d'eau dont, pendant une année entière, s'était imbibée toute la surface de la terre ferme. Peut-être faut-il expliquer par le désordre qui se serait perpétué fort longtemps dans l'état de l'atmosphère, ces grandes et redoutables famines qui se répétaient de siècle en siècle au temps d'Abraham, d'Isaac et de Joseph (3), et dont la dernière n'a pas duré moins de sept ans ? Cette dernière serait-elle la crise par laquelle la nature serait entrée dans son état actuel ?
Au témoignage de la Genèse joignons ceux des traditions païennes (4) relatives à ces temps postdiluviens, où d'immenses nuages dérobaient aux hommes les rayons du soleil, où les vents se déchaînaient avec une violence inouïe, où la terre semblait frappée de stérilité, où les maux de l'hiver et la neige apparurent pour la première fois, où le feu faisait pénitence pour ses précédents ravages.
Ces temps doivent correspondre en géologie, si le déluge de Noé est bien le diluvium, à l'époque glaciaire, qui serait ainsi contemporaine du peuple des Noachites et de leur dispersion par toute la terre.
Nous rappellerons donc ici que dans les pays tempérés, par exemple dans les contrées qui longent les chaînes des hautes Alpes, se voient des terrains erratiques, qui sont plus jeunes que les terrains diluviens, et qui s'en distinguent par trois caractères. Ils ne diminuent point de volume à proportion de la distance des montagnes dont ils sont les débris. La surface de leurs blocs est raboteuse, anguleuse, malgré le vaste espace qu'ils ont parcouru depuis leur point de départ. Enfin, ces terrains sont rarement stratifiés et n'ont pas été déposés dans l'eau. On en a expliqué de diverses manières l'origine. L'hypothèse la plus probable est celle de gigantesques glaciers dont ils seraient les moraines. Il est certain que tous les caractères des moraines se retrouvent dans les terrains erratiques, qui, en plusieurs localités, se confondent même avec celles-ci, et une série de sept à huit cents années froides et pluvieuses comme celles qui se sont succédé de 1812 à 1818, suffirait pour que le glacier diluvien du Rhône s'étendît jusqu'au Jura, et parvînt d'un côté aux environs de Soleure, et de l'autre à ceux de Gex. Or les siècles de l'époque diluvienne ont été sans doute plus froids et plus humides que ne l'ont été ces sept années de notre enfance, et ces glaciers primitifs auront, dans un temps comparativement assez court, atteint les extrêmes limites que marquent aujourd'hui encore les blocs de leurs moraines.

M. Charpentier explique la froide température de l'époque glaciaire par la formation, dans les chaînes de montagnes contemporaines du Déluge, d'immenses crevasses qui pénétraient dans les entrailles de la terre jusqu'au point où la chaleur intense peut manifester en plein son action. Dans ces gouffres se précipitaient les eaux des pluies et des rivières, qui en remontaient transformées en vapeur, et qui, bientôt refroidies, se convertissaient en brouillards et nuages qui interceptaient les rayons du soleil. Le climat de ces contrées montagneuses en devenait froid et humide, et il devait nécessairement réagir sur celui des régions voisines et sur la température moyenne de la terre. Mais ces crevasses se comblèrent peu à peu ; les eaux de la surface cessèrent d'être en communication avec la chaleur du noyau terrestre, l'air devint plus sec, les pluies et les neiges plus rares, et les rayons du soleil plus actifs. Toutefois la température ne reprit pas le degré d'élévation qu'elle avait avant le Déluge (5).

Dans la zone torride, la température ne s'est pas abaissée à l'époque diluvienne au point que des glaciers se soient formés sur les montagnes qui n'en ont pas aujourd'hui. Ainsi, l'on ne trouve point de terrains erratiques dans les plaines que dominent les Andes équinoxiales ; mais ils apparaissent au pied de la Cordillère de la Bolivie, où se voient aujourd'hui, quand on va vers le sud, les premiers vrais glaciers.
Cependant les pays chauds devaient, à l'époque glaciaire, avoir un climat moins ardent et plus humide que ne l'est leur climat actuel. Nous entrons sans doute ici dans un domaine qui n'est pas le nôtre ; mais nos lecteurs ne refuseront pas de nous y suivre quelques instants : nous ne voulons que citer quelques faits qui semblent être dans un plein accord avec tout ce que nous venons de dire du climat de l'époque diluvienne.

Dans les limites de la zone tempérée, la chaîne Arabique de la haute Égypte, aujourd'hui entièrement aride et stérile, a vu, depuis le Déluge, ses profondes vallées et ses gorges sillonnées par de grands cours d'eau qui formaient de nombreuses cascades ; les pierres qu'ils entraînaient sont encore sur place. Ces vallées sont toutes semblables aux chors actuels de l'Afrique tropicale, que parcourent dans la saison des pluies de violents torrents et qui sont à sec pendant une partie de l'année (6). Cependant ce que nous disons de la haute Égypte est également vrai de la Nubie, du Sahara et de l'Arabie. Dans cette dernière contrée, toute la côte de la mer Rouge est bordée d'un immense banc de coraux, qui a été soulevé au-dessus de l'eau. Les polypes dont il est l'oeuvre, aussi bien que les coquilles qui y sont attachées, sont identiques avec les espèces qui vivent aujourd'hui dans ces parages. Cette digue uniforme est interrompue au devant des vallées de l'Arabie, où se voient des ports qui, très évasés vers la côte, se resserrent en forme de poire du côté de la pleine mer. Ils proviennent sans doute de rivières qui repoussaient autrefois de leurs embouchures les coraux. Mais aujourd'hui les vallées sont à sec (7) et l'on ne peut, ce nous semble, placer l'existence de ces grands cours d'eau et la formation de ces ports que dans l'époque humide qui a suivi immédiatement le Déluge, et pendant laquelle la limite des pluies tropicales aurait passé par le 19° lat. nord (au lieu du 31°, par où elle passe aujourd'hui) (8).

Alors donc, cette Arabie et toute cette Afrique septentrionale, qui sont d'une désolante aridité, auraient été parées d'une riche végétation, qui a disparu avec l'avènement du climat actuel, mais dont certaines circonstances locales nous ont conservé de remarquables débris. Dans la basse Égypte, à deux journées des lacs Natron, est une forêt de dattiers pétrifiés, dont plusieurs troncs, de six à huit pieds de hauteur, sont encore debout. À deux lieues et demie à l'est du Caire est une autre forêt pétrifiée, qui occupe un espace de plus d'une lieue carrée ; les arbres qui y dominent sont le sycomore et le palmier, qui croissent maintenant en Égypte ; mais on y voit aussi des bambous gigantesques tels qu'il n'en vient plus qu'au sud de l'Abyssinie, chez les Gallas du Naréa ou Limnou, et l'on prétend y reconnaître en outre des sapins et des chênes (9). Ainsi s'explique comment l'ancienne mythologie égyptienne parle de plusieurs plantes ou animaux qui n'existent plus de nos jours qu'au sud de Schendi ou Méroë, et que l'aridité subséquente du sol aura refoulés vers les régions que continuaient d'arroser les pluies tropicales.

Cette surabondance d'humidité, de l'équateur aux deux pôles, a dû nécessairement affaiblir l'action de l'électricité, qui demande pour se développer en plein chaleur et sécheresse, et jeter ainsi dans toute l'économie de la nature terrestre une perturbation dont on ne peut calculer les conséquences, mais dont les mythes de Typhée, de Thrym et de l'Architecte des Ases nous ont conservé de vivants souvenirs. Alors la foudre avait été dérobée au Dieu suprême, et ses feux s'égaraient sans force dans les airs (10).

La terre était d'ailleurs alors dans une époque de transition ; les crimes des hommes, en amenant sa destruction, l'avaient lancée hors de sa carrière normale, et elle tendait à y rentrer. Ses tentatives étaient probablement de violentes crises par lesquelles l'électricité, qui était comme repoussée dans le sein de la planète (11), faisant subitement explosion, cherchait à reconquérir sa place légitime, et la surface terrestre n'aura pris sa forme actuelle que par une longue série de catastrophes locales dont nous ferons bientôt l'histoire.
Nous devons donc nous représenter l'époque des pluies et des glaciers comme un temps de grande agitation et de luttes désordonnées, tant dans l'atmosphère que dans l'écorce même de notre globe, et ne pas juger la nature d'alors d'après celle d'aujourd'hui.

Changements survenus chez l'homme.

C'est au milieu de cette immense crise de la nature que s'est opérée l'effrayante dégénération de l'homme physique, et que se sont formés les types des races et des nations.

Ici la géologie se tait, et la Genèse parle un langage si clair qu'il serait inutile de recourir au témoignage des traditions païennes (12).
Depuis le Déluge, les forces de l'homme diminuent et s'en vont : pour les soutenir, il ajoute par l'ordre de Dieu aux végétaux et au lait, qui faisaient sa seule nourriture, la chair des animaux. Bientôt il découvre le vin, qui le ranime et qui le soutient dans ses fatigues. Mais tout est inutile, sa vie s'abrège d'une génération à l'autre avec une lamentable rapidité (Gen. IX, 3. 20-29 ; XI, 10-32).

Noé, l'homme d'un autre monde, vit encore neuf siècles et demi, comme ses aïeux. Mais Sem, subissant déjà les délétères influences de la nature nouvelle, voit la durée de ses jours abrégée de plus de trois siècles et réduite à six cents ans. Cette oeuvre de ruine et de mort se poursuit chez Arphaesad, qui est né depuis le Déluge ; il n'a point respiré comme son père l'air vivifiant de l'ancienne terre : il meurt à quatre cent trente-huit ans ; c'est la moitié de la vie des Antédiluviens.
La décroissance semble s'arrêter là : Scélah vit quatre cent trente-sept ans comme son père, et Héber quatre cent soixante-quatre.
Mais bientôt la vie s'abrège subitement de moitié, et elle reste de nouveau pendant trois générations à ce degré : Péleg, Réhu, Sérug meurent âgés de deux cent trente et deux cent trente-neuf ans.
Ce n'est point encore là le terme de cette longue chute, toutefois elle se ralentit beaucoup : de Nacor à Jacob, pendant cinq générations, la longévité varie entre cent quatre-vingts et cent quarante-huit ans : Taré atteint même à deux cent cinq ans. Ce niveau s'abaisse lentement jusqu'au temps de Moïse (Psaume XV) où il descend à quatre-vingts ans.
À supposer que la vie des Antédiluviens soit 100, la décroissance a eu lieu d'après cette singulière proportion : 100. 63. 46. 24. 19. 8.

Ou plutôt, en laissant de côté Sem, qui est dans une position tout exceptionnelle, et en modifiant quelque peu les autres chiffres qui reposent sur des données assez flexibles : 100. 50. 25. 18. 9.


De 100 à 18 ne se sont écoulés que deux siècles ; six siècles au contraire séparent les deux derniers termes. Ne reconnaît-on pas là l'immense action de la nature sur l'homme, la rapidité avec laquelle la terre, après le Déluge, a déchu de son antérieur état de perfection relative, et la lenteur qu'elle a mise ensuite à prendre son équilibre actuel ? La chronologie de l'humanité ne nous donne-t-elle pas ici celle des révolutions géologiques de l'époque glaciaire et quaternaire ?
Si l'histoire de la décroissance graduelle de la longévité est pleine d'instructions et de tristesse, les changements que subit l'âge viril ne sont pas moins remarquables.

Avant le Déluge, on se mariait à soixante ans, et l'on avait devant soi une carrière à parcourir quatorze fois plus longue que celle qu'on venait de franchir. Le corps arrivait donc rapidement à sa pleine croissance, et se maintenait dans toute sa force pendant plusieurs siècles, attestant ainsi sa primitive destination à l'immortalité.
Le Déluge arrive ; la vie est réduite d'abord de moitié ; mais la croissance s'abrège d'autant, et rien n'est encore changé dans les proportions réciproques de ces deux portions de la carrière humaine. Cet état de choses toutefois dure peu de temps ; de Péleg à Moïse, de Moïse jusqu'à nous, l'âge où l'homme se marie est celui de trente ans, comme il l'était pour le fils de Sem, tandis que la longévité descend aux chiffres de deux cent quarante, de cent trente, de quatre-vingts.
Notre vie actuelle est ainsi une série de quinze fois trente années, dont on a effacé les douze derniers nombres et laissé subsister les trois premiers seulement ! Tant le péché a usé et l'âme et le corps, tant la nature terrestre tout entière a été détériorée par le Déluge !

Si tous les chiffres que nous venons de passer en revue (13) sont controuvés, il faut certainement renoncer à toute critique historique.

La longévité doit être en un certain rapport avec la taille. La Bible, avons-nous vu, donne le nom de Géants ou Réphaïm aux ombres des Antédiluviens, et les Néphilim se signalaient par leur stature colossale.
Depuis le Déluge, nous trouvons au temps d'Abraham, à l'est du Jourdain, trois peuples de géants, les Réphaïm dans le Basçan, les Zamzummim plus au sud et les Emim vers l'Arnon. Ces deux derniers, à l'époque de Moïse, avaient été détruits depuis longtemps par les Moabites et par les Ammonites, et Hog, roi de Basçan, dont le lit d'airain était de plus de quinze pieds, était seul demeuré de reste des Réphaïm.
Mais à l'ouest du Jourdain vivaient les Enakim dont l'aïeul Arba avait fondé Hébron, et dont la taille remplit d'effroi les espions hébreux envoyés du désert dans le pays de Canaan. Cependant ces Enakim ne forment point une nation, ils ne sont qu'une tribu, ou même une simple famille pareille à celle des Rapha, qui habitait Gath, et à laquelle appartenait Goliath, qui avait dix pieds sept pouces (Gen. XIV, 5 ; XV, 20. Deut. II, 11. 20 ; III, 11. 2 Sam. XXI). On pourrait admettre que la période de Moïse a vu disparaître les peuples de géants ; mais c'est précisément aussi celle où la longévité descendit à son dernier degré ; la durée de la vie et la taille auront donc pris en même temps leur mesure actuelle, et nous sommes en droit de supposer, du Déluge à Moïse, une diminution graduelle de la stature humaine correspondant à tous égards à celle de la vie.

À ce double changement qui s'est opéré dans la nature humaine pendant l'époque post-diluvienne, s'en ajoute un troisième, plus important encore et bien autrement mystérieux : la transformation de l'humanité, jusqu'alors homogène, en un certain nombre de races et de nations ayant chacune leur type propre et indélébile.

L'influence de la nature, à elle seule, ne rend pas compte de l'individualité nationale, mais elle en est certainement une des principales causes. Le caractère d'un pays se réfléchit trop exactement dans celui de ses premiers habitants pour qu'il soit possible de mettre la chose en doute.
Ainsi la terre, divisée en régions physiques qui auraient chacune leur climat, leur faune, leur flore, ne pourrait être habité par une race, par un peuple unique ; tout aussi peu nos mille peuples si différents les uns des autres auraient-ils pu se former sur une terre monotone.
Or voyez comme au point de vue biblique concordent et s'expliquent l'histoire de la terre et celle de l'homme !

Avant le Déluge, des continents au relief peu saillant ; un climat assez uniforme ; peut-être entre deux zones inhabitables par l'extrême chaleur et par le froid glacial, une zone tempérée où règne un printemps perpétuel, et sur cette terre uniforme une humanité uniforme qui ne se divise point encore en peuples et en races.

Aujourd'hui, une terre habitée pour ainsi dire d'un pôle à l'autre ; des continents ayant chacun leur individualité bien prononcée ; dans ces continents un certain nombre de régions, vastes palais tous construits sur un plan différent, et dans ces régions, des nations qui ont toutes leur cachet particulier et qui se ressemblent si peu qu'on nie leur commune origine.

Entre le monde antédiluvien et le monde actuel, qu'avons-nous ? Une période de huit à neuf siècles pendant laquelle la terre a pris sa figure présente, l'homme sa taille et sa longévité définitives, et l'humanité ses races et ses peuples. Ils se sont formés dans un temps d'agitation et de crise, ils restent ce que ce temps les a faits, parce que la terre est entrée dans une période de repos ; elle subirait une transformation nouvelle qu'ils se modifieraient pareillement. Il n'est donc pas rationnel de conclure de la nature actuelle qui ne produit plus de types nationaux, à la nature post-diluvienne, et nous ne connaissons pas de savant qui ait jamais proposé, pour expliquer l'origine des races, une hypothèse aussi plausible, aussi vaste, aussi philosophique que celle que la Genèse nous propose dans son admirable naïveté.

Changements survenus dans le règne animal et dans le règne végétal.

Si les descendants de Noé ont subi durant les deux ou trois siècles qui ont suivi le Déluge, dans leur longévité, dans leur stature et dans leur figure, des changements aussi considérables que ceux que nous venons d'indiquer, il ne se peut que les espèces d'animaux qui avaient été sauvées dans l'arche avec eux, et qui furent soumises aux mêmes influences telluriques, n'aient pas été modifiées d'une manière analogue, et en particulier que leur taille n'ait pas diminué. Or la géologie nous dit précisément qu'entre les mammifères actuels et ceux dont les os se trouvent dans les terrains diluviens, les différences sont essentiellement de grandeur. Ces différences, il est vrai, suffisent aux yeux des naturalistes pour prouver que la seconde faune n'est point issue de la première par voie de génération. Ce n'est point à nous à discuter cette grave question. Nous rappellerons seulement que, même dans nos temps modernes, des animaux transportés d'un continent dans un autre se sont notablement modifiés ; ainsi le chat d'Europe est devenu au Paraguay, dans le court espace de trois siècles, d'un quart plus petit. Si les géologues trouvaient les os d'un homme antédiluvien de dix à douze pieds de hauteur, ils feraient certainement de lui une espèce nouvelle sous le nom d'homo primoevus, et cependant, d'après l'histoire, il serait un de nos ancêtres (14).

Aux races humaines correspondent chez les animaux les variétés. L'analogie nous porte à admettre que la même époque qui a vu d'une famille unique naître les Blancs, les Nègres et les Mongols, aura pareillement chez les animaux sortis de l'arche différencié le type de telle ou telle espèce. Au reste, ce ne sera que lorsque la géologie aura achevé l'étude des terrains diluviens qu'on pourra songer à déterminer les rapports de la faune antédiluvienne avec la faune actuelle.
Nous voyons cependant déjà que nul genre nouveau, si ce n'est peut-être ceux des ophidiens, n'apparaît depuis le diluvium, et que plusieurs genres anciens ont péri dans cette catastrophe, le palaeothère, l'anoplothère, le mammouth, et les deux édentés, le mégathère et le mégalonyx.

Quant aux faunes de l'Afrique, de la Nouvelle-Hollande, de l'Asie orientale, du monde Boréal et de l'Amérique, nous admettons, d'après un passage de la Genèse que nous avons discuté plus haut (15), que Dieu les a faites de toutes pièces après le Déluge.
Nous nous y croyons d'autant plus autorisé que, dans le langage biblique, il n'y a création que lorsqu'il y a apparition de types nouveaux, ce qui n'est point ici le cas ; que le repos de Dieu au septième jour a été troublé par la chute d'Adam, dont le Déluge a été l'une des conséquences, et qui a, pour ainsi dire, forcé le Créateur à se remettre à l'oeuvre ; enfin, que les premiers chapitres de la Genèse, dans leur excessive concision, gardent un complet silence sur tout ce qui n'a pas directement trait à l'histoire de l'homme, laissant ainsi entre leurs paragraphes des vides où vient s'intercaler l'histoire de la nature.

Quant aux végétaux, la Bible nous laisse dans une complète incertitude sur l'origine de nos flores actuelles. Noé aura semé sur la terre nouvelle les céréales de l'ancien monde. Mais la vigne était probablement une création toute récente, et peut-être en était-il de même de l'olivier (16). Au reste, la question est la même pour les plantes que pour les animaux, et bien des générations passeront avant que la géologie ait soulevé tous les voiles qui recouvrent le berceau diluvien de notre terre.

II. RÉVOLUTIONS LOCALES.

La longévité humaine n'était point encore descendue à sa brièveté actuelle, et l'époque diluvienne était à peine à la moitié de sa durée, quand eut lieu la vocation d'Abraham, qui est le point où la Genèse abandonne l'histoire de l'humanité pour ne plus raconter que celle du peuple élu (17). Aussi, à dater du chapitre douzième, ne trouvons-nous plus dans ses pages qu'un fort petit nombre de traces des crises par lesquelles passait alors la terre.

La révolution locale la plus considérable que mentionne la Genèse est la ruine de Sodome au temps d'Abraham. Le Jourdain coulait dans son étrange vallée, qui est, vers Jéricho, à douze ou treize cents pieds au-dessous du niveau de la Méditerranée, et ses eaux devaient nécessairement se verser dans un lac, qui ne peut être que cette partie septentrionale de la mer Morte dont la profondeur est de plus de mille pieds. Au sud du lac était une plaine d'une excessive fertilité, un jardin de l'Éternel, où s'élevaient Sodome et Gomorrhe.
L'extrême corruption de ces villes attira sur elles la vengeance de Dieu. Le sol, qui était bitumineux, s'embrasa aux feux de la foudre ; toute la contrée ne fut plus qu'une immense fournaise, et depuis lors les villes de la plaine, dont M. de Saulcy a tout récemment découvert les restes, ont été un lieu de désolation embarrassé de ronces, une carrière de sel (Gen. XIII, 10. 10. Sophonie, II, 9).
C'est sans doute dans cette catastrophe que le lac primitif a pris sa dimension actuelle vers le sud, où l'eau est très peu profonde. Nous pensons que la ruine de Sodome est en connexion avec d'autres révolutions volcaniques qui ont eu lieu, d'après la mythologie, dans la vallée de l'Oronte (18). Cette vallée forme, avec celle du Jourdain et le Bekaa, une immense faille qui s'étend du Taurus à la mer Rouge.

Après la ruine de Sodome viennent les deux famines aux temps d'Isaac et de Joseph, dont nous avons parlé plus haut. La dernière est mentionnée dans les annales de la Chine, soit qu'elle ait été générale dans l'Ancien Monde, soit que les Chinois en aient emporté avec eux la mémoire quand ils sont partis des régions occidentales de l'Asie et sont venus s'établir sur les rives du Hoangho (19).
Au delà des temps de Joseph s'offrent à nous les dix plaies d'Égypte, qui ont de miraculeux leur intensité, leur rapide succession et surtout leur apparition à l'ordre de Moïse, mais qui d'ailleurs sont toutes des fléaux bien connus des habitants de l'Égypte.

La mer Rouge livra un passage aux Hébreux fugitifs, et se referma sur leurs ennemis. Le moyen dont Dieu se servit pour opérer ce miracle, fut un vent impétueux d'orient, qui sépara les eaux sur une longueur de plusieurs lieues, et les fit s'amonceler et (en quelque sorte) se congeler à droite et à gauche comme deux murailles. Si le texte s'était tu sur la cause apparente de cet événement, nous l'aurions expliqué par un soulèvement momentané du fond de la mer, que semblaient indiquer les roues des chariots qui tombent et se brisent sur un sol convulsivement agité (Exode XIV, 21. 22. 25. 20 ; XV, 8).

Pendant les quarante ans qu'Israël séjourne dans le désert, ont lieu divers événements extraordinaires que nous devons envisager ici sous leur côté naturel, et où nous voyons l'indice d'une crise locale de la nature dans les limites de l'Arabie Pétrée. Cette contrée où, de nos jours, le lamarisque seul produit de la manne dans les années pluvieuses et en fort petite quantité, se couvrit chaque matin de cette substance en une telle abondance que tout un peuple put s'en nourrir (Exode XVI, 13-36).
Le Sinaï n'offre aucune trace de lave, aucun cratère, et cependant au jour où l'Éternel y descendit pour proclamer les dix commandements devant le peuple réuni, on aurait pris pour un volcan cette montagne à ses ébranlements, à sa fumée et à ses foudres (Exode XIX, 16-19). Le sol qui s'entr'ouvre sous Coré et ses complices (Nomb. XVI), les ruisseaux qui jaillissent des rochers que Moïse a frappés de sa verge (Exode XVII, 1-7. Nomb. XX, 1-13), ces pestes qui éclatent subitement au milieu du peuple et suspendent tout aussi spontanément leurs ravages (Nomb. XI. 25), même cette nuée qui, de jour, protégeait le peuple contre les ardeurs du soleil, et qui s'illuminait pendant la nuit (Exode XIII, 21. 22, et ailleurs. Psaume CV, 39. Esaïe IV, 5, etc.) : tous ces faits sont peut-être dans une relation plus intime avec l'histoire de la terre qu'on ne le suppose d'ordinaire.
C'est bien sans doute la présence d'Israël qui les provoque, et la puissance de Dieu ou de son serviteur qui les crée au moment voulu ; mais la nature terrestre a été disposée dès l'origine en vue de l'homme, et le miracle ne cesse pas d'être miracle pour avoir été prévu et préparé dès la création du monde.

À ces faits s'ajoutent le passage à pied sec du Jourdain et la chute instantanée des murailles de Jéricho (Josué III et IV, VI) ; et ici le texte se tait sur les causes secondes, qui ont été sans doute un tremblement de terre, et un abaissement momentané de la vallée du Jourdain au-dessus de Jéricho.
Le miracle de Josué suspendant le cours du soleil et de la lune clôt, à notre avis, l'époque diluvienne ou quaternaire, et concerne non la seule Judée mais la terre entière. C'est chose étrange qu'un texte si souvent discuté soit d'ordinaire si mal compris. On dit et répète que le soleil est resté stationnaire pendant tout un jour au même lieu, et l'hébreu déclare au contraire de la manière la plus expresse que cet astre « ne s'est point hâté de se coucher environ un jour entier ; » ce qui signifie manifestement qu'il a simplement ralenti sa marche. La rotation de la terre n'a donc point été brusquement suspendue, elle n'a pas même été interrompue un seul instant ; seulement une cause inconnue en a pendant quelques heures réprimé la vitesse. Cette cause, c'est la volonté suprême de Dieu qui se révèle à Josué, et lui fait prononcer, dans un moment de sainte inspiration, des paroles dont il ne comprend pas la portée en astronomie.
Mais à Bethhoron, comme sur les rives de la mer Rouge, le miracle n'exclut point l'action simultanée de causes physiques. L'Éternel, dit l'histoire sacrée, jeta des cieux de grosses pierres sur les Cananéens en fuite, depuis Bethhoron à Hazaca. Ces grosses pierres sont des aërolithes, et ces deux villes sont distantes sur la carte et à vol d'oiseau de six lieues. Or quelle ne doit pas avoir été la grandeur de l'astéroïde dont les débris ont produit une pareille pluie de pierres ? et peut-on affirmer que l'approche et la chute de ce corps céleste n'ait pas pu ralentir le mouvement de rotation de la terre ?
L'instant où le miracle a commencé nous est inconnu. Qu'on nous permette de supposer que Josué, qui était monté en hâte toute la nuit de Guilgal, et qui a dû arriver vers le matin devant Gabaon, a parlé à l'Éternel du haut de la montagne de Beth-horon au moment où le soleil se levait sur Gabaon et où la lune s'abaissait sur Ajalon. Si cette hypothèse est fondée, le jour a dû être pour l'Asie, l'aurore pour la Grèce, la nuit pour l'Amérique et le crépuscule pour la Polynésie, d'une longueur extraordinaire. Or voici certains mythes qui s'accordent singulièrement bien avec notre explication du texte hébreu.

À Tahiti, qui est à 180° de latitude de la Judée, un ancien prêtre nommé Mani, qui construisait un temple, voyant que le soleil allait se coucher, le saisit par ses rayons, qu'il attacha avec une corde au temple même, et acheva ainsi son ouvrage, l'astre demeurant pendant tout ce temps-là immobile sur l'horizon (20).

En Grèce, Minerve, pour favoriser le premier entretien d'Ulysse et de Pénélope, prolonge la durée de la nuit en retenant l'aurore qui allait atteler ses coursiers (21).
Notons que cette nuit extraordinaire figure non dans l'histoire des dieux cosmogoniques, ni dans celle des dieux antédiluviens, mais dans l'histoire des héros dont l'époque correspond en quelque manière à celle de Josué.
Nous retrouvons cette même nuit dans le mythe de la naissance d'Hercule. Ajoutons que Bacchus avait fait arrêter le soleil et la lune, et que d'après un mythe lydien ou phrygien, le soleil recula d'horreur à la vue du festin d'Atrée et de Thyeste.

En Amérique, les Apalachites et les habitants de la Floride racontaient que le soleil avait été un jour entier sans paraître ; que le grand lac Théomi ayant débordé, recouvrit toutes les montagnes, à l'exception de l'Olaïmi que le soleil épargna à cause de son temple qui y était placé ; que les hommes s'y réfugièrent, et qu'au bout de vingt-quatre heures l'astre ayant reparu aussi brillant que jamais, les choses revinrent à leur état accoutumé (22).
Les Iroquois et les Chépéwians ont un mythe relatif aux temps postdiluviens, où l'on voit que, le soleil ayant été pris dans un filet, la terre fut plongée dans une profonde obscurité (23).

D'après les annales des Chinois, au temps d'Yao, le soleil fut dix jours sans se coucher, et la chaleur devint si grande qu'on craignit un embrasement universel. Cet embrasement est celui de la grande sécheresse post-diluvienne (24). Mais la suspension du cours du soleil est certainement un souvenir du miracle de Josué, qui a dû produire en Chine un jour d'une longueur extraordinaire.

Chez les Kalmouks bouddhistes, on raconte que des mauvais génies avaient arrêté le soleil et la lune, et qu'un dieu vint délivrer de leurs mains ces deux astres (25).

En Inde, les Lingaïtes, secte chiwaïte qui date du onzième siècle après Jésus-Christ, ont un livre sacré en vieux canara, le Basawa-Purana, où se lit l'histoire suivante : « Leur Sauveur, Basawa, était le premier ministre du roi Bizzala, qui le somma à l'improviste de rendre ses comptes le jour même, le menaçant de lui faire arracher les yeux à lui et à tous les ministres et secrétaires. Basawa, qui voit le soir arriver avant que son travail soit achevé, commande au soleil de suspendre sa marche, et l'astre reste immobile onze jours entiers, quatre heures avant son coucher (26). Les eaux s'évaporent, les rivières cessent de couler, la terre se fend, les plantes périssent. Enfin Bizzala déchire le livre de comptes, le soleil reprend sa marche accoutumée et le lingaïsme triomphe au milieu de ses détracteurs. Plus tard, dans une autre circonstance, Basawa, que ses ennemis veulent perdre à tout prix, suspend pendant sept jours la course de la lune et achève enfin ses comptes (27). » Ici le soleil reste sur l'horizon onze jours ; en Chine, c'était dix. Les annales antiques de la Chine garantissent l'antiquité de la légende des Lingaïtes. Leur secte est sans doute assez récente, et l'on pourrait supposer qu'ils ont emprunté le double miracle de leur Messie aux Mahométans, qui ont apporté en Inde la connaissance des principaux faits de l'Ancien et du Nouveau Testament. Mais il est plus vraisemblable que cette légende de Bisawa est quelque antique tradition indigène que les Lingaïtes auront fait entrer dans la vie du fondateur de leur secte. Je sais d'ailleurs que dans l'ancienne littérature sanscrite il est question d'un jour d'une longueur extraordinaire, pendant lequel une jeune fille cueillait des fleurs sur la montagne ; mais je ne puis indiquer l'endroit où j'avais lu autrefois ce mythe.

Ainsi, d'après les Indiens, les Chinois et les Mongols, d'après les Malais de la Polynésie, d'après plusieurs peuples de l'Amérique-Nord, d'après les Grecs et les Romains, le miracle de Josué aurait été non un fait local et propre à la seule Judée, mais un ralentissement et une quasi-suspension de la rotation de la terre (28).
Josué est à l'extrême limite de l'époque post-diluvienne. Nous fermons donc ici l'Ancien Testament, pour examiner quelles révolutions physiques se passaient pendant cette même période dans les contrées habitées par les Gentils. Question d'une très grande importance, et pour l'histoire de la terre qui doit à ces crises locales la forme actuelle de ses continents, et pour l'histoire des nations qui se sont formées au milieu de toutes ces catastrophes ; mais question fort difficile et à laquelle nous ne pouvons répondre qu'en interrogeant à la fois la géologie, les traditions et la géographie des animaux.

La géologie ne suffirait pas à elle seule ; car l'époque quaternaire est précisément « la moins connue et celle qui a donné lieu au plus grand nombre d'hypothèses (29). » Mais on a découvert, entre le diluvium et les temps historiques, assez de côtes soulevées (30) ou submergées, de montagnes nouvelles, de lacs qui ont disparu, d'isthmes brisés, pour qu'il nous soit permis de réunir dans un même tableau, aux révolutions que l'on constate directement par l'observation, celles dont nous parlent d'antiques traditions.

Ces traditions (31), qui sont la principale base de notre travail, ont sans doute une valeur très diverse et fort contestable. Car plusieurs sont ou de simples hypothèses imaginées pour rendre compte d'un phénomène extraordinaire, ou des fictions qui transforment la découverte d'une contrée nouvelle en une récente création, ou le résultat de la profonde ignorance où étaient les Anciens de la vraie forme des continents et des mers, ou des souvenirs du Déluge universel appliqués soit à une simple vallée, soit à des terres imaginaires.
Cependant il ne se peut que tant de mythes qui parlent d'inondations, d'isthmes brisés, de régions submergées, d'îles nouvelles, d'éruptions volcaniques, soient tous de pures fables.
L'esprit humain peut bien amplifier, dénaturer des faits réels, mais non se livrer à des imaginations qui ne flattent point son orgueil et qui n'ont aucune valeur poétique, philosophique ni morale. D'ailleurs le silence absolu que la tradition garde sur certaines localités, comme sur les détroits qui séparent Rhodes de la Carie, Corcyre de l'Épire, la Sardaigne de la Corse, rend d'autant plus remarquable le langage plus ou moins précis qu'elle tient au sujet du Bosphore, de l'Euxin, du détroit de Messine. Parfois même le peuple déclare positivement que telle île voisine des côtes a de tout temps été une île, et que telle autre, au contraire, a été détachée de la terre ferme : telles sont Wight et Anglesea.

La zoologie, enfin, nous fournit un ordre de faits qui nous paraissent plus dignes de confiance non seulement que les traditions, mais même que les résultats actuels des études géologiques. Nous voulons dire : la présence ou l'absence de certains animaux dans les îles. Toutefois les conclusions à en tirer varient complètement selon les cas. Quatre cas sont possibles ; les voici :

1° L'île ne possède aucun des mammifères terrestres qui peuplent le continent le plus voisin, et l'on peut évidemment en conclure qu'elle n'a pas tenu à la terre ferme depuis le commencement de l'époque géologique actuelle. C'est le cas de toutes les îles qui sont comme perdues dans l'Océan, c'est aussi celui des Antilles.

2° L'île, en second lieu, est peuplée de quadrupèdes, qui sont les mêmes que ceux du continent. Dans les régions polaires, ils seront arrivés dans l'île par les glaces : ainsi au Groenland, dans l'Islande, au Spitzberg. Dans la zone tempérée et dans la zone torride, il faut admettre ou que l'île a toujours été île, et que la nature y a produit, dans des conditions identiques d'existence, des espèces identiques à celles du continent voisin, ou que l'île a fait partie jadis de la terre ferme, dont les animaux y auront passé antérieurement à la rupture de l'isthme. De ces deux hypothèses, la première a contre elle l'exemple des Antilles qui, malgré leurs grandes dimensions et leurs admirables richesses végétales, n'avaient à peu près aucun quadrupède, et lorsque la géologie reconnaît l'existence ancienne d'un isthme aujourd'hui détruit, et qu'en outre les peuples se souviennent de la révolution qui l'a brisé, nous pouvons admettre sans crainte d'erreur que l'île actuelle était autrefois une presqu'île. C'est le cas de la Sicile.

3° Mais si l'île a, comme Madagascar, ou comme la Nouvelle-Hollande, une faune entièrement différente de celle du continent, toutes les probabilités sont défavorables à l'hypothèse d'une ancienne continuité des terres. Cette supposition devient inadmissible si les traditions se taisent et si la géologie proteste.

4° Enfin, l'île possède à la fois des mammifères du continent et une faune originale. Les raisons pour et contre l'existence d'un ancien isthme se balancent dans ce cas fort compliqué, qui est celui de l'archipel Indien, et c'est à la géologie et à l'histoire de décider, si possible, la question.

Mais tous les mammifères terrestres qui se trouvent sur une île ne peuvent pas indifféremment servir de preuve en faveur d'anciens isthmes rompus, et encore ici nous devons faire plus d'une distinction.

En premier lieu, il est certains animaux qui accompagnent l'homme dans ses migrations, et qui sont arrivés avec lui jusque dans les îles les plus éloignées. Tels sont entre autres, dans la Polynésie, le cochon, le chien et le rat, que les premiers navigateurs européens ont trouvés sur toutes les îles habitées, et que jamais on n'a rencontrés sur celles où l'homme n'avait pas encore mis le pied.

Parfois aussi le caprice et des motifs inconnus ont engagé des voyageurs à transporter dans des îles des quadrupèdes étrangers ; c'est ainsi, à ce qu'on assure, que les singes et les cerfs de l'île de France et de l'île Bourbon proviennent d'individus que des Hollandais y avaient débarqués. Les chacals, qu'on a retrouvés récemment dans deux ou trois îles et sur une presqu'île de la Dalmatie, y ont été apportés, raconte une tradition peu certaine, par des vaisseaux venus de l'Afrique ou du Levant.
Aux Antilles, la Martinique et Sainte-Lucie sont infestées de serpents venimeux que les Caraïbes, dans leurs guerres contre la race indigène, y jetèrent jadis dans le but de nuire à leurs ennemis.
Mais il est plusieurs mammifères terrestres, tels que les cerfs, les sangliers, qui, sans le secours de l'homme, peuvent traverser à la nage de plus ou moins larges détroits. Dans l'archipel Indien, on voit les babiroussas passer fréquemment d'une île à l'autre. Ce qu'un animal ne ferait pas dans les circonstances ordinaires, il le fera dans un imminent danger et par l'effet d'une grande frayeur : on a vu, assure-t-on, en Corse, une foule de sangliers, effrayés par un grand incendie de leurs forêts, se précipiter dans les flots de la mer et arriver les uns sur la côte de Toscane, les autres à Antibes.

Enfin, nous devons réserver une place aux événements accidentels, imprévus, improbables. C'est ainsi qu'un jour a abordé, sur l'une des petites Antilles, à St-Vincent, un immense boa constrictor, qui enlaçait de ses replis le tronc d'un arbre qui avait cru sans doute sur les rives de l'Orénoque, et qui, des bouches du fleuve, avait été entraîné au loin par les courants de la mer. On a vu arriver des tortues de la zone torride à l'embouchure de la Loire et jusqu'aux Orcades. Nous expliquerons par des accidents analogues la présence de l'hippopotame d'Afrique sur les côtes de Madagascar, qui est séparée du continent par un immense détroit, et quelque glace flottante aura transporté de la Terre-de-Feu, ou de la Patagonie, le loup-renard sur les îles Malouines, dont il est l'unique mammifère indigène, et où le manque de nourriture l'a rendu plus petit, plus maigre et plus faible qu'il ne l'est sur le continent (32).

Plusieurs causes se réunissent ainsi pour faire arriver dans des îles des quadrupèdes qu'on est, au premier abord, fort surpris d'y trouver, et dont la présence ne prouve ni leur aborigénat ni l'existence d'isthmes rompus. Mais il se peut aussi que tels animaux qui n'existent plus aujourd'hui dans une île, y fussent autrefois fort nombreux, et leur absence actuelle ne prouve ainsi rien contre une continuité antérieure des terres.

Ici nous distinguerons les petites îles et les grandes. Telle, de peu d'étendue, a fait autrefois, peut-être, partie du continent, mais les habitants ont bientôt détruit tous les quadrupèdes qui pouvaient leur porter quelque dommage. Dans les grandes terres au contraire, comme dans les îles Britanniques, les bêtes sauvages se seront maintenues dans les forêts jusqu'à une époque assez rapprochée de la nôtre pour que l'histoire en ait conservé le souvenir.

Nous allons donc, reliant en un même faisceau les faits de la géographie des animaux, ceux de la géologie et les traditions, tenter de reconstruire la figure de la terre ferme après le Déluge, et noter les révolutions locales qu'elle a subies jusqu'aux temps historiques.

Nous commencerons par l'Afrique.
Elle tenait à l'Europe par l'isthme de Gibraltar. C'est ce qui résulte des faits suivants, et d'abord, de l'élargissement progressif du détroit actuel. Ce détroit a, de nos jours, deux milles allemands de largeur ; il les mesurait déjà au quatrième siècle de notre ère, d'après Marcien d'Héraclée ; mais Pline ne lui donne qu'un mille et deux cinquièmes ; Strabon, un mille et demi, et Scylax, au second siècle avant J.-C, trois quarts de mille.

Autrefois, de l'Europe à l'Afrique s'étendait un banc de sable, que Pline nomme le seuil de la Méditerranée ; d'après une tradition carthaginoise, les vaisseaux à fond plat pouvaient seuls le franchir ; et Edrisi mentionne encore des bas-fonds, qui n'existent plus.
Dans le détroit même, on ne voit aujourd'hui qu'un écueil du nom d'Azeitéra, ou l'île des oliviers ; autrefois il y avait deux îles, appelées les Colonnes d'Hercule, où ne croissaient que des oliviers, et dont l'une portait un temple au dieu des expéditions lointaines. La seconde preuve est empruntée à la tradition qui attribuait la rupture du détroit à l'Hercule tyrien. La date de ce fait était, selon les savants de la Grèce, soit celle d'Éole, et ce héros nous reporte, comme celui de Tyr, aux premiers voyages de découvertes que les Phéniciens ou les Éoliens tentèrent dans la Méditerranée occidentale, soit celle de la rupture du Bosphore de Thrace, soit enfin celle plus récente encore du siège de Troie.
Les écrivains arabes placent le fait sous le règne du roi d'Égypte Darokoun, qui descendait de la reine Daloukah. Cette reine ne peut être que Nitocris, qui est la déesse des temps diluviens (33), et son descendant a dû vivre plus ou moins longtemps après le cataclysme (34).
En troisième lieu, le cynocéphale, le caméléon, la genette et le porc-épic, tous quatre originaires de l'Atlas, se trouvent, le premier à Gibraltar, le second sur les côtes de l'Andalousie, le troisième dans l'Espagne et dans le sud de la France, et le dernier dans ces mêmes pays, et, depuis quelques siècles seulement, en Italie.
L'ours commun, qui est fort rare dans l'Atlas, et le cerf commun, qui n'existe pareillement en Afrique que dans la Barbarie, auront au contraire passé d'Espagne sur le continent voisin par l'isthme de Calpé. Enfin, les géologues acceptent sans difficulté l'existence de cet isthme.

Si, de l'Atlas, nous allons visiter les îles peu nombreuses et toutes fort petites, qui sont éparses ou groupées en archipel dans l'océan Atlantique, nous n'y trouverons pas les preuves que cette mer ait baigné autrefois quelque grand continent qui se serait abîmé dans les flots, et dont ces îles seraient les débris ; car, à l'exception des Canaries, elles étaient encore désertes il y a trois et quatre siècles, lors de leur découverte.
À Madère, aux Açores, aux Bermudes, dans l'archipel du Cap-Vert, les Européens ne trouvèrent ni hommes, ni mammifères, ni ruines antiques ; les seuls habitants étaient un nombre prodigieux d'oiseaux de toute espèce, surtout de tourterelles, et dans la plupart de ces îles une multitude aussi grande de lézards. Lorsque Juba aborda, vers l'ère chrétienne, aux îles Canaries, elles étaient les unes désertes, les autres occupées par des peuplades qui y étaient arrivées, sans aucun doute, de la côte africaine. Les seuls animaux sauvages que cet archipel nourrissait au quinzième siècle, étaient des lézards grands comme des chats, mais qui ne faisaient aucun mal, et peut-être des serpents (35).

Nous doublons le Cap de Bonne-Espérance et arrivons à Madagascar. Cette île, dont la surface cependant dépasse de peu celle de la France, forme une région physique spéciale. Elle a sa faune et sa flore propres, qui sont l'une et l'autre très variées.
Au lieu de singes, douze espèces ou variétés de makis ; point de pangolins, mais des tenrecs ; pour chat, l'antamba, qu'on dit de la famille du léopard, et pour âne, le mangarsahoc, auquel on donne d'énormes oreilles pendantes.
Ces mammifères et tous les autres animaux qui appartiennent à cette île, doivent avoir été créés sur place après le Déluge. Puis, comme on ne les retrouve pas en Afrique, et qu'il n'existe à Madagascar ni éléphants, ni girafes, ni rhinocéros, ni lions, ni hyènes, ni gnous, ni antilopes, ni lièvres, ni chauve-souris, on est en droit d'en conclure que cette île n'a jamais été attenante au continent. Cependant les faits sont encore mal constatés, et les faunes des deux terres que sépare le canal Mozambique, fort peu connues. L'hippopotame et l'autruche d'Afrique vivent à Madagascar ; son écureuil noir existerait aussi en Abyssinie ; son ichneumon ne serait point une espèce spéciale, et il y a, dit-on, de vrais crocodiles dans le grand lac Antsianaké. Il se pourrait donc qu'un isthme dont les îles Comorres seraient le débris, eût fait du canal actuel de Mozambique un golfe (36). Mais en tout cas fort peu d'animaux avaient traversé le pont quand il s'est écroulé.

Les petites îles de l'océan Indien ne possèdent aucun quadrupède sauvage. Les singes et les cerfs de l'île Maurice (nous l'avons dit déjà), y ont été apportés par d'anciens navigateurs hollandais ; c'est sans doute aussi à l'homme qu'est due la présence des tenrecs à l'île de France. Les îles de l'Amirauté, Rodriguez, Roquepiz, Diego, Graciosa, rappelèrent aux premiers Européens qui y débarquèrent (au seizième siècle), le paradis terrestre plus qu'aucune contrée de la terre. Ces îles Fortunées étaient « couvertes jusqu'au rivage de forêts de cocotiers et de quantité d'autres arbres qu'arrosaient de belles sources, et les oiseaux, en particulier les tourterelles et les perroquets, y étaient si nombreux qu'ils formaient constamment une espèce de nuée, et si familiers que les matelots les tuaient à coups de rames (37). »

Les Maldives, simples îles de coraux, dont le point le plus élevé n'est qu'à six pieds au-dessus de l'eau, n'ont d'autres mammifères que la chauve-souris nommée renard-volant, des rats, qui suivent partout l'homme, et quelques chats, qui sont, avec la volaille, les seuls animaux domestiques.
Mais l'Afrique nous rappelle des côtes du Décan vers celles de la mer Rouge et sur les rives du Nil. Écoutons d'abord le grand géologue qui a récemment exploré ces contrées si importantes en histoire.

Suivant Rusegger, au temps où se déposaient les terrains tertiaires les plus récents et les anciens terrains diluviens, l'océan Atlantique, recouvrant tout le nord de l'Afrique, formait avec la Méditerranée un golfe immense, à l'entrée duquel était l'île de l'Atlas. La partie africaine de ce golfe se terminait vers l'orient à la chaîne des monts Arabiques, qui sépare aujourd'hui le Nil de la mer Rouge, et vers le midi, aux savanes du Kordofan, du Darfour et du Borgou, plaines arides en été, vertes et fertiles dans la saison des pluies, élevées de plus de mille pieds au-dessus du niveau actuel de l'Océan.
Plus tard, soit que les terres aient été soulevées, soit que les eaux de l'Océan se soient retirées, on vit apparaître, parallèlement à la chaîne Arabique, le plateau Libyen, qui borde maintenant à l'occident la vallée du Nil. Ce plateau, qui est large de trois à sept journées, commence aux limites du désert du Darfour et du Béhéda ; il court vers le nord jusqu'à une distance peu considérable de la Méditerranée, où il tourne brusquement à l'occident, et, sous le nom de plateau de Barca, il finit vers les Syrtes.

À l'époque où la géologie nous transporte, ce plateau séparait de la Méditerranée le golfe océanique du Sahara, et la vallée du Nil n'était sans doute plus recouverte par les flots de l'Océan. Cependant les grands fleuves de l'Afrique, le Nil-Blanc, le Nil-Bleu et les fleuves du Soudan, se versaient directement dans le golfe africain, et des écueils de coraux se formaient devant les côtes escarpées du plateau Libyen, pareils à la grande Barrière qui s'étend sur toute la côte orientale de la Nouvelle-Hollande.
Selon la règle commune, il a dû s'établir dans les flots de la mer un violent courant entre ces écueils et le plateau Libyen. La terre fut enlevée de cette vallée sous-marine, qui se creusa de plus en plus et qui acquit ainsi une plus grande profondeur que la haute-mer. Cette vallée est aujourd'hui celle des Oasis : Siwah est à 92 pieds au-dessous du niveau de la Méditerranée, Bachereyn à 156 pieds, Fayoum à 11, tandis que sous les mêmes parallèles le Nil est à 58, à 93, à 69 pieds au-dessus de ce même niveau.

À une époque postérieure (que nous plaçons après le déluge de Noé), le golfe océanique devint un lac salé, une mer Caspienne, que firent peu à peu disparaître le soulèvement du sol, les alluvions, l'évaporation tropicale. Les écueils de coraux formèrent une longue série de collines et de petites montagnes qui courent du sud au nord et de l'est à l'ouest, parallèlement au plateau Libyen du Nil et à celui de Barca ; la vallée sous-marine a vu ses bas-fonds et ses plus grandes dépressions se convertir en oasis, qui doivent leurs eaux, soit au Nil par l'infiltration, soit aux pluies d'hiver, et l'ancien fond de la haute mer est devenu les plaines sablonneuses du Sahara, dont la vaste surface, qui est peu élevée au-dessus de la mer ou à son niveau, est semée de collines et d'enfoncements qui forment autant d'oasis.
Cependant le Nil-Blanc et le Nil-Bleu, qui se jetaient à l'ouest dans la mer intérieure, se sont réunis depuis que cette mer s'est desséchée, et le soulèvement récent des monts porphyriques du Béhéda a forcé le fleuve à prendre sa direction vers le nord. Mais les monts du désert Nubien, vers le 19°, l'ont rejeté vers l'ouest, même vers le sud-ouest. Puis en les contournant, il a trouvé dans le Dongola une ouverture, le Wady Kap, par laquelle il est entré dans la grande vallée des oasis, qui offre encore de nombreuses et évidentes traces du passage d'un large cours d'eau (38) et il se jeta dans la Méditerranée par le lit du Fleuve sans eau, nom que porte aujourd'hui la vallée qui du Fayoum tend directement vers la mer. Mais le fleuve se ferma plus tard, par ses alluvions, la route des oasis, et se fraya enfin son chemin à l'est du plateau Libyen au travers de l'Égypte. Comme, de nos jours, les eaux du Nil, pendant l'inondation, coulent du Caire par Belbeis dans le Wadi Tumilat jusqu'au milieu de l'isthme de Suez, on peut supposer qu'autrefois, avant la formation de la bouche Pélusiaque, un bras coulait de Bubaste dans la mer Rouge, et c'est cet ancien lit que Néchao ou Sésostris aura converti en un canal de navigation. Les travaux de l'homme ont dirigé pendant un certain temps une autre partie des eaux du Nil dans le lac Moeris (ou le Fayoum), et de là par le lit primitif dans la mer.

Tels sont, d'après Rusegger, les changements survenus, peu avant et depuis le diluvium, dans la configuration du nord de l'Afrique, et plusieurs traditions anciennes et modernes trouvent dans ces faits géologiques une confirmation inattendue.

Les indigènes parlent aujourd'hui d'anciens ports et de villes ruinées qui existeraient à l'ouest de l'Égypte, dans le désert, et ils donnent le nom de mer à ces mêmes contrées que Rusegger, après Aristote (39), dit avoir été recouvertes par les eaux de l'Océan.
Les Anciens avaient déjà remarqué, non sans étonnement, dans ces régions, la fréquence des coquilles marines, le sel qui passait pour le meilleur de la terre, et près du temple de Jupiter Ammon, des arbres qu'on disait des débris de vaisseaux naufragés. Les voyageurs modernes ont signalé, entre l'Égypte et Siwah, le sel et les coquilles avec des arbres bruts (40).

Les Égyptiens disaient à Hérodote que le lac Moeris se déchargeait dans la Syrte de Libye par un canal souterrain. La vallée des oasis au pied sud du plateau de Barca se prolonge, du Fayoum par Siwah, jusqu'à la grande Syrte. Il n'y aurait donc rien d'impossible à ce que le Nil, quand il coulait à l'ouest du plateau Libyen, se fût bifurqué près du Fayoum, et eût envoyé l'un de ses bras vers le nord, par le Fleuve sans eau, dans la Méditerranée, et l'autre vers l'ouest, dans les Syrtes. Or les Syrtes portaient, chez les anciens Grecs, le nom de Triton, et ce même nom a été celui du Nil (41).

Mais il y a plus encore : au fond de la Petite Syrte est le lac Melgig ou Lowdeah, le Tritonis des Anciens, dont le niveau est aujourd'hui, dit-on, de 20 ou même de 160 pieds inférieur à celui de la mer (42), et qui s'étend à soixante-quinze lieues dans la direction de l'Atlantique. Si dans des temps comparativement récents, l'Océan a recouvert le Sahara, et que le Sahara soit un plateau peu élevé d'où l'on descend vers le nord et le sud, nous sommes en droit de supposer que l'océan Atlantique, en se retirant de ce vaste désert, a formé longtemps encore un golfe, sans doute assez étroit, au pied méridional de l'Atlas, tandis que la Syrte méditerranéenne communiquait avec le lac Triton. Ce lac s'étendait certainement au loin vers l'ouest, dans une contrée qui aujourd'hui encore abonde en petits lacs. Or Pindare, dont les paroles ont un grand poids, dit que les Argonautes sont revenus de l'Océan dans leur patrie par les Syrtes (et non par le détroit de Gibraltar, qui n'existait pas encore ou qui du moins n'était pas encore praticable pour les grands vaisseaux), et qu'ils ont porté douze jours sur la terre déserte les pièces de leur navire, qu'ils ont rejointes sur le marais Triton.

À l'est de la région du Nil, la mer Rouge était, à l'époque diluvienne, un lac salé qui était séparé de l'océan Indien par un isthme, peut-être fort large, et de la Méditerranée par une simple langue de terre. Au dire même d'Eratosthène, l'isthme de Suez aurait été primitivement un détroit, et n'aurait daté que de la rupture de l'isthme de Calpé. Mais cette supposition est contredite par l'histoire primitive de l'Égypte et par celle des patriarches hébreux. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'au temps d'Arrien, le port de l'Égypte, au fond du golfe qui porte aujourd'hui le nom de Suez, était Pithom ou Héroopolis, qui est maintenant à une moindre distance de la Méditerranée que de la mer Rouge. Cette ville a fait place à Kolzum, qui était port de mer au temps d'Abulféda, et Kolzum à Suez, qui est à cinq mille pieds plus au sud, et dont le port, aujourd'hui comblé, reçut en 1541 une flotte de quarante galères et de neuf grands vaisseaux. Tant le sable s'accumule rapidement dans le fond de ce golfe étroit !

Au sud de la mer Rouge, l'isthme de Bab-el-mandeb, d'après une légende populaire qui est en vogue chez les Arabes de la contrée, aurait été rompu par un tremblement de terre, à l'ordre de Mahomet qui voulait protéger les lieux saints contre les invasions des chrétiens d'Abyssinie.


Table des matières

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(1) Gen. IX, 12. Ceci est le signe que je suis dans ce moment même donnant ; et 13 : J'ai donné, placé mon arc encore invisible. Puis 17 : Et Dieu dit : Ceci est le signe de l'alliance que j'ai faite.

(2) Iris, de ,, le nom chaldéen des Anges, qui sont les messagers de Dieu, Iris, la messagère de Junon, a pour soeurs Aèllo (la tempête), Ocypète (le vent au vol rapide), et les Harpyes (l'ouragan).

(3) Gen. XII, 10 ; XXVI, 1 ; XLI, 57. Comp. Peuple Primitif, t. II, p. 290.

(4) Voyez Peuple Primitif, t. II, p. 272 sq.

(5) Charpentier. Essai sur les glaciers et sur les terrains erratiques du bassin du Rhône, 1841.

(6) Rusegger. Voyage en Égypte (allem.), t. II, p. 264.

(7) Ruppel, Voyage en Abyssinie (allem.), t. I, p. 113. 141. - Rusegger, Voyage en Égypte, t. II, p. 261.

(8) Cependant il faut ajouter qu'au temps d'Omar, le torrent de la Mecque avait détruit la Caaba, et celui de Mocha une partie de la ville de ce nom. Aujourd'hui ils sont à sec. (Hoff. t. III, p. 80.)

(9) Rusegger, t. I, p. 272-277.
Linant, Bulletin de la Société de géographie, 1840, t. I, p. 97. - Ces deux forêts, dont les arbres sont couchés dans tous les sens auprès de leurs racines, les uns vitrifiés, les autres pétrifiés, et plusieurs couverts encore de leurs écorces (les plus longs sont de quatre-vingt-dix pieds), ont été probablement détruites par quelque incendie volcanique et par des flots d'eau bouillante. Le même phénomène de vitrification s'observe, d'après Rusegger (t. I, p. 272-277), sur de vastes espaces dans le désert, et surtout sur le Djebel-Achmar (le mont Rouge).

(10) Voyez Peuple Primitif, t. II, p. 282 sq. et 278.

(11) Voyez Peuple Primitif, t. II, p. 283. 284 sq.

(12) Voyez Peuple Primitif, t. II, p. 294 sq.

(13) Voyez la table des âges de toutes les personnes dont il est fait mention dans l'Écriture, depuis le Déluge à David, dans l'Hist. univ. (angl., t. I, p. 291. Si nous n'avons tenté, ni ici, ni plus haut, page 101, de démontrer par les sciences naturelles la possibilité d'une longévité de neuf siècles, c'est que pour nous le fait est solidement établi par Gen. V et XI. D'ailleurs les lois que les physiologues ont déduites des phénomènes actuels, ne peuvent s'appliquer à la nature du monde antédiluvien et de l'époque diluvienne, laquelle différait considérablement de la nature présente.
C'est en s'appuyant sur ces différences que Buffon et Haller admettent la possibilité des longues vies des Sethites (Voyez Flourens, De la longévité humaine, p. 76). Il y a d'ailleurs certains faits qui indiquent qu'il n'est pas dans l'essence intime de la vie humaine de cesser au bout de quatre-vingts à cent ans. On a vu des vieillards a qui les dents repoussaient comme à des enfants, la nature se montrant ainsi toute disposée à doubler la durée de leur existence terrestre.
Dans la patrie des Macrobiens ou Longrivants d'Hérodote, en Nubie, chez les Berbers et les Bischariens, il n'est point rare, au dire des voyageurs les plus récents, de trouver des hommes âgés de deux cents ans, et un shah de cette dernière race est mort, assure-t-on, à deux cent vingt et un ans.

(14) Les ossements humains trouvés à Pondres (dans le Gard) avec les restes d'animaux de l'époque tertiaire, ont appartenu à une race de haute taille, d'après M. Christol. Quant à ces crânes humains découverts en Autriche et à Liège, et qui ressemblent, les uns aux types des Indiens de l'Amérique les plus sauvages, les autres au type nègre, nous rappellerons les étranges profils des bas-reliefs les plus anciens de l'Égypte, que M. Osburne, dans son Égypte ancienne (en anglais), attribue, d'après les inscriptions hiéroglyphiques, aux habitants de Canaan, de la Phénicie et de la Syrie.
Ajoutons que les Indiens de l'Oronte, les Éthiopiens de Memnon et de Suze, les Cuschites de Babel, avaient certainement des traits à demi nègres, et que les monuments de l'antique Étrurie nous offrent des figures humaines qu'à leur profil on prendrait pour des animaux. Il y a sans doute un profond mystère dans l'apparition de types aussi difformes si peu de siècles après le Déluge ; et cependant Cusch est fils de Cam, Canaan est frère de Cusch, et nul ne songera à faire des Jébusiens au front aplati, tels que nous les présentent les bas-reliefs égyptiens, une race entièrement distincte des Phéniciens et des Hébreux, qui sont issus de Noé.
Les causes qui ont différencié le type primitif auront agi dès l'abord avec une extrême énergie. Il ne faut pas oublier les Bosjemans du Livre de Job (XXX, 1 et suiv.) ; car la misère a une merveilleuse puissance pour dégrader le corps. (Voyez sur les mythes des hommes-singes, Peuple Primitif, t. II, p. 306 sq.

(15) Voyez page 119.

(16) (Gen. VI, 21 ; VIII, 11 ; IX, 20)

(17) Quelques écrivains ont prétendu que le verset 25 du chapitre X de la Genèse : le nom de l'un (des fils d'Héber) fut Péleg, parce que la terre fut partagée (NIPH'L'GAH) dans ses jours, doit s'entendre non du partage de la terre entre les descendants de Noé lors de la destruction de la tour de Babel, mais d'une fraction des continents, d'une rupture des isthmes, d'un brisement de la surface entière de notre globe. Je crois à un partage physique, géologique de la terre dans les temps postdiluviens. Il se pourrait même que cette grande crise de la nature ait eu lieu lorsque l'Éternel descendit des cieux pour disperser les hommes loin de Babel, sur la terre entière. Mais je ne puis voir dans le verset cité qu'une simple division de la terre entre les tribus des Noachides : division n'est pas déchirement.

(18) Voyez Peuple Primitif, t. Il, p. 284

(19) Voyez Peuple Primitif, t. Il, p. 291

(20) D'après Ellis (Semeur, 1834, p. 398). Dans la Nouvelle-Zélande, la tradition historique du miracle de Josué s'est transformée en un mythe cosmogonique (Peuple Primitif, t. II, p. 493).
Aux îles Sandwich, qui ont reçu leurs prêtres de Tahiti, on racontait que les anciens habitants ayant irrité le roi de Tahiti, celui-ci, pour les châtier, les priva du soleil et les plongea ainsi dans les ténèbres ; ils lui envoyèrent une ambassade pour l'apaiser, et il leur rendit l'astre du jour. Mais ce mythe fait plutôt allusion aux profondes ténèbres de l'époque post-diluvienne, ainsi que les mythes du Japon et de la Finlande, qui sont exposés dans le Peuple Primitif, t. II, p. 273 sq.

(21) Odyssée, XXIII, 241-246.

(22) Voyez Peuple Primitif, t, II, p. 197.

(23) Ibid. p. 272. 346 sq.

(24) Martini, Histoire de la Chine, t.1. Comp. Peuple Primitif, t. II, p. 291.

(25) Voyez Peuple Primitif, t. II, p. 273.

(26) D'après mes calculs, j'aurais dit : quatre heures après son lever. Mais on ne peut exiger des mythes, et surtout des mythes récents et souvent remaniés, la précision d'une dissertation astronomique.

(27) Magasin pour l'histoire des Missions évangéliques (en allem.), 1853, p. 112 sq.

(28) Au contraire, le miracle d'Esaïe faisant que l'ombre du soleil a rétrogradé de dix degrés sur le cadran d'Achaz (2 Rois XX), s'est passé dans notre atmosphère et non dans le ciel, et n'a eu lieu que pour la Judée. La nouvelle en était bien arrivée à Babylone, et avait vivement piqué la curiosité des Chaldéens, qui étaient les grands astronomes de l'antiquité ; mais le texte ne dit pas qu'il eût été vu sur les bords de l'Euphrate (2 Chron. XXXII, 31).
Les historiens profanes ne font aucune mention, à cette date, d'un jour d'une longueur extraordinaire, où l'on aurait vu le soleil revenir sur ses pas.

(29) A. d'Archiac, Histoire des progrès de la géologie de 1834 à 1845, t. II, p.1.

(30) Surtout au Ténare, en Provence, en Sardaigne, en Sicile, dans les champs Phlégréens, en Toscane, etc. Quelques-uns de ces dépôts sédimentaires contiennent même les débris d'une industrie naissante.

(31) Nous les puisons dans Hoff : Histoire des changements qu'a subis la surface de la terre d'après les traditions, 4 vol. (en allem.), et nous renvoyons à cet ouvrage pour les citations des faits que nous lui empruntons.

(32) Zimmermann, Géographie des animaux, t. II, p. 254 (en all.).

(33) Voyez Peuple Primitif, t. II, p. 228. 233.

(34) Voyez de Noroff : l'Atlantide d'après les sources grecques et arabes, p. 15 sq. - Les écrivains arabes, qui suivent des traditions orales, font vivre ce Darokoun après les Pharaons et du temps des Grecs ou des Macédoniens.

(35) Voyez Histoire générale des Voyages : pour les Bermudes, t. XV, p. 626-632 ; pour les Açores, t. I, p. 12 ; pour Madère, t. II, p. 270, 283 ; pour les îles du Cap-Vert, t. II, p. 312, 375, 411 ; pour les Canaries, t. I, p. 9 ; t. II, p. 227, 231, 232.

(36) L'une des Comorres, Anjuao, a une espèce de maki.

(37) Histoire générale des Voyages, t. I, p. 386, 451, 526, 536.

(38) Le fleuve a passé par cette vallée depuis le Déluge ; autrement le Déluge aurait fait disparaître jusqu'aux moindres traces de son passage.

(39) Météo, I, 14.

(40) Hornemann et Brown, dans Mannert, t. X, 2, p. 52.

(41) Pline, Hist. natur. V, 9.

(42) Berghaus, Carte de l'Afrique, dans son Annuaire géographique, et d'Archiac, t. I, p. 207.

 

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