BOTANIQUE
BIBLIQUE
CHAPITRE XXXI
Le Saule
Nous nous sommes tenus
auprès des fleuves de Babylone et même
nous y avons pleuré, nous souvenant de Sion.
Nous avons suspendu nos harpes aux Saules au milieu
d'elle.
(Ps. CXXXVII, 2.)
Lamentable situation que celle des
Israélites captifs dans une terre
étrangère ! Dieu, à cause
de leurs péchés, les a chassés
de leur propre pays, où croissaient la
vigne, l'olivier et le grenadier, et les a
exilés dans l'orgueilleuse Babylone. Ils
sont assis et mènent
deuil au bord du Tigre et de l'Euphrate, mais ce
qui cause leur désolation, ce n'est pas
seulement le triste état auquel ils sont
réduits, ni l'éloignement des lieux
où se passa leur enfance et où se
trouvent les sépulcres de leurs
ancêtres ; ils pleurent surtout
lorsqu'ils pensent à Sion profanée
par les païens.
On ne chante plus les louanges de Dieu sur les
harpes de son temple ; comment pourraient-ils
les répéter sur une terre
étrangère et ennemie ?
Aujourd'hui le peuple d'Israël est
dispersé, Babylone n'est plus qu'un amas de
ruines, mais le Tigre et l'Euphrate coulent
silencieusement comme aux anciens jours, le paysage
a le même aspect, les arbres s'inclinent
encore sur les eaux et y reflètent leur
verdure.
Plusieurs espèces de Saules croissent
en Palestine et dans d'autres parties de la Syrie.
Mais la tradition populaire veut que l'arbre qui
ornait les rives des fleuves babyloniens soit le
Saule pleureur (Salix babylonien).
Originaire de Syrie, il est cultivé en
plusieurs endroits de la Perse et de
l'Orient ; on le retrouve souvent dans les
peintures qui représentent des paysages de
ce pays, et il est fréquent en Europe dans
nos plantations ; mais comme on ne l'a pas
retrouvé dans la Babylonie, il est douteux
que ce soit l'arbre auquel les Juifs suspendaient
leurs harpes.
Il faut plutôt le chercher dans un peuplier
commun sur les bords de
l'Euphrate (Populus euphratica), dont les
feuilles varient beaucoup pour la forme et sont
souvent tout à fait semblables à
celles du Saule. La même espèce
croît abondamment sur les bords du
Jourdain.
Du reste, il est certainement fait allusion, dans
la Bible, à diverses espèces de
Saules. Job, parlant du Béhémoth,
dit : Les arbres le couvrent de leur ombre
et les Saules des torrents l'environnent.
(Job XL, 17 (22).) Il s'agit
probablement ici des hippopotames et des rives du
Nil encore aujourd'hui couvertes de Saules
(Salix oegyptiaca).
Ailleurs, en parlant de ceux auxquels il fait
grâce, l'Éternel dit : Ils
germeront comme croissent les Saules auprès
des eaux courantes.
(Esaïe XLIV, 4.) Cette
comparaison s'explique aisément lorsqu'on se
rappelle que ces arbres aiment le voisinage des
eaux.
CHAPITRE XXXII
Le Sapin, le Cyprès et le bois de Gopher
Les arbres les plus
hauts, les cèdres du Liban qu'il a
plantés, sont rassasiés ; afin
que les oiseaux y fassent leurs nids ; les
Sapins sont la demeure de la cigogne.
(Ps. CIV, 16, 17.)
On ne connaît en Syrie qu'une seule
espèce de Sapin, l'Abies cilicica,
qui croît dans le Liban et n'y est pas
très répandue.
Le mot hébreu traduit par Sapin comprend
donc aussi vraisemblablement le Pin, dont il
y a plusieurs espèces sauvages en Palestine,
entre autres le Pin d'Alep et le Pin de
Corse ; il y a un passage qui paraît
désigner spécialement le Pin
à pignon (Pinus Pinea), c'est le
suivant : Je serai pour lui comme un Sapin
toujours vert ; ton fruit se trouvera en moi
(Osée XIV, 8), car les graines
du Pin à pignon contiennent une amande d'un
goût agréable.
Plusieurs écrivains, qui se sont
occupés des plantes mentionnées dans
la Bible, n'admettent pas que l'arbre
désigné dans les versets
précédents soit un Pin ou un Sapin,
se fondant sur ce que, dans la version syriaque, le
mot hébreu a été rendu par
Cyprès.
Il est même probable que le Cyprès
des écrivains sacrés comprenait non
seulement cet arbre, mais aussi le Juniperus
excelsa, espèce de Genévrier qui
lui ressemble fort. Un autre mot hébreu est
traduit ailleurs par Cyprès : II
prend un Cyprès ou un chêne
(Esaïe XLIV, 14), mais est
généralement considéré
comme signifiant plutôt un arbre toujours
vert.
Le Cyprès (Cupressus sempervirens) a
reçu, dit-on, son nom de l'île de
Cypre, où il formait l'un des traits
distinctifs de la végétation ;
c'est l'un des bois ordinaires
de construction dans le Levant, et nous avons
déjà dit que, suivant quelques
auteurs, ce serait ce bois plutôt que celui
du Cèdre que Salomon aurait employé
pour le temple de Jérusalem.
On le rencontre en Palestine et dans toute la
Syrie ; son port nous est bien connu
d'après les dessins qui représentent
des cimetières mahométans, où
ses troncs élevés, droits comme des
peupliers, projettent leur ombre épaisse et
bien tranchée sur les tombeaux. Il a souvent
de seize à vingt mètres (50 à
60 pieds) de hauteur ; ses branches, toujours
vertes, étaient portées à la
main par les anciens dans les processions
funèbres, comme symbole de
l'immortalité de l'âme.
Le bois de Cyprès, qui est peut-être
encore ce bois de Gopher employé par
Noé dans la construction de l'arche
(Gen. VI, 14), était
renommé pour sa durée ; les
anciens Égyptiens en faisaient quelquefois
des cercueils ; les Grecs modernes le
recherchent dans un but semblable, à cause
de sa dureté et de son odeur aromatique.
Les portes de l'église de Saint-Pierre
à Rome sont en bois de Cyprès ;
onze cents ans d'existence ne les ont point
altérées. Pline mentionne la parfaite
conservation de la statue de Jupiter au Capitole,
taillée dans le même bois ; elle
avait 600 ans lorsqu'il écrivait. Les
Romains estimaient beaucoup le bois
du Cyprès ; ils
plantaient cet arbre, comme on le fait encore
aujourd'hui en Italie, autour de leurs villas et
dans les jardins.
CHAPITRE XXXIII
Le Câprier
Ils craindront ce qui
est élevé, ils trembleront en
marchant, l'amandier fleurira, la sauterelle
deviendra pesante, l'Appétit s'en ira (car
l'homme s'en va à la maison où il
demeurera toujours) ; et ceux qui pleurent
feront le tour par les rues.
(Ecclés. XII, 7.)
Ce passage fait partie de la belle description
figurée que donne Salomon de la vieillesse
et des douleurs qui l'accompagnent. Pour le lecteur
français, l'allusion au Câprier
n'y parait pas, mais elle se montre lorsqu'on
apprend que le mot Appétit est rendu
dans la version des Septante et dans la Vulgate par
Câprier.
Rosenmuller, le docteur Royle et plusieurs
autres savants, pensent aussi qu'il s'agit ici de
cette plante. Quant aux écrivains
rabbiniques, ils admettent que le mot hébreu
signifie soit les baies en général,
soit spécialement celles du Câprier.
Il semble, en effet, que cette
dernière traduction s'accorde mieux, comme
nous le ferons voir, avec le sens figuré du
passage, où l'amandier en fleurs est
l'emblème des cheveux blancs, la sauterelle
celui des petits soucis de là vie
journalière.
Capparis
spinosa (Câprier)
On trouve plusieurs espèces de
Câpriers dans les pays chauds ;
ils sont répandus dans tout le bassin de la
Méditerranée. En Palestine, le
Câprier commun (Capparis spinosa) est
fort abondant et croît à profusion sur
les collines et les murs aux environs de
Jérusalem. Il a de magnifiques fleurs :
leurs grandes étamines à filets
pourpres, terminées par des anthères
jaunes, ressortent sur les pétales blancs
comme la neige.
Ses nombreuses tiges sont couchées et
épineuses ; elles rampent sur le sol,
ou pendent le long des murailles et tapissent les
ruines de la même manière que le
lierre de nos contrées. Les jeunes boutons
à fleurs, conservés dans du vinaigre,
étaient déjà employés
par les anciens comme assaisonnement.
En Italie on met en conserves les jeunes fruits et
les fleurs ; la récolte de ce produit
est l'occupation quotidienne d'un grand nombre de
paysans pendant la moitié de l'année,
parce que la floraison se prolonge jusqu'à
l'automne.
Ce qui a fait peut-être regarder cette plante
comme l'un des emblèmes de la vieillesse,
c'est d'abord sa nature
stimulante ; elle excite la faim et la soif,
qui s'affaiblissent d'ordinaire chez les personnes
avancées en âge ; c'est ensuite
la position de ses fruits, qui, pendant au bout de
longs pédoncules et prêts à
tomber à leur maturité,
représentent assez heureusement, comme le
remarque Rosenmuller, le vieillard arrivé
à la fin de ses jours et pouvant d'un moment
à l'autre descendre dans la tombe.
Heureux si, fortifié par les promesses de
son Dieu, accomplies en Jésus-Christ, il a,
lui aussi, porté ses fruits de
reconnaissance et d'amour !
Le Câprier est appelé Kaber par
les Arabes.
CHAPITRE XXXIV
Le Lis et le Muguet
II fit une mer de fonte
son bord était comme le bord d'une coupe ouvragée de
fleurs de Lis. (1
Rois VII, 23, 26.) Israël fleurira comme les
Lis.
(Osée XIV, 5.)
Le Lis a toujours été
regardé comme un emblème de
pureté et d'innocence. La magnificence du
grand Lis blanc de nos jardins (Lilium candidum)
l'a fait considérer dès longtemps
comme celui dont parle la Bible.
On représente, dans les plus anciens
tableaux, Marie tenant une tige de Lis en fleurs,
ou bien l'emblème est placé dans la
main de l'ange qui vient lui annoncer la naissance
du Seigneur.
Toutefois il n'est nullement certain que le Lis
blanc soit la fleur dont il est question dans
l'Écriture, bien qu'elle soit
cultivée en Syrie, et que peut-être
même elle se trouve à l'état
sauvage dans les régions montagneuses de ce
pays.
Le docteur Kitto considère le Lis de
l'Ancien Testament comme étant le même
que celui dont parle le Seigneur sous la
dénomination de Lis des champs
(Matth. VI, 28), à savoir
l'Amaryllis jaune (Oporanthus luteus) ;
en effet, cette fleur couvre des vallées
entières de la Palestine, elle fleurit
immédiatement avant l'hiver, lorsque la
plupart des autres sont fanées, ce qui a pu
faire dire que Dieu en prend soin aux approches de
la saison froide.
Cette fleur ressemble en plus grand au Safran
(Crocus luteus). Peut-être aussi que ce
Lis des champs auquel fait allusion notre Sauveur,
n'est autre que la Tulipe, très
abondante en Palestine ; ses fleurs, au
coloris si riche, peuvent bien, en effet, se
comparer aux vêtements des rois.
Les opinions sont très partagées
quant au Lis des vallées, dont il est
si souvent parlé dans le Cantique des
Cantiques ; on a improprement traduit, dans
nos versions françaises, le mot
hébreu par Muguet, car
cette fleur ne croît ni en
Syrie ni en Palestine. On a dit que c'était
la Violette ou le Jasmin.
Le docteur Royle pense que ce devait être
le Nénuphar d'Égypte (Nymphoea
Lotus), plante aquatique très commune
autrefois dans les eaux du Nil.
Ses motifs sont que cette fleur, très
appréciée des Égyptiens, est
admirable par la pureté et la
délicatesse de son coloris, et en second
lieu, que le cantique de Salomon passe pour avoir
été composé à
l'occasion du mariage de ce roi avec une princesse
égyptienne ; mais ces mots :
tel qu'est le Muguet parmi les épines
(Cant. Il, 2), ne nous paraissent
guère applicables à une plante
aquatique.
CHAPITRE XXXV
Le Troëne et le Henné
Tes plantes sont un
jardin de grenadiers, avec des fruits
délicieux, du Troëne, avec de
l'aspic.
(Cant. IV, 13.)
Le Troëne (Ligustrum vulgare)
étant un arbrisseau européen qui
ne se trouve pas en Palestine, la fleur dont il est
ici question est très certainement le
Henné ou Lawsonia inermis, de
tout temps fort estimé
des Orientaux. C'est un
arbrisseau de deux à trois mètres (6
à 9 pieds), dont les feuilles ressemblent
à celles du myrte. Ses fleurs sont blanches
et croissent en panicules ; elles ont un
parfum très fort, agréable en plein
air, mais incommode pour des Européens dans
l'intérieur des appartements.
En Orient, les femmes regardent un bouquet de
Henné comme le présent le plus
agréable qu'il soit possible de faire
à ses amis, et elles en portent au bain pour
se parfumer ; les dames égyptiennes
estiment tellement ces fleurs, qu'elles se montrent
offensées lorsqu'elles en voient entre les
mains de Juives ou d'Européennes.
On tire des feuilles du Henné,
desséchées et broyées, une
poudre qui, délayée dans de l'eau,
produit une teinture d'un jaune orangé,
universellement employée par les Orientaux,
de la Méditerranée au Gange, pour se
colorer les mains, la plante des pieds et les
ongles. Celte couleur est si tenace, qu'elle n'a
besoin d'être renouvelée que tous les
quinze jours pour les pieds, et que pour les
ongles, elle dure, dit-on, des années. Dans
quelques contrées, les hommes s'en teignent
les cheveux et la barbe ; on s'en sert aussi
pour colorer la crinière et la queue des
chevaux. Les Égyptiennes se passeraient plus
facilement d'un voile que de cette teinture, et la
plus pauvre d'entre elles ne consentirait pas
à se montrer en public
avec des pieds et des ongles de couleur
naturelle.
Les momies ont souvent les ongles colorés
par le Henné, ce qui prouve la haute
antiquité de cet usage. Le docteur Harris
pense que l'expression « couper ses
ongles »
(Deut. XXI, 12) serait mieux traduite
par « orner ses
ongles, » et qu'elle fait allusion
à la pratique dont nous venons de nous
occuper.
Le Lawsonia fait l'ornement des jardins de
Rosette en Égypte. Il croissait dans les
parties les plus chaudes de la Judée :
« Mon bien-aimé est comme une
grappe de Henné dans les vignes
d'Engueddi. »
(Cant. I, 14.)
Enfin, Burckhardt admirait les nombreux arbres de
Henné qui croissent à
Wady-Fatmé, à une journée de
la Mecque, et en font une délicieuse place
de repos pour les pèlerins ; comme le
Henné de cette localité est fort
estimé, ceux-ci en achètent pour en
faire présent aux femmes de leur famille.
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