BOTANIQUE
BIBLIQUE
CHAPITRE XXVI
La Mauve
Job parle de malheureux qui coupaient des herbes sauvages
auprès des arbrisseaux
(Job XXX, 4) pour s'en nourrir.
C'est probablement des Mauves qu'il est ici
question ; en effet, cette plante
mucilagineuse et d'autres de même nature,
sont assez employées comme aliments par les
Orientaux. Biddulph, ancien auteur qui allait en
1600 d'Alep à Jérusalem, arrivant
à un village nommé Lacmine,
dit : « Nous vîmes de pauvres
gens qui recueillaient des Mauves et du
trèfle, et nous leur demandâmes ce
qu'ils en faisaient ; ils répondirent
que c'était leur nourriture, qu'ils les
faisaient bouillir et les mangeaient. Nous
eûmes pitié d'eux et leur
donnâmes du pain ; ils le
reçurent avec de grandes
démonstrations de joie, bénissant
Dieu et disant que depuis bien des mois ils n'en
avaient point eu. »
Cependant les riches mangeaient aussi la Mauve,
comme cela se pratiquait à Rome et en
Grèce. Cette plante est cultivée en
Égypte, dans les jardins près de
Rosette, et, bouillie avec de la viande, compose un
des mets ordinaires des
habitants.
Le mot hébreu que notre version rend par
« herbes sauvages, » et
qui, dans d'autres versions, est traduit par Mauve,
semble désigner une plante à
goût salé, en sorte que quelques
commentateurs y ont vu une de ces plantes charnues
si répandues dans les déserts
salés de la Terre-Sainte, par exemple
quelque espèce de genres Aïzoon
ou Mesembryanthemum, dont les feuilles
tendres et épaisses peuvent à la
rigueur servir de nourriture.
CHAPITRE XXVII
L'Aloès
Nicodème, qui au
commencement était venu de nuit vers
Jésus, y vint aussi apportant environ cent
livres d'une composition de myrrhe et
d'Aloès. Ils prirent donc le corps de
Jésus, et l'enveloppèrent de linges
avec des drogues aromatiques comme les Juifs ont
coutume d'ensevelir.
(Jean XIX, 39, 40.)
L'Aloès odoriférant des
Saintes-Écritures ne doit pas être
confondu avec la substance nommée
Aloès qui se vend chez les droguistes ;
celle-ci est le jus épaissi d'une plante
grasse appelée Aloès socotrin
; c'est un tonique, et
à forte dose, un purgatif amer ; son
odeur est insignifiante, bien qu'il ne manque pas,
dit-on, de parfum lorsqu'il découle de la
plante.
Aloe socotrina
(Aloès)
Il paraît certain que l'Aloès de la
Bible était le bois parfumé, compacte
et résineux, qui forme l'intérieur du
tronc d'une ou de plusieurs espèces du genre
Aquilaria, originaire de l'Inde.
Ce sont surtout les Aquilaria agallocha et
Aquilaria ovata qui produisent le bois dit
d'Aloès. Il est encore aujourd'hui
estimé dans le Levant pour son parfum et ses
propriétés fortifiantes.
En Europe, il a été souvent
employé en médecine pour combattre
des affections rhumatismales. On le mêlait
probablement avec de la myrrhe lorsqu'on s'en
servait pour embaumer les corps. La grande
quantité de ces substances apportées
par Nicodème, montre avec quelle profusion
les anciens Juifs employaient les parfums en
pareille circonstance.
CHAPITRE XXVIII
Le Laurier
J'ai vu le
méchant terrible et verdoyant comme un
Laurier vert ; mais j'ai passé, et
voilà, il n'était plus ; je l'ai
cherché, et il ne s'est plus trouvé.
(Ps. XXXVII, 35, 36.)
C'est probablement à cause de la verdure
constante du Laurier (Laurus nobilis)
(1) et de son
parfum agréable que le Psalmiste le prend
comme un emblème de la
prospérité. Ce sont les mêmes
motifs qui le firent choisir par les Grecs et les
Romains pour orner le front des prêtres, des
héros et des hommes de génie ;
c'est pour cela que Linné lui a donné
l'épithète de noble.
On parfumait aussi avec le Laurier les
sacrifices offerts sur les autels païens, et
on le portait à la main en signe de
triomphe. Aussi, lorsque David contemplait cet
arbre toujours vert, bravant impunément les
frimas et la tempête, il était naturel
qu'il pensât à ces hommes auxquels
leur bonne fortune semble garantir une
félicité non interrompue, quoique
trompeuse si l'on envisage sa fin.
Nulle part ailleurs dans l'Écriture-Sainte,
il n'est fait mention du Laurier. Quoiqu'on le
rencontre assez fréquemment sur le littoral
de la Syrie, il n'était pas assez commun en
Palestine pour y être
généralement connu.
Le Laurier (Daphné des Grecs) se
trouve dans tout le midi de l'Europe. C'est plus
souvent un arbrisseau qu'un arbre. Mais en Italie
et en Syrie, il atteint
fréquemment une hauteur de
sept à dix mètres (20 à 50
pieds) et quelquefois même davantage. Ses
feuilles, d'un vert olivâtre, s'emploient
comme assaisonnement ; elles ont
été longtemps usitées en
médecine, ainsi que ses baies, ses racines
et son écorce.
CHAPITRE XXIX
Le Cèdre du Liban
Le juste croîtra
comme le Cèdre du Liban.
(Ps. XCII, 13.)
Le Cèdre et le bois de Cèdre,
si fréquemment mentionnés dans
l'Écriture, ont été le sujet
de beaucoup de discussions parmi les savants.
Le mot hébreu Erez, rendu dans notre
version par Cèdre,
désigne probablement
plusieurs espèces de la famille des
Conifères, les dénominations
étant peu précises chez les anciens.
Le Cèdre est mentionné pour la
première fois à l'occasion de la
purification des lépreux. Or, le peuple
d'Israël était alors au désert,
et l'arbre majestueux qui couronnait les hauteurs
du Liban, n'a jamais pu
croître dans les sables et les rochers de ces
solitudes dépouillées de
végétation ; il ne se trouvait
pas non plus en Égypte ; aussi, selon
plusieurs auteurs, c'est du bois de
Genévrier que parle ici le
Lévitique.
Selon d'autres commentateurs, le bois avec lequel
on construisit la charpente du temple de
Jérusalem provenait d'une espèce de
Pin, ou du Cyprès, ou encore
du Juniperus excelsa, genévrier
répandu dans les régions montagneuses
de la Syrie, et dont le tronc devient assez gros
pour fournir des planches. Ils se fondent sur ce
que le Cèdre du Liban fournit un bois de
construction assez grossier, en sorte qu'on avait
dû choisir un bois plus durable pour un
édifice destiné à traverser
les siècles, comme l'était le temple
de Salomon.
Quoi qu'il en soit, on ne peut guère douter
qu'il ne s'agisse du Cèdre du Liban
(Cedrus Libani) dans le passage cité
en tête de ce chapitre.
Le Roi-prophète avait probablement vu ces
arbres admirables, et il emprunte souvent ses
images à ce spectacle gravé
profondément dans son souvenir, car le
Cèdre est un arbre d'une beauté
vraiment exceptionnelle. Ses puissantes branches
s'étendent horizontalement à une
grande distance du tronc, et forment par leurs
étages successifs un abri épais et
ombreux. Il atteint une élévation qui
varie entre seize et vingt mètres (50
à 60 pieds). Des vastes forêts de
Cèdres qui étaient autrefois la
gloire du Liban, il ne reste plus qu'un bois de
trois à quatre cents arbres, dont une
douzaine seulement d'une haute antiquité.
Ils se trouvent dans un pli de terrain
tourné du côté de la mer, dans
la région élevée du Liban,
située à l'est de Tripoli de Syrie.
Ceux de ces Cèdres que leur grosseur et leur
apparence permettent de supposer contemporains des
écrivains sacrés, étaient en
1550 au nombre d'environ vingt-huit. En 1574,
vingt-quatre vivaient encore et deux
dépérissaient. En 1745, il n'y en
avait plus que quinze.
Lord Lindsay en a compté récemment
douze, et fait observer que l'atmosphère
environnante était parfumée de leur
résine. Il aura une odeur comme celle du
Liban.
(Osée XIV, 6.)
Ce voyageur se reposa avec ses compagnons sous un
des plus grands, dont le tronc portait gravé
d'un côté le nom de Lamartine et de
l'autre celui de Laborde. Le bois est
composé de plusieurs
générations de Cèdres ;
ceux de la seconde sont encore assez beaux pour
former une nouvelle forêt, même lorsque
la plus ancienne dynastie aura disparu.
« Souvent, dit Lindsay, on voit
deux, trois ou quatre grands troncs sortir d'une
seule racine. Quant aux douze arbres qu'on pourrait
nommer les géants, il y en a sept
très rapprochés les uns des autres,
sur la même éminence, puis trois un
peu plus loin, rangés en ligne. Dans
une seconde promenade de
découverte, j'eus le plaisir d'en retrouver
deux autres, plus bas, au nord du
bois. »
L'arbre de Lamartine a seize mètres
(près de 50 pieds) de circonférence,
et le plus grand des deux qui se trouvent vers la
pente septentrionale, en a vingt et un (65 pieds),
en suivant les sinuosités du tronc. Ils
demeurent des témoins vivants de la gloire
du Liban maintenant disparue.
Les vieux Cèdres du Liban sont
protégés soigneusement par les
Maronites, qui les regardent comme
sacrés ; la censure
ecclésiastique atteint quiconque leur
causerait quelque dommage. Chaque année, le
patriarche de cette nation célèbre
sous leur ombrage une messe solennelle au jour de
la Transfiguration, et les habitants de la montagne
arrivent en foule sous ce pavillon de verdure
odorante.
Comme on peut le croire, bien des légendes
superstitieuses se rattachent à ces
arbres ; entre autres absurdités, on
dit qu'il est impossible d'arriver à les
compter exactement.
On cite la triste fin de pâtres turcs qui,
ayant voulu abattre l'un de ces arbres, furent
immédiatement mis à mort par les
Maronites.
CHAPITRE XXX
Le Palmier
Le juste s'avancera
comme la Palme.
(Psaume XCII, 13.)
Le Palmier dattier (Phoenix dactylifera)
est, sans aucun doute, le Palmier des
Écritures. C'est un arbre
élevé, au tronc sillonné
d'anneaux circulaires produits par la chute des
vieilles feuilles. Sa tige droite conduisit, sans
doute, le Psalmiste à le considérer
comme un type de la droiture du juste ;
quelques érudits donnent au mot
hébreu Tamar, Palmier, la
signification de droit ou debout.
Le sommet du Palmier dattier est couronné
par des feuilles pennées, longues souvent de
deux à trois mètres (6 à 9
pieds), entre lesquelles pendent les bouquets de
dattes, fruit très estimé des
Orientaux. Au reste, toutes les parties de l'arbre
ont leur importance, et les usages en sont fort
nombreux. Les grandes feuilles servent à
couvrir les toits et les côtés des
habitations ou à compléter les
clôtures de roseaux ; on en fait aussi
des objets d'usage domestique, des nattes et des
corbeilles souvent si artistement
tissées qu'elles peuvent contenir de l'eau.
En Égypte, ces grandes feuilles s'emploient
pourchasser les mouches qui abondent dans ce
pays ; réunies en petits paquets, elles
servent pour épousseter les sofas et les
meubles.
On utilise leurs nervures pour fabriquer des
clôtures et des cages, les fibres du tronc
pour faire des cordes ; les grands troncs
eux-mêmes peuvent figurer dans la charpente
d'édifices légers.
Mais par-dessus tout, le Palmier dattier est
estimé pour ses fruits abondants, dont des
tribus entières en Afrique et en Arabie se
nourrissent presque exclusivement.
L'Arabe qui entend parler d'autres contrées
où règnent le luxe et la
civilisation, mais où ne se trouve pas le
Dattier, n'éprouve que de la pitié
pour des peuples qui manquent d'une plante aussi
nécessaire et comprend à peine
comment ils peuvent exister. Quant à lui, il
recueille ses Dattes avec autant de joie que le
laboureur de nos contrées moissonne ou
vendange ; mais un nuage de tristesse
s'étend sur son front quand cette
récolte trompe ses espérances.
Les Dattes les plus savoureuses viennent de
Médine, célèbre but de
pèlerinage pour les Mahométans. Les
Dattiers, plus petits qu'ailleurs, y sont
dispersés dans les plaines et paraissent
être à l'état sauvage ;
cependant, chaque arbre a son propriétaire.
Il y a là, dit-on, plus de cent
variétés qui ne croissent
en aucun autre endroit de
l'Arabie. La superstition attribue l'origine des
meilleures à Mahomet. Les Arabes
prétendent que leur prophète mit un
jour dans le sol un noyau, d'où il sortit en
quelques minutes un arbre chargé de
fruits.
Un autre Dattier, suivant eux, aurait salué
Mahomet en s'inclinant à son passage. Le
faux prophète tenait une de ces
variétés de Dattes en telle estime,
qu'il conseille, dans le Koran, d'en manger chaque
jour avant déjeuner ; aussi, les
pèlerins en emportent-ils souvent dans leur
pays.
On peut apprêter les Dattes de beaucoup de
manières différentes ; de
là le proverbe arabe :
« Une bonne
ménagère doit, pendant un mois,
servir chaque jour à son seigneur un plat de
Dattes différent. »
Les Orientaux ont l'habitude de mettre tremper
les noyaux de Dattes dans de l'eau, pendant
plusieurs jours, pour les donner ensuite à
manger aux chameaux, aux vaches et aux moutons.
Selon Burckhardt, cette nourriture est plus
substantielle que l'orge ; il y a dans les
villes de l'Arabie des boutiques où l'on ne
vend pas autre chose ; les mendiants
même sont continuellement occupés
à ramasser les noyaux de Dattes qui ont
été jetés dans les rues. On
fait aussi des chapelets de ces noyaux polis et
travaillés.
Le docteur E.-D. Clarke rapporte que, pendant son
séjour à Jérusalem, sa demeure
était assaillie de Juifs et
d'Arméniens qui venaient lui vendre des
paquets de boutons
fabriqués, soit de noyaux de dattes, soit
d'un bois fort dur. Il fait remarquer que la
coutume de porter des chapelets de grains, si
générale en Orient chez les personnes
d'un rang élevé, était en
usage longtemps avant l'ère
chrétienne.
La liqueur spiritueuse nommée Arack
s'obtient en perçant la spathe qui
contient les fleurs du Dattier ; il en suinte
alors un suc très doux, qu'on distille.
Hérodote, parlant du Palmier, très
commun de son temps en Assyrie, fait observer qu'il
produit du pain, du vin et du miel.
Les anciens Juifs comprenaient sous la
dénomination de miel, non seulement la
substance produite par l'abeille, mais le sirop ou
jus de la Datte ; quant au pain,
c'était probablement de la farine de Dattes
desséchées ; elle se conserve
longtemps et est précieuse pour les tribus
du désert.
La cervoise sera amère à ceux qui
la boivent
(Es. XXIV, 9), disait le
prophète, qui contemplait en vision les
désolations de la Judée. Cervoise
signifie peut-être ici vin de
Palmier ; on se procurait cette boisson,
très usitée encore dans le nord de
l'Afrique, en faisant fermenter des Dattes dans de
l'eau.
L'ancienne Jéricho était connue comme
la ville aux Palmiers, et son site
désolé a conservé encore un ou
deux de ces arbres.
La Tadmor du désert, bâtie par
Salomon, et qui fut plus tard appelée
Palmyre par les Romains, devait ses deux noms
à ses verdoyantes
plantations de Palmiers. Cet arbre était
tellement le trait caractéristique des
paysages de l'ancienne Judée, que sur des
médailles frappées par les
conquérants romains, on voyait un Palmier
à l'ombre duquel pleurait une femme assise,
type frappant de l'accomplissement des
prophéties qui menaçaient la
Judée.
Aujourd'hui le Palmier, comme la plupart des autres
arbres du pays de la promesse, a presque disparu de
la Palestine. On en trouve seulement ça et
là un ou deux qui subsistent comme pour
attester leur abondance primitive.
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