BOTANIQUE
BIBLIQUE
CHAPITRE XXI
L'Hysope
Salomon a aussi
parlé des arbres depuis le cèdre du
Liban jusqu'à l'Hysope qui sort des
murailles,
(l Rois, IV, 33.)
Ce livre de Salomon, qui eût sans doute
contribué à résoudre bien des
difficultés botaniques, ne nous est point
parvenu ; il en est de même de bien
d'autres, dont la Bible, qui se propose un but plus
élevé, et plus général
que celui de satisfaire aux investigations
scientifiques, ne nous donne que les titres ou les
sommaires.
Si nous demandons de l'Hysope à nos
droguistes ou à nos herboristes modernes,
ils nous présentent une plante
labiée, élégante et
parfumée. C'est l'Hyssopus officinalis
des botanistes ; le nom hébreu est
Ezobh.
Nous voyons que l'Hysope de l'Écriture
était employé pour
la purification de la lèpre. David dit
à Dieu : Purifie-moi de mon
péché avec l'Hysope et je serai net.
(Ps. LI, 9.)
Les anciens auteurs grecs et romains
désignent sous le nom d'Hysope la plante
ainsi nommée de nos jours ; ils la
considèrent comme possédant de
véritables propriétés
purifiantes, dont la réputation n'a pas
entièrement disparu aujourd'hui. Il est
cependant fort peu probable que notre plante soit
celle de la Bible.
En Palestine, elle ne croît pas sur les
murailles, et quoiqu'on la trouve sauvage dans
quelques parties de l'Orient, on ne l'a pas encore
observée dans la Terre-Sainte. On peut
élever la même objection à
l'égard des espèces de Romarin,
de Menthe, de Thym ou de
Marjolaine que divers auteurs prenaient pour
l'Hysope. Cependant Rosenmuller regarde l'Hysope de
la Bible comme une espèce de Marjolaine ou
d'Origan qu'il dit être aromatique,
à fleurs blanches, et appelée par les
Arabes Tatur ou Zatar.
Elle est haute d'un pied (30
centimètres) environ, ses feuilles laineuses
sont fort propres à s'imprégner d'un
liquide pour des aspersions. Mais, d'un autre
côté, cette petite plante ne saurait
fournir une tige ou une branche assez longue pour
cet usage.
Dans le récit de la crucifixion de notre
Seigneur, nous lisons : II y avait
là un vaisseau plein de vinaigre. Ils
emplirent donc de vinaigre une éponge et ils
mirent de l'Hysope autour, et la
lui présentèrent à la bouche.
(Jean XIX, 29.) Matthieu et Marc
disent que l'éponge remplie de vinaigre fut
placée sur une canne. En rapprochant ces
deux passages, des commentateurs ont conclu d'une
manière un peu hardie que cette canne devait
être la tige même de l'Hysope.
Rosenmuller ajoute à l'appui de son opinion
que cette plante aromatique, Marjolaine ou Origan,
trempée dans le vinaigre, avait
été placée au bout d'une canne
et était offerte au Seigneur pour le
soulager dans la défaillance causée
par l'affreux supplice de la croix.
Selon le docteur Kitto, l'Hysope de l'Ancien et du
Nouveau Testament serait le Phytolacca
decandra ; plante répandue en
Orient et dans l'Europe méridionale. Elle
réunit suivant lui deux des conditions
voulues : ses cendres fournissent une grande
quantité de soude, matière
purifiante, et sa tige est d'une longueur
suffisante pour l'usage indiqué dans le
récit de la crucifixion. Cette opinion nous
paraît cependant peu probable.
Le docteur Royle a examiné
dernièrement ce sujet avec beaucoup de
soin ; selon lui, l'Hysope de
l'Écriture-Sainte serait le Câprier
(Capparis spinosa) . Il cherche à le
prouver en montrant que cet arbrisseau remplit les
diverses conditions du récit
sacré.
Il doit d'abord se trouver dans toutes les
localités où la Bible mentionne
l'Hysope ; ainsi dans la Basse Égypte,
lorsque Moïse commande aux Israélites
d'en faire usage pour asperger avec le sang de
l'agneau le linteau et les poteaux des portes, lors
du passage de l'ange exterminateur
(Ex. XII, 22) ; puis à
propos de la purification des lépreux,
lorsque les Hébreux traversaient les
solitudes du Sinaï.
(Lévit. XIV, 6.) Il doit enfin
être répandu dans la Palestine et y
croître sur les murailles ; or le
Câprier est commun dans tous ces endroits et
y couvre les murs et les rochers.
En second lieu, le Psalmiste fait allusion aux
propriétés odoriférantes et
purifiantes de l'Hysope ; or,
déjà aux temps d'Hippocrate, le
Câprier était réputé les
avoir. Pline l'indique comme spécifique pour
la guérison d'une maladie assez
rapprochée de la lèpre.
Enfin les branches devaient être assez fortes
et assez longues pour fournir une espèce de
canne, et le Câprier, dans les climats
chauds, fournit des tiges qui, quoique
couchées et flexueuses, seraient à la
rigueur assez fortes pour supporter une
éponge.
Cette dernière hypothèse, quoique
ingénieuse, est loin à notre avis de
commander la conviction, et nous
préférons avec Rosenmuller chercher
l'Hysope dans une de ces Labiées aromatiques
si abondantes dans la Terre-Sainte et les pays
limitrophes.
CHAPITRE XXII
L'Almugghim
La flotte d'Hiram apporta en fort grande
abondance du bois d'Almugghim et le roi fit des
barrières de ce bois d'Almugghim pour la
maison de l'Éternel, et pour la maison
royale, et des harpes et des lyres pour les
chantres. Il n'était point verni de ce bois
d'Almugghim, on n'en avait point vu jusqu'à
ce jour-là.
(1 Rois X, 11, 12.)
Suivant le docteur Kitto, l'Almugghim de la
Bible serait une espèce de cèdre de
l'Inde (Cedrus deodora). Son bois,
très odoriférant, est assez dur pour
avoir pu servir à la fabrication des harpes,
des lyres, et des barrières du temple.
Cependant, selon d'autres auteurs,
l'Almugghim serait le Santalum album l
(1), qui produit le bois de Sandal jaune
et blanc. Il est originaire des montagnes de la
côte de Malabar et des îles de
l'Archipel indien, et peut atteindre une hauteur de
six à dix mètres (20 à 50
pieds). Ses fleurs, d'abord d'un jaune pâle,
prennent peu à peu une teinte pourpre ;
elles n'ont pas d'odeur. Son bois a toujours
été estimé
dans l'Orient pour son parfum
délicieux ; il est encore si cher, que
le possesseur d'un arbre de Sandal a rarement la
patience de lui laisser atteindre son entier
développement avant de le couper.
Santalum album
(Sandal)
Dans l'Inde et la Chine on en fait des colliers,
des éventails, des boîtes et autres
objets de luxe. Il est de longue durée, car
les insectes ne peuvent supporter son odeur. Le
goût des parfums que les Hébreux
partageaient avec d'autres peuples orientaux leur
donna l'idée d'employer ce bois odorant pour
les instruments de musique, dont les accords
devaient accompagner les louanges de
Jéhovah.
Les Chinois s'en servent pour le même usage,
et dans plusieurs endroits de l'Orient,
après l'avoir pulvérisé, on le
met dans de l'eau pour en asperger les visiteurs
d'un rang élevé.
L'huile de Sandal, employée par les Hindous
dans leurs cérémonies
idolâtres, s'obtient soit par extraction
directe, soit en parfumant de l'huile ordinaire
avec des copeaux de bois de Sandal. Les
prêtres brahmaniques font avec la poudre de
Sandal une pâte dont ils se servent pour
imprimer sur le front de leurs sectateurs la marque
distinctive de leur dieu Vischnou. Le bois de
Sandal sert encore quelquefois dans l'Orient comme
bois de construction.
CHAPITRE XXIII
Le Genêt et le Genévrier
Élie s'en alla au désert, et
il fit une journée de chemin, et
étant venu, il s'assit sous un Genêt,
et demanda que Dieu retirât son âme, et
il dit : C'est assez,
ô
Éternel, prends maintenant mon âme.
(1 Rois XIX, 4.)
C'était dans un moment de grande tristesse
spirituelle, qu'Élie adressait au Seigneur
cette prière. Il sentait le coeur lui
manquer, et, oubliant les délivrances qu'il
avait obtenues dans toute sa vie passée, il
ne pouvait plus remettre à l'Éternel
le présent ni l'avenir. Mais celui qui
entend les prières et les exauce, pardonne
à son faible serviteur et envoie son ange
pour le consoler et le relever.
Ce Genêt, appelé en arabe
Retam, paraît être le
Rétama Retam des botanistes. C'est un
bel arbrisseau, couvert de petites fleurs blanches,
papilionacées, à odeur douce ;
il croît abondamment dans les déserts
de l'Égypte et de l'Arabie
Pétrée, où il fournit un abri
aux animaux.
Ses rameaux minces et gracieux paraissent à
peine suffire pour arrêter les rayons du
soleil ; cependant, lorsqu'il prend de grandes
dimensions, son ombrage léger est bien
précieux dans les
déserts privés d'arbres.
Lord Lindsay raconte qu'il se reposa, dans son
voyage au mont Horeb, sous des bosquets de Retam
aux fleurs blanches et odorantes ; et le
docteur Kitto fait remarquer cette coïncidence
curieuse avec ce qui arriva au prophète
Élie dans le même pays. D'autres
espèces de Genêt, mais à fleurs
jaunes, abondent sur les collines de Palestine et
de Syrie.
Job parle de racines de Genévrier,
que coupent des infortunés
plongés dans la détresse, non pour se
chauffer, comme nos traductions le disent
improprement, mais pour se nourrir ; terrible
image de la misère, car il n'y a que des
gens près de périr de faim qui
puissent supporter l'amertume d'une pareille
nourriture.
David, parlant du mal causé par les fausses
lèvres, les compare à des
flèches aiguës et à
des charbons de Genièvre.
(Psaume CXX, 4.)
Jérôme et les écrivains du
Talmud ont pensé que le Genévrier
n'était autre chose que le Genêt. Il
est cependant plus naturel de croire que dans le
second passage au moins, il est question d'un vrai
Genévrier, peut-être le Juniperus
oxyedrus ou le Juniperus phoenicia,
espèces répandues dans les
régions méridionales.
La rareté du bois, dans ces contrées
arides, rend habituel l'usage de ces plantes comme
combustible, d'autant plus qu'elles brûlent
avec une grande vivacité et produisent une
grande chaleur.
On a pensé que les craquements et le
pétillement d'un pareil feu peuvent
représenter assez bien les paroles haineuses
et effrontées du calomniateur dont parle
David.
Rosenmuller cite à ce propos un proverbe
arabe qui se rapporte à l'arbre
appelé Gadha, dont le bois à
demi consumé a la propriété de
rester longtemps ardent. L'Arabe qui a à se
plaindre de quelqu'un, dit souvent :
« il a mis des charbons de Gadha dans
mon coeur ».
CHAPITRE XXIV
La Coloquinte et la Vigne sauvage
Quelqu'un sortit aux
champs pour recueillir des herbes, et il trouva de
la Vigne sauvage, et il cueillit des Coloquintes
sauvages plein sa robe ; et étant venu,
il les mit par pièces dans le pot où
était le potage, car on ne savait ce que
c'était. Et on dressa de ce potage à
quelques-uns pour en manger ; mais sitôt
qu'ils eurent mangé de ce potage, ils
s'écrièrent et dirent : Homme de
Dieu, la mort est dans ce pot ! et ils n'en
purent manger.
(2 Rois IV, 39, 40.)
Il y avait alors une famine à Guilgal. Les
fils des prophètes s'étant
réunis autour de leur maître,
attentifs à ses
enseignements sacrés, Élisée
dit a son serviteur de leur préparer quelque
nourriture. Comme aucun jardin ne pouvait leur
fournir de légumes, le serviteur alla dans
les champs, probablement pour y chercher quelques
fruits ou quelque légume sauvage.
Le choix de cet homme fut malheureux ; dans
son ignorance, il s'adressa à la
Coloquinte (Cucumis Colocynthis) (1), plante
de la famille des Cucurbitacées ;
son fruit, loin d'avoir la douceur fade des
courges et des melons, est d'une amertume
excessive ; c'est un purgatif violent, qui,
pris a une dose un peu forte, serait dangereux. On
comprend, d'après cela, quelque
exagérée qu'elle soit, l'exclamation
poussée par les jeunes disciples dès
qu'ils eurent goûté de ce mets
détestable : Homme de Dieu, la mort
est dans ce pot !
Dans les parties désertes de la Syrie, de
l'Égypte, de l'Arabie, et sur les bords de
l'Euphrate et du Tigre, la Coloquinte étend
ses tiges rampantes sur des espaces
considérables et produit un nombre
prodigieux de petites citrouilles.
« En hiver nous avons vu dit le docteur
Kitto, des espaces de plusieurs lieues couverts de
ces plantes desséchées ; les
fruits de l'été
précédent craquent sous les pieds du
voyageur et déchargent une poudre
légère. »
Cucumis
Colocynthis
(Coloquinte)
Quelques commentateurs ont cherché les
Coloquintes d'Élisée dans une autre
espèce de Concombre sauvage (Cucumis
Prophetarum), qui croît aussi dans les
déserts et a les mêmes
propriétés, mais des fruits plus
petits.
On a cru encore les retrouver dans le Concombre
à jet (Momordica Elaterium), commun
aussi dans l'Orient et l'Europe méridionale,
et dont les feuilles peuvent, jusqu'à un
certain point, être comparées à
celles de la vigne ; il porte de petits
concombres verts, couverts de poils ; à
la maturité, ils se détachent
naturellement de leur pédoncule, en
lançant au loin les graines et le jus
très amer qu'ils contiennent.
CHAPITRE XXV
Le Sycomore
Zachée monta sur
un Sycomore.
(Luc XIX, 4.)
Bahal-Haman,
Guédérite, était commis sur
les oliviers et sur les figuiers (ou Sycomores) qui
étaient à la campagne.
(1 Chron. XXVII, 28.)
Le Sycomore, ou Mûrier à
figues (Ficus Sycomorus), était, et est
encore, l'un des arbres les plus répandus en
Orient. En Égypte, il se trouve en
grande quantité le long
des grands chemins ; du Caire à
Choubrah, par exemple, on parcourt pendant plus
d'une heure une magnifique avenue de Sycomores dont
les branches, en se rejoignant au-dessus de la
route, interceptent complètement les rayons
du soleil. Les Arabes l'appellent Djummeiz,
et ils en estiment autant l'ombrage que le
fruit, qui est cependant bien inférieur
à celui du figuier ordinaire.
La Palestine n'est plus un pays d'arbres ; la
malédiction qui pèse sur cette
contrée se fait sentir sous ce rapport comme
sous tant d'autres. Cependant les voyageurs parlent
encore des Sycomores pour les avoir
rencontrés en divers endroits, entre autres
le long de la Méditerranée et dans la
vallée du Jourdain. Ils n'ont jamais
existé sur le plateau, où le climat
n'est pas assez chaud pour eux.
Peu d'arbres auraient été aussi bien
appropriés que le Sycomore au dessein de
Zachée ; la longueur des rameaux
horizontaux lui permettait de s'y étendre
facilement, d'arriver près du Sauveur, de
l'écouter et de le voir à son
aise.
Jéricho, de nos jours, est un endroit
désolé et a peine
habité ; des légendes de moines
y désignent encore un arbre comme
étant celui où monta
Zachée ; mais quelle n'est pas la
surprise du voyageur en y reconnaissant un palmier
au lieu du Sycomore dont parle le récit
biblique !
Le Sycomore est un grand arbre, dont les
branches s'étendent si
loin que sa tête, dit-on, atteint souvent un
diamètre de quarante mètres (120
pieds). Ses rameaux sont entrelacés, noueux
et couverts de feuilles allongées, tellement
semblables à celles du mûrier,
qu'elles ont fait donner à l'arbre le nom de
Mûrier à figues.
Il ne ressemble en rien à l'arbre que nous
nommons en Europe Sycomore, et qui est le Plane
(Acer Pseudoplatanus). Les fruits, d'une saveur
assez agréable, ne croissent pas sur les
jeunes rameaux, mais sortent en bouquets du tronc
et des vieilles branches. Son bois servait pour le
cercueil des momies égyptiennes. Aujourd'hui
on ne l'emploie, en Égypte et en Palestine,
que pour le chauffage.
Le prophète Amos, parlant de l'humble
condition où il se trouvait quand Dieu
l'appela à son service, dit : Je
n'étais ni prophète, ni fils de
prophète, mais j'étais un berger et
je recueillais des figues sauvages.
(Amos VII, 14.)
Recueillir devrait peut-être se rendre ici
par percer. Hasselquist a vu, pendant son
voyage en Égypte, que dès que les
figues sont longues de deux centimètres (8
à 9 lignes) environ, les cultivateurs les
percent au centre. Tant que cette opération,
dont parlent Pline et d'autres auteurs, n'est pas
faite, le fruit sécrète une grande
quantité de jus aqueux et ne mûrit
pas. Amos était sans doute employé
à pratiquer ces incisions sur les figues.
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