Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



Notre Père




Ne nous induis pas en tentation, mais délivre-nous du malin

LA dernière demande du Notre Père est plus dramatique encore que la précédente et couperait mieux qu'elle, s'il en était besoin, les ailes toujours repoussantes de notre angélisme. Est-il bien vrai qu'un chrétien, qu'un enfant de Dieu, tous les jours de sa vie sur la terre en soit là, en soit réduit à cette détresse, à cette extrémité, d'appeler au secours comme un prisonnier, comme un esclave de Satan, comme un pays occupé par une puissance étrangère ? Non, Dieu ne nous laisse pas dans cette prière oublier la réalité du monde ; et non seulement il ne nous la laisse pas oublier, mais encore il nous en révèle toute la gravité et toute l'horreur en plaçant un tel appel dans notre bouche. Si nous sommes les offenseurs de Dieu, si nous doutons de sa Parole et n'accomplissons pas sa volonté, ce n'est donc pas à cause de nos défaites et de nos faiblesses seulement, mais à cause d'un ennemi qui tient secrètement les rênes de notre vie et celles de l'histoire du monde, d'un ennemi qui a juré notre perte et celle de toute la création, d'un ennemi qui est provisoirement le Prince de ce monde.

« Ne nous induis pas en tentation ! » Jusqu'à ce que vienne le Royaume de Dieu, nous vivons dans le monde de la tentation et de l'épreuve, c'est-à-dire dans un monde où tout semble marcher comme si Dieu avait abdiqué son pouvoir dans les mains d'une puissance étrangère, comme s'il avait exaucé le désir de notre incrédulité et qu'il ne soit plus notre Seigneur. Aujourd'hui la tentation consiste, en effet, pour nous tout particulièrement dans le défi que jette chaque jour à la souveraineté de Dieu la situation du monde. Nous sommes tentés par tout ce qui se passe de contraire à la volonté de Dieu. La puissance des ténèbres, la puissance du mensonge et de la violence, la puissance de la haine et des idoles, la puissance de la maladie et de la souffrance, sont une mise à l'épreuve incessante de notre foi, un appel à douter de la bonté et de la royauté de Dieu. Certes, il y a pour nous une tentation toute particulière quand l'iniquité se déchaîne et qu'elle devient contagieuse et que le tentateur nous souffle : « Pourquoi pas ? Pourquoi ne pas laisser faire ? Pourquoi ne pas prendre ta part du butin de la violence ? Ne vois-tu pas quel est le vrai maître de ce monde, et ne veux-tu pas te ranger de son côté ? » - « Quand l'iniquité sera multipliée, la charité du plus grand nombre se refroidira », dit Jésus.

Devant la pression des circonstances, l'obéissance finit par se relâcher. Devant l'insistance des mensonges qui suintent par toutes les bouches de la presse et de la radio, le sentiment de la vérité finit par s'émousser. Il devient normal, il devient acceptable de mentir et d'être injuste, et toutes les infamies finissent par sévir dans les milieux bien pensants sous le nom de politique réaliste. Assurément, nous sommes tentés, tentés par la puissance de l'iniquité, tentés de lâcher priseet de nous abandonner au courant de ce monde. Mais nous aurions tort de penser que la tentation se limite aux périodes de souffrance et de décomposition sociale et politique. En fait, le bonheur, la paix, la tranquillité peuvent être une épreuve tout aussi dangereuse pour notre foi et nous amener, non pas tant peut-être à douter de la bonté de Dieu, qu'à l'oublier tout simplement et à nous endormir du sommeil de la mort. Ainsi la misère peut être une grande tentation, tentation d'amertume et de désespoir, mais l'argent ? Qui ne sait qu'il est par excellence l'instrument du Tentateur et son moyen suprême pour plonger les hommes dans toutes les turpitudes et les détourner du Dieu vivant ?

On ne saurait donc établir un catalogue des tentations ni même définir des zones de tentation. Tout peut servir au Malin pour nous tenter. La vie mondaine peut être une tentation, mais la vie religieuse également ; la vie d'aventures peut être une tentation, mais la vie bourgeoise aussi ; le loisir peut être une tentation, mais le travail pareillement. Ce serait une illusion de penser qu'il existe un domaine au monde où nous soyons hors de l'atteinte du Tentateur et à l'abri d'une possibilité de chute. Ce serait justement la victoire du Tentateur d'être parvenu à nous installer dans un état où nous n'aurions plus à veiller ni à combattre contre lui. Un chrétien doit savoir que dans tous les domaines et à tout instant la tentation peut venir et que le diable rôde, cherchant à le dévorer, cherchant à engloutir sa vie chrétienne d'un coup de langue. C'est pourquoi il demande à Dieu de ne pas l'induire en tentation.

Nous avons quelque peine à comprendre cette formule. Nous n'aurions pas tourné la chose ainsi. Nous eussions dit plutôt : « Ne nous laisse pas succomber » ou « épargne-nous la tentation ». Cependant Jésus nous fait dire : « Ne nous induis pas en tentation. » Car Jésus sait mieux que nous que rien n'échappe à la volonté de son Père et que justement où il nous parait que l'ennemi l'a emporté, c'est encore Lui qui l'a voulu de cette manière et pour notre bien, pour exercer notre foi et notre résistance.

Est-ce à dire que c'est Dieu qui nous tente ?... Non pas. Dieu ne tente personne, affirme l'apôtre Jacques. Dieu nous conduit seulement ici ou là dans la tentation où le Malin seul nous tente et s'efforce de nous perdre. Le rapport de ces deux puissances est parfaitement exprimé dans le récit de la tentation de Jésus où nous lisons : « L'Esprit l'emmena au désert pour y être tenté par le Diable ». C'est donc bien Dieu qui veut que son Fils soit tenté, mais c'est le Diable qui le tente, saisissant l'occasion que Dieu lui a fournie. Dire à Dieu : « Ne nous amène pas dans la tentation », c'est reconnaître que le Malin n'a pas l'initiative des opérations, mais qu'il ne peut agir que dans la limite de la liberté provisoire que lui accorde le Seigneur pour châtier et pour éprouver les hommes, qu'il ne peut nous tenter que si Dieu nous mène à lui pour cela, et qu'en dernier ressort, il ne fait que ce que Dieu veut et n'a lui-même aucun pouvoir effectif. Quand je demande : « Ne nous induis pas en tentation », je supplie donc Dieu de ne pas faire de ma vie présente, quelle qu'elle soit, le lieu de la tentation, l'occasion d'une chute ; je lui rappelle ma faiblesse et celle de mes frères, pour qu'il ne laisse pas l'ennemi s'approcher et me solliciter avec trop de force et de ruse.

Mais je ne demande pas cela à Dieu d'une manière absolue. J'ai le droit d'espérer que l'épreuve et la tentation me seront épargnées, j'ai le droit de supplier qu'une détresse excessive n'accable pas le monde plus longtemps, mais je dois savoir que Dieu voudra peut-être éprouver notre fidélité bien au delà de ce qu'elle a pu l'être jusqu'ici. Il voudra peut-être que je sois tenté de manière tout à fait imprévisible encore, c'est pourquoi j'ajoute - et cela alors d'une manière absolue : « Délivre-nous du Malin », c'est-à-dire : « Si tu juges bon qu'il me tente et porte la main sur moi, et m'assaille et m'écrase si tu juges bon de m'éprouver, accorde-moi de lui résister jusqu'au sang, de ne rien lui donner de moi-même, de n'être pas entamé par le mensonge ou le désespoir, par la soif du profit ou le goût du succès. Ne me livre pas à la puissance des ténèbres, car je n'ai rien en moi pour lui résister ; ne livre pas les peuples à leurs idoles, avec quoi s'en dégageront-ils ?... Délivre-nous du Malin ; délivre-nous de celui qui nous répète depuis le commencement que nous sommes des dieux. Délivre-nous de celui dont nous ne pouvons même pas souhaiter sincèrement être délivrés, tant notre prière et notre vie chrétienne mêmes sont soudoyées par lui. »

Vous vous souvenez du combat de Romains 7, où Paul déclare que le Malin l'a séduit par le commandement même et que ses efforts pour échapper à l'Ennemi n'ont servi qu'à resserrer ses chaînes et à faire de lui un chef-d'oeuvre d'hypocrisie et de pharisaïsme. C'était toute sa vie religieuse qui était devenue pour lui la suprême tentation, C'était son judaïsme, comme cela peut être pour nous notre protestantisme ou notre catholicisme. Oui, le Malin est embusqué à tous les détours de notre existence profane et religieuse, et nous n'avons aucun moyen de secouer nous-mêmes sa servitude, ni même d'en souffrir comme il le faudrait, puisque la séduction consiste à nous faire aimer notre esclavage, à nous le rendre acceptable, nous faire mener une vie confortable et nous empêcher d'appeler vraiment au secours. Seul, le cri de détresse : « Délivre-nous du Malin », quand il est l'appel que le Saint-Esprit met dans notre bouche, est alors l'expression véritable de notre misère, plus véritable, plus authentique que tous nos bonheurs de surface et nos libertés illusoires.

Et maintenant, nous ne pouvons demeurer sur cet appel comme s'il s'agissait là seulement d'une possibilité de délivrance, comme si c'était une conjecture et que l'on nous dise : « Essaie d'appeler au secours ; tu verras bien ce qui arrivera. » Celui qui vraiment crie au secours sait que ce secours lui est tout préparé et il en est certain comme il est certain qu'en demandant pardon, il ne demande pas un pardon problématique, mais un pardon qui lui est acquis. Ainsi notre délivrance est accomplie. Ce n'est pas une hypothèse heureuse, c'est un fait. Oui, nous savons ce que nous demandons en criant : « délivre-nous ». Dieu nous l'annonce avec une précision extraordinaire ici même à la Table Sainte.

La délivrance n'est pas je ne sais quelle issue magique, je ne sais quelle solution automatique du problème de notre vie. Ce n'est pas non plus un moyen de nous tirer d'affaire, une recette de salut. La délivrance du Malin, c'est le don que Dieu nous fait de celui qui a résisté à la tentation et qui a vaincu le Malin. La puissance de Satan ne saurait être anéantie par un coup de baguette du Tout-Puissant. Pour nous arracher à elle, il a fallu que Dieu vienne lui-même à notre place lui résister et le confondre. Il a fallu qu'il relève lui-même le défi et qu'il vienne se soumettre et s'imposer à toute la puissance de l'adversaire. Ce n'est pas du haut de sa puissance, mais du fond de notre faiblesse que Dieu pouvait vaincre le Malin. La délivrance n'est pas un éclair qui foudroie le Diable : c'est cette vie que Dieu a vécue pour nous en son Fils sur la terre, c'est cette existence terrestre de Jésus de Nazareth sur laquelle le Malin n'a eu absolument aucune prise, cette existence souverainement libre de l'Ennemi que Jésus a menée. « Il a été tenté comme nous en toutes choses sans commettre aucun péché », dit l'apôtre aux Hébreux. Et les Évangiles nous font fort bien voir le ministère de Jésus, depuis le jour de la Tentation au désert jusqu'à l'heure où les Pharisiens lui crient sur sa croix : « Si tu es le Fils de Dieu, sauve-toi toi-même », comme un acte total de résistance au Malin, comme une lutte à mort et incessante contre le Prince du monde. « Le Fils de Dieu a paru pour détruire les oeuvres du Diable », note Jean dans son épître.

Telle est donc la délivrance promise et annoncée par toute la Bible et demandée à la fin de Notre Père. Elle n'est pas sans doute celle que nous imaginions. Elle est en tout cas mille fois plus riche, plus présente, plus immédiate. Elle est le don d'une vie parfaitement délivrée du Malin, elle est le don de Jésus-Christ. C'est la réponse à notre prière. Il n'y en a pas d'autre. Il n'y aura jamais d'autre secours ni d'autre délivrance pour nous et pour le monde, aujourd'hui et dans tous les siècles que cette vie dont le pain et le vin sont les signes, cette vie toute délivrée, cette vie de liberté, de vérité et de justice, cette vie qui est la sienne propre et que Dieu, dans sa miséricorde, accorde à tous les esclaves qui l'implorent. Qui eut songé que l'exaucement était si proche ? Nous en sommes surpris et presque effrayés : Il faut quitter l'Égypte aujourd'hui même. L'agneau est immolé et l'heure de la délivrance a sonné. Tout est prêt. Mais nous, sommes-nous prêts à partir, à laisser derrière nous sans regret la maison de servitude, à abandonner notre vie de lâcheté, d'orgueil et d'incrédulité ?...

Étions-nous sincères en demandant à partir, ou exprimions-nous un désir de convention, était-ce un appel inconsidéré, une ritournelle de gens d'Eglise ? Quoi qu'il en soit, Dieu nous a pris au mot et Il est là, sur notre seuil, avec notre délivrance et notre liberté d'enfant de Dieu. En l'appelant, nous pensions sans doute avoir encore un peu de temps avant le grand embarquement, mais Dieu est là avec l'exaucement : prenez, mangez, ceci est mon corps donné pour vous.


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