Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
REGARD
Bibliothèque chrétienne online
EXAMINEZ toutes choses... RETENEZ CE QUI EST BON
- 1Thess. 5: 21 -
(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



Notre Père




Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés

ON pouvait croire que nous avions tout dit et que nous n'avions plus maintenant qu'à nous retirer, paisibles, sûrs, mais voici que deux autres demandes encore viennent éclairer d'un jour très pénible la réalité de notre vie. Nous ne pouvons pas nous retirer avant d'en avoir passé par elles. Nous ne sommes pas des mendiants corrects, des enfants pauvres qui viennent simplement demander leur pain : nous sommes tout autre chose ; et Dieu n'est pas seulement une source dont nous nous sommes éloignés et vers laquelle tout à loisir nous revenons : Dieu est une personne, sainte, royale et souveraine, il est le Père tout-puissant et le Créateur.

Imagine un instant, mon frère, qu'il existe dans ton pays un personnage semblable, un Roi qui soit en même temps le Père de son peuple, un homme dont la justice et la bonté soient sans limites, l'homme le plus honorable, le plus glorieux et le plus puissant que tu connaisses, un homme d'une majesté incomparable. Tu aurais, je suppose, quelque souci de tes relations avec un tel homme, et s'il t'arrivait de le rencontrer, tu t'efforcerais de lui laisser de toi une impression favorable. Si tu connaissais l'un de ses désirs, tu t'ingénierais à le satisfaire ; tu serais au comble du bonheur d'avoir pu lui causer quelque joie ; tu serais heureux pour longtemps si tu avais pu lui plaire ; avec quelle avidité tu entendrais un ami te dire ce que le Roi pense de ton attitude. Mais si l'on venait te dire : « Écoute, tu l'as offensé, tu l'as gravement, tu l'as mortellement offensé », quels ne seraient pas alors ta consternation et ton désespoir ! Quelle catastrophe pourrait lui être comparée, et que ne donnerais-tu pas pour effacer une telle offense ?

Nous avons offensé Dieu. Si cela vous laisse indifférents, imaginez un instant que quelqu'un vous a offensés vous-mêmes ; quelqu'un qui était votre obligé, quelqu'un sur qui vous comptiez a douté de votre parole, vous a méprisés, vous a calomniés, a abusé de vous. Si vous le lui faisiez remarquer, il prétendrait en outre que cela est faux et que d'ailleurs c'est sans importance. Nous savons bien comment nous jugerions cette personne. Il serait temps que nous sachions de même comment Dieu nous juge, car nous sommes pareils en tout point à cet homme qui nous aurait offensés.

Nous avons offensé Dieu, et nous ne cessons de l'offenser de la manière la plus fondamentale. Nous doutons de sa parole : notre incrédulité est l'offense la plus grave. Nous abusons de sa grâce et jugeons scandaleux qu'il nous la retire : notre manque de reconnaissance est l'offense la plus grave. Nous ne cessons d'être préoccupés de nous-mêmes et de tout faire tourner autour de notre chère personne : notre égoïsme est l'offense la plus grave. Nous nous croyons nos maîtres, nous cherchons en nous la source de notre vie et nous nous fabriquons nous-mêmes une justice : notre orgueil est l'offense la plus grave. Nous n'arrêtons pas de juger et de condamner des hommes au gré de nos passions : notre manque de miséricorde est l'offense la plus grave. Nous aimons mieux la paix que la justice ; nous supportons avec une facilité déconcertante la souffrance des autres ; devant les iniquités, nous nous réfugions dans un silence complice : notre lâcheté est l'offense la plus grave. Et ainsi de suite... il est interminable, ce catalogue de nos offenses, notre vie en est entièrement tissée. Notre vie (non pas notre vie de païens, mais notre vie de chrétiens) n'est qu'une longue offense faite à ce Père et à ce Créateur auquel nous adressons notre prière.

Oui, justement notre vie de chrétiens, et nous ne sommes chrétiens que dans la mesure où nous nous en rendons compte. S'il arrivait un jour que nous pensions être devenu celui qui n'offense plus son Seigneur, qui n'a plus besoin de demander pardon des offenses, c'est que nous aurions glissé hors de la foi chrétienne, nous aurions sombré dans l'illusion, dans l'angélisme le plus grave. Un chrétien n'est pas l'homme qui n'offense plus son Seigneur, mais celui qui vit dans la repentance, c'est-à-dire en souffrant profondément des offenses qu'il est impuissant à ne pas renouveler tous les jours. Jusqu'à la fin de sa vie, il ne pourra que demander pardon et vivre, non pas du fait qu'il a cessé d'offenser Dieu, mais uniquement du fait que ses offenses lui sont pardonnées, du fait que Jésus a été « livré pour ses offenses », du fait que toute cette vie d'offense qui se prolonge encore est effacée sur la Croix et ensevelie avec Jésus-Christ.

Qui donc, ayant compris que toute sa vie d'homme pécheur est une offense constamment renouvelée faite à Dieu personnellement, oserait vivre encore et se présenter devant son ennemi et espérer en être accueilli ? Si Dieu nous déclare : « En vérité, tu m'as offensé », qui pourra se tenir devant lui et ne pas sombrer dans une angoisse définitive ? Car nous sommes morts dans nos offenses petites et grandes, nous sommes en enfer devant le Roi blessé par nos offenses, nous n'avons pas les moyens de prendre devant lui une attitude qui ne soit pas elle-même une nouvelle offense, et nos attitudes les plus religieuses ne sont que des offenses religieuses. Nous n'avons pas les moyens de sortir de notre iniquité, de notre attitude blessante à son égard. Sous les dehors les plus corrects, nous sommes, perdus dans nos offenses, prisonniers de notre attitude offensante.

Mais voici, ô miracle, que Dieu met lui-même dans notre bouche ce pardon à lui demander, ce pardon d'offenses impardonnables, cet effacement d'offenses ineffaçables, ce pardon inespéré et plus nécessaire à notre coeur que l'air que nous respirons, un pardon vraiment incroyable si nous pensons à la continuelle offense contre le Roi que représente notre vie. Mais le Roi lui-même nous y pousse maintenant. Il nous attire vers lui comme un Père attire son enfant sur ses genoux et dit : « Demande-moi pardon ». C'est tout ce que Dieu nous demande aujourd'hui, peut-être même qu'il nous supplie de bien vouloir le faire, comme si c'était nous qui avions à condescendre et lui à nous supplier : « Demande-moi ce pardon qui est tout préparé dans mon coeur et que je te prie seulement de me demander en toute sincérité. Ne pense plus à tes offenses ni à la possibilité de les réparer, mais à mon pardon seulement et à ce que j'ai fait pour pouvoir te l'accorder. »

Ce serait ici le moment de rappeler le prix que Dieu a payé le pardon qu'il nous offre. Et quand il vous arrive de juger très normal que Dieu vous pardonne vos offenses, ces offenses qui vous paraissent inoffensives, souvenez-vous que notre Seigneur en porte les traces sur tout son corps. Ces offenses dont nous pensons parfois qu'« elles ne le touchent pas », qu'il est « au-dessus de ces choses », ces offenses, il en est blessé et meurtri des pieds à la tête, et la couronne d'épines, les crachats et les clous du Vendredi-Saint montrent assez clairement comment le touchent nos offenses et ce qu'elles lui font endurer. Mais il demeure sous leur poids, il les prend toutes sur lui, il n'en évite pas une, il les endure jusqu'à la mort. C'est à cette condition, c'est au prix de cette souffrance et de cette agonie que Dieu peut nous pardonner. Oui, c'est au prix de ce qu'il a souffert lui-même en Jésus-Christ de nos offenses, qu'il peut toutes les effacer et les oublier. Car on ne peut pardonner ce dont on n'a pas vraiment souffert soi-même, on ne peut pas pardonner la douleur des autres.

On n'a pas le droit d'oublier la souffrance des autres, mais seulement la sienne propre. C'est parce que, sur la Croix, Dieu est venu faire sienne toute la douleur du monde, toute l'horreur de la vie et de la mort, parce qu'il est venu en son Fils s'exposer lui-même a toutes les offenses de l'humanité, c'est à cause de cela uniquement qu'il peut tout effacer, tout oublier, tout pardonner. C'est au moment où nos offenses s'accomplissent dans la crucifixion et où le Fils de Dieu va mourir sous nos coups que notre pardon peut être demandé et obtenu : « Père, pardonne-leur. » C'est sous le coup de la plus mortelle offense que Dieu nous a pardonné, et que ce pardon alors est réel et présent, une expiation définitive, un effacement total et bienheureux de tout le mal que nous lui avons fait. C'est pourquoi ces marques de nos offenses dans sa chair sont les signes mêmes de notre pardon. Son corps est rompu et son sang versé par nos offenses et pour nos offenses. Le sang de l'agneau est répandu pour la rémission des péchés, pour le pardon des offenses. Toutes nos offenses et tout notre pardon sont dans cette coupe de la nouvelle alliance qui circule autour de la Table Sainte, où le Seigneur se révèle à nous pour jamais comme celui que nous avons offensé mortellement et qui nous a pardonné et réconciliés. « Quand nous étions les ennemis de Dieu, dit saint Paul (les offenseurs de Dieu), nous avons été réconciliés avec lui par la mort de son Fils » (Rom. 5. 6).

Ainsi nous sommes pardonnés sur la Croix, ainsi le pardon nous est acquis par la mort de Jésus. En nous disant : « demandez-moi pardon », Dieu ne nous fait pas une promesse aléatoire ou conditionnelle. Ce pardon est le coeur de ce que Dieu a préparé pour nous dès avant la fondation du monde. Ce pardon est la Révélation même de Dieu et nul ne peut connaître Dieu sans être pardonné, nul ne peut être devant lui autre chose qu'un offenseur pardonné.

Cependant, nous ne pouvons en rester là, car la prière n'en reste pas là. Elle ajoute une clause singulièrement troublante : « Comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés ». Y aurait-il donc une condition au pardon de Dieu, une possibilité de le mériter par notre manière d'être ? Beaucoup ont tenté d'éluder ce texte gênant en l'interprétant ainsi : « comme nous voulons pardonner ». Mais Jésus dit simplement : « comme nous pardonnons », et il n'est pas possible d'atténuer la rigueur de cette affirmation. Alors tout est-il compromis ? Le pardon de Dieu dépend-il de notre pardon, et le salut dépend-il de nos oeuvres ? Nous savons bien que non. Toute l'Écriture est là pour nous affirmer qu'il ne dépend que de Christ et qu'en aucune mesure nous ne contribuons à notre salut. À bien des reprises Paul répète en effet : « Comme Dieu vous a pardonné en Jésus-Christ, vous aussi pardonnez de même. »

La parabole du serviteur impitoyable nous fera très simplement comprendre le sens de cette demande. Le maître remet au serviteur sa dette, une dette incommensurable. Il la lui remet d'abord et sans condition. Mais quand, ensuite, le serviteur, en refusant de remettre à son camarade une dette infime, prouve ainsi qu'il n'a pas vraiment reçu le pardon du maître mais n'a cherché qu'à être tiré d'embarras, alors le pardon lui est retiré, ce pardon qui ne l'engageait à rien, ce pardon qui n'était qu'un heureux hasard. Donc, quand Dieu nous fait ajouter à notre demande « Comme nous pardonnons » cela veut dire qu'il y va du sérieux de notre demande, qu'il y va de la réalité de ce pardon demandé et de la puissance de ce pardon. La question n'est pas : « Est-ce que j'ai assez pardonné pour que Dieu me pardonne ? » mais : « Est-ce que je sais que le pardon que je demande à Dieu, c'est celui-là même que mon prochain attend de moi, et que je ne puis le recevoir sans l'accorder, ni l'accorder sans le recevoir, parce que c'est le même pardon. Si donc je ne pardonne pas à mon frère, si je garde ma rancune sur le coeur, si je persiste à lui en vouloir pour ses offenses, je ne puis demander sérieusement pardon à Dieu. La source même, la vérité même de ma prière est touchée. En vérité, je ne sais pas ce que je demande.

Il s'agit donc de savoir si nous demandons pardon comme on demande une satisfaction pieuse, un privilège, comme on demanderait le gros lot d'une loterie, et si nous implorons le Père que nous avons offensé comme on saisit la roue de la fortune. Si le Père nous pardonne, serait-ce comme si la chance nous favorisait, serait-ce l'heureuse issue d'une situation embarrassante ? En outre, ce pardon serait-il quelque chose qui ne nous engage pas, quelque chose qui nous arrive comme une bonne aubaine, et dont on peut jouir en tout état de cause ? Ou bien est-il le fondement même de ma vie, la puissance de mon obéissance, la racine de toute mon attitude. Oui, ce pardon que je demande, peut-il être inactif un seul instant, peut-il s'arrêter à moi et ne point passer jusqu'à mon frère. Puis-je attendre de Dieu une attitude à laquelle je me refuse vis-à-vis de mon prochain ?

« Pardonne, comme je pardonne. » En vérité, Dieu ici nous a pris au piège et a fait en sorte que la plus grande demande, la demande pour nous personnellement la plus importante, soit en même temps la plus grande exigence et nous oblige dans la mesure exacte de notre attente. Qui pourra dire : « pardonne comme nous pardonnons », sans aussitôt s'écrier : « accorde-moi de pardonner comme tu nous pardonnes ». Et c'est bien ainsi sans doute, car il faut que nous cessions de faire les fantoches et de jouer sur les mots, et de courir après des ombres. Tout ce que nous refusons d'accomplir en le demandant n'est qu'une ombre, tout ce que j'attends de Dieu n'est qu'une ombre si mon frère en ce moment ne peut l'attendre de moi. Je ne crois pas au pardon que j'implore, si, déjà, ce pardon n'a pas enlevé de mon coeur la haine et la rancune. En vérité, nous sommes pris au piège de notre prière, nous sommes arrachés à notre inconscience.

Il faudra bien que toute notre vie et toutes nos relations se déroulent à la lumière du pardon ou que cette prière nous soit retirée de la bouche. Il faudra bien, après cette accumulation d'offenses et de blessures qui remplissent le monde, que la vie des peuples se déroule sous le signe du pardon, ou que le monde renonce à jamais à vivre devant Dieu et à voir se rompre la chaîne infernale des coups donnés et des coups rendus.


Table des matières

 

- haut de page -