Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



Notre Père




Donne-nous aujourd'hui notre pain quotidien

APRÈS que les trois premières demandes nous ont convertis, c'est-à-dire tournés vers DIEU, après qu'il a fallu nous préoccuper d'abord uniquement de son Nom, de son Règne, et de sa Volonté, nous pouvons maintenant revenir à nous-mêmes et lui parler de nos besoins, à cette place seconde.

Nous pouvons opérer ce retour pleinement et franchement, dans la mesure où nous avons d'abord et sans arrière-pensée cherché la gloire de son Nom, la venue de son Royaume, et l'accomplissement de sa Volonté. Il faut que nous lui parlions de nous, ce n'est pas seulement une permission, c'est un ordre.
Et le Nom, le Règne, et la Volonté de notre Père n'auront de réalité pour nous, ne seront autre chose que des paroles pieuses, que si ce Père est maintenant Celui qui sait ce dont nous avons besoin, auquel nous pouvons ouvrir notre coeur pour lui demander tout, jusqu'aux plus minimes choses de notre subsistance ? L'humilité, l'espérance et l'obéissance qui prononçaient les trois premières demandes seraient bien théoriques si elles n'aboutissaient à cette confiance concrète et précise de l'enfant qui demande son pain quotidien et qui compte sur Dieu pour le faire vivre.

D'ailleurs, pour apprendre seulement à dire « Donne », il faut, dans notre coeur, une révolution aussi complète que pour dire « Ton Nom, Ta Volonté », il faut un coeur nouveau qui comprenne que nous n'avons rien et ne sommes rien par nous-mêmes. C'est le plus dur à consentir, mais c'est l'essentiel : que Dieu soit celui qui donne tout et l'homme celui qui reçoit tout ; consentir à n'être qu'une créature et à reconnaître que Dieu seul est Dieu, c'est-à-dire que Dieu seul peut donner, et que nous ne pouvons rien nous donner à nous-mêmes que la mort. « Qu'as-tu que tu n'aies reçu ? » Le vieil homme, le fils d'Adam qui a pris la place de Dieu, ne peut pas prononcer en vérité ce mot « Donne », parce qu'à la racine de son existence il y a l'illusion démoniaque qu'il est un petit Dieu qui vit de lui-même et pour lui-même, qui se donne à lui-même la vie et qui tire de lui-même ses possibilités d'existence. Il faut que meure l'homme né de cette promesse du serpent : « Vous serez comme Dieu », pour que la nouvelle créature, née de la Parole de Dieu, puisse alors en toute vérité, dans sa merveilleuse pauvreté, en toute confiance, dire : donne. Elle peut le dire, sans que ce soit seulement une façon de parler, car elle a été appelée hors du tombeau par la voix de son Seigneur et elle sait que son existence ne serait pas possible une seconde sans ce que Dieu lui donne. « Toutes mes sources de vie sont en toi » (Ps. 87). « Donne-nous », c'est le cri des enfants nouveau-nés dans l'Eglise, qui sortent nus et pauvres des eaux du baptême, mais qui ont pour Père le Dieu vivant dont procèdent tous les dons parfaits et les richesses infinies.
En plaçant ce mot dans notre bouche, Dieu nous rétablit donc dans notre vraie situation de créature, face à son Créateur et dans ces liens de confiance qui permettent a un enfant d'aller et venir sans souci parce qu'il sait que son Père s'occupe de lui.

Donne-nous notre pain quotidien : Dans ce mot pain, nous pouvons faire entrer tout ce dont nous avons besoin pour vivre aujourd'hui, tout ce qu'il faut à notre existence d'enfant de Dieu. D'abord, le pain tout simplement, le pain du boulanger, ce pain qu'autrefois nous ne songions même pas à demander, tant il nous était impossible de concevoir qu'il pût nous manquer ; ce pain dont aujourd'hui chaque morceau nous est plus précieux que des billets de banque.

Oui, c'est presque un lieu commun de dire que, par la force des choses, Dieu nous a redonné le sens du pain quotidien. Je n'ai pas besoin d'y insister sans doute, car cette prière, sur le seuil de la disette, nous en avons tous réappris le sens élémentaire, depuis que nous ne sommes plus les maîtres du pain, mais des serviteurs qui reçoivent leur petite part sachant qu'elle peut leur manquer comme à beaucoup d'autres ; et sans doute nulle part autant qu'à ce point précis l'intercession doit-elle se faire jour dans notre prière. Car ce n'est pas le pain de notre famille seulement que nous demandons, mais le pain de la France, et ce n'est pas le pain de la France seulement, mais celui des Grecs, celui des Belges, celui des Norvégiens, celui des Chinois, celui de tous les affamés de la terre : Il n'est donc pas possible de dire : Donne-nous notre pain et de consentir en même temps à ce que les slogans de l'égoïsme le plus cynique empoisonnent l'âme de notre peuple et qu'on aille répétant : « La France seule » comme s'il importait peu que le monde entier crève à condition que la France s'en tire.

En demandant « notre pain », nous le demandons pour tous les peuples qui ont besoin de pain, pour toutes les créatures du Père, sinon notre prière n'est pas celle de l'amour, mais celle de l'égoïsme et notre pain sera un pain maudit, et la France seule ne sera plus la France.
Cette demande de la nourriture quotidienne est avant tout, pour quiconque ne la prononce pas à la légère, une décharge immense, miraculeuse du souci de la vie. Cette prière est le seul moyen que nous ayons d'obéir au commandement réitéré du sermon sur la montagne : « Ne vous mettez pas en souci », repris par l'apôtre Pierre : « Déchargez-vous sur lui de tous vos soucis, car lui-même prend soin de vous ».

On sera tenté, je le sais bien, d'estimer qu'un tel commandement est facile à suivre pour les gens aisés qui généralement échappent aux soucis du pain quotidien, et de croire que Dieu s'occupe d'eux parce qu'ils sont déjà pourvus. Il nous faut pourtant remarquer que la foule à laquelle Jésus s'adresse pour lui enseigner à « regarder comment croissent les lys des champs » était composée de ceux-là même qui avaient le plus de raison de se faire du souci, de ces malheureux dont le lendemain n'était pas assuré, et qui devaient apprendre, au prix d'un pur acte de foi, à n'attendre que de Dieu leur subsistance. De sorte qu'il ne s'agit pas pour nous de renvoyer à des temps plus normaux l'obéissance à ce commandement : « Ne vous mettez pas en souci », mais de savoir qu'un tel commandement ne nous est jamais aussi nécessaire, ni aussi urgent, que dans les jours où les soucis nous assiègent. Il n'est pas question de demander une vie sans souci, mais une vie dont les soucis soient portés par Dieu lui-même, une vie que Jésus-Christ a prise en charge jusque dans ses moindres détails, une vie où, derrière les apparences du hasard, nous découvrirons les intentions paternelles de Dieu.

Il est évident que le pain quotidien ne désigne pas seulement la table mise et la possibilité de restaurer notre corps ; nous avons d'autres besoins aussi urgents que celui du pain et tous ces besoins doivent prendre place dans la prière. Elles sont multiples et variées infiniment, ces nourritures terrestres que nous attendons du Père et sans lesquelles nous ne pouvons pas vivre ; ne faut-il pas que notre coeur et notre intelligence soient restaurés aussi ? Je pense en premier lieu au pain de l'amitié, au pain de l'affection humaine. Il est affreux de manquer de ce pain-là, de vivre solitaire, et le trésor des affections humaines est le plus légitime et le plus indispensable de la terre. C'est à Dieu que nous demanderons nos amis de chaque jour. - Je pense également au pain de l'amour conjugal, de l'entente conjugale. Vous savez quel enfer devient la vie si ce pain-là vient à manquer. Or, vous ne vous le procurerez pas vous-mêmes, vous ne le conserverez pas vous-mêmes. Il faut que nous demandions chaque jour la paix de notre foyer.

La santé est un autre pain nécessaire que nous implorons pour nous et pour tous les malades, comme la force et la joie de vivre, oui, la joie de vivre, la joie d'être un homme, d'être une créature vivante avec des yeux d'enfant qui s'ouvrent à nouveau chaque matin sur la splendeur du monde. Joie de vivre, pain nécessaire à tous ceux que leurs idoles ont rendus moroses et que ronge l'ennui d'une vie qui n'est point à la gloire de Dieu.

Notre pain quotidien, c'est encore la culture, cette nourriture indispensable à notre esprit que constituent la poésie, la musique, la peinture. Dieu sait que nous avons besoin de cela aussi.

Le pain quotidien, c'est encore et peut-être avant tout, nous semble-t-il, la liberté avec une certaine atmosphère de confiance et un régime de vérité et de justice, hors de quoi rien n'a de goût et rien de valable ne peut être entrepris. Que devient le monde sans ce pain-là ? Ah ! le pain quotidien des peuples, le besoin essentiel des peuples, aujourd'hui, nous savons bien que c'est d'être délivrés de l'oppresseur autant que de la famine, du mensonge autant que de la misère !

Le pain quotidien représente donc toutes les valeurs humaines, le droit, la liberté, l'ordre, la confiance et la loyauté, sans lesquelles la vie se décompose en une angoisse infernale. Que tout cela soit demandé jour après jour puisque nous savons maintenant que nous pouvons le perdre et ce que c'est que de perdre la liberté, avec l'honneur et la justice. Nous savons que tous ces biens étaient des dons de la grâce du Père, dons prodigieux dont nous ne nous sommes pas souciés et que nous avons gaspillés et maintenant nous disons : « Donne-nous aussi ce pain-là, car sans lui nous étouffons, rends-nous la liberté et rends-nous dignes d'elle. Nous ne pouvons plus vivre sans la possibilité d'appeler mensonge un mensonge et vérité la vérité. »

Jusqu'ici nous avons parlé du pain de la terre, exclusivement. Car depuis le morceau de pain jusqu'aux plus hautes nourritures de l'esprit, il s'agit de nourritures terrestres et non pas de nourritures célestes. Mais il y a maintenant face à tout ce que nous avons dit, face à tous les pains de la terre et les transcendant absolument, le Pain du Ciel, la nourriture céleste, la Parole de vie. L'homme ne vit pas seulement de pain, même du pain le plus spirituel et le plus élevé, il ne vit pas seulement de la culture, de l'amitié et de la liberté humaine, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. Le besoin fondamental et premier de toute créature est d'entendre la parole de son Créateur, de l'entendre jour après jour et d'en vivre. Lorsque nous demandons : « Donne-nous notre pain quotidien », c'est donc cela que nous comprenons aussi, le pain du Ciel, le pain de Vie, le pain de la Cène ; car le pain de la terre qui restaurera notre corps et notre esprit n'est là que pour cet autre pain qui fait vivre notre foi. Si nous subsistons, jour après jour, c'est pour pouvoir entendre l'Évangile, si nous mangeons de ce pain après lequel nous avons encore faim, c'est pour pouvoir manger l'autre pain après lequel nous n'aurons plus jamais faim. Il nous faut une ration quotidienne de pain de vie.
Cette demande est alors comme un engagement vis-à-vis de l'Eglise et de la Bible.

Puisque le pain du Ciel ne nous est pas dispensé n'importe où, mais d'une façon très précise et particulière dans l'Écriture sainte et dans l"Église fidèle à l'Ecriture, en demandant ce pain, nous nous engageons à le prendre là où il nous est tendu ; nous demandons en particulier que la prédication du dimanche soit vraiment le pain de notre semaine, la nourriture sur laquelle nous vivrons pendant cette semaine, nous demandons que le pasteur ne nous donne pas des pierres au lieu de pain, ni de l'eau sucrée au lieu de pain, ni des nuages au lieu de pain, mais simplement le pain nécessaire à notre foi et à notre obéissance de la semaine, ni plus, ni moins. Et nous viendrons chercher ce pain, nous ne trouverons nulle excuse à le négliger, sinon quelle hypocrisie serait notre prière, si nous dédaignions ce que nous avons demandé !

Nous demandons pareillement que la lecture journalière de la Bible nous soit un pain vivant, une force pour la journée, et nous nous engageons par là même à faire cette lecture, à saisir le pain qui nous est tendu.

Tout ce pain, pain de la terre et pain du Ciel, nous le demandons aujourd'hui et pour aujourd'hui, car Dieu est le Dieu d'aujourd'hui, l'Éternel est présent ou n'est pas notre Dieu. C'est à lui qu'aujourd'hui nous nous adressons parce qu'on ne peut pas séparer ses dons de lui, on ne peut jouir de ses dons sans lui, on ne peut conserver sa parole sans lui. Nous ne cherchons pas les dons, nous cherchons Celui qui donne.


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