Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



Notre Père




Car c'est à toi qu'appartiennent, dans tous les siècles, le règne, la puissance et la gloire. Amen

LA doxologie qui termine le Notre Père n'est sans doute pas de la bouche du Seigneur. Elle est la profession de foi que l'Eglise primitive a ajoutée à la prière qui lui fut transmise. Elle est le sceau de son adoration, elle marque son intégration dans la prière. Elle dit bien l'esprit dans lequel l'Eglise a recueilli un tel enseignement et dans lequel nous avons tous en tant qu'Eglise a le recevoir. Et il est bon qu'après nous être préoccupés de notre pain, de notre pardon et de notre délivrance, avant de nous retirer, nos visages une dernière fois se tournent vers Celui que nous implorons, parce que notre prière en elle-même, pas plus que notre foi, n'a la moindre importance. Ce qui importe, c'est Celui que nous prions, Celui en qui nous croyons.

Ne vous attachez pas à votre prière, ni à votre foi, mais à Celui qui vous entend et qui vous exauce. Laissez de côté maintenant toute affirmation de ce que vous êtes ou n'êtes pas, de ce que vous demandez ou craignez, pour n'affirmer qu'une chose, ce qu'il est lui, et Lui seul. Comment une prière pourrait-elle se terminer sans cet acte d'adoration, c'est-à-dire de reconnaissance émerveillée de la divinité de Dieu et du mystère de sa souveraineté. Il y a certes un danger grossier quand on prie, qui est de ne pas penser à ce qu'on dit, et d'être un automate. J'espère que vous avez tous la volonté et les moyens de réagir avec la dernière énergie contre la distraction incurable et scandaleuse de notre nature.

Mais, il y a un autre danger beaucoup moins sensible et beaucoup plus général, qui est de bien penser à ce qu'on dit, mais pas du tout à Celui à qui on le dit, et par conséquent de prononcer consciencieusement un monologue, de parler pour soi-même et d'appeler dans le vide. La meilleure, la plus fervente prière peut être une prière sans Dieu, où l'homme s'épanche en lui-même, s'apitoie sur lui-même et se soulage en quelque sorte par sa prière. Il faut veiller avec le plus grand soin à n'être rien qu'un homme qui prie et en aucune façon un Dieu qui écoute et qui exauce sa propre prière. Il faut à tout prix que nous soyons en face de Dieu et non point en face de nous-même; que nous poursuivions un dialogue et non pas que nous soyons le païen qui prête à son idole sa propre voix. Il ne faut pas nous retirer sans nous être placés une dernière et décisive fois devant Dieu. Il faut dire vraiment : « C'est à Toi ». Notre existence authentique, notre personnalité véritable n'existe que dans ce « Toi » que nous prononçons. Car nous avons été créés et nous avons été sauvés pour cela seulement, pour servir à Dieu de vis-à-vis, de face à face et pour lui dire : « Toi, c'est Toi, Tu es mon Dieu. » Nous avons été créés et sauvés pour reconnaître ainsi la divinité de Dieu, pour la louer et pour l'adorer, pour lui répondre et nous adresser à elle. Nous ne sommes vivants, nous ne sommes nous-mêmes qu'en prononçant dans la foi ce « Toi » qui constitue notre présence devant Dieu.

Notre prière n'est qu'un soliloque de fantôme si elle ne s'incarne pas tout entière une dernière fois dans cette reconnaissance et cette adoration : C'est à toi qu'appartiennent... Il semble que toutes nos demandes soient englouties dans cette constatation. Si nous ne mentons pas, si nous ne faisons pas d'inflation verbale en déclarant que le règne, la puissance et la gloire sont à Dieu, à Dieu dès maintenant, à Dieu pour toujours, et non pas à quelque chef que ce soit, et non pas à quelque peuple que ce soit, mais à Dieu seul, Père, Fils et Saint-Esprit, si nous le reconnaissons vraiment, pouvons-nous ne pas être aussitôt transportés dans une paix qui surpasse toute intelligence et dans une certitude indescriptible ?...

Ce n'est pas que notre vie en soit changée. Nous ne sommes que des malheureux sans pain, sans pardon, et sans liberté. Mais tout est changé parce que Dieu est là avec sa puissance et sa gloire, qui peut ce qu'il veut, et quand il le veut, qui, déjà, en secret, nous a accordé tout ce que nous lui demandons, et qui, au dernier jour, nous l'accordera ouvertement, car « il peut faire, par la puissance qui agit en nous, infiniment au delà de ce que nous demandons et pensons. »

Il faut que notre prière commence, finisse et se déroule dans cette certitude prodigieuse, scandaleuse, dangereuse même, si l'on y réfléchit, puisque nous décernons à Dieu des attributs auxquels prétendent désespérément les puissances de ce monde et vers lesquels chacun de nous tend par toutes les fibres de sa nature. C'est parce que nous ne pouvons nous empêcher de convoiter cette force et cette gloire, c'est parce que toute notre vie est dominée par cette convoitise que nous sommes impuissants à résister aux tyrans et aux usurpateurs. C'est parce que nous sommes tous de petits tyrans et de petits potentats que les grandes tyrannies et les grandes puissances découvrent une complicité universelle et se déchaînent dans le monde. C'est parce que la soif du pouvoir nous dévore secrètement que nous sommes sans force devant la brutalité et le cynisme d'un bon nombre d'hommes qui paraissent tenir les rênes de l'histoire.

L'anarchie foncière de notre époque, c'est-à-dire le fait que des hommes, par millions, sont prêts à suivre n'importe qui, pour faire n'importe quoi, qu'ils poussent même l'audace jusqu'à baptiser discipline, ordre et obéissance cette abdication démoniaque de leur vocation d'hommes et de leur responsabilité, et trouvent moyen d'ériger en vertu cet aveuglement volontaire, - n'est-il pas des gens pour vous demander de marcher en fermant les yeux comme des automates ou des crétins, comme si le devoir élémentaire de la foi n'était pas de confronter tout ordre humain avec l'ordre de Dieu et pour cela d'ouvrir des yeux attentifs et de demander le discernement nécessaire - oui, cet état d'anarchie et de décomposition politique, sociale et morale dans lequel nous vivons, tout cela n'est rien d'autre que le fruit direct et fatal de notre usurpation secrète de la puissance et de la gloire de Dieu. Il est impossible qu'un monde d'usurpateurs, un monde composé d'hommes qui s'attribuent le règne et la place du Créateur, qui convoitent sa puissance, puisse finir autrement que dans cette anarchie, dans cet aveuglement et dans cette turpitude.

C'est pourquoi le salut accompli en Jésus-Christ s'élabore dans notre prière. Tout, absolument tout dans le monde d'aujourd'hui et de demain et d'après-demain, dépend de la manière vraie ou fausse dont nous reconnaîtrons que le règne et la gloire sont à Dieu, et où nous subordonnerons tout à cette connaissance. Ce qui revient à dire que tout dépend de la manière dont nous prierons et dont notre prière témoignera d'une authentique adoration et d'une repentance de tout notre être.

C'est là le dernier mot : que Dieu soit reconnu pour ce qu'il est. Nous sommes sauvés, nous avons la vie éternelle, nous avons tout ce que nous demandons et bien au delà, dans la mesure où Dieu possède en vérité pour nous la force et la gloire, dans la mesure où il règne et où nous cessons de revendiquer quoi que ce soit de cette gloire.

Maintenant donc, notre joie, notre paix, le sens de notre destinée sont contenus dans ce fait que Dieu règne et que nous existons uniquement pour célébrer sa gloire, c'est-à-dire la perfection infinie de tout ce qu'il fait et de tout ce qu'il est, de son amour, de sa justice et de sa puissance. Il n'est pas d'autre but à quoi que ce soit, que celui-ci : glorifier Dieu. Si nous dormons et si nous travaillons, si nous réfléchissons et si nous parlons, si nous mangeons et si nous jouons, c'est pour la gloire de Dieu. Si nous prions et si nous l'écoutons en ce moment c'est pour sa gloire, pour être un écho, pour être un reflet de sa gloire. Nous ne manquerons de rien si nous savons cela. Tout ce qui nous manque n'est jamais qu'une méconnaissance de sa gloire. Il suffirait donc en ce moment à n'importe qui de tourner la tête et d'ouvrir les yeux pour connaître le sens de sa vie et pour entrer dans la plénitude.

La béatitude éternelle est à la distance de nos paupières qui se lèvent sur la gloire du Seigneur et des paroles que nous prononçons à la fin de notre prière. Il suffit que nous soyons présents dans ces paroles, il suffit que notre coeur suive nos lèvres, et que notre vie ne s'écoule pas plus longtemps sous la menace du prophète : « Ce peuple m'honore des lèvres, mais son coeur est éloigné de moi. Son coeur n'est pas dans ce qu'il dit. » Il faut seulement que nous ne restions pas à côté de notre prière, retenus en dehors d'elle par la renommée des autres dieux. Si nous prions en vérité, nous n'avons alors qu'un seul souci : celui de la renommée de Dieu, celui du retentissement que doit avoir sur toute la terre le miracle de son amour et de notre salut. Car, dit saint Paul, « nous avons été rendus participants de l'héritage, afin que nous servions à célébrer sa gloire ». Aussi la prière des héritiers du Royaume finit-elle dans cette célébration qui est le but de tout ce que Dieu a accompli pour eux, qui est la raison d'être de leur vie dans l'Eglise.

Nous avons terminé cette étude de la prière du Seigneur. Peut-être resterait-il quelques conseils pratiques à recevoir sur l'utilisation de cette prière. Sans doute, il serait bon que chaque jour nous trouvions le moyen de l'adresser à Dieu du fond de notre coeur ; toutefois, mieux vaut l'oublier quelques jours que de risquer qu'elle devienne une récitation vidée de son contenu. Mieux vaut taire le nom de Dieu que de le prendre en vain. Nous nous sommes arrêté longuement sur ce texte pour qu'il ne demeure pas un lieu commun de la piété chrétienne, mais qu'il reste au contraire, pour nous tous et pour chaque jour de notre vie, dans la servitude et la liberté, dans le bonheur et dans l'épreuve, l'expression véritable de notre coeur d'enfant de Dieu.


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