LE
SALUT DE DIEU
FEUILLE CONSACRÉE À
L'ÉVANGÉLISATION
VOL. II
SIXIÈME
ANNÉE 1879
CORRESPONDANCE.
Question. - Dans le
chap. III des Lamentations, vers.
27, que veut dire « porter le
joug » ; et en quoi cela
diffère-t-il du « joug »
dans
Matthieu XI, 29, 30 ?
Réponse. - Les grands principes des
voies de Dieu enversl'homme, que
nous trouvons dans l'Ancien Testament, sont vrais,
quelle que soit la forme spéciale de la
« dispensation » sous laquelle
on vit. Bien loin de perdre leur valeur sous la
dispensation chrétienne où
nous sommes, ils ont une double application :
d'abord ils nous font comprendre comment Dieu agit
dans son gouvernement ; ensuite ils nous
donnent l'intelligence du sentier dans lequel a
toujours marché, en Homme divinement
parfait, Celui qui est à la fois notre
modèle et notre Seigneur, savoir
Jésus-Christ : car, ainsi qu'il le
montre, toute la parole de Dieu se rapporte
à Lui
(Luc XXIV, 27,
44).
« C'est une chose bonne que l'homme porte
le joug en sa jeunesse ». Voilà le
grand principe moral. « La
jeunesse » est, en effet, le moment
propice et ordonné de Dieu pour apprendre
l'obéissance. (Comparez le livre des
Proverbes, surtout
chap. I-IV ;
VIII ; X, 1, etc.). Que de peines, que
d'expériences pénibles sont
évitées lorsqu'on apprend jeune cette
précieuse leçon ! Si l'on a
été habitué « au
joug » dès l'enfance, combien plus
faciles deviennent les leçons de la vie,
combien est-on plus apte à en
profiter !
Voyez, ensuite, dans l'Évangile de Luc, la
gloire morale de Celui qui, par sa sagesse à
l'âge de douze ans, étonnait les
docteurs dans le temple à Jérusalem,
mais qui était pourtant
« soumis » à ses parents
(chap. II, 41-52). Contemplez
là le « joug » que
portait de si bon coeur Celui qui est venu pour
faire la volonté de Dieu, Celui qui,
« étant en forme de
Dieu, » n'avait pas été
dans la position d'obéir, mais qui
« s'est anéanti Lui-même,
prenant la forme d'esclave », afin de se
trouver dans la plénitude de sa grâce
à côté de nous dans ce monde de
souffrance et de misère, et nous apprendre
à être parfaits eu tout, dans le
sentier de l'obéissance. « II a
appris l'obéissance par les choses qu'il a
souffertes » ; II a souffert
étant tenté ; par
conséquent II est à même de
secourir ceux qui sont tentés. Dans le
sentier de l'obéissance, le chrétien
n'est pas seul ; il y trouve, pendant toute la
durée de sa course, la force et
l'encouragement que donne la sympathie de
Jésus.
Paul désirait connaître Christ en
souffrant avec Lui dans ce sentier céleste
à travers la terre
(Philippiens III). Nous aussi, nous
avons à apprendre de Celui qui a
toujours été débonnaire et
humble de coeur, en portant son joug dans les
détails journaliers d'une vie
dévouée au Seigneur, Lui étant
soumis en toutes choses. Nous jouirons ainsi de ce
« repos de l'âme » que
l'on ne trouve qu'en suivant de près Celui
qui faisait toujours ce qui était
agréable à son Père. On
possède ainsi une joie céleste qui
inonde le coeur et fait éprouver en pratique
que « son joug est aisé et son
fardeau léger. »
CE QUI MET DE LA
DIFFÉRENCE
« Afin que vous sachiez
que Dieu aura mis
de la différence entre les Égyptiens et les
Israélites »
(Exode XI, 7.)
Lecteur, c'est à la veille d'une nuit
solennelle et à jamais mémorable que
ces paroles furent prononcées. L'ange
destructeur allait passer à travers le pays
d'Égypte et frapper de mort tout
premier-né dans chaque maison.
Mais, à côté des
Égyptiens, vivant à leur porte, se
trouvait un autre peuple, qui, dans une
sécurité parfaite, voyait sans
terreur passer devant lui le jugement de Dieu.
D'où venait cette différence ?
Était-ce de l'état moral de ces deux
peuples ?
Les Égyptiens étaient-ils plus
méchants que les Israélites ?
Non : aux yeux des hommes, c'était un
peuple industrieux, instruit, soumis aux lois,
renommé dans l'antiquité pour sa
sagesse et son respect pour la religion de ses
pères.
Ou bien les Israélites étaient-ils si
excellents, que la faveur de Dieu devait
nécessairement reposer sur eux ?
Nullement. Leur histoire prouve que c'était
un peuple méchant, rebelle à son
Dieu, toujours prêt à toute
espèce de mal, malgré les faveurs
signalées dont il était l'objet.
Ainsi, l'état moral de ces deux peuples ne
saurait expliquer la différence que Dieu met
entre eux. Au contraire, à vues humaines, si
quelqu'un devait être épargné,
c'étaient bien plutôt les
Égyptiens.
Et si nous nous plaçons au point de vue
deDieu, dont les yeux sont trop
purs pour voir le mal, qui ne juge pas sur
l'apparence, mais qui sonde les coeurs et les
reins, et qui connaît les choses dans toute
leur réalité intime,
qu'apprendrons-nous ? C'est que, quant
à l'état moral, devant Lui,
« il n'y a pas de différence, car
tous ont péché et n'atteignent pas
à la gloire de Dieu. » Toute
bouche est fermée, et tout le monde coupable
devant Lui
(Romains III, 19, 23).
D'où vient donc la différence que
Dieu Lui-même met entre eux ? Y a-t-il
de l'injustice en Lui ? Agit-Il par caprice ou
d'après une volonté arbitraire ?
Loin de nous une telle pensée ! Dieu ne
peut agir que selon la perfection de son
caractère et en maintenant l'harmonie la
plus entière entre ses divers attributs.
S'il frappe les uns et épargne les autres,
c'est avec la plus stricte justice.
D'où vient donc la différence ?
demandera-t-on encore. D'une seule chose, lecteur,
d'une chose établie sans doute suivant la
grâce souveraine de Dieu, mais où
brille aussi Sa justice : - Le sang de
l'agneau immolé par l'ordre de Dieu, et qui
était placé sur la porte des maisons
des Israélites, voilà ce qui les
abritait contre un jugement que leur état
moral n'aurait pas détourné
d'eux.
La mort, selon la justice de Dieu, devait frapper
chez eux comme chez les Égyptiens, parce
qu'ils étaient pécheurs, mais la mort
d'une victime immolée pour eux, la foi en la
parole de l'Éternel qui leur avait dit de
mettre le sang surleurs portes,
voilà ce qui plaçait les
Israélites dans une sécurité
parfaite.
Lecteur, le savez-vous ? Sur ce monde au
milieu duquel vous vivez, dans lequel les yeux de
Dieu ne voient pas un juste, sur ce monde
pécheur dont vous faites partie, est
suspendu le jugement de Dieu, bien plus terrible
que celui dont II frappa l'Égypte.
« Tous ont
péché ». -
« Toute bouche est fermée, tout le
monde est coupable devant Dieu ».
Et cependant, comme autrefois, Dieu met encore
« de la différence ». Au
milieu de ce monde, tout près de vous,
conversant avec vous, mais n'étant pas du
monde, il y a un heureux peuple qui, par
lui-même, ne vaut pas mieux que les autres,
sans doute, mais qui est dans une
sécurité entière, et qui,
devant le Dieu trois fois saint, peut dire :
« II n'y a pas de
condamnation » (Voyez
Romains VIII, 1).
D'où vient cette bienheureuse position, qui
permet à ceux qui s'y trouvent de jouir
d'une paix parfaite devant le redoutable avenir qui
attend un monde coupable ? (Lisez
2 Thessaloniciens I.) C'est Dieu
encore qui, dans sa grâce, met cette
« différence », et qui
le fait avec justice.
L'Agneau de Dieu, Celui que préfigurait
l'agneau pascal, le Seigneur Jésus-Christ, a
été immolé ; son sang a
été versé sur la croix pour
satisfaire par la mort à la justice de Dieu,
et maintenant Dieu, en restant juste et dans tous
les droits de sa stricte justice, justifie celui
qui croit au Seigneur Jésus, dont le sang le
purifie detout
péché. Celui-là ne viendra pas
en jugement
(Jean V, 24).
Lecteur, êtes-vous à l'abri du
jugement par la foi en ce sang
précieux ? Est-il placé sur le
linteau de votre porte, c'est-à-dire,
avez-vous reçu le témoignage que Dieu
rend au sujet de son Fils ? Il a dit :
« Qui croit au Fils a la vie
éternelle, mais qui désobéit
au Fils ne verra pas la vie ; mais la
colère de Dieu demeure sur lui »
(Jean III, 36).
Pouvez-vous, dans une sécurité
parfaite, regarder vers ce moment où le
Seigneur Jésus sera
révélé « du ciel
avec les anges de sa puissance, en flammes de feu,
" exerçant la vengeance contre ceux qui ne
connaissent pas Dieu, et contre ceux qui
n'obéissent pas à l'Évangile
de notre Seigneur Jésus-Christ ;
lesquels subiront le châtiment d'une
destruction éternelle de devant la
présence du Seigneur et de devant la gloire
de sa force »
(2 Thessaloniciens I, 7-9) ?
Lecteur, aussi vrai que, dans les âges
passés, Dieu a exercé son jugement
sur ceux qui s'opposaient à Lui, aussi vrai
est-il que bientôt aura lieu ce jugement
terrible que vous venez de lire. « Les
cieux et la terre de maintenant sont
réservés par sa parole pour le feu,
gardés pour le jour du jugement et de la
destruction des hommes impies » (2 Pierre
III, 7). Mais écoutez encore un mot. Il n'y
a pas de différence morale entre les hommes
aux yeux de la sainteté de Dieu, c'est
vrai ; mais Lui-même met avec justice
une différence entre ceux qui croient et
ceux qui necroient pas.
Pensée bénie ! et puisse-t-elle
entrer dans votre coeur ! Nul n'est
exclu : pas plus que la sainteté
absolue, la grâce ne met pas de
différence entre les hommes, car
« TOUS ont
péché » ; en sorte
que, maintenant encore, en attendant le jour si
proche du jugement, il est dit :
« QUICONQUE INVOQUERA LE NOM DU SEIGNEUR
SERA SAUVÉ »
(Romains X, 13).
CONVERSION DE MADAME G.
RACONTÉE PAR ELLE-MÊME
II y a douze ans, chère amie, que j'ai
perdu mon mari. Non, je ne l'ai pas perdu, il n'est
pas perdu ; mais si, moi, j'étais morte
une heure avant lui, j'étais perdue pour
toujours. Mais le Seigneur m'a
épargnée. Il a ouvert mes yeux.
Une après-midi, mon mari et moi nous
prenions le thé ensemble dans cette petite
chambre. Il parlait du Seigneur et s'attristait
à mon sujet, comme il l'avait fait souvent
auparavant.
- N'est-ce pas une chose terrible, ma chère,
me dit-il, de penser que moi je serai au ciel et
toi en enfer ?
- Certainement je ne vais pas en enfer,
répondis-je.
- Oui, vraiment tu y vas, ma chère : il
n'y a rien au monde qui puisse t'arrêter,
rien pour t'empêcher d'y aller.
- Oh ! tu me menaces toujours du diable; mais
il ne me tient pas, et il ne m'aura pas du
tout.
- Ah ! certes, il te tient, et il
t'aura ; qu'est-ce qui pourrait l'en
empêcher ?
- Et toi, n'iras-tu pas aussi en enfer ?
- Non, ma chère, assurément
non ; car Jésus est mort pour moi. Tous
mes péchés ont été
effacés par son précieux sang.
Et il commença à chanter son cantique
favori :
Lavés dans ton sang,
ô Jésus !
Ils sont blanchis, sans nulle tache ;
Ils étaient autrefois perdus,
Mais maintenant ton sein les cache.
- Et n'est-ce pas pour moi aussi bien que pour
toi ? lui dis-je, après avoir
écouté un moment.
- Certainement, fut sa réponse.
- Et ce sang n'effacera-t-il pas mes
péchés ?
- Oh ! oui, ma chère.
- Eh bien ! quand le brigand qui avait
insulté et renié le Seigneur sur la
croix, lui dit : « Souviens-toi de
moi », ne reçut-il pas cette
réponse : « Aujourd'hui tu
seras avec moi dans le
paradis ? »
- C'est vrai.
- Ne veut-Il donc pas me prendre là
aussi ?
- Il le fera si tu te confies en Lui.
- Eh bien, c'est ce que je fais de tout mon coeur,
dis-je.
- En es-tu bien sûre ?
- Tout à fait sûre et
certaine.
- Que le Seigneur en soit loué, dit-il,
alors nous ne serons pas séparés,
après tout. Oh ! comme je serai content
de te voir arriver
là-haut !
- Peut-être bien y serai-je avant toi.
- Oh ! non, j'y arriverai le premier.
- Mon mari ne se portait pas très bien, mais
il n'y avait, à notre connaissance, rien de
sérieux dans son état de
santé.
Il se tenait debout devant la fenêtre,
regardant de l'autre côté de la cour,
quand tout à coup il s'écria :
Qu'est-ce que cette lumière, ma
chère ?
- Quelle lumière ? lui dis-je. Je ne
vois point de lumière.
- Oui, il y a une grande lumière
là-bas.
- Ce sont peut-être les
réverbères dans la cour,
répondis-je. Je vais aller voir.
J'allai donc jusqu'à la porte, mais je ne
vis rien, et je commençai à me sentir
mal à l'aise. Comme je rentrais dans la
chambre, mon cher mari se retourna, m'appela :
« Marie ! » et tomba mort
sans ajouter un seul mot.
Il y a douze ans de cela, chère amie. Depuis
ce moment où j'ai connu le Seigneur, II ne
m'a jamais laissé manquer de rien. Je ne
suis pas arrivée où en était
l'Apôtre, qui pouvait dire :
« Je sais avoir faim », car le
Seigneur n'a pas éprouvé ma foi
jusque-là. Je ne pourrais peut-être
pas le supporter. Lui sait ce dont nous sommes
capables.
Durant ces douze aimées, je n'ai pas eu
douze minutes de besoin. J'ai perdu la vue, et
quand je suis assise ici toute seule, - mais non,
je ne suis jamais seule, je pense à ce
précieux Sauveur et Seigneur ; je Le
suis depuis la crèche jusqu'à la
croix, où je Le vois ; ah ! non,
ce n'estpas cela, II n'est plus
sur la croix : c'est dans la gloire que je Le
vois.
LES DEUX CHEMINS
Vois-tu ces deux chemins qui
partent de la terre
Et dont le cours s'étend jusqu'à
l'éternité ?
L'un, large, spacieux, l'autre étroit,
solitaire,
Mais rayonnant toujours d'une vive
clarté.
L'un, sentier séduisant, que le monde
préfère,
Lui dérobant toujours ses pièges sous
des fleurs,
Lui voilant un abîme, un gouffre de
misère,
Et par de vains plaisirs trompant les
voyageurs.
L'autre, sentier béni, promettant la
victoire,
Mais plaçant devant eux les luttes, les
combats ;
Dans ce chemin la croix, mais pour terme la
gloire ;
Jamais de faux plaisirs, ni d'écueils sous
les pas.
Dans le large chemin, avec quelle assurance
Les hommes abusés s'engagent sans
remords,
Sans regret, sans douleur, sans Dieu, sans
espérance,
En oubliant, hélas ! que le terme est
la mort.
Mais dans l'étroit sentier où Dieu
toujours fidèle
Console et réjouit le coeur en
l'éprouvant,
Se trouve le bonheur et la vie
éternelle,
Les soins et la bonté de Dieu pour son
enfant.
L'un va droit à l'enfer, l'autre dans le
ciel même,
Lequel de ces chemins, pécheur, veux-tu pour
toi ?
Car il faut te hâter : ou la gloire
suprême,
Ou la mort loin de Dieu, la douleur et
l'effroi.
Pauvre pécheur perdu, laisse la large
voie.
Prends cet étroit sentier qui mène
jusqu'au ciel,
Jésus veut te donner et la paix et la
joie,
Ne veux-tu pas jouir du bonheur
éternel ?
A. S.
LE RETOUR AU PAYS
ou
LE COEURS GAGNÉ
Bien loin sur le vaste Océan, à
bien des milles de toute terre, un navire revenait
d'Australie, portant plus d'un coeur
fatigué, soupirant après le pays
natal et le foyer domestique. Mais il n'y en avait
point qui désirât plus que Jessie de
ravoir la patrie.
Elle était née dans le comté
de Fife (1) aux vertes collines.
Plusieurs années s'étaient
écoulées depuis que la main de fer de
la pauvreté s'était appesantie sur la
famille et avait forcé les parents de Jessie
à vendre leur petite ferme à laquelle
se rattachaient tant de doux souvenirs. Avec un
coeur brisé, ils avaient dit adieu à
toux ce qui leur était cher et
étaient allés chercher du travail
dans les colonies lointaines. Après bien des
années d'un labeur rude et incessant, ils
avaient réussi à amasser assez pour
racheter leur • propriété. Ils
revenaient donc chez eux ; mais la mère
de famille avait trouvé son tombeau sur la
terre étrangère, et Jessie avait
dû prendre de bonne heure sur elle le soin de
la jeune famille de son père. Florissante
jeune fille quand elle avait quitté
l'Écosse, elle y retournait usée par
le dur travail de la vie d'émigrant et par
une maladie qui ne pardonne point.
Mais elle se souciait peu de la toux pénible
qui fatiguait ses journées et lui donnait
des nuitssans sommeil ; elle
répétait souvent :
« J'irai mieux quand je serai à la
maison, quand je reverrai mes chères
collines. »
Chaque jour son père la portait sur le pont
du navire, et là, étendue, elle
contemplait les vagues qui la conduisaient vers le
port désiré. Quand le temps
était trop mauvais ou sa faiblesse trop
grande pour être dehors, elle restait les
yeux fixés sur la fenêtre de sa
cabine, plongeant au loin ses regards pour voir si
la terre apparaissait, et, bien souvent, elle
s'était imaginé voir se dessiner
à l'horizon les contours si connus de son
cher pays.
À mesure que les jours s'écoulaient,
les forces de la malade déclinaient, et son
père dut, avec douleur, reconnaître
qu'il était nécessaire que Jessie
entrât dans une infirmerie dès qu'ils
toucheraient la terre. Jessie eut beaucoup de peine
à accepter cette nécessité. La
nature même de sa maladie contribuait
à lui faire illusion ; par moments,
elle semblait reprendre des forces, et si la toux
lui laissait quelque relâche, elle se
persuadait bientôt qu'elle n'était pas
aussi malade qu'on le croyait. Enfin on arriva
à Édimbourg, et ce ne fut pas sans
difficulté qu'on parvint à faire
comprendre à Jessie qu'elle était
incapable, au moins pour le moment, de continuer
son voyage. Ses parents et ses amis la
laissèrent donc à l'infirmerie
pendant qu'eux-mêmes se rendaient à
leur destination.
Ce fut là que je vis Jessie pour la
première fois, le jour même où
on l'y avait amenée. Je
venais d'entrer, saluée d'un regard ou d'un
sourire de bienvenue par les malades que je
visitais d'habitude, quand mes yeux
s'arrêtèrent sur une personne qui,
bien qu'étrangère, éveilla
tout d'un coup ma plus profonde sympathie.
C'était Jessie. Assise dans son lit, elle
était dans un état d'agitation voisin
du désespoir. Une rougeur brûlante
couvrait sa figure, d'un aspect agréable et
intelligent ; de temps en temps,
épuisée, elle se laissait retomber
sur son oreiller dans un paroxysme de larmes.
Après deux ou trois mots
échangés avec quelques-uns de mes
anciens amis, je m'approchai du lit de Jessie et
cherchai à la calmer. C'est alors qu'au
milieu de ses larmes elle me raconta ce que j'ai
rapporté plus haut. De temps en temps elle
me saisissait la main, en me disant avec une
expression presque enfantine :
« Oh ! dites-leur de me renvoyer
chez moi ; il faut que je revoie mes
chères collines de Fife ! »
Je lui promis de parler pour elle à la garde
et de voir ce que je pourrais faire, puis je la
quittai un peu consolée.
En sortant, je demandai à la garde quel
avait été l'avis du médecin
touchant Jessie. « Oh !
répondit-elle, les deux poumons sont
perdus ; il n'y a aucun espoir de
guérison, et ma pensée est qu'elle ne
se relèvera pas de ce lit. » Un
vif désir me saisit de retourner
auprès de cette pauvre malade triste et
seule et de lui parler de Christ. En
écoutant sa douloureuse histoire, il m'avait
semblé que tout ce que je pouvais faire,
c'était de sympathiser avec elle, et j'avais
négligé de
luiparler de Celui qui seul
pouvait donner le repos à son coeur
fatigué. J'avais quelques grappes de raisin
apportées pour une autre malade ; je
retournai vers Jessie, et, les plaçant sur
son oreiller, je lui dis : Jessie, savez-vous
que Jésus vous aime ?
- Non, car s'il m'aimait, II m'aurait
ramenée à la maison et ne m'aurait
pas laissée au milieu
d'étrangers.
- Quelqu'un, dans votre pays, vous a-t-il jamais
parlé de Christ ?
- Non.
- Et en Australie ?
- Non plus.
- Eh bien, Jessie, Dieu vous a sans doute
envoyée ici, dans cet hôpital, pour
que vous entendiez parler de son Fils
bien-aimé, qui vous a tant aimée
qu'il est mort pour vous. Et II veut vous avoir
avec Lui pour toujours dans un pays
bien plus beau que le pays et les collines de
Fife.
Elle secoua la tête d'un air
d'incrédulité et dit : Ah !
vous n'êtes jamais venue chez nous.
- C'est vrai, Jessie, et je n'ai pas vu non plus la
demeure que Dieu a préparée pour ceux
qui l'aiment ; mais j'ai lu ce qui la concerne
et je sais qu'elle est bien plus belle qu'aucune
demeure sur la terre. Ici, Jessie, si votre vie est
prolongée de quelque temps, vous n'avez
à attendre que des jours de fatigue et de
souffrance, mais là, est-il dit,
« Dieu essuiera toute larme de leurs
yeux, et la mort ne sera plus, et il n'y aura plus
ni deuil, ni cri. ni peine, car les
premières choses sont
passées »
(Apocalypse XXI,
4).
L'heure de la visite était
écoulée ; je quittai Jessie en
lui laissant un Nouveau Testament où j'avais
marqué quelques passages que je pensais lui
être utiles.
Plusieurs jours se passèrent avant que je
pusse retourner à l'hôpital. J'y allai
en priant le Seigneur de me donner la parole qui
convenait à Jessie. Je la trouvai à
peu près dans le même état que
la première fois. Son père
était venu la voir, et elle avait
éprouvé un vif désappointement
de le voir repartir sans elle. Je sentis que la
meilleure chose à faire était de
chercher à détourner ses
pensées de sa douloureuse position, et je
lui parlai, comme je l'aurais fait à un
enfant, de Jésus, dont elle semblait ne
savoir presque rien.
Bientôt son coeur fut atteint par le
récit de ce qu'il avait souffert pour elle,
et, à travers ses larmes, elle me dit :
« Je n'avais jamais entendu parler d'un
tel amour. Je pensais que personne ne pouvait
m'aimer autant que Jamie », - et elle me
montrait un petit anneau qu'elle portait à
son doigt ; - « il me l'a
donné quand je partis d'Écosse, et il
m'a attendu tout ce temps, et il est venu me voir
aujourd'hui ; mais jamais je n'avais entendu
rien de semblable à l'amour de Christ ;
c'est plus qu'aucun amour sur la terre, - beaucoup
plus ».
Je ne pus retenir mes larmes pendant
qu'intérieurement je rendais grâces
à Dieu de ce que la ravissante beauté
de Christ avait gagné ce coeur
fatigué et rempli de tristesse. J'avais
senti mon impuissance pour la consoler, mais
Dieului avait accordé de
saisir tout d'un coup ce qu'il y avait de plus
précieux dans l'Évangile.
C'était la personne même de Celui qui
était mort pour elle qui avait
captivé son coeur.
Comme j'allais sortir de la salle, elle me rappela
et me dit : « Voulez-vous
écrire à la maison et leur dire que
j'ai maintenant trouvé Celui qui est plus
pour moi que les collines de Fife ; - oui,
plus que Jamie ? » murmura-t-elle,
tandis qu'une légère rougeur colorait
ses joues, « quoiqu'il sache bien que je
l'aime tendrement ». Puis, après
un moment, elle reprit : « Non, le
Seigneur me donnera la force d'écrire
moi-même, car aucun d'eux ne connaît
Christ ».
Je fus une semaine sans retourner à
l'hôpital. Quand je revis Jessie, un grand
changement s'était opéré en
elle ; son visage était doux et
paisible, mais le doigt de la mort y avait
tracé son empreinte, et sa voix
n'était plus qu'un souffle. Elle ne parut
pas s'apercevoir de mon entrée dans la salle
jusqu'au moment où, m'étant
penchée sur elle, je lui dis :
Chère Jessie, vous êtes bien faible
aujourd'hui ?
- Oui, dit-elle avec un sourire, je vais
bientôt aller à la maison ; - pas
à Fife », ajouta-t-elle vivement,
comme si elle eût craint d'être mal
comprise. « Je vais voir sa face.
Oh ! parlez-moi encore de Lui. »
Nous passâmes ensemble une heure bénie
que je n'oublierai jamais. Nous
arrêtâmes nos pensées sur Celui
en qui « tout est aimable »
(Cantique V, 16). Je sentais que
c'était notre
dernièreentrevue ici-bas,
car je devais quitter Édimbourg pour quelque
temps. Je tremblais presque en le lui
annonçant, tant elle semblait s'être
attachée à moi, mais elle
répondit : « II suffit
à tout ; II sauve, et puis II satisfait
pleinement le coeur ».
Elle semblait épuisée ; je la
quittai pendant un moment pour aller voir une autre
malade. Avant de sortir, je me retournai et jetai
un coup d'oeil sur Jessie. Elle s'était
endormie d'un paisible sommeil, les lèvres
entr'ouvertes par un doux sourire. Son coeur
« était à la
maison ». Par un mouvement involontaire,
je revins près de son lit et déposai
un dernier baiser sur son front pâle.
Quelques jours après avoir quitté
Édimbourg, je reçus d'une soeur en
Christ ce message : « Jessie s'en
est allée pleine de joie ».
Lecteur, connais-tu ce Christ qui a sauvé
Jessie et qui ensuite a pleinement satisfait son
coeur ? Es-tu sauvé par Lui ? Ou
bien, ton coeur est-il encore tellement
enlacé dans les liens d'un amour terrestre,
ou tellement attaché aux choses qui
t'entourent ici-bas, que Christ n'a pas de place
chez toi ? Toute affection terrestre peut
manquer, et tout ce qui nous captive nous
être enlevé, et alors ? Vous
resterez seul et désolé, si vous
n'avez pas Christ. Quelqu'un disait :
« Avec Christ, je possède
tout ; tout, sans Christ, n'est
rien. »
Rien n'est réel, rien ne demeure, rien n'est
permanent, excepté Christ. Oh ! si vous
ne le possédez pas, venez à Lui comme
un pécheur perdu, venez maintenant.
Mais peut-être direz-vous :
« Je sais que Christm'a
sauvé, et cependant mon coeur n'est pas
satisfait. » Oh ! c'est que vous
n'avez pas trouvé le Christ de Jessie, car
II l'avait non-seulement sauvée, mais Il
avait aussi répondu pleinement à tous
les besoins de son coeur.
Ce qui vous manque, c'est d'avoir votre coeur
captivé par Christ ; d'être
tellement saisi par. sa beauté, que vous
soyez comme la reine de Séba quand elle vit
Salomon et sa gloire : « Elle fut
toute ravie en elle-même » (1 Rois
X, 5), et qu'alors, comme Jessie, vous
disiez ; « Jamais je n'ai entendu
parler d'un tel amour. »
Ne vous contentez pas, cher lecteur, de dire :
« Je suis sauvé, je le
sais. » Le Christ qui vous a
sauvé, peut aussi satisfaire et satisfera
aux besoins de votre coeur, si vous tournez vos
regards vers lui et que vous écoutiez sa
voix.
Vous ne pouvez avoir Christ d'un côté
et le monde de l'autre. Si vous voulez avoir le
monde, il faut l'avoir sans Christ. Il n'y a pas de
place pour Lui dans les salles de bal, les
concerts, les théâtres et lieux de
plaisir. Il faut y aller sans Lui. Quelqu'un me
disait récemment : « Je sais
que je suis sauvé, mais je puis cependant
jouir de ces choses. - Vraiment, dis-je, eh bien,
Christ ne le peut pas, et vous devez Lui ressembler
bien peu. Et certes Christ ne vous suffit pas, car
il vous faut encore toutes ces choses avec
Lui. »
Oh ! si, pour une heure seulement vous saviez
ce que c'est que d'avoir le coeur rempli de Christ,
d'être heureux avec Lui, vous ne pourriez
plus trouver de satisfaction dans les amusements
d'unmonde qui L'a
crucifié. « La fin de ces choses
est la mort »
(Romains VI, 21). « Vous ne
pouvez servir Dieu et Mammon »
(Matthieu VI, 24).
« ACHÈTE LA
VÉRITÉ ET NE LA VENDS
POINT »
(Proverbes XXIII, 23.)
ACHETER LA VÉRITÉ, la vraie
sagesse et la prudence !... Mais où se
vend-elle ? Où la trouver dans ce
monde ? À vrai dire, elle ne se
rencontre pas partout ; les foires et les
marchés n'en sont pas remplis.
C'était bien comme inspiré de
l'esprit de Dieu que Job a dit :
« II y a un sentier que l'oiseau de proie
n'a pas connu, et que l'oeil du vautour n'a pas
regardé, les faons du lion n'y ont pas
marché, le vieux lion n'y a point
passé »
(Job XXVIII, 7, 8) ;
c'est-à-dire, que ce n'est ni l'intelligence
la plus pénétrante, ni la force de la
volonté la plus ferme et la plus
indomptable, qui réussissent à
découvrir le chemin de la sagesse. Dieu l'a
pourtant révélée à
l'homme, en disant : « Voici, la
crainte du Seigneur est la sagesse, et se retirer
du mal, c'est l'intelligence »
(Job XXVIII, 28).
Ce n'est que dans les trésors de la divine
Parole que se trouve la vérité.
Là seulement on apprend quel en est
« le prix ». L'or et le diamant
ne peuvent pas l'acheter, elle ne sera pas
échangée contre la topaze
d'Éthiopie, contre les perles les plus
recherchées, ou l'or pur
(Job XXVIII, 15-19). Quel est donc le
prix auquel on l'achète ?
La même Parole nous répond :
« Vous tous
quiêtes
altérés, venez aux eaux, et vous qui
n'avez point d'argent, venez, achetez et
mangez ; venez, dis-je, achetez sans argent et
sans aucun prix du vin et du lait : pourquoi
employez-vous l'argent pour des choses qui ne
nourrissent point ? et votre travail pour des
choses qui ne rassasient point ?
Écoutez-moi attentivement, et vous
mangerez ce qui est bon, et votre âme jouira
à plaisir de la graisse ; inclinez
votre oreille et venez à moi ;
écoutez, et votre âme
vivra »
(Ésaïe LV, 1-3).
Oui, c'est par « l'oreille »
que la vérité entre dans l'âme,
et Dieu ne recherche aucun présent, aucun
don de notre part ; II ne demande que
l'oreille ouverte pour écouter sa Parole
vivifiante, un coeur soumis à sa
volonté, qui est de nous sanctifier et de
nous bénir. « La foi vient de ce
qu'on entend, et ce qu'on entend par la Parole de
Dieu
(Romains X, 17). Le Seigneur
dit : « En vérité, en
vérité, je vous dis que celui qui
entend ma parole et qui croit Celui qui m'a
envoyé, A la vie éternelle et ne
vient pas en jugement, mais il est passé de
la mort à la vie ». DIEU
DONNE : II est AMOUR, II donne la vie, et II
veut, par la vérité, rendre nos
coeurs parfaitement heureux dans sa
présence, en sorte que nous
possédions de sa part non seulement la vie
éternelle en Christ et avec Lui, mais aussi
« une plénitude de
joie »
(Psaume XVI, 11).
Mais il est dit
« ACHETEZ » : cela ne
suppose-t-il pas quelque sacrifice, quelque chose
en paiement d'une si grande acquisition ? -
Sans doute ; toutefois, ce n'est pas un
paiement qui enrichisseDieu, mais
bien l'abandon de ce qui peut empêcher le
coeur de jouir de tout ce que Dieu donne
gratuitement. N'est-il pas vrai que le coeur
s'attache plus volontiers aux choses
périssables de ce monde, qu'aux richesses
éternelles que Dieu nous offre ? Et ne
trouve-t-on pas le sacrifice de ces choses parfois
très grand et très difficile ?
Pourtant ce sont des choses de néant, mais
on s'y cramponne comme un enfant à un jouet
qui va bientôt être brisé et
jeté loin, pour faire place à un
autre, recherché avec la même
ardeur ; le coeur est toujours insatiable.
Oui, il faut ACHETER la vérité ;
et au jour de l'épreuve il faut savoir tenir
bon et ne pas la vendre, quand même Satan
nous y engagerait fortement, soit par la pression
des circonstances, soit par ses ruses
trompeuses.
Élisée, le fils de Saphat, n'a-t-il
pas acheté la vérité,
lorsqu'il laissait père et mère pour
suivre le prophète Élie ? Et il
ne l'a pas vendue pour avoir une place ou pour
chercher un repos ici-bas, parmi les fils des
prophètes, à Béthel ou
à Jéricho
(1 Rois XIX, 19-21 ;
2 Rois II).
Pierre et Jean ne l'ont-ils pas achetée
lorsqu'ils ont tout quitté pour suivre
Jésus ? Ils ne l'ont pas vendue, quand
ils ont été battus par l'ordre du
sanhédrin ; ils se
réjouissaient, au contraire, d'avoir
été estimés dignes de souffrir
des opprobres pour le nom du Sauveur
(Actes V, 41). Paul ne l'a-t-il pas
achetée en estimant toutes choses comme une
perte, à cause de l'excellence de la
connaissance du Christ Jésus son
Seigneur ?
Il ne l'a pas vendue pour mettre un terme aux
persécutions qu'il subissait, et cela
même en présence de « faux
frères »
(Philippiens III ; 4-14 ;
Galates V, 11, 12).
Que Dieu nous accorde, à vous et à
moi, cher lecteur, d'écouter l'exhortation
et de suivre ces exemples bénis, parmi tant
d'autres que nous fournissent les saintes
Écritures
(Hébreux XII, 1,2).
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