Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



L'HOMME BANNI D'EDEN



DÉVELOPPEMENTS EXÉGÉTIQUES.

DE l'IMAGE DE DIEU EN L'HOMME.
(Suite)

En présence de tels abîmes, il convient à l'homme pécheur, non d'élever vers les cieux un front orgueilleux et d'interroger son Juge suprême, mais de se coucher dans la poudre, d'adorer et de se taire. Si au lieu de faire descendre jusqu'à nous cette question pour montrer que de nos jours elle est encore insoluble, on remonte les âges jusqu'au delà de la chute et même de la création, on se trouvera encore en présence de cette question insondable ; car puisque la tentation vient de dehors, ce n'est pas en Eden qu'il faut chercher l'origine du mal. Satan, intelligence spirituelle et jadis pure, était tombé avant l'homme (Jean 8, 44) : il n'a pas PERSÉVÉRÉ ou, il n'est pas DEMEURE FERME dans la vérité ; or, qui nous expliquera le mystère de sa chute ?
On voit qu'on peut déplacer et retourner en tous sens cette question, mais que la solution est le secret de Dieu seul. cependant on peut dire sur cette question un mot, non pas de théodicée, nous en nions la nécessité, mais un mot d'éclaircissement tiré de la nature même du premier homme et de ses rapports avec Dieu.
Adam était avant la chute dans un état d'innocence dont il n'avait pas la conscience, il ne connaissait, par expérience, ni le bien ni le mal. Il avait seulement toutes les facultés physiques, intellectuelles et morales qui devaient lui faire atteindre la plus haute perfection par l'obéissance à la volonté de Dieu et par l'épreuve de cette obéissance. Mais l'obéissance suppose une loi ; Dieu la donna. Il fallait de plus la possibilité ou la liberté de violer cette loi ; Dieu la donna.
L'idée d'obéissance n'a lieu qu'à ces conditions. Si donc Dieu, parce qu'il prévoyait l'issue de l'épreuve, eût détourné la tentation et rendu la désobéissance impossible, il aurait ôté a sa créature les moyens de perfection morale qu'il lui avait donnés ; Adam serait resté dans son innocence passive dont il n'avait pas la conscience, et en dehors des lois de son développement (1). Or, il valait mieux encore, ainsi que le fait observer Hengstenberg (2), que l'homme, puisqu'il ne voulait pas persévérer dans le bien et marcher vers la perfection en passant par l'épreuve, arrivât à lu perfection en passant par le péché. Car nous ne devons jamais envisager la chute qu'en présence de la Rédemption que Dieu prévoyait aussi bien que l'issue de la tentation. Ainsi Dieu permit le mal parce qu'il ne pouvait l'empêcher sans changer la nature de l'homme et nuire à son perfectionnement ; mais d'avance il a, dans son amour infini, préparé le remède. Jean, 3. 16.

Au reste, il faut bien distinguer cette possibilité nécessaire de pécher, d'une prédisposition ou pente, ou tendance au mal. Dieu avait créé l'homme avec la première, comme nous venons de le voire, mais il ne lui avait pas donné la dernière. Une tendance au péché étant déjà le germe du mal, si l'homme l'avait eue en sortant de la main du Créateur, il faudrait chercher en Dieu l'origine du mal. Cette idée est un blasphème. Mais il n'en est pas ainsi de la possibilité de pécher.
Qu'est-ce que le péché dans sa plus simple expression ? C'est, pour une créature, le désir d'être indépendante de Dieu, d'être autonome, de méconnaître la loi suprême de son existence en se séparant de Dieu, qui est la source de la vie et de tout bien. Or, il n'y a qu'un être pour qui ce désir soit impossible, c'est Dieu. Dieu étant sa propre loi, ayant en lui-même le principe de la vie, il faudrait, pour faire le mal, qu'il sortît de lui-même, qu'il s'anéantît. Mais la créature ayant une existence personnelle dérivée, il lui est toujours possible de vouloir sortir de Dieu, de briser les liens qui l'unissent à son Créateur. Prétendre que Dieu aurait pu créer l'homme sans cette possibilité, c'est dire qu'au lieu d'en faire une créature il aurait dû en faire un Dieu, ou bien une machine incapable de vouloir (3).

Mais, dira-t-on, Dieu aurait pu, tout en permettant la tentation, tout en laissant sa créature libre, incliner sa volonté, faire, sans la forcer, qu'elle voulut le bien. Cela est vrai ; aussi nous retrouvons-nous sur le bord de l'abîme déjà signalé, et nous nous taisons.

Revenons. L'épithète donnée au serpent peut signifier prudent, sage, et se prendre en bonne part, ou rusé, fin, et se prendre en mauvaise part. Nous adoptons sans peine avec Calvin le premier sens car ce ne peut être l'intention de l'auteur sacré de montrer dans le serpent aucune intention mauvaise, vu que cet animal n'était qu'un instrument.

D'autres commentateurs ont adopter le dernier sens et en ont conclu que Moïse mentionne la ruse du serpent pour lui attribuer la tentation et que, par conséquent, nous ne pouvons y vit l'oeuvre d'un esprit méchant. mais si Satan choisit un animal pour accomplir son dessein, il était convenable à ses vues d'employer comme instrument un être connu d'Eve par la supériorité de son instinct afin qu'elle se défiât moins des suggestions de son ennemi.
Peut-être peut aussi admettre avec Hengstenberg (Christol. I. 33) que Moïse nomme à dessein cette qualité du serpent pour donner aux plus pénétrants de ses lecteurs la solution du problème de la tentation.

Le serpent a été de tout temps et chez tous les peuples considérés comme le symbole de la prudence. (Voy. Matt. 10, 16).

Et il dit à la femme, etc. Ici s'élèvent en foule toutes les objections contre le sens littéral. Comment le serpent aurait-il pu parler ? Comment lui supposer des idées, un raisonnement suivi ? Comment supposé des mots articulés chez un animal qui n'a point les organes de la parole ? Aussi les opinions diverses par lesquelles on a cherché à expliquer cette parole sont elles sans nombre. je ne mentionnerai que les principales. Pour ceux qui ne voient dans tout notre chapitre qu'une figure ou qu'un mythe, la difficulté existe à peine ; ce verset n'est qu'un détail qui se trouve expliqué dans l'ensemble du système.
Selon quelques-uns d'entre eux, l'entretien du serpent avec Eve doit être une figure orientale bien connue au moyen de laquelle on fait parler des objets même inanimés dont la vue inspire des pensées. D'après cette idée, il serait venu dans l'esprit d'Eve des doutes sur la réalité de l'ordre de Dieu en voyant le serpent manger du fruit de l'arbre de la connaissance du bien et du mal, sans qu'il en résultat pour lui aucun mal. Et, d'après le Génie des orientaux, ces doutes, accompagnés de désirs et de craintes, auraient reçu la forme d'un entretien articulé en Eve et le serpent.
Le premier auteur de cette interprétation est le rabbin Abarbanel qu'ont suivi .... Eichhorn, Doederlein, Gabler, etc. et même des écrivains qui admettent la réalité des faits de notre chapitre tel que Hahn et plusieurs auteurs catholiques. Il est évident que cette interprétation écarte de la scène le véritable tentateur et fait émaner le mal du coeur même de la femme. Il faudrait pour cela qu'elle y eut une prédisposition ; idée que nous avons toujours combattue.

D'autres auteurs pensent que le démon inspira à la femme la tentation sans le secours de mots articulés, et que le serpent ne fit que l'encourager par son exemple, les réponses de la femme étant aussi de simples pensées non exprimées.
On ne peut pas dire que cette explication de notre passage soit grammaticalement fausse, car il est certain que souvent dans la Bible, les mots dire, parler, doivent s'entendre d'une simple pensée non articulée quand ces mots se rapportent à Dieu. Gen. I. 26, VI. 3, 7. Souvent encore nous employons cette tournure : je dis, je me dis à moi-même, pour dire, je pense.
Cette interprétation est du reste entièrement conforme, pour le fond des idées, au sens littéral dans lequel nous entendons la tentation.
Cependant nous pouvons juger de cet entretien, qui enfermera toujours quelques obscurités, par notre manière de concevoir nos idées et de les communiquer, il nous est difficile de comprendre comment tout ce raisonnement du démon, tonte cette longue promesse qu'il fait à la femme : Vous ne mourrez nullement ; Dieu sait que vos yeux seront ouverts, vous serez comme des Dieux connaissant le bien et le mal, pourraient être communiqués sans le secours de la parole.
De plus, l'excuse que donne la femme, v.13, et la malédiction du serpent, v. 14, semblent s'opposer à cette interprétation, -'
Le sens le plus simple et le plus sûr est donc d'admettre avec Calvin, Graeber, Hengstenberg et tous les commentateurs littéralistes que le démon parla au moyen du serpent. L'ignorance où nous sommes sur l'espèce du serpent dont il est ici question rend nulle ou du moins affaiblit l'objection que l'on a tirée de l'absence des organes nécessaires à l'articulation des mots dans cet animal. De plus nous avons dans la Bible une foule d'exemples de paroles évidemment articulées sans le secours d'organes a nous connus (Voy. la méditation sur ce sujet).

Quoi ! Dieu aurait-il dit : Vous ne mangerez : point de tous les arbres du jardin ?
David Kimchi suppose que déjà le démon avait présenté à la femme quelques doutes sur la vérité ou sur la justice du commandement de Dieu, quelques insinuations blasphématoires sur l'état de dépendance où il avait placé l'homme, puisqu'arrivant à la défense de manger du fruit de l'arbre de la science, il en tire un nouvel argument : Et même, combien plus (4), n'est-il pas injuste de vous défendre, etc. La réponse de la femme n'est pas favorable à cette idée.
Le paraphraste chaldaïque traduit par est-il vrai que..... Ce sens est conforme à l'opinion de ceux qui voient une simple question propre à inspirer le doute. Dans ce cas il faudrait peut-être sous-entendre avec Gesenius la particule interrogative est-ce que ? (ist es so, dass?) ce qui revient au sens de nos traductions : Quoi ! Dieu aurait-il dit ? C'est la signification la plus probable de cette phrase dont le sens est assez difficile à déterminer.
Le but du démon est d'ébranler la foi de la femme à la vérité de l'ordre que Dieu avait donné, et peut-être de le tourner en ridicule : « Quoi ! qu'importe à Dieu que vous mangiez, etc. » Une autre interprétation, moins conforme au sens grammaticale de, mais qui paraît répondre mieux au but du tentateur, a été proposée par quelques anciens commentateurs ; ils traduisent : Pourquoi Dieu a-t-il dit ? Alors la question ne serait pas si Dieu a en effet donné l'ordre ; la femme ne peut guère en douter ; mais quelle est la raison de cet ordre ? La question ainsi présentée est encore plus insidieuse que la précédente. « C'est la tentation la plus dangereuse, dit Calvin en citant cette opinion qu'il admet en partie, que d'insinuer qu'il ne faut pas obéir à Dieu avant de savoir la raison de son ordre. La vraie règle de l'obéissance est que, contents du simple commandement, nous tenions pour juste et droit tout ce que Dieu ordonne ». Nous n'hésiterons pas à admettre ce sens s'il pouvait être justifié grammaticalement.
Vous ne mangerez point de tous les arbres du jardin ( ) a un double sens en hébreu comme en français ; la phrase peut signifier : « vous ne mangerez pas de tous, vous en excepterez un », ou « vous ne mangerez d'aucun ».
Il est probable que le dernier sens était dans l'esprit du tentateur qui par là pensait aggraver l'apparence de dureté ou d'injustice qu'il voulait faire voir dans l'ordre de Dieu. La réponse de la femme : nous mangeons des fruits des arbres semble réfuter l'exagération du tentateur et est favorable à notre interprétation. -, manger d'un arbre est une phrase elliptique qui est complète au verset suivant, du fruit des arbres ().

V. 2, 3. Et la femme dit au serpent : Nous mangeons du fruit des arbres du jardin. mais du fruit de l'arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : Vous n'en mangerez point et vous n'y toucherez point.

Qu'est-ce que l'arbre qui est au milieu du jardin, appelé dans le chapitre précédent, v. 9. l'arbre de la science ou de la connaissance du bien et du mal ?
On a fait à cette question tant de réponses qu'on en remplirait presque un volume sans pour cela imiter le savant Ziegra qui cite ce verset (c. 2, 9) en vingt-deux langues différentes. Une grande diversité d'opinions sur un passage en indique d'ordinaire la difficulté, et l'on ne peut nier que ce ne soit le cas ici.
cependant l'explication de ce verset eût été de beaucoup simplifiée si l'on s'était contenté de le prendre tel qu'il est, sans y ajouter des idées qu'il ne renferme pas. Nous ne parlons ici que l'arbre de la connaissance du bien et du mal mal ; la notion parallèle de l'arbre de vie se présentera sous le verset 22. Nous ne citerons des interprétations diverses que pour mettre le lecteur à même de les comparer avec celle que nous avons adoptée et de faire un choix.

Ce qui a jeté le plus de difficultés sur l'idée que nous devons nous faire de l'arbre de la science, c'est que dans les temps on s'est efforcé de rechercher dans de prétendues propriétés de l'arbre même le motif pour lequel Dieu en avait défendu la jouissance à l'homme. Ainsi une opinion très répandue par mi les théologiens allemands des derniers siècles, opinion que Chrysostôme connaissait déjà quoiqu'il ne l'admit point, c'est que les fruits de cet arbre étaient vénéneux, et que Dieu le défendait à l'homme par une sagesse toute paternelle, comme un père défend à son fils de toucher à un breuvage empoisonné. D'après cette opinion, Adam, ayant violé la défense divine, éprouva dans son corps les effets désastreux du poison, de là les maux physiques, la maladie et la mort.
Mais pour pouvoir admettre cette opinion sur laquelle Knapp (5) ne parait pas avoir le moindre doute, il faut aussi admettre avec lui que l'effet de la chute de l'homme, le péché, est tout entier dans la chair (6).  Pour guérir un tel mal, ce n'est pas la Rédemption toute spirituelle de Christ qu'il nous aurait fallu, mais un remède physique, un simple antidote.
Une autre opinion, plus naturelle, mais également sans fondement selon nous, c'est que le fruit de l'arbre défendu avait la propriété d'exciter les désirs charnels, la sensualité. Telle est l'idée adoptée par Meyer dans ses excellentes notes sur la Bible (7). Le verset 7, observe M. de Rougemont est très favorable à l'hypothèse de Meyer que Milton, par exemple, connaît déjà et qui est, je crois, assez ancienne. La volupté est donc été le premier péché, et je me rangerais sans peine à cette explication si elle ne me paraissait tout-à-fait contredite par c. 2, 24, qui indique la légitimité du mariage ».
En rejetant cette opinion on ne prétend point nier qu'il n'y ait eu après la chute un très grand changement dans ce qu'il y a de charnel en l'homme. Ses sens et leurs besoins ont participé à la désorganisation physique et morale qui a brisé l'harmonie de tout l'homme avec lui-même et avec son Dieu ; mais, quant à la cause, à la nature du premier péché, il nous semble plus conforme à la Bible de le considérer sous un jour purement moral et spirituel, comme nous allons le montrer bientôt.

D'autres auteurs, cherchant aussi dans les propriétés inhérentes à l'arbre la raison pour laquelle Dieu en défendit la jouissance, et voulant se rendre compte de cette appellation de la connaissance du bien et du mal, ont supposé que son fruit pouvait exercer une influence sur l'intelligence de l'homme. Ainsi Josèphe (l'historien) prétend que « la femme ayant mangé du fruit et en ayant aimé les effets, persuada Adam d'en prendre aussi ; bientôt après ils sentirent leur nudité, car II était de la nature de l'arbre de donner de la pénétration et du discernement (8». La même idée se retrouve dans Josèphe de Damas, avec cette différence que la connaissance de sa propre nature, donnée à un être arrivé à un haut degré du perfectionnement, pouvait lui être utile et salutaire, tandis que l'être encore dans l'enfance et l'inexpérience était inutile et nuisible. Tel était l'état d'Adam et telle est la cause de la défense divine (9).

Il nous semble que, dans toutes ces interprétations (et nous ferons grâce au lecteur de tant d'autres qu'on pourrait citer), on a trop perdu de vue la véritable importance de la loi de Dieu qui était de placer sa créature sous la responsabilité et de lui donner un moyen de développement moral par l'obéissance. Sans répéter ici ce que nous avons dit du but du commandement dans la méditation sur ce sujet, observons que Moïse ne mentionne même pas la prétendue propriété que l'on suppose an fruit de l'arbre d'exercer sur l'homme une influence, soit physique, soit intellectuelle, nous ne prétendons pas nier absolument cette influence, mais elle n'est nullement nécessaire pour expliquer la défense dont le but est tout moral.
Qu'importe la nature de l'arbre ? Qu'importe l'apparente insignifiance d'un ordre qui, dit-on, ne porte que sur la jouissance on l'abstinence d'un fruit ? C'est le commandement de Dieu qu'il faut voir, c'est la responsabilité de l'homme, c'est son obéissance à la Parole de son Créateur ou son mépris de cette Parole (10).
On a détourné son attention de ce point important pour ne s'occuper que de causes ou de motifs secondaires, et l'on a ainsi enveloppé cette question de difficultés et de ténèbres.

Le nom de l'arbre ne doit pas non plus nous induire en erreur car bien que Moïse l'appelle l'arbre de la connaissance du bien et du mal, avant de rapporter l'histoire de la chute, il est évident qu'il ne reçut ce nom qu'après, ab effectu comme dit Calvin. C'est en effet par l'arbre qu'Adam connut le bien, l'ordre de Dieu, l'obéissance, et par l'arbre aussi qu'il connut le mal, la désobéissance.
Quant à l'expérience qui est la seule vraie connaissance d'une chose, Adam ne connaissait avant sa chute ni le bien, ni le mal parce qu'on n'en juge que par contraste. Dès lors il connut le bien par opposition à sa misère présente et le mal par opposition au bien qu'il avait perdu . C'est là exactement le curco dignoscere ectam du poète païen (Hor., EP. II. 2).
Si vous voulez savoir quelle est la vraie nature d'un péché, interrogez votre conscience et votre coeur après avoir eu le malheur de le commettre ; le regret amer qui se joint au tourment du remords et à la honte du coeur fait alors aussi connaître ce qu'est l'innocence de ce péché. L'objet de ce péché, quel qu'il soit, est aussi un arbre de la connaissance du bien et du mal.
Nous ne dirons pas, avec Tertullien, que ce commandement de Dieu à l'homme renfermait en détail tous les commandements donnés depuis le Décalogue  ; mais nous dirons, avec Luther, et nous ne pouvons nous empêcher de citer ses nobles réflexions à ce sujet dont il a admirablement saisi l'esprit que nous aimons à y voir toute une alliance, toute une religion, tout un culte : Conditur noca ... (les paragraphes en latin ont été supprimés dans ce document)

On nous pardonnera facilement cette longue citation ; on ne se lasse pas de répéter et d'entendre de telles paroles ; il est impossible de commenter la Bible avec plus d'âme, d'intelligente, de spiritualité.
On pourrait faire d'intéressants rapprochements entre ces notions bibliques de l'arbre de la connaissance du bien et du mal, et la tradition, évidemment dérivée de l'Écriture, par laquelle divers peuples expliquent l'origine du mal. Mais la longueur de ces réflexions ne nous permet pas de nous y arrêter plus longtemps.

Dans le verset 3e dont nous nous occupons, la femme ne rapporte pas le commandement de Dieu, ni la sujétion qui l'accompagnait., tels qu'ils avaient été donnés ; elle ajoute à la défense cette clause : et n'y touchez point, et au lieu de donner la sanction dans toute sa terrible certitude : Vous mourrez de mort ou certainement, elle emploie celte tournure dubitative : de peur que vous ne mourriez (11) peut-être doit-on conclure de là que déjà la foi de la femme en la certitude de la Parole de l'Éternel avait été ébranlée par la question moqueuse du tentateur.


Table des matières


(1) « La Bible nous représente l'homme placé entre deux mondes dont il peut recevoir les influences qui doivent un jour se partager l'humanité : le royaume de Dieu, de l'Esprit, de la lumière, et celui de Satan, des ténèbres de l'esprit du monde (I Cor. 2. 12.).
Adam avait trois voies à choisir :

1° laisser de coté les deux arbres (symboles du mal et du bien, de la mort et de la vie), car il ne lui était pas ordonné de manger de celui de la vie, c'est-à-dire rester âme vivante (I Cor. 15, 45.) innocente et pure, cultiver le jardin (Gen. 2, 15.), le garder, le défendre, état possible pour Adam seul ; nous ne pouvons pas, nous déchus, regagner l'innocence ; nous ne pouvons que chasser l'esprit du monde par celui de Dieu.
2° Recevoir l'esprit de Dieu, manger de l'arbre de vie, s'approprier la vie éternelle qui est Christ, devenir esprit vivifiant, passer en un mot à son second état (la perfection). Dans cette supposition, la terre fui restée belle comme elle était, comme elle le redeviendra (2 Pierre 3, 13. Apoc. 21, 1.) ; la Pentecôte eût eu lieu à l'origine de l'humanité, il n'y aurait eu ni incarnation, ni sacrifice de Christ... ni résurrection des morts, ni jugement.
3° Recevoir l'esprit de Satan qui est la connaissance du mal, et par opposition, du bien. Les anges, les saints ressuscités ne connaissent le bien moral qu'en tant qu'il est l'antithèse du mal. Ils ont en eux la vie et ils possèdent cette liberté divine qui ne peut que parler et agir selon la vérité et qui, sur cette terre, se retrouve dans l'amour, dans lequel se réunissent la nécessité et la liberté, dans l'amour qui impose un joug de joie, de paix, de vérité. Or, Adam dont l'âme était avant tout passive et réceptive, au lieu de la compléter par le principe actif du Saint-Esprit, reçut le principe actif de l'esprit du monde ; il devait épouser Christ, la vie, et il s'est uni au diable, à la mort, premier adultère spirituel, source de tous les autres ». M. de Rougemont.

(2) Christologie des Alt. Test. I B. S. 34-35

(3) Voyez sur l'origine du mal l'ouvrage de Tholuck déjà cité, Lehre von der sünde, p. 15 suiv.

(4) Dans deux autres passages où se trouve, celte locution signifie combien plus. 1 Sam. 14, 30. 2 Sam. 4, 11. Dans 1 Rois 8, 27, elle signifie combien moins.

(5) Vorlesungen über die christliche Glaubensleher. Halle 1827. Tom. I, p. 311.

(6) Ib. Tom. II, p. 39.

(7) C'est cette idée que, comme on sait, Milton a revêtu des brillantes couleurs de sa poésie.


(8) Ant. Jud. I. 1. c 2.
(9) V. R. Bellarmin Lib. de grat. primi hom. c. 17.

(10) « Par la DÉSOBÉISSANCE d'un seul homme plusieurs ont été rendu pécheurs » (Rom. 5, 19), voilà le péché !
(11) il est vrai n'exprime pas toujours le doute (Gen. 19, 19.) ; mais jamais la certitude, c'est le "ne", ne forte des Latins. Voyez pour le sens de la même expression,  de peur que vous ne mourriez, dans Lévitique 10, 7.

 

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