L'HOMME
BANNI D'EDEN
DÉVELOPPEMENTS
EXÉGÉTIQUES.
DE l'IMAGE DE DIEU EN L'HOMME. (Suite)
En présence de tels abîmes, il
convient à l'homme pécheur, non
d'élever vers les cieux un front orgueilleux
et d'interroger son Juge suprême, mais de se
coucher dans la poudre, d'adorer et de se taire. Si
au lieu de faire descendre jusqu'à nous
cette question pour montrer que de nos jours elle
est encore insoluble, on remonte les âges
jusqu'au delà de la chute et même de
la création, on se trouvera encore en
présence de cette question insondable ;
car puisque la tentation vient de dehors, ce
n'est pas en Eden qu'il faut chercher l'origine du
mal. Satan, intelligence spirituelle et jadis pure,
était tombé avant l'homme
(Jean 8, 44) : il n'a pas
PERSÉVÉRÉ ou, il n'est pas
DEMEURE FERME dans la vérité ;
or, qui nous expliquera le mystère de sa
chute ?
On voit qu'on peut déplacer et retourner en
tous sens cette question, mais que la solution est
le secret de Dieu seul. cependant on peut dire sur
cette question un mot, non pas de
théodicée, nous en nions la
nécessité, mais un mot
d'éclaircissement tiré de la nature
même du premier homme et de ses rapports avec
Dieu.
Adam était avant la chute dans un
état d'innocence dont il n'avait pas la
conscience, il ne connaissait, par
expérience, ni le bien ni le mal. Il avait
seulement toutes les facultés physiques,
intellectuelles et morales qui devaient lui faire
atteindre la plus haute perfection par
l'obéissance à la volonté de
Dieu et par l'épreuve de cette
obéissance. Mais l'obéissance suppose
une loi ; Dieu la donna. Il
fallait de plus la possibilité ou la
liberté de violer cette loi ; Dieu la
donna.
L'idée d'obéissance n'a lieu
qu'à ces conditions. Si donc Dieu, parce
qu'il prévoyait l'issue de l'épreuve,
eût détourné la tentation et
rendu la désobéissance impossible, il
aurait ôté a sa créature les
moyens de perfection morale qu'il lui avait
donnés ; Adam serait resté dans
son innocence passive dont il n'avait pas la
conscience, et en dehors des lois de son
développement (1).
Or, il valait mieux encore, ainsi
que le fait observer Hengstenberg
(2), que l'homme,
puisqu'il ne voulait pas persévérer
dans le bien et marcher vers la perfection en
passant par l'épreuve, arrivât
à lu perfection en passant par le
péché. Car nous ne devons jamais
envisager la chute qu'en présence de la
Rédemption que Dieu prévoyait aussi
bien que l'issue de la tentation. Ainsi Dieu permit
le mal parce qu'il ne pouvait l'empêcher sans
changer la nature de l'homme et nuire à son
perfectionnement ; mais d'avance il a, dans
son amour infini, préparé le
remède.
Jean, 3. 16.
Au reste, il faut bien distinguer cette
possibilité nécessaire de
pécher, d'une prédisposition
ou pente, ou tendance au mal. Dieu avait
créé l'homme avec la première,
comme nous venons de le voire, mais il ne lui avait
pas donné la dernière. Une tendance
au péché étant
déjà le germe du mal, si l'homme
l'avait eue en sortant de la main du
Créateur, il faudrait chercher en Dieu
l'origine du mal. Cette idée est un
blasphème. Mais il n'en est pas ainsi de la
possibilité de pécher.
Qu'est-ce que le péché dans sa plus
simple expression ? C'est, pour une
créature, le désir d'être
indépendante de Dieu, d'être autonome,
de méconnaître la loi suprême de
son existence en se séparant de Dieu, qui
est la source de la vie et de tout bien. Or, il n'y
a qu'un être pour qui ce désir soit
impossible, c'est Dieu. Dieu étant sa propre
loi, ayant en lui-même le principe de la vie,
il faudrait, pour faire le mal, qu'il sortît
de lui-même, qu'il s'anéantît.
Mais la créature ayant une existence
personnelle dérivée, il lui
est toujours possible de vouloir sortir de Dieu, de
briser les liens qui l'unissent à son
Créateur. Prétendre que Dieu aurait
pu créer l'homme sans cette
possibilité, c'est dire qu'au lieu d'en
faire une créature il aurait dû en
faire un Dieu, ou bien une machine incapable de
vouloir (3).
Mais, dira-t-on, Dieu aurait pu, tout en permettant
la tentation, tout en laissant sa créature
libre, incliner sa volonté, faire, sans la
forcer, qu'elle voulut le bien. Cela est
vrai ; aussi nous retrouvons-nous sur le bord
de l'abîme déjà signalé,
et nous nous taisons.
Revenons. L'épithète donnée au
serpent peut signifier prudent, sage, et se
prendre en bonne part, ou rusé, fin,
et se prendre en mauvaise part. Nous adoptons
sans peine avec Calvin le premier sens car ce ne
peut être l'intention de l'auteur
sacré de montrer dans le serpent aucune
intention mauvaise, vu que cet animal
n'était qu'un instrument.
D'autres commentateurs ont adopter le dernier sens
et en ont conclu que Moïse mentionne la ruse
du serpent pour lui attribuer la tentation et que,
par conséquent, nous ne pouvons y vit
l'oeuvre d'un esprit méchant. mais si Satan
choisit un animal pour accomplir son dessein, il
était convenable à ses vues
d'employer comme instrument un être connu
d'Eve par la supériorité de son
instinct afin qu'elle se défiât moins
des suggestions de son ennemi.
Peut-être peut aussi admettre avec
Hengstenberg (Christol. I. 33) que Moïse nomme
à dessein cette qualité du serpent
pour donner aux plus pénétrants de
ses lecteurs la solution du problème de la
tentation.
Le serpent a été de tout temps et
chez tous les peuples considérés
comme le symbole de la prudence.
(Voy. Matt. 10, 16).
Et il dit à la femme, etc. Ici
s'élèvent en foule toutes les
objections contre le sens littéral. Comment
le serpent aurait-il pu parler ? Comment lui
supposer des idées, un raisonnement
suivi ? Comment supposé des mots
articulés chez un animal qui n'a point les
organes de la parole ? Aussi les opinions
diverses par lesquelles on a cherché
à expliquer cette parole sont elles sans
nombre. je ne mentionnerai que les principales.
Pour ceux qui ne voient dans tout notre chapitre
qu'une figure ou qu'un mythe, la difficulté
existe à peine ; ce
verset n'est qu'un détail qui se trouve
expliqué dans l'ensemble du
système.
Selon quelques-uns d'entre eux, l'entretien du
serpent avec Eve doit être une figure
orientale bien connue au moyen de laquelle on fait
parler des objets même inanimés dont
la vue inspire des pensées. D'après
cette idée, il serait venu dans l'esprit
d'Eve des doutes sur la réalité de
l'ordre de Dieu en voyant le serpent manger du
fruit de l'arbre de la connaissance du bien et du
mal, sans qu'il en résultat pour lui aucun
mal. Et, d'après le Génie des
orientaux, ces doutes, accompagnés de
désirs et de craintes, auraient reçu
la forme d'un entretien articulé en Eve et
le serpent.
Le premier auteur de cette interprétation
est le rabbin Abarbanel qu'ont suivi .... Eichhorn,
Doederlein, Gabler, etc. et même des
écrivains qui admettent la
réalité des faits de notre chapitre
tel que Hahn et plusieurs auteurs catholiques. Il
est évident que cette interprétation
écarte de la scène le
véritable tentateur et fait émaner le
mal du coeur même de la femme. Il faudrait
pour cela qu'elle y eut une
prédisposition ; idée que nous
avons toujours combattue.
D'autres auteurs pensent que le démon
inspira à la femme la tentation sans le
secours de mots articulés, et que le serpent
ne fit que l'encourager par son exemple, les
réponses de la femme étant aussi de
simples pensées non exprimées.
On ne peut pas dire que cette explication de notre
passage soit grammaticalement fausse, car il est
certain que souvent dans la Bible, les mots
dire, parler, doivent s'entendre
d'une simple pensée non articulée
quand ces mots se rapportent à Dieu.
Gen. I. 26,
VI. 3,
7. Souvent encore nous employons
cette tournure : je dis, je me
dis à moi-même, pour dire, je
pense.
Cette interprétation est du reste
entièrement conforme, pour le fond des
idées, au sens littéral dans lequel
nous entendons la tentation.
Cependant nous pouvons juger de cet entretien, qui
enfermera toujours quelques obscurités, par
notre manière de concevoir nos idées
et de les communiquer, il nous
est difficile de comprendre comment tout ce
raisonnement du démon, tonte cette longue
promesse qu'il fait à la femme :
Vous ne mourrez nullement ; Dieu sait que
vos yeux seront ouverts, vous serez comme des Dieux
connaissant le bien et le mal, pourraient
être communiqués sans le secours de la
parole.
De plus, l'excuse que donne la femme,
v.13, et la
malédiction du serpent,
v. 14, semblent s'opposer à
cette interprétation, -'
Le sens le plus simple et le plus sûr est
donc d'admettre avec Calvin, Graeber, Hengstenberg
et tous les commentateurs littéralistes
que le démon parla au moyen du
serpent. L'ignorance où nous sommes sur
l'espèce du serpent dont il est ici question
rend nulle ou du moins affaiblit l'objection que
l'on a tirée de l'absence des organes
nécessaires à l'articulation des mots
dans cet animal. De plus nous avons dans la Bible
une foule d'exemples de paroles évidemment
articulées sans le secours d'organes a nous
connus (Voy. la méditation sur ce
sujet).
Quoi ! Dieu aurait-il dit : Vous ne
mangerez : point de tous les arbres du
jardin ?
David Kimchi suppose que déjà
le démon avait présenté
à la femme quelques doutes sur la
vérité ou sur la justice du
commandement de Dieu, quelques insinuations
blasphématoires sur l'état de
dépendance où il avait placé
l'homme, puisqu'arrivant à la défense
de manger du fruit de l'arbre de
la science, il en tire un nouvel argument :
Et même, combien plus
(4), n'est-il
pas injuste de vous défendre, etc. La
réponse de la femme n'est pas favorable
à cette idée.
Le paraphraste chaldaïque traduit par est-il vrai que.....
Ce sens est conforme à l'opinion de ceux
qui voient une simple question propre à
inspirer le doute. Dans ce cas il faudrait
peut-être sous-entendre avec Gesenius la
particule interrogative est-ce
que ? (ist es so, dass?) ce qui
revient au sens de nos traductions :
Quoi ! Dieu aurait-il dit ? C'est
la signification la plus probable de cette phrase
dont le sens est assez difficile à
déterminer.
Le but du démon est d'ébranler la foi
de la femme à la vérité de
l'ordre que Dieu avait donné, et
peut-être de le tourner en ridicule :
« Quoi ! qu'importe à Dieu
que vous mangiez, etc. » Une autre
interprétation, moins conforme au sens
grammaticale de, mais qui paraît
répondre mieux au but du tentateur, a
été proposée par quelques
anciens commentateurs ; ils traduisent :
Pourquoi Dieu a-t-il dit ? Alors la
question ne serait pas si Dieu a en effet
donné l'ordre ; la femme ne peut
guère en douter ; mais quelle est la
raison de cet ordre ? La question ainsi
présentée est encore plus insidieuse
que la précédente.
« C'est la tentation la plus
dangereuse, dit Calvin en citant cette opinion
qu'il admet en partie, que d'insinuer qu'il ne faut
pas obéir à Dieu avant de savoir la
raison de son ordre. La vraie règle de
l'obéissance est que, contents du simple
commandement, nous tenions pour juste et droit tout
ce que Dieu ordonne ». Nous
n'hésiterons pas à admettre ce sens
s'il pouvait être justifié
grammaticalement.
Vous ne mangerez point de tous les arbres du
jardin ( ) a un double sens en hébreu
comme en français ; la phrase peut
signifier : « vous ne mangerez pas
de tous, vous en excepterez un »,
ou « vous ne mangerez
d'aucun ».
Il est probable que le dernier sens
était dans l'esprit du tentateur qui par
là pensait aggraver l'apparence de
dureté ou d'injustice qu'il voulait faire
voir dans l'ordre de Dieu. La réponse de la
femme : nous mangeons des fruits des arbres
semble réfuter l'exagération du
tentateur et est favorable à notre
interprétation. -, manger d'un
arbre est une phrase elliptique qui est
complète au verset suivant, du fruit des
arbres ().
V. 2, 3. Et la
femme dit au serpent : Nous mangeons du fruit
des arbres du jardin. mais du fruit de l'arbre qui
est au milieu du jardin, Dieu a dit : Vous
n'en mangerez point et vous n'y toucherez
point.
Qu'est-ce que l'arbre qui est au milieu du jardin,
appelé dans le chapitre
précédent,
v. 9. l'arbre de la science
ou de la connaissance du bien et du
mal ?
On a fait à cette question tant de
réponses qu'on en remplirait presque un
volume sans pour cela imiter le savant Ziegra qui
cite ce verset
(c. 2, 9) en vingt-deux langues
différentes. Une grande diversité
d'opinions sur un passage en indique d'ordinaire la
difficulté, et l'on ne peut nier que ce ne
soit le cas ici.
cependant l'explication de ce verset eût
été de beaucoup simplifiée si
l'on s'était contenté de le prendre
tel qu'il est, sans y ajouter des idées
qu'il ne renferme pas. Nous ne parlons ici que
l'arbre de la connaissance du bien et du
mal mal ; la notion
parallèle de l'arbre de vie se
présentera sous le verset 22. Nous ne
citerons des interprétations diverses que
pour mettre le lecteur à même de les
comparer avec celle que nous avons adoptée
et de faire un choix.
Ce qui a jeté le plus de difficultés
sur l'idée que nous devons nous faire de
l'arbre de la science, c'est que dans les temps on
s'est efforcé de rechercher dans de
prétendues propriétés de
l'arbre même le motif pour lequel Dieu en
avait défendu la jouissance à
l'homme. Ainsi une opinion très
répandue par mi les théologiens
allemands des derniers siècles, opinion que
Chrysostôme connaissait déjà
quoiqu'il ne l'admit point, c'est que les fruits de
cet arbre étaient vénéneux, et
que Dieu le défendait à l'homme par
une sagesse toute paternelle, comme un père
défend à son fils de toucher à
un breuvage empoisonné. D'après cette
opinion, Adam, ayant violé la défense
divine, éprouva dans son corps les effets
désastreux du poison, de là les maux
physiques, la maladie et la mort.
Mais pour pouvoir admettre cette opinion sur
laquelle Knapp (5)
ne parait pas avoir le moindre
doute, il faut aussi admettre avec lui que l'effet
de la chute de l'homme, le péché, est
tout entier dans la chair
(6). Pour
guérir un tel mal, ce n'est pas la
Rédemption toute spirituelle de Christ qu'il
nous aurait fallu, mais un remède physique,
un simple antidote.
Une autre opinion, plus naturelle, mais
également sans fondement selon nous, c'est
que le fruit de l'arbre défendu avait la
propriété d'exciter les désirs
charnels, la sensualité. Telle est
l'idée adoptée par Meyer dans ses
excellentes notes sur la Bible
(7). Le verset 7,
observe M. de
Rougemont est très
favorable à l'hypothèse de Meyer que
Milton, par exemple, connaît
déjà et qui est, je crois, assez
ancienne. La volupté est donc
été le premier péché,
et je me rangerais sans peine à cette
explication si elle ne me paraissait
tout-à-fait contredite par
c. 2, 24, qui indique la
légitimité du
mariage ».
En rejetant cette opinion on ne prétend
point nier qu'il n'y ait eu après la chute
un très grand changement dans ce qu'il y a
de charnel en l'homme. Ses sens et leurs besoins
ont participé à la
désorganisation physique et morale qui a
brisé l'harmonie de tout l'homme avec
lui-même et avec son Dieu ; mais, quant
à la cause, à la nature du premier
péché, il nous semble plus conforme
à la Bible de le considérer sous un
jour purement moral et spirituel, comme nous allons
le montrer bientôt.
D'autres auteurs, cherchant aussi dans les
propriétés inhérentes à
l'arbre la raison pour laquelle Dieu en
défendit la jouissance, et voulant se rendre
compte de cette appellation de la connaissance
du bien et du mal, ont supposé que son
fruit pouvait exercer une influence sur
l'intelligence de l'homme. Ainsi Josèphe
(l'historien) prétend que « la
femme ayant mangé du fruit et en ayant
aimé les effets, persuada Adam d'en prendre
aussi ; bientôt après ils
sentirent leur nudité, car II
était de la nature de l'arbre de donner de
la pénétration et du discernement
(8) ».
La même idée se
retrouve dans Josèphe de
Damas, avec cette différence que la
connaissance de sa propre nature, donnée
à un être arrivé à un
haut degré du perfectionnement, pouvait lui
être utile et salutaire, tandis que
l'être encore dans l'enfance et
l'inexpérience était inutile et
nuisible. Tel était l'état d'Adam et
telle est la cause de la défense divine
(9).
Il nous semble que, dans toutes ces
interprétations (et nous ferons grâce
au lecteur de tant d'autres qu'on pourrait citer),
on a trop perdu de vue la véritable
importance de la loi de Dieu qui était de
placer sa créature sous la
responsabilité et de lui donner un moyen de
développement moral par l'obéissance.
Sans répéter ici ce que nous avons
dit du but du commandement dans la
méditation sur ce sujet, observons que
Moïse ne mentionne même pas la
prétendue propriété que l'on
suppose an fruit de l'arbre d'exercer sur l'homme
une influence, soit physique, soit intellectuelle,
nous ne prétendons pas nier absolument cette
influence, mais elle n'est nullement
nécessaire pour expliquer la défense
dont le but est tout moral.
Qu'importe la nature de l'arbre ? Qu'importe
l'apparente insignifiance d'un ordre qui, dit-on,
ne porte que sur la jouissance on l'abstinence d'un
fruit ? C'est le commandement de Dieu qu'il
faut voir, c'est la responsabilité de
l'homme, c'est son obéissance à la
Parole de son Créateur ou son mépris
de cette Parole
(10).
On a détourné son attention de ce
point important pour ne s'occuper que de causes ou
de motifs secondaires, et l'on a ainsi
enveloppé cette question de
difficultés et de
ténèbres.
Le nom de l'arbre ne doit pas non plus nous
induire en erreur car bien que Moïse l'appelle
l'arbre de la connaissance du bien et du mal, avant
de rapporter l'histoire de la chute, il est
évident qu'il ne reçut ce nom
qu'après, ab effectu comme dit
Calvin. C'est en effet par l'arbre qu'Adam connut
le bien, l'ordre de Dieu, l'obéissance, et
par l'arbre aussi qu'il connut le mal, la
désobéissance.
Quant à l'expérience qui est la
seule vraie connaissance d'une chose, Adam ne
connaissait avant sa chute ni le bien, ni le mal
parce qu'on n'en juge que par contraste. Dès
lors il connut le bien par opposition à sa
misère présente et le mal par
opposition au bien qu'il avait perdu . C'est
là exactement le curco dignoscere ectam
du poète païen (Hor., EP. II.
2).
Si vous voulez savoir quelle est la vraie nature
d'un péché, interrogez votre
conscience et votre coeur après avoir eu le
malheur de le commettre ; le regret amer qui
se joint au tourment du remords et à la
honte du coeur fait alors aussi connaître ce
qu'est l'innocence de ce
péché. L'objet de ce
péché, quel qu'il soit, est aussi un
arbre de la connaissance du bien et du mal.
Nous ne dirons pas, avec Tertullien, que ce
commandement de Dieu à l'homme renfermait en
détail tous les commandements donnés
depuis le Décalogue ; mais nous
dirons, avec Luther, et nous ne pouvons nous
empêcher de citer ses nobles
réflexions à ce sujet dont il a
admirablement saisi l'esprit que nous aimons
à y voir toute une alliance, toute une
religion, tout un culte : Conditur noca ...
(les paragraphes en latin
ont été supprimés dans ce
document)
On nous pardonnera facilement cette longue
citation ; on ne se lasse pas de
répéter et d'entendre de telles
paroles ; il est impossible de commenter la
Bible avec plus d'âme, d'intelligente, de
spiritualité.
On pourrait faire d'intéressants
rapprochements entre ces notions bibliques de
l'arbre de la connaissance du bien et du mal, et la
tradition, évidemment dérivée
de l'Écriture, par laquelle divers peuples
expliquent l'origine du mal. Mais la longueur de
ces réflexions ne nous permet pas de nous
y arrêter plus longtemps.
Dans le verset 3e dont nous nous occupons, la femme
ne rapporte pas le commandement de Dieu, ni la
sujétion qui l'accompagnait., tels qu'ils
avaient été donnés ; elle
ajoute à la défense cette
clause : et n'y touchez point, et au
lieu de donner la sanction dans toute sa terrible
certitude : Vous mourrez de mort ou
certainement, elle emploie celte tournure
dubitative : de peur que vous ne
mourriez (11)
peut-être doit-on conclure
de là que déjà la foi de la
femme en la certitude de la Parole de
l'Éternel avait été
ébranlée par la question moqueuse du
tentateur.
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