Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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L'HOMME BANNI D'EDEN



DÉVELOPPEMENTS EXÉGÉTIQUES.

DE l'IMAGE DE DIEU EN L'HOMME.

CHAPITRE III

Avant tout il faut discuter ici une question préalable dont dépend toute l'interprétation du chapitre : Le récit mosaïque de la chute de l'homme est-il réellement historique, littéral, ou bien ne serait-ce qu'une allégorie servant d'enveloppe à une vérité morale, ou encore un mythe, un apologue religieux par lequel l'auteur aurait voulu exposer ses vues philosophiques sur l'origine du mal ? Telle est la question qui a divisé les théologiens depuis Philon, Justin martyr et Origène jusqu'à Eichhorn, Hengstenberg et Tholuck.
On comprend facilement que des hommes qui ont perdu, par l'étude des sciences métaphysiques et une fausse civilisation, les goûts, l'esprit et la simplicité des premiers Âges du monde, aient été tentés de mettre dans la haute question de l'origine du mal des spéculations philosophiques que le récit mosaïque n'offre pas. Ils croyaient échapper par là aux objections ou aux sarcasmes de ceux qui ne reçoivent pas la Parole de Dieu comme vraie. On ne peut pas nier non plus qu'il n'y ait dans ce récit des difficultés pour la raison humaine ; on a voulu les aplanir, mais a-t-on atteint ce but parla spéculation ?

Les premiers essais d'interprétation allégorique sont dus à Philon d'Alexandrie (De opifido mundi, p. 104 seqq., ed. Pfeif..), sur les pas de qui marchèrent d'abord Origène qui trouva ici un beau champ pour son système favori d'interprétation, Ambroise (L. de Paradiso), Clément d'Alexandrie, etc.
Plusieurs écrivains de l'église catholique ont adopté l'explication allégorique ; dès le milieu du siècle passé le rationalisme, faisant un pas de plus, ne vit plus dans notre récit qu'un mythe philosophique dans lequel disparaissent tous les faits et où il ne reste plus comme réalité ni arbre de la science du bien et du mal, ni serpent, ni tentation ; en un mot c'est une pièce de pure invention comme une fable d'Esope ; ainsi Eichhorn, Gabler, Paulus et d'autres. Quelques-uns de ces exégètes veulent néanmoins conserver à quelques parties du récit leur réalité, tout en expliquant les autres par un mythe ; mais ce système est insoutenable. Où seront alors ces marques de distinction ou les limites du vrai et du fictif ? Évidemment tout le récit doit être littéral, ou tout allégorique, ou tout mythologique.

Cependant, dès les temps les plus anciens de l'Église chrétienne il y eut une grande majorité des Pères de l'Église qui virent dans notre chapitre un récit purement et simplement historique, un fait d'une immense importance dont le sens est très profond malgré la simplicité enfantine de l'expression et de toute la manière de raconter ; ainsi Justin martyr, Irénée, Théophile d'Antioche, Tertullien, Augustin, Théodore, auxquels se joignirent tous les réformateurs et les théologiens protestants jusqu'à la naissance du rationalisme en Allemagne (1). Il est inutile de dire que tous les commentateurs anglais sont littéralistes.

Maintenant où est la vérité ?
J'avoue qu'en commençant des recherches sur ce sujet j'avais une disposition décidée à l'expliquer, non pas par un mythe, ce qui ne peut guère entrer dans l'esprit de quiconque respecte la Bible comme la Parole de Dieu, mais par une interprétation à la fois réelle, quant au fonds des idées, et pourtant allégorique ou figurée, quant à la forme dont ces idées sont revêtues. Et certes, quand on voit un exégète chrétien tel que Tholuck se décider pour cette interprétation, on peut croire qu'elle n'est pas incompatible avec une foi vive et éclairée en l'autorité divine de la Parole de Dieu. Ce profond théologien, qui se rit de l'opinion de Luther qu'avant la chute le serpent marchait verticalement et sur des pieds comme un coq, exprime ainsi ses idées : « Comme chaque âge imprime aux faits qu'il livre à la postérité sa couleur particulière, le devoir de l'historien est de distinguer cette couleur des faits mêmes afin de les considérer objectivement (en eux-mêmes) autant que cela est praticable dans des faits de tradition.

Or, si l'on examine les premiers chapitres de la Genèse, on se persuade bientôt que les récits qu'ils renferment portent le coloris d'un temps très reculé, d'un temps où les hommes vivaient dans une simplicité d'enfance, et où par conséquent leur manière de s'exprimer était en figures, parlant aux sens (sinnlick-bildlich), comme cela est naturel aux coeurs simples et enfantins. Que Dieu se promène au vent du jour dans le jardin, qu'un ange garde l'entrée du jardin avec une épée flamboyante, toutes ces expressions trahissent dans leur simplicité figurative le caractère de la haute antiquité d'où elles émanent. Dans les plus anciennes traditions d'autres peuples on trouve le même coloris ; il faut donc rechercher les idées que l'antiquité a déposées dans ces peintures figuratives. Quand dans un tableau la figure principale est expliquée, elle répand sa lumière sur tout ce qui l'entoure ; or, dans notre histoire, l'objet saillant est l'arbre de la connaissance du bien et du mal dont la jouissance attira sur nos premiers parents toute la misère où l'humanité se trouve actuellement plongée.
Que nous ayons ici une figure, c'est ce qu'on ne peut révoquer en doute ; la tradition indienne parle d'un arbre de la sagesse, celle du Thibet d'une racine d'immortalité, celle des Perses d'une source de la vie éternelle, autant d'images d'une même chose. Manger du fruit de l'arbre de la connaissance du bien et du mal signifie simplement entrer dans cette connaissance. Ainsi le sens de cette image est celui-ci : L'homme qui, conformément à sa destination, jouissait jusqu'alors d'une sainte innocence, l'homme qui n'avait d'autre volonté que la volonté de Dieu (comme dans l'éternité nous n'en aurons point d'autre), sortit de sa destination, devint autonome, ne voulut plus reconnaître la loi divine comme loi suprême de sa vie. - Tel est le point de vue duquel on doit expliquer les autres « circonstances du récit (2) ».

Cependant, malgré l'autorité d'un si grand nom et la prévention que j'avais en faveur de l'interprétation figurée, une étude attentive de ce chapitre m'a convaincu que cette interprétation ne saurait être vraie. En voici les raisons principales que je ne ferai qu'indiquer :

1° Le principe d'une telle interprétation est mauvais et dangereux. Il a conduit les Idéalistes de l'Allemagne dans des erreurs tout aussi graves et peut-être de même nature, quoiqu'ils soient loin de l'avouer, que le système d'allégories inventé jadis par les docteurs de l'école d'Alexandrie et suivi de nos jours par des chrétiens dignes d'ailleurs de tout respect (3).
Dès que, dans des livres historiques, on cesse de voir purement et simplement de l'histoire (sans en méconnaître l'esprit, sans doute) on ouvre un champ illimité à l'imagination et aux spéculations les plus hasardées.
Si l'on idéalise le troisième chapitre de la Genèse, c'est-à-dire si l'on en accepte l'idée en rejetant les faits historiques qui lui servent de fondement et en font la réalité, pourquoi ne ferait-on pas de même pour la création du monde, par exemple, ou pour l'histoire du déluge, ou pour les miracles de Moïse, ou pour la conception de Jésus-Christ par le Saint-Esprit, ou pour ses miracles, ou pour la conversion de saint Paul ?
On sait que ce ne sont pas là des suppositions gratuites, mais que l'idéalisme moderne les a réalisées. Il est vrai que ce raisonnement à priori n'aurait aucune force si l'on pouvait prouver que l'auteur de notre chapitre a eu l'intention de donner, non de l'histoire, mais des figures.

2° Mais comme tout, au contraire, prouve qu'il raconte aussi bien pour la forme que pour le fonds et qu'il n'invente pas, nous tirons de là une seconde preuve en faveur de l'interprétation littérale. L'histoire de la chute de l'homme se trouve dans un livre où tout est historique ; elle fait suiteau récit de la création, elle précède la description des premiers crimes des hommes ; nous voyons maintenant l'homme tel qu'il devint par celte chute, et en tout cela il n'y a pas un mot, pas un incident d'où l'on puisse conclure avec quelque fondement que Moïse, coupant tout à coup son récit historique, y introduise un épisode pris hors du domaine des faits. Au contraire tous les éléments de ce récit sont pris dans la nature même. Est-il question d'un serpent, il est pris « d'entre les animaux des champs que l'Éternel Dieu avait faits ». Est-il question de l'arbre de la science, de l'arbre de vie, ils sont parmi les arbres du jardin. Le serpent est-il maudit, il est réduit par-là à la condition où nous le voyons encore. Il en est de même de la peine du péché prononcée sur Adam, sur Eve ; il en est de même enfin de tous les incidents du récit.

3° II est vrai que ceux qui admettent l'interprétation figurée veulent voir aussi dans la chute un fait historique. Tholuck, par exemple, dit que Moïse raconte sans aucun doute ce fait comme histoire (als Geschichte), et il rejette l'opinion de ceux qui n'y voient qu'un mythe. Mais n'est-ce pas là une contradiction manifeste ?
Dans ce système la chute n'est qu'une idée et non un fait ; car à quoi se rattacherait ce fait ? Si l'arbre de la connaissance du bien et du mal n'est qu'une image, à quoi Dieu aurait-il attaché un commandement qui mît l'homme sous la dépendance et la responsabilité ?
Et s'il n'y a point de commandement, où est le péché ? Où donc serait la violation d'un ordre qui est si sévèrement punie ? Comment Adam aurait-il connu son péché ? Comment en eût-il été rempli de crainte et de honte ? - Si le serpent et l'insinuation du séducteur qui eut lieu par son moyen ne sont que des figures, où est la tentation ? Quel en était l'objet ?
Une tentation sans objet vers lequel elle nous pousse est un non-sens. Que signifie donc l'idée que l'homme « sortit de sa destination, devint autonome, ne voulut plus reconnaître la loi divine ? »
II y a plus ; si la tentation ne vint pas du dehors et n'eut pas un objet déterminé, l'homme tomba par lui-même, et ainsi il aurait eu en lui, non-seulement impossibilité de pécher, mais aussi la disposition, le désir, conséquence que rejettent bien loin d'eux les auteurs de l'opinion que nous combattons (4).

4° On veut idéaliser l'histoire de la chute pour éviter des difficultés et prévenir des objections ; mais on voit qu'on ne fait que les multiplier. Rien ne le prouve mieux que l'embarras, l'incertitude, l'arbitraire des idéalistes, et la diversité sans bornes de leurs opinions à ce sujet.

5° Enfin, nous avons pour l'explication littérale les allusions faites dans le Nouveau-Testament à l'histoire de la chute, et dans laquelle rien n'indique que les auteurs sacrés l'entendissent dans un sens figuré. Ainsi 2 Cor. 11, 3. 1 Tim. 2. 13, 14. Rom. 5, 12.

J'aurais pu citer encore à l'appui de l'opinion que j'établis, la tradition de tant de peuples qui rattachent l'origine du mal à un fait semblable à celui que raconte Moïse, ce qui ne peut s'expliquer que par l'influence de la Genèse sur la foi des plus anciens peuples de l'Orient, et qui prouve, au moins indirectement, la réalité du fait. Mais nous reviendrons à cette tradition en parlant de la tentation. En voilà bien assez ce nous semble, pour prouver qu'une interprétation arbitraire, qui s'éloigne du sens simplement historique, ne repose sur aucun fondement.
Cependant qu'on se garde bien en s'attachant à la lettre d'oublier l'esprit. Si nous refusons d'idéaliser les faits, nous craindrons encore plus de matérialiser les idées ; et au reste il faut se résoudre à laisser planer plus d'un nuage obscur sur un ordre de choses qui nous est presque entièrement inconnu. C'est un caractère qui convient à l'homme déchu et qui ennoblit sa science, au lieu de la rabaisser, que d'être assez humble pour dire souvent : Je ne sais pas.

V. 1. Or le serpent était rusé plus que tous les bêtes des champs que l'Éternel Dieu avait faites. Et il dit à la femme : Dieu. aurait-il dit : Vous ne mangerez pas du fruit de tous les arbres du Jardin ?

D'après les principes d'interprétation que nous venons de poser, nous n'hésitons pas à admettre ici un serpent réel, et non pas seulement une forme qu'aurait revêtue le tentateur. Le mot ici employé étant générique, on ne peut former que des conjectures sur l'espèce de serpent dont il est question. On a pensé au serpent volant d'Esaïe (14. 29) ; et comme dans ce passage, ainsi que dans Nombres 21. 6, 7. cet animal est appelé saraph, au plur. séraphim, du même nom que les êtres célestes et ailés dont parle Ésaïe, 6. 2. 6., quelques auteurs en rapprochant ces mots ont conclu que le tentateur s'approcha d'Eve sous la forme de quelque ange qu'elle avait accoutumé de voir en Éden et qu'elle ne s'étonna point d'entendre parler. (Comp. 2. Cor. 11, 14. Satan lui-même se déguise en ange de lumière ).
Gesenius (Dict. hébr. s. ) qui voit dans les séraphin d'Ésaïe des êtres symboliques, pense qu'ils tirent leur nom de quelque ressemblance avec cette espèce de serpent. II fait observer que, dans la symbolique des Hébreux et des Égyptiens le serpent était considéré comme l'image de la puissance de guérir (le serpent d'Esculape) et de la sagesse (les Ophites avaient un serpent pour symbole). Cet animal a été adoré par plusieurs idolâtres comme un être d'un ordre supérieur. Tout ce que nous pouvons conclure de ces rapprochements, c'est que le serpent qui séduisit Eve était peut-être plus propre à la décevoir et à être l'instrument de la tentation que ne le serait le serpent ordinaire de nos contrées.

Cependant, dès que l'on ouvre notre chapitre on est étonné de voir l'auteur de cette histoire attribuer à un serpent la tentation de nos premiers parents. Cet animal, destitué d'intelligence, parle, pense, raisonne....
Assurément, est-on forcé de se dire, il y a ici une intelligence occulte qui agit ; le serpent ne peut être qu'un instrument, assertion qu'il serait toutefois difficile de prouver si la suite des révélations divines n'avait pas jeté sur ce point la plus vive lumière.
Moïse, il est vrai, ne nomme que le serpent ; il raconte l'histoire de la tentation et de la chute telle qu'elle doit paraître au premier homme, sans expliquer les faits, sans remonter à leur cause ; ici en particulier il ne fait aucune mention de Satan, et pour de bonnes raisons (5). Malgré cela les preuves en faveur de l'opinion énoncée ci-dessus me paraissent convaincantes. Je vais indiquer les principales d'après Hengstenberg (6), sans répéter ici ce que j'ai dit dans la méditation à ce sujet.
1. La première preuve qui, si l'on veut, n'est qu'une induction favorable à l'idée qu'un esprit méchant fut l'instigateur de la tentation, c'est que, sans cela, tout le récit devient inintelligible. Il est impossible que la séduction d'un animal sans raison ait fait tomber Eve dans le péché ; il faut donc que le mal ait une autre source, un autre auteur, ou bien il n'y eut point de tentation.
On objecte que l'entretien d'Eve avec le serpent ne doit pas se prendre à la lettre, nous reviendrons bientôt à cette objection.

2. La tradition des peuples anciens est toute en faveur de notre thèse ; leurs idées sur l'origine du mal sont évidemment émanées des faits du récit mosaïque et d'une vraie interprétation de ces faits. Ainsi les Perses, d'après leur Zendavesta (trad. allem. de Kleuker, tom. III, p. 84, 85), croient que les premiers hommes, Meschia. et Meschianeh furent créés de Dieu purs, bons, destinés à la félicité, sous la condition qu'ils persévéreraient dans l'humilité, l'obéissance à la loi divine, la pureté dans leurs pensées, leurs paroles, leurs actions ; mais ils furent trompés par Ahriman, le génie du mal, « cet être cruel, qui ne cherche que la déception dès le commencement », et qui les fit déchoir de Dieu et les plongea dans le malheur en leur faisant manger certains fruits. Ces mêmes livres sacrés (Zendav., III, p. 62) représentent Ahriman venant du ciel sur la terre sous la forme d'un serpent et donnent à un autre esprit méchant le nom d'une espèce de serpent.

3. Les Juifs eux-mêmes attribuaient à Satan la séduction du premier homme. « Dieu a créé l'homme pour être incorruptible (), et l'a fait être une image de sa propre ressemblance ; mais par l'envie du diable la mort est entrée dans le monde ». Sapience, II, 23, 24.
Dans des écrits judaïques postérieurs Sammaïl, le prince des esprits méchants, est nommé, serpent ancien, ou seulement, serpent, parce qu'il séduisit Eve sous la forme de cet animal.
Enfin, au temps du Sauveur, cette doctrine était chez les Juifs de croyance populaire (7).

4. Mais ce. qui met hors de tout doute la vérité que nous établissons, ce sont les déclarations positives du Nouveau-Testament. Je les ai citées dans la méditation sur les premiers versets de ce chapitre ; je ne reproduirai donc ici que celles qu'il est nécessaire d'accompagner de quelques observations, 2 Cor., 11, 3, l'apôtre Paul dit que « le serpent séduisit Eve par sa ruse ». Il est vrai que, comme Moïse, il ne mentionne que le serpent, mais qui peut croire que l'apôtre attribuât à cet animal e tentation tout entière ?

Sa pensée n'est-elle pas plutôt expliquée par cette autre parole sortie de sa plume : « Le Dieu de paix brisera bientôt Satan sous vos pieds », Rom., 16, 20., l'on ne peut guère méconnaître une allusion à Gen., 3, 15.
Jésus-Christ, dans Jean, 8, 44, dit que le démon dont il rappelle la chute a été meurtrier dès le commencement. Il est vrai que quelques commentateurs, Cyrille d'Alexandrie, et dernièrement Nitzsch et Lücke , ont voulu voir dans ce passage, en le rapprochant de 1 Jean, 3. 12, une allusion, non à Gen., 3, mais au meurtre de Caïn ; mais assurément c'est bien là se créer des difficultés pour le plaisir de les aplanir.
Quelle nécessité y a-il d'expliquer notre passage à la lumière de 1 Jean, 3, 12 ? Quel rapport y a-t-il entre le meurtre de Caïn et cette déclaration de Jésus-Christ aux Juifs : « Le père dont vous êtes issus, c'est le diable... Il a été meurtrier dès le commencement.... il est menteur et le père du mensonge ».
Le double rapport qu'ont ces paroles à la tentation et à l'état des Juifs du temps de Christ est évident. « Vous les enfants du diable ; qui est meurtrier dès le commencement où il plongea dans la mort Adam et sa postérité, car vous tâchez de me faire mourir (v. 40) ». - « Vous êtes enfants de celui qui est le père du mensonge, qui proféra ce premier mensonge : Vous ne mourrez nullement (Gen., 3, 4). et qui fit entrer le mensonge dans la vie morale de l'homme, car voici : parce que je dis la vérité vous ne me croyez point (v. 45) ».
Que l'on compare encore 1 Jean. 3, 8, et l'on verra que dans ces deux passages il n'est question que de la tentation et de la chute de l'homme, tandis que l Jean, 3, 12, n'est qu'une pensée isolée, sans rapport avec celle-ci, et destinée à établir un contraste frappant entre la charité que l'apôtre recommande et la haine dont le meurtre de Caïn fut la première et effroyable expression.

Ainsi, dès le commencement () doit se prendre dans sa signification rigoureuse, dès Eden ; telle est la seule interprétation soutenable de ce passage, et celle qu'ont suivie Origène, Chrysostôme, Augustin, Calvin, Luther, Tholuck, Hengstenberg, etc.
Un autre passage tout aussi évident que celui que celui que nous venons de citer, c'est Apoc., 12, 9. 20, 2
. Là Satan est désigné : « le serpent ancien, qui séduit le monde » ; or nous avons vu, sous le N° 3 et dans la note, que les Juifs appelaient ainsi le démon à cause de la séduction au moyen du serpent. Et comme saint Jean ajoute que ce serpent ancien est appelé le diable et Satan, il ne peut donc y avoir aucune espèce de doute que l'auteur de l'Apocalypse ne fasse allusion à la tentation en Eden.

Réfuter les objections que l'on à faite à cette doctrine nous entraînerait au-delà des bornes de cet essai, et au reste, si elle est prouvée par la parole de Dieu, les raisonnements humains ne sauraient l'ébranler. Quelques-unes de ces réjections se rencontreront encore sur notre route et nous n'en mentionnerons ici qu'une seule que l'on entend sans cesse répéter, bien que, par sa nature, elle dût le moins arrêter des hommes soumis à la parole de Dieu ? Comment a-t-il permis au démon une tentation dont il prévoyait bien l'issue ?
L'exégèse pourrait très bien ne peut répondre à cette question ; car s'il est prouvé que Dieu a fait ou permis une chose, de quel droit l'orgueilleuse raison de l'homme viendrait-elle lui en demander compte ? ce que Dieu fait a en soi-même sa dernière raison : il l'a fait parce qu'il l'a fait. « Plaît à Dieu, s'écrit Calvin avant de répondre à cette question, plaît à Dieu que les hommes se laissent juger par dieu au lieu de le traduire lui-même en jugement par une impie témérité ! »
Cette question revient évidemment à cette autre qui renferme encore plus de difficultés :
Pourquoi Dieu, après avoir trouvé un remède au mal moral, n'a-t-il pas rendu ce remède universellement efficace ?
Pourquoi n'a-t-il pas anéanti en un instant le péché par la Rédemption ?
Pourquoi y a-t-il plus de six cents millions de païens qui ne connaissent pas Christ ? Dieu pourrait les convertir et les sanctifier tous en un clin d'oeil comme il aurait pu prévenir la tentation et la chute : pourquoi ne le fait-il pas ?


Table des matières


(1) On se tromperait toutefois si l'on croyait que tous les théologiens allemands sont allégoristes ; le sens littéral a trouvé un habile défenseur dans Lüderwald (Die allegorische Erkloerung der drei ersten Cap-Mosis, insonderhit des sünden fulls, in ihrem Urgrunde vorgestellt, Helmstaet 1781), et de nos jours encore Hengstenberg, à qui nul ne refusera la science et le génie d'un orientaliste, s'est déclaré pour cette interprétation dont le docteur Graelur a montré toute la fertilité pratique.

(2) Die Lehre von der Sünde und vom Versoehner. ate Aufl. S. 264. ff.

(3) Ce système est combattu par M. Cellérier fils, dans son Introduction à la lecture des Livres Saints, p. 409 suiv. Bien que nous soyons loin d'admettre toutes les opinions de cet auteur sur ce sujet, nous n'y reconnaissons pas moins des vérités fort utiles.

(4) Voyez les paroles de Tholuck lui-même citées sous le v, 1.

(5) V. Olshausen Biblischer Commentat. T. I. p. 374, Note.

(6) Christologie des Alt. Test. I T. S. 27. ff.

(7) Un passage du livre de Sohar, fol. 27. 3, cité par Tholuck dans son Commentaire sur S. Jean VIII. 44, désigne ainsi les méchants : Les fils du serpent ancien qui tua Adam et tous ceux qui descendent de lui.

 

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