Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
REGARD
Bibliothèque chrétienne online
EXAMINEZ toutes choses... RETENEZ CE QUI EST BON
- 1Thess. 5: 21 -
(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



L'HOMME BANNI D'EDEN



DÉVELOPPEMENTS EXÉGÉTIQUES.

DE l'IMAGE DE DIEU EN L'HOMME.

Puis Dieu dit : Faisons l'homme à notre image et selon notre ressemblance. Gen. I, 26.

1. Ayant fait une méditation sur ce verset, afin de considérer, d'après l'Écriture, l'état primitif de l'homme, avant d'exposer l'histoire de sa chute, il peut n'être pas inutile d'ajouter ici quelques éclaircissements et quelques preuves.
Nous n'aurions point à nous occuper de la première partie de ce verset et nous commencerions immédiatement par l'explication des deux mots image et ressemblance qui seuls entrent dans notre sujet, si une fausse interprétation de ce langage délibératif n'eût pas conduit quelques commentateurs à des vues absurdes sur l'image à laquelle l'homme fut créé. Des écrivains juifs ont cru que Dieu, en parlant ainsi au pluriel : Faisons l'homme à notre image, etc., s'adressait à la terre d'où il allait tirer la matière qui devait servir à la création de l'homme, en sorte que celui-ci eût porté, dans sa faiblesse, l'image de la terre d'où il avait été tiré, et, dans sa force et sa beauté, l'image de son Créateur. D'autres rabbin croient, comme on le voit dans leurs Targumim (1) (paragraphes chaldaïques sur quelques parties de l'Ancien-Testament), que Dieu s'adresse aux anges dont il veut donner l'image à sa nouvelle créature.
On conçoit à peine comment des hommes qui avaient la Bible sous les yeux pouvaient adopter ces opinions, puisqu'au verset suivant il est dit à deux reprises que Dieu créa l'homme à son image, il le créa à l'image de Dieu.

En évitant ces absurdités on a eu recours, pour expliquer ce pluriel, à deux interprétations différentes :

1° un grand nombre d'interprètes n'y voient que ce que l'on a nommé un pluriel de majesté, à la manière des rois. Mais cet usage de parler au pluriel était inconnu au temps de Moïse et fort longtemps encore après lui, en sorte qu'il ne peut point l'avoir rencontré dans les antiques documents dont il se servait pour écrire l'histoire de la création. Ensuite, on ne pourrait pas au moyen de cette interprétation, expliquer le v. 22 du ch. III où Dieu dit : L'homme est devenu comme l'un de nous. -

2° Cette dernière expression, a conduit la plupart des Pères de l'Église, les interprètes anciens et presque tous les commentateurs anglais à admettre dans le pluriel de notre verset une indication de la pluralité des personnes en Dieu (2). Que cette idée soit exprimée par le pluriel de ce verset ou non, il est certain qu'elle est biblique et que saint Jean l'a proclamée à la tête de son évangile. Déjà les Juifs parlent (3) d'un Adam Kadmon ou Ancien Adam qui, selon eux, a pris part à la création et dont il est parlé Prov. 8, 22 et suiv. Ils appellent cet ancien Adam la cause des causes, à qui Dieu dit au commencement : Faisons l'homme, etc.
Or, les exégètes modernes ont établi clairement que cette sagesse éternelle, déclarée princesse dès les siècles, dès le commencement, dès l'ancienneté de la terre, etc. (Prov. VIII), est une personnification identique avec le Logos (la parole) de saint Jean (I. 1.) (4).
Cette Parole, l'Ange de la face, chez les patriarches, la sagesse, dans les Proverbes, la scheschina (habitation au milieu des hommes) des Juifs, le logos de saint Jean, cette Parole, personnifiée dans le Messie, a été le moyen de toutes les révélations que Dieu a faites aux hommes.
Nous posons ce fait (pour la démonstration duquel nous renvoyons aux auteurs cités ci-dessus) dès l'entrée de cette explication du troisième chapitre de la Genèse ; il y jettera une grande lumière et aplanira toutes les difficultés que l'on a trouvées dans les communications de l'Éternel Dieu avec sa créature en Eden. Calvin voit dans notre verset à la fois la doctrine de la Trinité et une délibération solennelle de Dieu avec son éternelle sagesse (3), dont le but est de nous faire voir la dignité et la grandeur de l'être qu'il allait créer. Si, par répugnance à admettre l'idée de la Trinité dans ces documents mosaïques, on veut borner à cette dernière pensée (la dignité de l'homme) tout le sens de cette délibération, il n'en est pas moins vrai qu'alors il ne reste aucune explication satisfaisante du pluriel, et encore moins dans le v. 22 : l'un de nous.


2. Quoi qu'il en soit, il reste évident que c'est à l'image et selon la ressemblance du Dieu éternel que l'homme a été créé. Quel est le sens et l'étendue de cette déclaration ? Déterminons d'abord brièvement le sens des mots.
Il n'y a rien à tirer pour notre sujet des subtiles distinctions que les Juifs ont voulu établir entre les verbes faire, v. 26, et créer, v. 27, prétendant que l'un se rapportait à l'âme, l'autre au corps, etc. Nous passons donc aux mots image et ressemblance qui seuls doivent occuper notre attention. (image) signifie originairement ombre ; puis objet représenté d'après l'ombre comme une silhouette, et enfin, dans l'usage ordinaire du mot, toute image copiée d'un type, soit au moyen de couleurs, ou de bois, ou de pierre, ou de métal. I Sam. 6, 5, 11. Ce mot est très souvent employé dans l'Écriture pour les images des faux dieux, 2 Rois, 11, 18. Ezech. 7, 20, 16, 17, 23, 14, etc.
(ressemblance] signifie aussi une image, une figure prise d'un type, Es. 40, 18, une figure en fonte, 2 Chron. 4, 3, ce mot se trouve souvent dans Ézéchiel pour désigner les figures indéterminées de ses visions mystérieuses.
Dans notre verset les deux mots image, ressemblance sont probablement synonymes. Depuis Augustin, qui voulait fonder sur ces mots une trinité dans l'âme humaine (5), les catholiques, et entre autres Bellarmin, ont établi entre ces deux mots une distinction que l'image représentait les facultés dont Adam était doué par la nature même de son être, et la ressemblance, les dons gratuits que Dieu lui avait accordés (6). En langage scolastique, l'image de Dieu représentait l'essence de l'âme, et la ressemblance les accidents. Le récit mosaïque ne fournit aucun fondement quelconque à cette distinction. Au contraire, l'auteur sacré, en répétant, v. 27, la même pensée, omet le mot ressemblance et ne nomme que l'image, tandis qu'au ch. 5, v. 1, il nomme la ressemblance et omet l'image, ce qui prouve qu'il emploie indistinctement un mot pour l'autre ou tous deux ensemble.
On a voulu établir une distinction tout aussi subtile entre les deux propositions et et selon) ; mais c'est encore sans preuve ; en comparant, Exode 25, 40, et Es. 44, 13, on se persuadera que ces deux propositions peuvent du moins être parfaitement synonymes. Il n'y a donc aucune difficulté dans les termes.

3. Mais comme l'idée de l'image de Dieu en l'homme est vague et peu déterminée par Moïse, il en est résulté que les interprètes ont eu de tout temps les opinions les plus diverses sur ce sujet. Ce qui en a augmenté la difficulté, c'est que la Bible, qui est le seul guide certain pour arriver à la vérité, donne évidemment à l'expression d'image de Dieu plusieurs significations différentes.
Cependant ce sujet, comme la plupart des sujets religieux qui présentent des difficultés, eût été de beaucoup simplifié si chaque interprète ne s'était pas imaginé, ainsi que cela arrive trop souvent, avoir dans son opinion spéciale toute la vérité.

1° Les uns, se fondant sur les paroles qui suivent immédiatement celles que nous considérons, ont vu toute l'image de Dieu en l'homme dans la domination que le Créateur lui donne sur les animaux, et en général sur le monde ; ils voient dans l'homme le représentant et comme le vice-roi de Dieu sur la terre. Ainsi pensent les Sociniens, plusieurs Arminien » et même déjà Chrysostôme. L'idée est vraie, mais elle ne saurait être absolument vraie, comme on le verra bientôt.
2° D'autres n'ont vu dans l'image de Dieu que la supériorité et l'excellence du corps de l'homme et l'admirable mécanisme de sa conformation. Nous ne nions pas cette opinion ; mais y voir toute la vérité est un anthropomorphisme trop grossier. Dieu est esprit ; son image serait-elle donc tout entière dans le corps de l'homme ?
3° D'autres encore ont cru pouvoir expliquer l'image de Dieu par les facultés de son intelligence, qui lui donnent une si haute supériorité sur les animaux, par sa raison, par sa liberté de choisir entre le bien et le mal. Ainsi Tertullien (Adv. Marc. II. 5, 6), ainsi déjà Philon d'Alexandrie qui mêlait à ses notions bibliques les idées de la philosophie de Platon. Ici encore nous admettons qu'il y a quelque vérité et même beaucoup de vérité dans cette opinion ; mais ce n'est certainement pas toute la vérité.
Dieu est Esprit sans doute et son image doit être spirituelle. Mais Dieu n'est-il pas aussi et essentiellement un être moral ? Ne sont-ce pas ses perfections morales qui, maintenant encore, parlent le plus à notre coeur et que sans doute il s'était plu à voir se réfléchir dans l'âme de sa créature de prédilection ? Telle est la considération qui a porté
4° une grande majorité des Pères de l'église et des théologiens de tous les temps à admettre que l'image de Dieu en l'homme devait être surtout dans ses facultés morales qui étaient un reflet des perfections de son Créateur. Telle est aussi notre opinion.

Nous allons montrer qu'elle est fondée sur la parole de Dieu aussi bien que sur la raison et sur une saine connaissance des oeuvres de Dieu, dont on ne peut rien attendre que de parfait. Mais nous voulons éviter la faute que nous avons reprochée à la plupart des systèmes, celle de voir toute la vérité sur ce sujet dans une opinion spéciale. Nous admettons au contraire toutes les opinions que nous venons d'énumérer, mais en les subordonnant, ou si l'on veut, en les coordonnant toutes à la dernière. Cette vue large du sujet est le seul moyen d'éviter un grand nombre de difficultés, et entre autres celles qui se trouvent dans l'interminable question : L'homme a-t-il encore, ou n'a-t-il plus en lui l'image de Dieu ?

4. Que l'homme ait été créé avec des facultés morales qu'il a perdues en grande partie, c'est ce que prouve d'abord le simple fait que partout l'Écriture suppose que l'homme n'est pas ce qu'il devrait être, que partout elle l'exhorte à redevenir ce qu'il a été, afin de trouver le bonheur en Dieu.
La Bible emploie à ce sujet les images les plus frappantes, les termes les plus forts et les plus précis. « Nous devons ressusciter d'un état de mort et passer de la « mort à la vie, naître de nouveau, être changés, être convertis, devenir de nouvelles créatures, être délivrés de « l'esclavage et de la corruption du péché, dépouiller le vieil homme, revêtir l'homme nouveau, être renouvelés dans l'esprit et l'entendement, etc., etc. »
De plus la Bible proclame d'un bout à l'autre un grand fait qui domine toutes ces exhortations, qui en rend le sens compréhensible et l'accomplissement possible, et qui, à lui seul, prouve notre thèse ; je veux parler de la grande oeuvre de la rédemption. Cette oeuvre serait incompréhensible et inutile si l'homme était dans l'état où Dieu l'a créé ; car comment supposer que Dieu crée un être qu'il devra ensuite créer de nouveau ?
Or, de ce que l'homme doit redevenir, nous pouvons conclure ce qu'il a été. Et ce parallèle qui, bien considéré, jette un grand jour sur l'état primitif de l'homme, n'est pas un jeu de notre imagination, mais le résultat des enseignements clairs et précis de l'Écriture.
Paul, dans deux passages parallèles (Ephés. 4, 23, 24. Col. 3, 10), démontre la nécessité où nous sommes,

1° d'être dépouillés du vieil homme, c'est-à-dire des dispositions viciées que nous avons par nature, de l'homme charnel, du corps de péché ;
2° d'être revêtus du nouvel homme. Paul oppose ici l'homme nouveau (, deux expressions que plusieurs prétendent n'être pas synonymes (7), ce qui importe peu à notre sujet) à l'homme ancien (8).

Ce nouvel homme devient tel par une création nouvelle ; il est créé selon Dieu, Ephés. 4. 24. Le mot, selon Dieu, est synonyme de, selon l'image de celui qui l'a créé. Col. 3, 10. Voilà le but où parvient l'homme nouveau, le recouvrement de l'image de Dieu ; nous avons ici l'expression même de la Genèse 1, 27. Il le créa à l'image de Dieu. (version des LXX, dont se servait l'apôtre).

Que la création dont il est ici parlé soit la création primitive de la Genèse ou celle qui renouvelle l'homme à l'image de Dieu par le Saint-Esprit (sur quoi les opinions diffèrent ), la force de ce passage reste la même pour notre sujet. Je suis même disposé à croire qu'il s'agit de la dernière ; mais il n'en est pas moins impossible de ne pas voir ici une allusion évidente à la Genèse, 1, 26 et 27. - Quant à la nature et à l'étendue de cette création nouvelle qui rend à l'homme l'image de Dieu, on se tromperait grossièrement si l'on n'y voyait qu'une oeuvre extérieure qui se borne à réformer ou changer en l'homme ce qu'il y a de vicieux dans sa conduite. Qu'on observe bien, au contraire (car ceci nous amène au but même que nous poursuivons, qui est de déterminer ce qu'était l'image de Dieu), qu'on observe bien que Paul nous apprend ici :

1° en quoi consiste cette création ;
2° quel est l'état de l'âme ainsi créée de nouveau.

D'après Ephes. 4, 23, le renouvellement de l'homme a lieu dans l'essence môme de son être. Dans l'esprit de votre entendement est une phrase faible et à peine compréhensible. La version d'Ostervald : Dans votre esprit et dans votre entendement, est plus claire, mais ne rend pas l'original. Sacy paraphrase sans atteindre entièrement le but : Dans l'intérieur de votre âme. Le mot * entendement, comprend tout nôtre intellectuel, spirituel et moral ; voici comment Sehleusner le définit : Anlmus cum omni sensu, cogitatione et affectu, et omnibus suis facultatibus. (L'âme avec son sens, la pensée, le sentiment et toutes ses facultés.)
La note de la bible de Meyer sur ce passage en rend assez bien le sens : Renouvelés dans la plus intime profondeur de l'âme, ou intimement et spirituellement.

Le changement doit avoir lieu dans tout l'homme et dans l'esprit dont il est animé. On sait que dans la psychologie de la Bible, l'esprit () est opposé à l'âme (), comme désignant la partie la plus noble, la plus spirituelle de notre être, celle qui est supérieure au principe de la vie, à l'anima des Latins. C'est dans cette partie de notre être qu'a lieu le renouvellement. Paul continue : Dans ou pour la connaissance (), Col. 3, 10. Cette connaissance n'est pas seulement le moyen d'arriver à la possession de l'image de Dieu, elle est le but (comme l'indique la préposition ), elle est l'initiation de l'âme à la vie de Dieu et à la contemplation de ses perfections.

Arrivé à ce point l'homme porte de nouveau l'image de celui qui l'a créé, et le trait fondamental et caractéristique de cette image est la justice et la sainteté véritables. Ephés. 4, 24 (). La justice () est la conformité de l'homme et de toute sa vie avec la volonté de Dieu ; la sainteté () est la perfection morale, par la communion avec Dieu.
Telle est, d'après l'Écriture, et dans le sens moral de ce mot, l'image de Dieu.
Tel est le but qu'elle place sans cesse devant nous et que nous devons atteindre. Et même Dieu ne s'est pas contenté de nous décrire ce but dans sa Parole ; mais il a voulu nous montrer de nouveau cette image dans toute sa beauté ; Christ, la Parole faite chair, est l'image du Dieu, invisible. Col. 1, 15. 2 Cor. 4, 4.
Or, nous devons lui devenir semblables par notre union avec lui ; c'est dans cette ressemblance que saint Jean place la perfection des fils de Dieu, qui ne sera atteinte entièrement que dans un monde meilleur où nous le verrons tel qu'il est. I Jean, 3, 2.

5.° Que si maintenant l'on demande si Adam avait reçu en lui l'image de Dieu telle que nous venons de la décrire d'après la Bible, et dans tous ses développements, nous serons forcés d'avouer que nous sommes loin de le prétendre. Plusieurs traits de l'Histoire de la chute prouvent au contraire qu'Adam était encore, quant au développement des belles et nobles facultés intellectuelles et morales que Dieu lui avait conférées, dans un état d'enfance. Ainsi il n'avait point la conscience du bien en lui ou hors de lui ; il ne connaissait pas le mal, et par conséquent accomplissait la volonté de Dieu par une sorte de pente de sa nature ou d'instinct moral. - Mais il avait dans son intelligence, dans sa volonté et dans ses affections toutes les facultés qui, développées par l'exercice de l'obéissance libre et par la communion avec Dieu, devaient arriver à la perfection de son image. Créé parfaitement droit, (  Eccl. 7, 29. ) tout son être tendait vers son point de perfection, Dieu.
Tout en lui était dans l'ordre ; les facultés inférieures du corps, devenus plus tard si impures sous le nom de passions, étaient soumises aux facultés plus nobles de l'âme (intelligence, volonté, affections) et celles-ci l'étaient à leur tour à la puissance directement émanée de Dieu que la Bible appelle esprit () que l'homme devait recevoir de plus en plus par la communion avec Dieu.

6.° Par la chute, l'homme étant devenu autonome (sa loi à lui-même, son centre) perdit cette droiture, et prit une direction opposée à celle de Dieu. Il reçut du dehors ses impressions et la loi à laquelle il obéit. Détaché de sa source, l'harmonie de son être fut brisée, les facultés du corps prirent l'empire sur celles de l'âme et celles-ci sur l'esprit. Voilà pourquoi, dans l'Écriture, la chair et le sang (9), ce qu'il y a en l'homme de plus grossier est considéré comme l'ennemi constant de la vie selon Dieu (Gal. 5, 17,19). Aussi la chair et le sang ne pouvant hériter le royaume de Dieu. (1 Cor. XV. 50) et puisque ce qui est né de la chair est chair ( Jean. 3, 6), il faut, pour voir le royaume de Dieu que l'homme naisse d'en-haut (, Jean 3, 3), c'est-à-dire qu'il reprenne sa direction primitive et reçoive de Dieu la vie dont il s'était détaché et la loi dont il avait secoué le joug. Voilà dans quel sens nous disons que l'homme a perdu l'image de Dieu et qu'il doit la recouvrer, comme nous l'avons vu (n° 4).

7.° Mais ici se présente la difficulté des passages de l'Écriture qui parlent de l'image de Dieu en l'homme dans un sens différent, et qui semblent admettre que l'homme possède encore cette image. Appuyés sur ces passages, les hommes qui ont des vues partielles sur ce sujet ont prétendu que l'homme n'a rien perdu par la chute, qu'il est encore tel que Dieu l'a créé. Ceux qui voient exclusivement l'image de Dieu dans la domination sur les animaux, disent : II a encore cette domination. Ceux qui la voient dans son corps ou dans son intelligence, ou en général dansla dignité de l'homme, disent : II a encore cette dignité, et la Bible nous montre là l'image de Dieu encore existante.
N'est-il pas dit, comme motif d'une loi contre le meurtre promulguée après le déluge, que Dieu a fait l'homme à son image ? Gen. 9. 6.
N'est-il pas dit, pour relever la dignité de l'homme au-dessus de la femme, qu'il est l'image de Dieu ? I Cor. 11. 7.
N'est-il pas dit enfin, pour montrer tout le mal qui se commet par la langue que par elle nous bénissions notre Dieu. et Père et par elle nous maudissons les hommes faits à la ressemblance de Dieu. Jacques 3, 9.

Comment donc peut-on prétendre que l'homme n'a plus l'image de Dieu ?
Pour nous la difficulté est nulle. Comme nous admettons tous les sens ou toute l'étendue de l'image de Dieu (n° 3 ), nous pouvons admettre aussi, avec l'Écriture et sans contradiction, que l'homme a perdu l'image de Dieu sous le rapport moral, dans son âme et dans son esprit, et en même temps que, dans les autres sens, il possède encore cette image, par exemple dans la domination, dans son corps, dans son intelligence (qui pourtant est obscurcie de ténèbres quant aux choses de Dieu ) ; en un mot dans sa dignité et sa supériorité au-dessus des autres êtres de la création (10). Et si, même dans ces sens secondaires nous croyons que l'image divine a été considérablement altérée par la chute, nous avouons aussi que, sous le rapport moral, il reste en l'homme de précieuses traces de cette noble image, comme la voix de la conscience, le sentiment confus de la responsabilité et de la dépendance, les notions du juste et de l'injuste, etc.
Ces ruines de l'ancien et majestueux édifice peuvent encore, tirées de dessous les décombres, servir à élever l'édifice nouveau, pourvu qu'elles soient placées sur Christ, la pierre angulaire (11).

8.° Bien que cet article sur un sujet aussi important que difficile se soit déjà étendu au-delà des bornes que je m'étais prescrites, je ne le terminerai pas sans mettre en discussion quelques idées sur certaines facultés de l'homme primitif, que je nommerai hypothétiques parce qu'elles ne sont pas toutes positivement fondées sur la Bible qui est la seule source sûre de nos connaissances. Ces matières, dont quelques-unes sont fort intéressantes, m'ont été communiquées en grande partie par un jeune philosophe chrétien, M- F. de Rougemont, dont les opinions ont pour moi un poids d'autant plus grand que ses études ont été profondes sur tout ce qui concerne l'homme et la nature. La première de ces notions regarde l'état général du premier homme quant à l'âme et au corps ; je me borne à la citer sans prétendre la justifier ou la combattre.
« Et d'abord quel était l'état de l'homme primitif sous le point de vue général ?
Supérieur, inférieur ou égal à celui du chrétien régénéré, du chrétien de la vie à venir, une fois dégagé de son corps de mort et ayant acquis son corps spirituel ?
Inférieur, je pense. Adam a été formé en âme vivante, Gen. 2, 7 ; le second Adam en esprit vivifiant, 1 Cor., 15, 45, et nous sommes frères de Christ. Adam était donc surtout (âme voyez n° 4 la distinction biblique entre âme et esprit ) ; appelé à se développer et à croître, il devait acquérir et recevoir le (esprit). Son corps n'était « pas (charnel) comme depuis la chute, ni ( spirituel ) comme dans la vie future, mais (tenant de l'âme, du principe de vie) qui nous est inconnu (12).
Il était immortel, Gen., 1, 26 ; 2, 17 ; Rom., 5, 12, 17 ; il y eut eu seulement pour lui le passage de son « corps psychique a son corps spirituel, passage qu'on peut « envisager comme un faible (analogie) de la mort (12). »

9.° Une autre opinion que je ne passerai pas sous silence, opinion déjà connue des anciens Pères de l'Église, remise en circulation par le vénérable Meyer de Francfort, et reçue par plusieurs chrétiens de l'école mystique, c'est que l'homme a été originairement créé androgyne, c'est-à-dire homme-femme, d'une nature simple et pourtant multiple, et ayant la faculté de se reproduire conformément à son corps psychique. « Ainsi les deux puissances fondamentales de « l'âme humaine, l'une active, l'autre passive, qui sont représentées maintenant par deux êtres différents, étaient réunies dans le même être, ce qui n'a rien que de très plausible. Cet être était un et multiple comme la Trinité dont il était l'image. »
On fonde cette opinion sur ce que dans Gen., 1, 26, 27, il n'est pas fait mention de la création de la femme; sur ce qu'au v. 31 du même chapitre Dieu dit, après avoir créé l'homme, que tout était très bon, puis au chap. 2, 18, l'Éternel dit : Il n'est pas bon que l'homme soit seul, ce qui semble impliquer contradiction.
S'appuyant enfin sur ces paroles rapportées immédiatement après qu'Adam eut donné des noms à tous les animaux : mais il ne se trouva pas d'aide pour Adam qui fût semblable à lui, on a conclu que le premier homme avait désiré, convoité une aide semblable à lui, ce qui amena un changement dans le premier dessein de la création. Dieu forma la femme dont la création n'est rapportée qu'au chap. 2, v. 21-24.
Voici maintenant en peu de mots les raisons qui nous paraissent combattre cette opinion :

1° II n'est pas exact de dire que, dans Gen., 1, 26 et 27, il n'est pas fait mention de la création de la femme, car au v. 27 haadam (l'homme), n'est pas un nom propre, mais un nom commun et collectif, ainsi que le prouve abondamment l'article (). Or dans des milliers de passages de l'Ancien-Testament le même mot l'homme désigne l'humanité, la race humaine, y compris les deux sexes ;

2° dans le même verset il y a « Il les créa mâle et femelle », pluriel qui ne peut pas se rapporter à un seul être, même s'il était multiple. La même expression revient au reste ch. 5, 1, 2, où il ne peut être question que de l'homme et de la femme ;

3° que la création de la femme soit racontée plus tard, cela ne prouve point qu'elle ne fut pas comprise dans le premier récit, car il y a aussi pour l'homme deux récits : l'un ch. 1, 26, 27, et l'autre ch. 2, 6.
Moïse donne simplement plus de détails sur un fait qu'il avait raconté en peu de mots, ce qui peut provenir des documents divers où il puisait les faits de son histoire ou de la nécessité de raconter comment « la femme fut tirée de l'homme », 1 Cor., 11, 8 ;

4° dans les autres passages de l'Écriture où il est question de la création de l'homme il n'en est aucun qui soit favorable à l'opinion que nous combattons, ni même qui la mentionne ; Meyer lui-même n'en cite point ; au contraire il est des déclarations d'où l'on peut clairement conclure que le dessein de Dieu était dès le commencement que deux êtres fussent unis par le mariage institué en Eden. Telle est la parole de Jésus-Christ, Matth. 19, 4-6 : « Celui qui les a faits fit dès le commencement un homme et une femme, etc. ».

5° Enfin l'être d'imagination que suppose cette opinion n'aurait aucune analogie dans la nature, pas même dans le règne des plantes dont la reproduction a lieu, comme on sait, par le moyen de deux puissances génératrices. Cette considération doit avoir quelque poids pour quiconque a remarqué la constante harmonie des oeuvres de Dieu.


10.° Enfin si j'ai dû combattre cette opinion avec toute déférence pour ceux qui la maintiennent, il est une troisième et dernière de ces vues hypothétiques sur l'état primitif de l'homme que je ne ferai que citer dans les termes mêmes de M. de Rougemont, heureux de partager ici entièrement son opinion :
« A mon avis l'homme possédait une autre faculté qui existe inactive dans nous tous, qui ne se manifeste que chez quelques personnes, et seulement dans des maladies et dans des états anormaux, sous la forme et le nom de magnétisme animal. Avec nos sens et notre corps charnels, nous ne percevons des sensations et nous n'agissons sur la nature que par l'intermédiaire des sens et du corps. Adam sentait et agissait par son âme même et d'une manière beaucoup plus indépendante de son corps que nous ; les faits magnétiques, aujourd'hui si rares, étaient sa manière ordinaire d'agir, et c'est au moyen de cette faculté magnétique qui est en nous que, dans les miracles, l'Esprit de Dieu agit sur les hommes déchus tout comme cet Esprit, dans la vie morale, s'adresse à la volonté, la purifie, la restaure et l'élève à un plus haut degré de puissance.

Dans l'état magnétique une personne voit, entend, etc., sans l'intermédiaire des sens, par sa faculté générale de sentir par son âme même. Elle croit, par exemple, ce qui se passe bien loin d'elle ; elle voit ce que les yeux ne voient jamais, les qualités invisibles des choses, le caractère moral d'un homme, l'essence d'une plante (13), d'un animal. Or Gen., 2, 19, 20, « nous montre Adam qui, en voyant les animaux passer devant lui, les nomme, et comme dans l'Écriture le nom est l'équivalent de l'essence, il les nomme selon leur être intime, leurs qualités individuelles.
La faculté magnétique est bien constatée ; l'Académie de médecine de Paris, si longtemps récalcitrante, vient enfin d'en reconnaître la réalité. Cette faculté, qui est, comme toute autre, bonne ou mauvaise selon l'usage qu'on en fait, devait, comme toutes nos facultés, se retrouver dans l'homme primitif, car la chute et le péché ne peuvent avoir doté l'homme de forces nouvelles. Je ne vois pas ce qu'il y a à opposer à ces considérations ».


Table des matières

Page précédente:
MÉDITATION IX. L'EXIL

 
(1) Les Targumim d'Aben Esra, de Sal. Jarchi, de Jonathan, in loc.


(2) Les anciens théologiens ont voulu voir aussi la Trinité dans le premier verset de la Bible, d'abord dans le pluriel du mot Elohim, Dieu (littéralement Dieux), et ensuite dans le mot créa, qui renferme les initiales de Père, Fils, et de esprit. Bien que ces jeux de mots et même de lettres soient tout-à-fait dans le genre des Hébreux et puissent quelquefois renfermer d'importantes vérités, il faut les examiner avec défiance et les admettre avec plus de sobriété que les anciens et les théologiens catholiques.
Voyez sur ce verset les notes de l'ouvrage biblique, sous plus d'un rapport très recommandable d'un docteur catholique, professeur de théol. à Breslau : Die Heilige schrift des Alien Test. aus dem hebraeschen übersetztund erklaert von T, A. DERED. Frankfort 1820.


(3) Dans le livre de Sohar, fol. 98, 2.


(4) Voir les commentaires de Olshaussen, Lückee, Tholuch, sur Jean I, 1.


(5)De Trinit., I. 10 et 14. De. Civ. Dei, I. 11.


(6) Voir, pour la différence qui existe sur ce point, entre les réformateurs et les catholiques, un excellent article de Nilzch dans les Studien und Kritiken, des docteurs Ullmann et Umbreit, 1834, 1er cahier.


(7) Voir pour la différence des deux mots le commentaire de F. Bahr sur l'Ép. aux Col. c. 3, 9, 10. Bâle 1833. Félix Schneider.


(8) Voir pour le sens et l'origine de cette expression Tholuck, Commentaire sur l'Ép. aux Rom. c. 6, 6.


(9) Que l'on veuille considérer l'oeuvre de la Rédemption sous ce point de vue, et l'on verra que l'effusion du sang, sans laquelle il n'y a point de rémissions des péchés (Héb. 9, 22), et le crucifiement de la chair étaient indispensables pour arracher à la chair et au sang leur empire usurpé sur la partie la plus noble de l'homme.
Christ, le second Adam, le type et le représentant de l'humanité, a accompli celte oeuvre ; il a répandu son sang par l'Esprit éternel (Héb. 9. 14) auquel il a rendu sur nous son empire en nous purifiant des oeuvres mortes de la chair et du sang. (16.) Nous ne devenons participants de ce bienfait que par une réunion avec Christ.
Sous ce rapport les sacrifices, qui étaient déjà l'effusion du sang et qui furent institués dès la chute, étaient pour tous les hommes éclairés de l'ancienne alliance une prédication continuelle et de leur corruption et de leur renouvellement spirituel.


(10)


(11) Voir, sur tout ce sujet que nous venons de traiter, la dogmatique simple et scripturaire du docteur G. C. Knapp : Vorlesungen über die
christliche Glaubenslehre. Halle, 1827, 1er vol., p. 316, suiv.


(12) Cette distinction est établie par S. Paul, 1 Cor. 15, 44, avec cette différence que, d'après l'apôtre, le corps qui est opposé au corps spirituel, parait être l'état actuel de l'homme. Il est semé, il ressuscitera.
Les langues modernes, n'ayant point de mot qui rende, psychique, traduisent de diverses manières : le français par corps animal, ce qui est exact dans le sens du latin anima, mais peu intelligible en français. Luther traduit par sinnlicher Leib ; l'anglais par natural body.


(13) On sait, par une expérience cent fois répétée, que les malades magnétiques indiquent souvent à une grande distance telle plante médicales qui pourra les guérir.

 

- haut de page -