L'HOMME
BANNI D'EDEN
MÉDITATION IX.
L'EXIL.
« Et
l'Éternel Dieu dit : Voici, l'homme
est
devenu comme l'un
de nous, sachant le bien et le mal ; mais
maintenant il faut prendre garde qu'il n'avance sa
main, et aussi qu'il ne prenne de l'arbre de vie,
et qu'il n'en mange et ne vive à toujours.
Et l'Éternel Dieu le mit hors du jardin
d'Eden pour labourer la terre, de laquelle il avait
été pris. Ainsi il chassa l'homme et
mit des chérubins vers l'orient du jardin
d'Eden, avec une lame d'épée qui
tournait ça et là pour garder le
chemin de l'arbre de vie. »
Gen. III, 22-24.
Arrivés au terme de nos
méditations, il nous reste à voir le
dénouement de ce drame de bonheur et
d'innocence, de séduction et de chute, de
jugement et de punition qui s'est successivement
déroulé sous nos yeux. Nous allons
voir Adam privé de l'accès à
l'arbre de vie, exclu de sa demeure,
éloigné des lieux où il avait
puisé la vie à sa véritable
source, jetant peut-être un dernier
et douloureux regard sur cet
Éden de l'Éternel qu'il a perdu sans
retour. Cédons, nous aussi, au besoin qu'il
éprouve. Tournons-nous encore une fois Vers
Éden pour en rappeler à notre
souvenir les scènes mystérieuses et
instructives. Mais hélas ! Si nos
regards aiment à se reporter encore une fois
sur la créature de Dieu innocente, pure,
heureuse, nous voyons bientôt s'en approcher
le séducteur avec toute l'influence
ténébreuse de l'enfer, nous entendons
ses questions insidieuses, ses
dénégations de la
vérité de Dieu.
Le doute est entré dans le coeur de la
femme ; elle balance incertaine entre deux
influences et sur le bord de l'abîme.... Elle
y tombe et entraîne dans sa chute Adam et sa
malheureuse postérité.
L'Éternel ne punit pas sa Créature
aussitôt après la
révolte ; il laisse le temps à
la repentance qu'il sollicite par des questions
propres à réveiller dans le coeur de
l'homme la conscience de son crime. Mais Adam, qui
a perdu sa première innocence, au lieu de
l'amour d'un fils n'éprouve plus devant Dieu
que la crainte d'un esclave ; il tremble, il
est confus et pourtant il ne connaît point
encore l'humilité !
La sentence de condamnation tombe enfin de la
bouche du juste Juge ; la terre est
maudite ; sa beauté est
flétrie ; Éden va être
réduit en désert ; sous les
coups de la malédiction divine la
félicité se change en amertume ;
l'homme séparé de la source de vie
s'avance à travers une longue suite de
travaux, de misères, de souffrances vers
la dissolution de la
tombe ; son âme ne peut périr,
mais elle est sous la malédiction ;
elle a perdu la faveur, l'amour et la communion de
son Dieu. L'homme qui voyait dans la beauté
de la création, dans tous les objets qui
l'entouraient des preuves de la tendre
bienveillance d'un Père, ne voit plus que
des marques de son indignation et de sa juste
colère.
Mais je me trompe ; au sein de ces sombres
nuages brille une faible lumière ; les
malédictions du Très-Haut renferment
une bénédiction pour l'avenir de
l'homme ; une promesse mystérieuse
accompagne la sentence prononcée sur
l'auteur du mal ; sa puissance sera
anéantie dans la suite des temps ;
l'influence qu'il a usurpée sur l'homme lui
sera enlevée par la postérité
de la femme. Ainsi un Dieu miséricordieux
prévient en l'homme le désespoir de
sa position par une lointaine, mais consolante
espérance. O amour de Dieu ! La
postérité d'Adam, tout en partageant
sa condamnation et ses misères, trouvera un
remède à côté du mal, la
bénédiction et la vie seront encore
le partage de ceux qui ne devaient s'attendre
qu'à la malédiction et à la
mort !
Cependant comme Dieu ne peut cesser d'être
juste, comme sa loi ne saurait être
impunément foulée aux pieds, il faut
que la sentence prononcée s'exécute
dans toute sa rigueur. Dieu Éternel !
C'est donc ta sainteté et ta justice que
nous allons contempler
aujourd'hui, c'est ton horreur pour le
péché, c'est la preuve que tu ne
tiens pas le coupable pour innocent !
Oh ! remplis-nous en ta présence de
crainte et de tremblement ! Apprends-nous
combien « c'est une chose terrible que de
tomber entre les mains du Dieu vivant »,
en sorte que nous nous sentions pressés de
fuir la colère à venir et de chercher
un refuge dans tes miséricordes en
Jésus qui est notre unique
espérance !
Le sujet de la méditation de ce jour est
difficile à plusieurs égards, quoique
très instructif. Et d'abord, quant au sens
des premières paroles :
Voici, l'homme est devenu comme l'un de nous,
sachant le bien et le mal, trois
interprétations différentes se
disputent l'admission dans nos opinions.
La plupart des commentateurs ont vu dans ces mots
de l'Éternel une ironie par laquelle Dieu,
en disant qu'Adam était devenu semblable
à l'un des Êtres divins de la
Sainte-Trinité, voulait pour l'humilier lui
rappeler que telle avait été sa folle
ambition en prêtant l'oreille à la
mensongère promesse du tentateur :
Vous serez comme des dieux, connaissant le bien
et le mal.
Comme une tournure ironique dit
précisément le contraire de ce que
comportent les termes, l'Éternel aurait
ainsi fait comprendre à l'homme déchu
la folie et le crime de son orgueilleuse
prétention. Quelle divinité que la
tienne ! Quelles prérogatives tu t'es
acquises
en désobéissant
à ton Dieu pour obéir au
démon ! Tu prétendais à
la divinité, tu voulais connaître par
une fatale expérience le bien et le mal, et
te voilà, ô infortuné ! le
voilà dépouillé d'innocence et
de gloire, te voilà souillé,
séparé de ton Dieu, condamné,
plongé dans un abîme de misère,
de ténèbres, d'ignorance.
Vraiment voilà l'homme comme l'un de
nous !
Vraiment il sait le bien et le mal ! - Bien
que Dieu, dont le caractère et les
perfections nous sont quelquefois
représentés à la
manière des hommes, puisse, selon
l'Écriture, « se rire »
de ceux qui ont l'orgueilleuse folie de se
révolter contre lui ; bien qu'il nous
soit dit que l'éternelle sagesse
« se rira de leur
calamité » ; bien que les
hommes de Dieu enfin aient souvent employé
l'ironie la plus amère, comme Élie
envers les prophètes de Bahal, Esaïe
envers Israël idolâtre.
Bien qu'ainsi il n'y ait rien d'indigne de Dieu
dans cette forme de langage humain si propre
à humilier l'orgueilleux, nous ne pouvons
pas toutefois admettre l'interprétation
proposée de ce verset, II y a ici un trop
grand abîme de misères à
révéler à l'homme et à
sa postérité pour que Dieu
l'instruise par l'ironie. Non, non ! Celui par
qui toutes choses ont été faites,
celui qui, dans les jours de son incarnation,
pleurait sur les malheurs de Jérusalem
coupable aurait bien plutôt pleuré sur
sa créature en Eden, si déjà
il avait été revêtu de
l'humaine nature et connu les larmes de la
compassion !
Une autre interprétation fort
ingénieuse a été
proposée, d'après laquelle ces
mots : l'homme est devenu comme l'un de
nous, auraient rapport à la promesse
évangélique faite par Dieu au
verset XVe de notre chapitre et aux
vues de rédemption qu'il avait sur l'homme.
L'homme élu en Christ dès la
fondation du monde, racheté par un Sauveur
promis en Éden, devient un avec lui, est
rendu participant de la nature divine, est
introduit dans une connaissance parfaite et
expérimentale du bien et du mal. Ainsi, il
serait parfaitement vrai de dire que l'homme est
devenu comme l'un des êtres de l'essence
divine, comme Dieu ; ainsi la promesse
mensongère du démon serait,
malgré lui, devenue littéralement
vraie. « O profondeur de la sagesse et de
l'amour de Dieu ! que ses jugements sont
incompréhensibles et ses voies impossibles
è sonder ! » - Malgré
tout ce que cette interprétation (que nous
soumettons à vos réflexions) a de
plausible et d'attrayant, nous
préférons peut-être en tenter
une troisième qui nous paraît la plus
simple.
Elle consiste à traduire ainsi ce
passage : Voilà l'homme QUI
ÉTAIT comme l'un de nous,
c'est-à-dire qui avait été
créé à notre image, selon
notre ressemblance, pour connaître le bien
et le mal. Et ainsi cette version qui, loin
d'être forcée ou contraire à
l'hébreu, y est décidément la
plus conforme, cette version nous montrerait une
exclamation de tendre compassion
et de regret de la part de Dieu à la vue de
sa créature déchue. Le voilà
donc cet homme créé comme l'un de
nous, formé à notre ressemblance, cet
homme naguère si innocent, si pur, si
heureux, auquel j'avais donné une existence
digne de l'envie des anges ; le voilà
tel que le péché l'a fait ! Le
voilà rebelle, déchu,
souillé ! Le voilà honteux,
misérable, fuyant l'approche de son Dieu
qu'il aimait par-dessus tout ! Le voilà
chargé du poids d'une juste
malédiction ! Le voilà
malheureux et condamné à
léguer à tous ses descendants une
triste existence comme la sienne ! O
misères affreuses du
péché ! O folie, ô crime
de ma créature !
Mes frères ! souvenez-vous que vous
aussi, pécheurs comme Adam, condamnés
comme Adam, êtes comme lui les objets de
cette tendre compassion de votre Dieu
« qui ne veut pas la mort du
pécheur » et dont « le
châtiment et l'oeuvre
étrange » de votre Dieu, qui
même en condamnant se souvient d'avoir
compassion ; de votre Sauveur qui pleurait sur
la plus coupable des villes en lui annonçant
les terribles châtiments dont Dieu devait
punir ses crimes.
Ah ! nous vous en conjurons donc, que ce ne
soit pas en vain que Dieu a compassion de
vous ! N'attendez pas pour vous tourner vers
lui que sa compassion ne puisse plus être
efficace ; n'attendez pas que, traduits en
jugement, condamnés dans votre
endurcissement et dans vos
péchés, prêts
à être envoyés dans les
ténèbres du dehors où il n'y a
plus d'espérance, le souverain Juge au lieu
de vous dire, comme aux rachetés de
Christ : « Entre dans la joie de ton
Seigneur », ait à vous dire comme
à Adam : Le voilà cet homme qui
aurait pu être comme l'un de nous, cet
être à qui j'avais donné un
sauveur et toutes choses avec lui, cet être
que j'avais pressé d'être
réconcilié avec moi, de recevoir mon
Esprit, d'être fait participant de la nature
divine, l'héritier de mon royaume
éternel, le voilà tel que le
péché l'a fait, Le voilà avec
les souillures de sa vie ; le voilà
sans sauveur, le voilà perdu sans
retour ! Ah ! souvenez-vous que si un
Dieu saint et juste a compassion même en
condamnant, il condamne même en ayant
compassion !
Maintenant donc, ajoute le texte,
maintenant de peur qu'il n'avance sa main et
qu'il ne prenne aussi de l'arbre de vie, et qu'il
n'en mange et ne vive à toujours....
L'Éternel Dieu le mit hors du jardin
d'Eden.
Avant d'exposer cette dernière partie de
notre texte, disons en peu de mots ce
qu'était l'arbre de vie. Sans rapporter ici
les diverses opinions des hommes, il nous semble
évident que nous ne devons voir dans cet
arbre, réel d'ailleurs, qu'un symbole.
L'arbre de la connaissance du bien et du mal
était, comme nous l'avons vu
précédemment,
l'objet extérieur auquel
Dieu avait attaché son commandement, l'objet
au moyen duquel l'homme connaîtrait le bien
par l'obéissance, le mal par la violation du
commandement qui s'y rattachait et par le triste
contraste avec le bien. L'arbre de vie est le
symbole de même nature. Il n'avait pas dans
ses feuilles la propriété de
maintenir la santé ou de communiquer la vie
ainsi qu'on l'a faussement prétendu, pas
plus que l'arbre de la connaissance n'avait en soi
la vertu d'être nuisible au corps ou à
l'âme de l'homme : La vie était
en Dieu ; « En elle était la
vie », nous dit saint Jean racontant la
gloire éternelle de « la Parole
qui était au commencement ».
C'était donc en Dieu seul que l'homme devait
puiser la vie, une vie à laquelle rien ne
pouvait nuire tant qu'il restait attaché
à la source de l'existence, une vie qui
devait être éternelle. Mais Dieu, dans
sa bonté, voulut donner à l'homme un
symbole visible, un gage de cette vie
éternelle qu'il pouvait puiser en son
Créateur. Dieu voulut que toutes les fois
qu'Adam mangerait des fruits de cet arbre, il
eût un témoignage matériel,
parlant même à ses sens, que
c'était Dieu à qui il devait
l'existence et qui la lui maintenait par pure
grâce. C'est de la même manière
que notre bon Sauveur qui est pour tous les
fidèles la source de la vie spirituelle, a
voulu leur laisser un gage, un symbole visible de
cette vie, le pain et le vin de la cène que
nous sommes appelés à manger et
à boire pour recevoir ainsi Christ eu nous,
comme Adam devait recevoir en lui
la vie de Dieu en mangeant de l'arbre de vie.
Mais maintenant que l'homme est sous une sentence
de mort, qui va s'exécuter ; de mort
spirituelle, par la séparation de son
âme d'avec Dieu qui est la source de la
vie ; de mort physique aussi, parce que
là où est le péché,
là est un principe de destruction,
maintenant Dieu va lui ôter le symbole de la
vie, le gage de son immortalité.
Les paroles du texte : Qu'il n'avance sa
main, qu'il n'en mange et ne vive à toujours
ne signifient pas qu'en mangeant de l'arbre de
vie, l'homme eût pu vivre contrairement
à la sentence que l'Éternel avait
prononcée contre lui ; mais cette
privation même du symbole extérieur
était une partie nécessaire ou une
conséquence du châtiment qui est
infligé à l'homme.
À quoi sert le symbole quand la
réalité n'existe plus ? À
quoi sert le signe quand la chose signifiée
est détruite ? Qu'Adam ne se berce donc
plus de la vaine espérance qu'en ayant
accès à l'arbre de vie, il
possédera encore la vie ! Cet arbre, il
va s'en éloigner sans retour, sortir
d'Éden, et marcher vers la tombe.
Mes frères ! mes frères
pécheurs ! postérité
déchue d'Adam ! vous le dirai-je ?
Si vous n'êtes point encore revenus à
la source de la vie, si vous êtes encore
spirituellement « morts dans vos fautes
et dans vos péchés », si
malgré le moyen que Dieu a
trouvé dans son amour pour vous rendre
à la vie des cieux en vous unissant par la
foi à Christ qui est la vie, vous êtes
encore disciples du monde et non de Christ...
Oui, je le dirai, je voudrais qu'à vous
aussi fût enlevé l'arbre de vie ;
je voudrais que, tant que vous ne vous êtes
pas tournés de coeur vers Dieu, vous
n'eussiez à votre portée aucun de ces
symboles extérieurs de religion, d'union
avec Dieu, sur lesquels vous vous reposez follement
pour avoir la vie !
Mieux vaudrait pour vous que jamais la cène
du Seigneur ne fût dressée devant
vous ; vous ne pourriez pas y porter une main
téméraire tant que votre coeur
n'éprouve qu'indifférence pour ce
Sauveur que vous y faites profession d'adorer et
d'aimer !
Mieux vaudrait que vous n'eussiez pas cette Bible
que vous ne lisez pas, ou que vous lisez comme une
tâche pharisaïque, ou pour y chercher
à vous rassurer dans vos
péchés et dans votre propre
justice !
Mieux vaudrait pour vous que ces chaires
évangéliques restassent muettes, que
ces temples fussent démolis, que tous ces
dehors d'un culte sans vie et d'une religion sans
esprit et sans puissance fussent
anéantis !
Vous ne viendriez plus vous y méprendre,
vous y aveugler vous-mêmes par de fatales
illusions, et aggraver votre condamnation devant
Dieu... Ah! si vous ne voulez pas vous convertir de
coeur au Seigneur, si vous ne voulez pas vous unir
sincèrement à Christ qui est la vie
éternelle, fuyez, fuyez comme Adam loin de
l'arbre de vie ! En vain voudriez-vous vous
endormir à son ombre, en
vain voudriez-vous en goûter les fruits, vous
y trouveriez la mort. Désertez ces temples,
déposez le nom de chrétiens que vous
avez usurpé, cessez d'avoir « le
bruit de vivre tandis que vous êtes
morts ! » Ou plutôt, ah !
plutôt, venez à Celui qui est la vie,
qui peut vous donner la vie et qui la donne
même avec abondance. Vivez, vivez pour
Dieu ! vivez en Jésus !
Et l'Éternel Dieu le mit hors du jardin
d'Éden ; ainsi il chassa l'homme et mit
des chérubins vers l'orient du jardin avec
une épée flamboyante qui se tournait
ça et là, pour garder le
chemin de l'arbre de vie.
Ce n'est donc point assez que l'accès
à l'arbre de vie soit fermé à
l'homme coupable, ni qu'un chérubin,
être mystérieux et probablement
symbolique souvent décrit par
Ézéchiel, brandisse à ses yeux
l'épée flamboyante de la justice
divine, afin de lui rappeler sans cesse son crime,
sa chute et l'impossibilité où il est
de regagner par lui-même la source de
vie ; - il faut encore qu'il dise un
éternel adieu aux délicieuses
campagnes d'Éden, aux lieux sacrés
où l'Éternel conversait avec lui
comme un ami avec son ami :
L'Éternel le mit hors du jardin,
l'Éternel chassa l'homme.
Voilà donc le dernier acte du
récit mosaïque que nous méditons
depuis quelque temps ! Voilà l'homme
banni d'Éden ! Voilà l'exil le
plus déchirant qui jamais ait
été prononcé contre un
homme ! Nous comprenons votre douleur et vos
larmes, ô infortunés que
l'arrêt inexorable des lois
arracha à toutes les douceurs du sol
chéri où s'écoula votre
enfance, à toutes les joies d'une famille et
d'amis tendrement aimés, à tout le
charme indicible des lieux où vous avez
appris à sentir et à aimer, pour vous
jeter dans quelque climat sauvage où les
privations les plus dures sont les moindres de vos
maux et où vous languissez plus que vous ne
vivez. - Mais que sont vos misères
comparées à celles de notre premier
père sortant d'Éden à la voix
de son Juge, pour aller errer avec sa malheureuse
compagne dans les contrées désertes
d'une terre maudite !
O délices d'Éden, vie de l'innocence
et de l'amour, charme des lieux où
l'Éternel se communiquait à
l'âme, où tout était
beauté ravissante au dehors, harmonie et
paix au dedans, faveurs de Dieu, bonheur de son
amour et de sa présence, vous êtes
perdus pour jamais ! Regrets amers !
misère profonde ! Oh ! si Adam
pouvait retrouver encore les chemins
d'Éden ! si l'épée
flamboyante de la justice éternelle
n'étincelait plus.
Mais non, je me trompe, mes frères, Adam ne
peut plus même désirer le
séjour d'Éden, et c'est là le
comble de sa misère ! Pour l'homme
tombé, Éden n'a plus ni gloire, ni
attrait, ni bonheur.
Qu'importent les beautés de la
première demeure de l'homme ? - son
coeur, privé d'innocence et de paix, ne
saurait plus en jouir.
Qu'importe la magnificence de l'Éternel qui
resplendit dans
ses oeuvres ? - l'homme est
dépouillé et honteux. Qu'importe
qu'il voie encore sur sa tête l'azur des
cieux et la lumière dont ils
étincellent quand les ténèbres
règnent dans son âme, quand de sombres
nuages lui dérobent la gloire du
Très-Haut ?
Qu'importe le concert de louanges que font monter
vers les cieux tous les êtres
créés ? - il n'y a plus dans le
coeur de l'homme que désharmonie,
déchirement, douleur.
Qu'importe la richesse et l'abondance qui
remplissent Eden ? - l'homme est pauvre,
misérable et nu.
Qu'importe l'arbre de la connaissance ? -
l'homme y voit un témoin accusateur de son
crime.
Qu'importe l'arbre de vie ? - l'homme y lit sa
sentence de mort.
Qu'importe même la présence de
Dieu ? - l'homme ne voit plus en lui qu'un
juge ; il n'éprouve plus devant lui que
la crainte d'un esclave, la honte d'un coupable, la
terreur d'un condamné. Il a fui à la
voix de Dieu ; il est allé cacher son
ignominie dans les arbres du jardin. Fuis,
Adam ; fuis loin de ton Dieu, loin
d'Éden dont le péché a fait
pour toi un séjour de misères ;
fuis, que les portes d'Éden se ferment sur
tes pas, que l'épée flamboyante t'en
défende à jamais
l'entrée !
O mes bien-aimés frères ! que le
péché est une horrible chose devant
Dieu ! que les fruits en sont amers ! que
les effets en sont désastreux !
Ah ! vous connaissez donc bien peu le
péché, vous qui vous bercez de la
folle espérance d'être admis en
présence de Dieu ; dans l'éternité sans y
être préparés par les moyens de
grâce et de sanctification que nous offre
l'Évangile ! Le péché
ferait pour vous de ce nouvel Éden, comme du
premier, un séjour de misère. Oui,
s'il était possible que, chargés de
vos péchés, sans pardon, sans
conversion, vous pussiez être admis dans le
ciel, le ciel pour vous serait l'enfer !
Mais rien de souillé ne saurait subsister
devant Celui « qui a les yeux trop purs
pour voir le mal », voilà pourquoi
Adam est banni d'Éden, exclu de la
présence de Dieu. Il s'est lui-même
détaché de la source de la vie ;
il a brisé les liens qui l'unissaient
à son Créateur ; il a voulu
être sa loi à lui-même en
foulant aux pieds la loi suprême de son
Dieu ; maintenant donc qu'il aille essayer
hors d'Éden, et en labourant avec peine une
terre maudite, son nouveau mode d'existence ;
qu'il aille vivre sans Dieu, sans sa communion,
sans sa grâce ! Vivre sans Dieu, sans
celui qui remplit les cieux et la terre, et en qui
seul nous pouvons avoir, soit pour le corps, soit
pour l'âme, « la vie, le mouvement
et l'être ».
Une telle existence est un non-sens, une telle vie
est la mort même. - Aussi, mes frères,
que l'exil d'Adam nous explique l'état
actuel de l'homme. Qu'il vous dise pourquoi l'homme
naturel vit sans Dieu dans le monde,
« sans vie spirituelle », sans
amour pour Dieu ; pourquoi, loin de rechercher
l'Éternel, « il ne se soucie point
de le connaître », ne reçoit
pas sa loi divine comme règle de son
existence ; pourquoi au contraire il semble
prendre son plaisir à offenser Celui dont il
a tout reçu, à vivre dans le
péché, dans la souillure, dans
l'oubli de Dieu, comme dans son
élément naturel ; pourquoi, lors
même que Dieu dans sa miséricorde.
infinie condescend à le chercher, à
l'appeler à lui, à le prévenir
par un amour incompréhensible, il refuse
trop souvent d'écouter sa voix,
méprise sa Parole et les invitations de sa
grâce, endurcit son coeur et persiste dans la
rébellion.
Que l'exil d'Adam nous explique l'énigme
insondable d'un monde plongé dans le mal,
d'un monde dont les maux semblent accuser la
Providence, d'un monde rempli de
péchés, de crimes, d'injustices,
d'animosités, de guerres, de meurtres. Que
ce fait nous explique les contradictions, les
déchirements continuels d'une vie dont le
péché a empoisonné la source
et détruit les rapports avec Dieu !
Que ce fait nous explique la douleur qui a envahi
l'existence humaine, les souffrances sans nombre,
qui sont le fruit de la désharmonie de
l'homme avec lui-même et avec son Dieu !
Que ce fait nous explique les maladies et la mort,
enfin la mort, abîme insondable aux
spéculations de la sagesse humaine et qui
s'est trouvé ouvert sous les pas de l'homme,
dès qu'il fut banni d'Eden !
Ah ! mes frères, avouez-le ; nous
aussi nous sommes bannis d'Éden, ou
plutôt nous sommes
nés dans la terre de
l'exil, le sort d'Adam est devenu le
nôtre ; il nous a légué ce
triste héritage de péché, de
corruption, de misère, de mort ! Que
des théologiens écrivent des milliers
de volumes pour prouver ce qu'ils ont appelé
le péché originel, que
d'autres encore en écrivent autant pour le
nier ; quant à nous, nous
réduirons à deux mots, ou, si l'on
veut, à deux faits, toute cette triste
doctrine ; je veux dire le sentiment amer d'un
coeur misérable, naturellement
éloigné de Dieu, plein d'aversion ou
d'indifférence pour ce qu'il devrait aimer
par-dessus tout, et l'état actuel du
monde.
Descendez dans votre coeur, jetez les yeux sur la
société humaine et vous en saurez
plus sur ce sujet que si vous aviez fouillé
tous les livres et examiné tous les
systèmes. Après cela, si vous pouvez
encore nier voire chute et votre exil, autant
vaudrait nier votre existence même et la
lumière qui vous éclaire.
Les nier, hélas ! pauvre mortel !
Ce soupir qui s'échappe de votre coeur
inquiet prouve à lui seul que vous
n'êtes pas dans votre patrie. Ce sentiment
douloureux d'imperfection et de misère
morale, qui vous suit même dans les meilleurs
et les beaux moments de votre vie, vous crie
aussi : pauvre exilé ! pauvre
pécheur !
Nous demandez-vous une preuve plus tristement
persuasive ? La mort vient de frapper dans vos
bras un objet de vos affections ; un voile
livide a recouvert ses traits
décomposés que vous aimiez tant
à contempler ; la corruption (mot
affreux !) s'est emparée de cet
être naguère
brillant de jeunesse, de force,
de beauté ; tout ce qui en reste va se
confondre avec la vile poussière que vous
foulez aux pieds ; votre âme,
angoissée et souffrante, s'échappa
involontairement hors de sa prison, ses
désirs s'élancent vers l'infini
après l'objet qu'elle a perdu...
Pauvre exilé ! pauvre créature.
déchue ! vous faut-il d'autres
preuves ?
Frappé dans un moment de réflexion de
la responsabilité qui pèse sur vous,
vous vous mettez à examiner votre vie ;
vous y voyez une suite non interrompue de
péchés, de souillures,
d'infidélités ; votre conscience
s'éveille, crie, vous cite au tribunal de
Dieu, vous vous repentez ; vous voulez faire
le bien, mais vous ne le pouvez point ; le mal
s'attache à vous, souille vos meilleures
actions, frappe d'impuissance vos meilleurs
projets ; une chaîne pesante vous
attache à la terre et vous rend honteusement
esclave du péché ; un
gémissement douloureux s'échappe de
votre âme accablée.
« Misérable que je suis ! qui
me délivrera de ce corps de
mort ! » Pauvre
pécheur ! vous faut-il d'autres
preuves ?
Non, non, nous ne doutons ni de notre exil, ni de
notre misère s'écriera quelque
âme « travaillée et
chargée », nous en sommes
accablés ; dites-nous plutôt si
nous sommes bannis d'Eden sans retour, si
l'épée flamboyante en ferme à
jamais l'entrée, s'il n'y a point de
remède, point de délivrance.
O mon frère, que je suis heureux de vous
répondre selon les besoins
dévorants de votre coeur ! Que je suis
heureux de vous dire qu'Eden vous est rouvert, que
le Fils de Dieu lui-même est venu
détourner l'épée de la justice
divine, vous apporter des lettres de grâce,
vous rappeler dans votre patrie, vous offrir un
remède pour tous vos maux.
Pauvres exilés ! pauvres
pécheurs ! venez à
Jésus ! Sa croix est l'arbre de
vie ; son sang purifie de tout
péché, sa mort réconcilie avec
Dieu, sa médiation renoue tous les liens qui
unissaient l'homme à la source de son
être et que le péché avait
brisés.
Venez à Jésus ! il nous a acquis
et il veut nous donner gratuitement, au lieu d'un
Eden périssable dont nous sommes bannis,
« l'héritage qui ne peut se
corrompre, ni se souiller, ni se
flétrir » ; il nous a ouvert
« la cité dont Dieu est
l'architecte et le fondateur ». Là
sont guéris tous les maux que le
péché a enfantés sur la
terre ; là il y a plus de joie et de
félicité qu'il n'y a eu de
misère au monde depuis l'exil d'Adam
jusqu'au dernier cri de douleur qui se fera
entendre dans cette vallée de larmes. - Mais
prenez-y garde, ne vous bercez pas de la vaine
illusion d'entrer dans ce séjour de bonheur
et de sainteté tels que vous êtes,
déchus et souillés par le
péché ; souvenez-vous qu'une
seule voie peut vous y conduire, un seul nom a
été donné aux hommes pour
être sauvés, le nom de
Jésus ; - un seul moyen de jouir des
délices du ciel, une vraie et sincère
conversion par l'Esprit
Sanctificateur.
Et vous, chrétiens, mes bien aimés
frères, vous qui déjà
êtes venus à Jésus et avez
trouvé en lui le pardon et la paix, mais qui
si souvent avez encore à gémir sur
les péchés et les douleurs qui
sèment votre pèlerinage, relevez vos
coeurs abattus, prenez courage ; ne portez
plus vos regards vers cet Eden dont vous
fûtes bannis avec notre premier
père ; portez-les en avant vers votre
patrie céleste ; vers l'Eden nouveau
que Christ vous donne pour héritage ;
là vous verrez avec saint Jean
« un nouveau ciel et une nouvelle terre,
la sainte cité, la nouvelle Jérusalem
qui descend du ciel, d'auprès de Dieu,
parée comme une épouse qui s'est
ornée pour son époux.
Voici la demeure de Dieu avec les hommes ; ils
habiteront avec Dieu, et ils seront son peuple et
Dieu lui-même sera leur Dieu. Et il essuiera
toutes larmes de leurs yeux, la mort ne sera plus,
il n'y aura plus ni deuil, ni cri, ni travail, car
les premières choses sont passées.
À celui qui a soif je lui donnerai de la
fontaine d'eau vive sans qu'elle lui coûte
rien. Celui qui vaincra héritera toutes
choses et je serai son Dieu et il sera mon fils.
-
Puis il me montra un fleuve d'eau vive, transparent
comme du cristal qui sortait du trône de Dieu
et de l'Agneau. Et au milieu de la cité et
aux deux côtés du fleuve était
l'arbre de vie, portant douze fruits et
rendant son fruit chaque mois. Et toute chose
maudite ne sera plus, mais le trône de Dieu
et de l'Agneau sera en elle, et ses serviteurs le
serviront et ils verront sa face, et son
nom sera sur leurs fronts. Il n'y
aura plus là de nuit, il n'y aura plus
besoin de la lumière de la lampe ni du
soleil, car le Seigneur Dieu les éclairera,
et ils régneront aux siècles des
siècles !
O Seigneur Jésus, viens bientôt !
Amen ! »
|