L'HOMME
BANNI D'EDEN
MÉDITATION VII.
LA PEINE DU PÉCHÉ. - UN REMÈDE
DANS LE MAL.
« Et
il dit à la femme : J'augmenterai
beaucoup ton travail et ta grossesse ; tu
enfanteras en travail tes enfants ; tes
désirs se rapporteront à ton mari et
il dominera sur toi. Puis il dit à
Adam : Parce que tu as obéi à la
parole de ta femme et que tu as mangé du
fruit de l'arbre duquel je t'avais commandé
en disant : Tu n'en mangeras point, la terre
sera maudite à cause de toi ; tu eu
mangeras les fruits en travail tous les jours de ta
vie. Et elle te produira des épines et des
chardons ; et tu mangeras l'herbe des champs.
Tu mangeras le pain à la sueur de ton visage
jusqu'à ce que tu retournes en la terre, car
tu en as été pris ; parce que tu
es poudre, tu retourneras aussi en
poudre. »
Gen. III, 16-19.
Le tribunal du juste Juge est encore
dressé en Éden. Déjà
une sentence de malédiction est
prononcée sur l'instrument de la chute et
sur l'auteur du mal dont l'empire
ténébreux sera renversé par la
postérité de la femme. Une
délivrance
éternelle est ainsi
promise à la race déchue d'Adam,
qu'un puissant Libérateur affranchira du
joug tyrannique du démon. Mais la peine du
péché n'atteindra-t-elle pas ceux qui
l'ont commis ? Seront-ils absous ? Dieu
tiendra-t-il le coupable pour innocent ? Non,
mes frères ! Bien que Dieu, dans sa
bonté infinie, ait réservé
à l'homme une bénédiction
spirituelle destinée à tous
ceux qui s'appliqueront l'admirable remède
que l'Éternel a trouvé pour tant de
maux, le péché ne peut rester impuni.
Les conséquences en sont inévitables
parce que la justice de Dieu est immuable comme le
Rocher des siècles.
Écoutons donc aujourd'hui, dans un saint
recueillement, la sentence que Dieu prononce sur
nos premiers parents déchus de sa
grâce. En l'écoutant jetons un regard
sur l'état de l'homme, où il ne nous
sera pas difficile de reconnaître que cette
sentence s'exécute de
génération en
génération sur toute la race d'Adam.
Les misères de la vie humaine peuvent en
fournir une preuve accablante ; elles nous
crient que Dieu est fidèle dans ses menaces
aussi bien que dans ses promesses. Mais quelle ne
devra pas être notre admiration pour la
miséricordieuse bonté du
Seigneur ! Quelle ne devra pas être
notre reconnaissance si, même dans ces maux
sans nombre, nous pouvons reconnaître un
remède salutaire ; si, du fond de cette
coupe amère, nous voyons jaillir une source
d'eau vive pour la vie
éternelle !
Dieu s'adresse d'abord à la femme, à
celle qui la première est tombée par
la séduction et qui a entraîné
son mari dans la même ruine. Elle est
terrible la sentence dont elle est le malheureux
objet :
Je multiplierai extrêmement ton travail et
ta grossesse, ou, comme on peut et doit
traduire, les douleurs de ta grossesse ; tu
enfanteras tes enfants en travail ; tes
désirs se rapporteront à ton mari et
il dominera sur toi.
Plus faible encore que l'homme, la femme verra
son existence terrestre remplie de plus
d'infirmités, de maladies,
d'amertumes ; sa vie entière lui
rappellera son péché, sa chute et la
sentence du Très-Haut. Débile et
toujours dépendante, elle n'échappera
à une existence isolée et sans but
qu'au prix de sa liberté, qu'elle remettra
entre des mains dont elle attend une protection
tutélaire et où elle ne trouvera trop
souvent qu'une dure tyrannie, une servitude sans
affection, des chaînes dont rien
n'allège le poids.
Nous qui vivons au sein de ce divin Christianisme
dont l'influence s'étend sur tous les
rapports du corps social, nous sommes moins
frappés peut-être de cette partie de
la sentence qui place la femme sous la domination
de son mari, quoique, hélas ! trop de
familles soi-disant chrétiennes soient
témoins des larmes secrètes ou des
gémissements douloureux qu'arrachent
à une épouse infortunée les
procédés tyranniques d'un homme sans
coeur ou d'un époux parjure. - Mais jetez
les yeux sur tous les peuples barbares de tous les
temps et de tous les lieux,
qui n'ont point reçu la
lumière de l'Évangile, et vous y
verrez la femme sans dignité, sans nom, sans
jouissances, livrée à l'abjecte
condition des esclaves, misérable jouet des
passions ou des caprices d'un tyran, n'ayant pas
même, pour compensation de ses maux, les
pénibles douceurs de l'amour maternel, parce
qu'on ne lui laisse presque aucune influence sur le
fruit de ses entrailles et que son ignorance ne lui
permet pas d'en suivre les développements.
Ah ! si ces infortunées pouvaient
ouvrir le Livre des révélations
divines et y lire ces mots de notre texte :
tes désirs se rapporteront à ton
mari, avec quelle profonde humiliation devant
Dieu ne reconnaîtraient-elles pas que leur
misérable état est l'exécution
d'une sentence prononcée contre le
péché !
Femmes chrétiennes ! si vous êtes
plus privilégiées, ne soyez pas moins
humiliées de la sentence que le
péché a attirée sur vos
têtes ; sachez de plus voir dans cette
sentence même un devoir sacré.
Souvenez-vous que la soumission que vous devez
à celui à qui vous avez uni votre
destinée est à la fois une
condamnation et un ordre
émanés de l'autorité de
Dieu même. Cette Parole de
l'Éternel : tes désirs se
rapporteront à ceux de ton mari, vous
est souvent rappelée en d'autres termes par
les écrivains sacrés de la
dispensation évangélique :
« Femmes, soyez soumises à vos
maris comme au Seigneur ; car le mari est le
chef de la femme, comme Christ est le chef de
l'Église ».
À Dieu ne plaise que,
méconnaissant les
privilèges que le Christianisme vous
confère, nous voulions vous replacer sous
une crainte servile ou un dur esclavage !
À Dieu ne plaise que nous voulions
recommander l'indigne abus que trop d'époux
font de l'autorité qui leur est
confiée !
Ah ! plût à Dieu que jamais les
mots d'autorité et de soumission ne fussent
prononcés dans les familles
chrétiennes ! - Plût à
Dieu que l'amour chrétien, le plus fort, le
plus doux, le plus saint de tous les mobiles,
fût le seul sentiment qui régnât
dans l'union domestique, en réglât les
rapports, en adoucît les
frottements !
Mais en jouissant du privilège, ne
méconnaissez pas le devoir. Si le
Christianisme se montre ici comme partout la loi de
la liberté, que votre conscience, rendue
plus délicate par la liberté
même, vous empêche d'en abuser. Rien ne
saurait excuser la violation d'un devoir, rien, pas
même le consentement tacite ou avoué
de celui qui en est l'objet, pas même la
supériorité intellectuelle, ou
religieuse ou sociale. Femmes
chrétiennes ! la place que vous assigne
le Christianisme est si belle, si douce, si
conforme à la nature de vos dons et de votre
caractère, que vouloir en sortir n'est pas
seulement violer un ordre divin, mais c'est
méconnaître votre véritable
bonheur. Jamais le bonheur ne se trouve hors du
devoir !
Mais lors même qu'il est permis à la
femme de goûter, au sein d'une famille bien
unie, toutes les douceurs et les
joies de la vie domestique, son existence
entière est tellement embrassée par
les clauses diverses de la sentence que nous
méditons, que ces douleurs et ces joies sont
continuellement mêlées de trouble et
d'amertume.
Qui, en voyant cette longue suite
d'infirmités et de souffrances qui
précèdent le moment où la
femme acquiert le beau titre de mère, ne se
rappellerait, avec un mouvement de crainte de
l'Éternel ces paroles si bien
accomplies : Je multiplierai
extrêmement les douleurs de ta
grossesse ?
Qui surtout, en voyant qu'aucun de ces pauvres et
chétifs enfants d'Adam ne peut naître
à la vie qu'au milieu des cris
déchirants d'une douleur sans égale
et après ces longues heures d'une agonie
mortelle ; qui, dis-je, peut ne pas sentir en
frémissant la malédiction du
péché et reconnaître l'effet de
cette sentence : Tu enfanteras tes fils
dans la douleur ?
Ah ! demandez à l'époux
affligé qui, après avoir
partagé, par les plus vives souffrances
morales, les douleurs d'une compagne
bien-aimée, l'a vue ensuite succomber
à l'excès de ses maux, l'a vue mourir
en donnant la vie, l'a vue descendre au tombeau au
moment où un être de plus à
aimer venait mettre le sceau à une union
jusque là heureuse, demandez-lui quelle voix
s'est fait entendre au fond de son coeur
déchiré ! Il vous dira qu'au
sein des ténèbres qui entouraient son
âme agonisante, il a entendu de nouveau la
voix de malédiction qui retentit en Eden. Et
le jeune orphelin, qui n'éprouvera jamais la
douceur d'être aimé
de sa mère, ne joindra-t-il pas son triste
témoignage à celui d'un père
affligé ? Oh ! oui, de toutes
parts retentira le mot terrible de
péché et de condamnation ; de
toutes parts une voix de lamentation proclamera
l'éternelle justice de Dieu et son horreur
pour le péché, et
répétera, pour rendre attentifs et
sérieux les êtres les plus
légers : Je multiplierai
extrêmement les douleurs de ta
grossesse ; tu enfanteras tes fils dans la
douleur !
Mais si telle est, depuis la chute, la triste
histoire de toutes les filles d'Eve, la sentence de
condamnation s'étend bien plus loin. Si
l'enfant de tant de douleurs annonce lui-même
par des cris son entrée dans la vie, par
quelle suite de maux, d'infirmités, de
maladies, ne doit pas encore passer cette faible
créature, ce chétif vermisseau de la
poussière ! Que ne coûtera-t-il
pas encore à celle à qui il a
déjà tant coûté !
Et où finiront ses longues
misères ? Hélas ! elles
n'auront de bornes que le tombeau. Ah ! c'est
que la sentence de condamnation n'atteint pas Eve
seule ; elle frappe le premier homme, et, en
lui, toute sa race déchue
(1).
Le juste Juge se tourne vers Adam pécheur
qui déjà, dans la conscience de son
crime, rougit de honte et frémit de crainte.
En vain a-t-il voulu se disculper en rejetant sur
sa compagne la faute de son
péché ;
ses excuses ne sont point
admises ; Dieu les réduit à
néant par ces considérants qui
précèdent la condamnation :
Parce que tu as obéi à la parole
de ta femme et que tu as mangé du fruit de
l'arbre dont je t'avais commandé en
disant : Tu n'en mangeras point....
Cette fois Adam n'a plus d'excuses ; il se
tait ; « il faut que toute bouche
soit fermée et que tout le monde soit
reconnu coupable devant Dieu ».
Il écoute en tremblant sa sentence... Mais
quoi ?
C'est sur la demeure de l'homme, sur cette terre
brillante de jeunesse et de beauté que tombe
la première malédiction ! La
terre sera maudite à cause de toi ;
elle te produira des épines et des ronces.
Quelle douleur pour Adam coupable ! Quelle
source de maux pour ses descendants ! Ils
habiteront une terre maudite à cause de
l'homme !
Mes frères, avez-vous jamais
pensé à voir dans ces épines
et ces ronces, dans ces déserts
brûlants dans ces intempéries des
saisons et ces fléaux dévastateurs,
un fruit du péché et l'effet de la
malédiction de Dieu ? - Recevez
instruction, et cessez d'élever contre la
Providence des doutes offensants, ô vous qui
semblez l'accuser des calamités dont la
terre est le théâtre.
Et vous qui, désireux de ne pas douter de la
sagesse et de la bonté de Dieu, sentez
cependant parfois votre confiance s'ébranler
à la vue de ces maux sans nombre qui
paraissent atteindre également le juste et
l'impie, cessez de voir le dessein primitif du
Créateur dans ces désordres qui
semblent accuser le gouvernement divin, dans ces
convulsions de la nature, dans
ces tremblements de terre où des
cités entières trouvent un affreux
tombeau, dans ces inondations où des flots
impétueux apportent la mort dans la demeure
de l'homme, dans ces ouragans qui ravagent ses
possessions, dans ces grêles qui frustrent le
laboureur de sa pénible attente, dans ses
pestes, dans ces famines qui, comme autant d'anges
exterminateurs, semblent avoir reçu la
mission de dépeupler la terre. -
Souvenez-vous qu'après la création de
l'univers, l'éternelle Vérité
prononça que tout était
très bon, et apprenez à voir
dans ces fléaux un redoutable commentaire
des paroles que nous méditons : La
terre sera maudite !
Ce n'est donc pas seulement le mal moral dont
l'humanité est dévorée qui
doit nous crier, pour nous humilier jusque dans la
poudre : l'homme est tombé !
mais que ces maux sans nombre, que ces
souffrances qui arrachent à toute la
création un long gémissement, que ce
jugement de Dieu en Eden, semblable à un
volcan dont la lave brûlante se répand
sur tous les points de cette vallée de
misère, nous humilient, nous fassent sentir
nos péchés, nous prêchent avec
une redoutable éloquence la justice de Dieu
et l'horreur qu'il a du mal.
À Dieu ne plaise, toutefois, que nous
voulions méconnaître avec ingratitude
toutes les marques de sa bonté que Dieu a
laissées, pour le bien de sa créature
coupable, sur cette terre maudite !
À Dieu ne plaise que nous voulions
flétrir votre
admiration pour les
beautés sublimes qui restent encore dans les
oeuvres de Dieu ! Tout y est propre au
contraire à nous ramener à lui, soit
par la crainte et le tremblement lorsque nous
contemplons les marques de son indignation et de sa
colère, soit par la reconnaissance et
l'amour lorsque nous admirons les marques de sa
bonté. Dieu nous parle dans la nature comme
dans la révélation ; il y
prononce tantôt une menace ou une
condamnation, tantôt une promesse ou une
grâce. La grêle qui dévaste les
campagnes est aussi bien un messager de Dieu que la
rosée qui rafraîchit la terre. Le
retentissement du tonnerre et la trace
brûlante de la foudre nous parlent de
l'Éternel aussi bien que le majestueux lever
du soleil, ou que le mélodieux concert des
oiseaux qui semblent chanter son retour.
« II n'y a point en eux de langage ;
il n'y a point de paroles ; toutefois leur
voix est ouïe ». - Heureux si nous
savions recevoir toujours la leçon que cette
voix doit donner !
Dès que la terre est maudite à cause
du péché, il faut que l'homme en tire
avec grand'peine de quoi soutenir sa chétive
existence. Les fruits délicieux
d'Éden ne lui donneront plus leurs
richesses, ils seront insuffisants : Tu
mangeras l'herbe des champs. - ..... Tu mangeras
les fruits de la terre en travail (en
douleur) tous les jours de ta vie ; tu
mangeras ton pain à la sueur de ton front.
Telle est une autre clause de la sentence que
l'Éternel prononce sur
l'homme. Et ici serait-il nécessaire d'en
montrer dans la vie la terrible
exécution ? Quel est l'homme qui n'ait
mangé sur la terre le pain de la douleur
tous les jours de sa vie ? Les jours heureux
d'Eden sont passés sans retour. - Ceux
même des enfants d'Adam qui sont le mieux
partagés, ceux qui n'ont pas à manger
un pain péniblement gagné à la
sueur de leur front, sont-ils plus
heureux ?
Même au sein des richesses et de l'opulence,
ne les voit-on pas aussi manger, dans l'amertume et
l'inquiétude, un pain plus souvent encore
arrosé de larmes que celui du pauvre ?
En vain veulent-ils violer l'ordre enjoint dans la
condamnation même en se soustrayant au
travail qui est un devoir pour tous ; en vain
pensent-ils échapper à la sentence en
se réfugiant dans une vie oiseuse et inutile
qui ne fait qu'aggraver leur culpabilité et
augmenter leur misère ! Ce qu'ils
ôtent au travail de leurs mains, ils
l'ajoutent au travail de leur âme. Le
même homme de Dieu qui nous rapporte ici les
malheurs d'Eden, renferme toute la race d'Adam dans
ce triste témoignage qu'il donne de la vie
humaine : « Les jours de nos
années reviennent à soixante-dix ou
quatre-vingts ans ; même le plus beau de
ces jours n'est que travail et
tourment ».
Mais si dans la demeure du riche et dans les salons
de sociétés bruyantes, l'homme
parvient, au moyen d'un faux air de bonheur,
à donner un apparent démenti à
la Parole de Dieu et à
faire croire à
l'observateur superficiel qu'il a
échappé à la condamnation
prononcée en Éden, ne vous y
méprenez pas ; percez l'écorce
trompeuse et vous trouverez la malédiction
qui a pénétré jusqu'au coeur
de la vie humaine. Observez l'homme quand il est
lui-même et sans masque, et vous trouverez en
lui un témoin vivant des tristes paroles que
nous méditons. Puis, passez de là
dans la cabane du pauvre où tout vous parle
d'indigence, de misères, de
souffrances ; dans l'atelier d'un artisan que
les besoins ont affaibli et qui doit devancer
l'aurore et poursuivre son travail jusque dans les
heures reculées de la nuit, afin de gagner
pour lui et pour une malheureuse famille un pain
chétif dont souvent même ils sont
privés ; ou arrêtez-vous devant
ce laboureur courbé vers une terre maudite,
dont il déchire péniblement le sein
et qu'il arrose de ses sueurs pour en tirer
quelques fruits ; puis dites, dites si la
justice de Dieu est une chimère, si ses
menaces ne sont que pour inspirer une vaine
terreur ; dites si les mots sinistres de
péché et de malédiction ne
frappent pas en tous lieux vos regards.
Ah ! que la vie serait sérieuse si nous
savions l'expliquer à la lumière de
la Parole de Dieu ! Que nos maux seraient
différents si nous savions en
reconnaître l'origine ! Riches ou
pauvres, grands ou petits, que nous serions humbles
devant Dieu si nous savions nous dire que tout ce
que nous pouvons souffrir sur la terre est une
juste condamnation pour nos
péchés !
Quel sera le terme de tant de misères ?
la tombe ! Car telle est la dernière et
la plus terrible des condamnations
prononcées sur l'homme :
Tu mangeras ton pain à la sueur de ton
visage, Jusqu'à ce que tu retournes en la
terre d'où tu as été
tiré ; car tu es poudre et tu
retourneras en poudre. « Au jour
où tu en mangeras tu mourras de
mort », telle était la sanction
que Dieu avait donnée à son
commandement. Et ce que Dieu a dit, ne le ferait-il
pas ?
Oui, la mort sous sa forme la plus redoutable , la
mort spirituelle, la séparation de
l'âme et de Dieu avait atteint Adam au moment
même de sa chute. Et dès lors la mort
physique, qui n'est qu'une conséquence de la
première , déposa dans son corps,
jusque là revêtu d'immortalité,
le germe de dissolution qui bientôt terminera
sa vie.
La mort temporelle et éternelle est une
conséquence rigoureusement nécessaire
du péché. « Les gages du
péché c'est la mort ».
« Par un seul homme le
péché est entré dans le monde,
et par le péché la
mort ».
O mes frères ! avez-vous pensé
jusqu'ici que tous les coups que la mort frappe
autour de vous ne sont que le retentissement de la
malédiction du péché ? La
mort s'avance, précédée d'un
long cortège de maladies,
d'infirmités, de souffrances ; elle
frappe également et l'enfant qui tombe de la
mamelle au sépulcre, et le jeune homme
qu'elle arrache à ses rêves de
bonheur, et le vieillard qui, pendant de longues
années, a mangé son pain à la
sueur de son front ; elle imprime sur ce
visage découlant d'une
froide sueur le sceau livide de malédiction
dont la seule vue fait frissonner tout notre
être. Cette vie terrestre qui avait
commencé dans les pleurs, qui s'est
écoulée dans la douleur, se termine
dans l'agonie ; le râle de la mort
répète la peine du
péché ; le sépulcre ouvre
sa bouche pour engloutir l'homme tiré de la
poudre et qui y retourne ; une terre froide et
lourde tombe, fait gémir d'un ton lugubre ce
cercueil qui n'empêchera pas le fils de la
corruption de se confondre avec la
poussière. C'est là le dernier
retentissement de la malédiction
prononcée en Eden ! Ainsi, depuis six
mille ans, chacun de ces millions d'enfants d'Adam,
dont je viens d'esquisser la triste histoire,
descend à son tour dans la tombe qui
engloutit génération après
génération, et il nous crie en s'y
précipitant : « Les gages du
péché c'est la mort ».
Tu es poudre et tu retourneras en
poudre !
Telle est la sentence prononcée sur nos
premiers parents, sentence que nous voyons chaque
jour s'exécuter sous nos yeux de la
manière la plus rigoureuse.
- Mes frères, puisque nous sommes tous
enveloppés dans la même condamnation,
puisque le péché a rempli le monde de
terreur, de souffrances, de mort, où
tournerons-nous nos regards pour appeler la
délivrance et le secours ? Ne
connaîtrons-nous donc jamais d'autre Dieu que
celui qui est un feu dévorant ?
N'entendrons-nous plus jamais que les foudres de sa
justice ?
Oh ! non, non !
Une voix de miséricorde s'est fait
entendre ; elle pénètre
délicieusement jusqu'au fond de notre coeur
agité : « Dieu est
amour ! » Oui, Dieu est amour
même lorsqu'il condamne ; Dieu est amour
même lorsqu'il maudit.
Un remède à tous nos maux, un
remède dont la pensée ne fût
pas même montée au coeur de l'homme ni
au coeur des anges, a été
trouvé dans les trésors insondables
des miséricordes divines.
Déjà le Réparateur des
désordres du péché a
été promis à Adam avant
même qu'il entendît prononcer la
sentence de condamnation qui vient d'occuper
tristement nos pensées. Et non-seulement
Dieu n'anéantit pas sa créature
coupable, non-seulement il lui prépare un
salut inespéré, mais encore il voile
dans les termes mêmes de sa condamnation des
desseins de grâce et des moyens de
délivrance. Même sur la terre,
même tandis que nous souffrons la peine du
péché, nous pouvons découvrir
dans cette peine les marques de l'amour de
Dieu.
La femme est condamnée à mille
souffrances, mais elle aura le bonheur d'être
mère. L'homme doit manger le pain de la
douleur ; mille misères remplissent en
tous lieux une terre arrosée de larmes. -
Mais s'il n'en était pas ainsi, si l'homme
pécheur eût pu se livrer sans
contrainte, sans souffrances, à toute ses
passions désordonnées, à toute
sa méchanceté, à tous ses
vices ; si le péché n'eût
pas porté avec soi son châtiment
immédiat et rencontré une digue
salutaire, que serait devenu ce monde déchu
de Dieu ? Semblable
à un torrent
impétueux le mal eût inondé la
terre, eût corrompu l'âme de l'homme
jusque dans ses dernières profondeurs,
eût fait de toute la race d'Adam une masse
infecte de corruption sans remède et sans
espoir. L'enfer, avec ses éternelles
horreurs et ses éternels tourments,
eût commencé en Éden, eût
envahi toute la création, eût
été notre unique héritage.
Demandez aux milliers de rachetés de Christ,
qui ont été arrachés à
l'empire du mal, comme des tisons retirés du
feu, par quels moyens ils sont rentrés en
eux-mêmes, revenus à Dieu, à
leur première origine. Presque tous vous
diront que, comme l'enfant prodigue, c'est par la
douleur, par l'affliction, par la peine du
péché. « Ceux qui sont
devant le trône de Dieu, vêtus de robes
blanches qui ont été lavées et
blanchies dans le sang de l'Agneau, ne sont-ce pas
ceux qui sont venus de la grande
tribulation ? » - Béni soit
Dieu ! Béni soit Dieu pour les foudres
de sa justice ! Béni soit Dieu pour sa
malédiction !
L'homme est condamné à manger son
pain à la sueur de son front. Il doit se le
procurer par le travail et la fatigue. Mais que
serait-il devenu sans ce salutaire travail qui le
sort de lui-même, occupe ses pensées,
remplit son temps, amortit ses passions, met un
frein au mal qui est en lui ? Livré
à lui-même, maître de sa vie,
chargé du fardeau de ses journées, il
serait devenu le jouet de ses passions, il se
serait plongé dans tous les genres
de péché qu'une
imagination corrompue eût été
habile à lui suggérer. La peine du
péché lui ôte les moyens de
faire le mal au même degré et devient
souvent le moyen de son salut. Et quel ennui, quel
vide insupportable suivent constamment une
existence oisive, inutile ! - Quelle source au
contraire de jouissances, de satisfaction, de
développement, de perfection, l'homme ne
peut-il pas trouver dans une vie consacrée
à d'utiles travaux ? Béni soit
Dieu ! Béni soit Dieu pour les foudres
de sa justice ! Béni soit Dieu pour sa
malédiction !
L'homme est condamné à la mort ;
que serait-ce s'il eût été
condamné à
l'immortalité ? Traîner sur une
terre maudite, dans un monde plein de souillures et
de douleurs, une fatale immortalité ;
gémir dans une vieillesse éternelle,
dans une vie inutile, sans espoir de voir un terme
à ses misères !... O mort !
ô messagère des malédictions et
des délivrances de mon Dieu ! je te
salue comme son plus grand bienfait. Frappe tes
victimes ; délivre-les de ce corps de
mort, de cette enveloppe de corruption et de
péché, et, si elles appartiennent
à Christ, si elles ont accepté
l'amnistie proclamée en Golgotha, ton
approche sera leur délivrance ; tu les
feras passer d'une terre maudite où
croissent les épines et les ronces,
où le péché mêle partout
son amertume et sa souillure, dans « les
nouveaux cieux et la nouvelle terre où la
justice habite ».
« Toutes choses sont faites
nouvelles » ; la malédiction
est levée, elle ne pèse plus sur la
terre ; « le désert et le
lieu aride se réjouiront, et le lieu
solitaire s'égaiera et fleurira comme une
rose. Il fleurira en abondance et s'égaiera
avec chants de triomphe. - La gloire du Liban lui
est donnée avec la magnificence du Carmel et
de Saron. - Ils verront la gloire de
l'Éternel et la magnificence de notre
Dieu ». - La mort, la dernière
peine du péché, le dernier ennemi qui
doit être vaincu, a affranchi le disciple de
Christ de toutes ses misères. Ce roi des
terreurs a perdu tout son pouvoir sur lui ; il
est anéanti. - « La mort ne sera
plus ; il n'y aura plus ni deuil, ni cri, ni
travail ; toutes larmes seront essuyées
de leurs yeux ». - Sous les coups
mêmes de la mort, « tous ceux dont
l'Éternel aura payé la rançon
retourneront et viendront en Sion avec un chant de
triomphe ». « Ce qui est
corruptible a revêtu
l'incorruptibilité ; ce qui est mortel
a revêtu L'immortalité ». -
Béni soit Dieu ! Béni soit Dieu
pour les foudres de sa justice ! Béni
soit Dieu pour sa malédiction !
Oui, bénissons Dieu ; car, ne
l'oublions jamais, ses malédictions eussent
pu être éternelles et atteindre
notre âme sans espoir de délivrance.
Et, au lieu de cela, remarquez que toutes les
clauses de la condamnation ne portent que sur la
vie présente. Je ne prétends pas
dire que le péché d'Adam ne
méritât pas pour lui une condamnation
éternelle aussi bien que
tout péché que nous avons le malheur
de commettre ; au contraire, s'il ne
s'était réconcilié avec son
Dieu, nous croyons que ce péché,
fût-ce le seul qu'il eût commis dans sa
vie, l'exclurait à jamais de la
présence de son Dieu. Mais quant à
nous, race déchue d'Adam, Dieu, dans
sa miséricorde infinie, n'a étendu la
peine du péché que sur le temps de
l'épreuve.
Nous pouvons être condamnés
éternellement pour nos propres
péchés, non pour celui du premier
homme. Je sais que je me trouve ici en
contradiction avec le système de
théologiens dont je respecte d'ailleurs
infiniment les persuasions ; mais nous n'avons
pas à développer des systèmes
d'hommes ; nous nous en tenons à la
Parole de l'Éternel, telle que l'exprime
notre texte.
Ah ! je ne saurais trop le redire :
bénissons Dieu pour ces dispositions de sa
sentence ! Le châtiment de la chute est
temporel, les bénédictions de la
délivrance en Christ sont éternelles.
Nous, déchus comme Adam, nous sommes
corrompus ; nous naissons loin de Dieu ;
nous vivons loin de Dieu, tant que sa grâce
ne nous a pas ramenés à notre
destination primitive ; nous souffrons des
suites temporelles de la chute ; mais nous
avons un remède ; mais l'accès
de l'Éden céleste nous est
rouvert ; mais nous avons un Sauveur ;
mais nos propres péchés, ces
péchés dont le gage est la mort
éternelle, ont été
expiés, peuvent nous être
pardonnés, et l'Éternel nous attend
pour nous faire grâce.
Qui de vous, qui de vous, êtres immortels, ne
se hâtera d'accourir pour avoir part à
l'amnistie, au pardon, à la
délivrance ? Ah ! souvenez-vous
que maintenant les conséquences
désastreuses de vos péchés
s'étendent sur une éternité
sans limites. Souvenez-vous que si vous
négligez le remède que Christ vous
présente, il n'y a plus pour vous de
remède. Souvenez-vous que si les
malédictions temporelles ne vous conduisent
au Sauveur, les malédictions
prononcées sur vos péchés
seront éternelles. Mon Dieu,
« comment échapperions-nous si
nous négligions un si grand
salut ? »
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