L'HOMME
BANNI D'EDEN
MÉDITATION VI.
LA MALÉDICTION. - LA PROMESSE.
Alors
l'Éternel Dieu dit au serpent : Parce
que tu as fait cela, tu es maudit entre tout le
bétail et entre toutes les bêtes des
champs ; tu marcheras sur ton ventre et tu
mangeras la poussière tous les jours de ta
vie. Et je mettrai inimitié entre toi et la
femme, et entre ta postérité et la
postérité de la femme ; elle te
brisera la tête, et tu lui briseras le
talon. »
Gen. III, 14-15.
D'excuses en excuses nos premiers parents ont
cherché à faire remonter
jusqu'à l'instrument de leur crime la faute
de l'avoir commis. Cependant ils sont convaincus,
quoique non humiliés. Bientôt va
tomber sur leurs têtes coupables la sentence
de condamnation et de mort que la loi violée
réserve au criminel. - Mais Dieu, afin de
leur montrer combien le péché est
odieux à ses yeux et de les porter à
la repentance, veut faire tomber en leur
présence sa juste indignation sur le vil
instrument du péché ; il veut
aussi prononcer sur celui qui fut
« meurtrier dès le
commencement » une malédiction qui
renfermera dans ses termes mystérieux une
bénédiction éternelle pour la
race déchue d'Adam.
Oui, mes frères, Dieu a résolu de ne
pas anéantir un monde coupable, mais de le
sauver, et dès lors il bénit avant de
maudire ; il indique de loin le remède
avant de faire venir sur l'homme pécheur
tous les maux que va enfanter son crime ; il
fait luire dans un avenir obscur une faible
lumière vers laquelle l'homme, du sein de
ses profondes ténèbres, pourra
diriger ses pas incertains.
Approchons-nous donc, avec une profonde
vénération, du tribunal dressé
en Éden, et efforçons-nous, dans la
sentence de condamnation, de discerner les paroles
de grâce.
Pourquoi le premier châtiment du
péché tombe-t-il sur l'aveugle
instrument de la chute ? Quelle justice
peut-il y avoir à prononcer sur un innocent
animal une peine que l'homme seul devait partager
avec le tentateur qui l'a entraîné
dans l'abîme ? - Telle est la question
qui se présente à l'esprit à
la simple lecture de notre texte.
Mes frères, quelque naturelle que cette
question nous paraisse à nous-mêmes,
nous ne prétendons pourtant pas y
répondre, et s'il n'y avait pas quelques
considérations que je crois utile de vous
présenter, je vous dirais simplement :
Je ne sais pas, et je
passerais.
Est-ce bien à nous en effet à
interroger l'Éternel sur les applications
qu'il fait de son immuable justice ?
Est-ce à l'homme, vermisseau de la
poussière, enfant de la corruption, à
l'homme qui devrait adorer à deux genoux la
clémence divine du Juste Juge pour n'avoir
pas été anéanti avec le monde
qu'il habite, dès que le péché
en eut souillé l'innocence et flétri
la beauté, est-ce à l'homme à
s'ériger en censeur et à demander
compte à un Dieu saint de la sentence qu'il
prononce même sur le vil instrument d'un
odieux péché ?
L'Israélite craignant Dieu demandait-il
à son législateur pourquoi la loi
ordonnait de lapider sous ses yeux son boeuf ou son
âne, lorsque cet animal, destitué de
raison, avait frappé ou tué un
homme ? ou pourquoi il fallait faire
périr l'animal qui avait servi à
quelque souillure infâme ? ou pourquoi
il fallait brûler au feu les vases
sacrés qui avaient été
seulement touchés par quelque
profane ?
Le motif de ces jugements, qui peuvent
paraître à notre raison bien plus
absurdes que la condamnation du serpent,
était évident : il s'agissait
d'inspirer au peuple de Dieu l'horreur du
péché et de la souillure, en
enveloppant dans une condamnation universelle tout
ce qui y avait eu quelque part. C'était pour
instruire l'être intelligent et moral
qu'était frappé l'être
destitué d'intelligence. - Tel est aussi le
but de la condamnation que nous avons sous les
yeux. C'est à Adam, c'est à Eve,
c'est à nous que Dieu s'adresse en parlant
au serpent ; c'est afin
d'enfoncer plus avant dans le
coeur des premiers pécheurs le trait du
remords qui l'a percé, que Dieu punit
l'animal qui n'a pas péché.
Il y a plus : tout dans cet univers avait
été fait pour l'homme ; tous les
êtres créés avaient pour fin
d'embellir sa demeure, de multiplier ses
jouissances, d'augmenter son bonheur. Mais
dès qu'il a péché, tout est
changé ; la terre même va
être maudite à cause de lui ; il
va trouver désormais des ennemis, des
êtres dangereux dans ces mêmes
créatures qui devaient contribuer à
le rendre heureux en multipliant autour de lui le
mouvement et la vie.
Le serpent, ce bel animal qui était un des
ornements de la demeure de l'homme, qui
étalait en Eden ses brillantes couleurs, ses
nobles contours, va devenir pour l'homme un objet
d'horreur, un ennemi armé de poison et dont
tous les coups portent la mort.
Plus il est beau dans son espèce, plus il
est dangereux. L'innocente couleuvre ne
présente pas un dard vénéneux,
mais elle est dénuée de
beauté. Le serpent d'Asie, au contraire,
celui dont Eve aimait à contempler
l'éclat des couleurs et les mouvements
gracieux, celui qui fut l'instrument de sa chute,
glace maintenant par son seul aspect le sang dans
nos veines, et nous fait éprouver un frisson
d'horreur qui devait redire à toute la
postérité d'Adam, et jusqu'au dernier
homme qui vivra sur la terre :
Tu as péché l Quel commentaire
de ces paroles de l'Éternel : Je
mettrai inimitié entre toi et la femme,
entre sa postérité et la
tienne !
Je vais plus loin : ce qu'il y a pour nous
d'incompréhensible dans la condamnation du
serpent se retrouve aussi dans l'état actuel
de tous les animaux, et, comme nous le verrons
prochainement, dans toute la nature ; car
toute cette belle habitation de l'homme est remplie
des suites du péché.
Le serpent n'est pas maudit seul, mais il est
maudit entre tout bétail et entre toutes
les bêtes des champs,
hébraïsme qui signifie maudit
plus que tout le bétail, plus que toutes
les bêtes des champs.
Croie qui voudra que le monde est sorti tel
qu'il est de la main du Créateur !
Croie qui voudra que ces milliers et ces millions
d'êtres, créés par Dieu pour
embellir Éden, ne pussent subsister qu'en se
dévorant les uns les autres
(1) ! Croie
qui voudra que les animaux dussent donner à
l'homme l'exemple de tous les vices et de tous les
crimes, mettre sous ses yeux le spectacle de toutes
les souffrances, et lui faire entendre sans cesse
ce long gémissement de toute la
création, qui suffirait à lui seul
pour désenchanter la vie la plus heureuse,
et pour flétrir des coeurs moins
accoutumés que les nôtres, aux
scènes de destruction et de mort dont le
péché a couvert la terre ! -
Pour nous, nous croirions outrager Dieu en lui
attribuant un tel ouvrage.
Certes,l'apôtre Paul ne
partageait pas la superbe et cruelle
indifférence des raisonneurs du
siècle sur la souffrance de la
création et sur l'origine de cette
souffrance. Il daigne y jeter un regard de
compassion, même en traitant les plus
sublimes sujets des espérances
chrétiennes. « Le grand et ardent
désir de la créature est l'attente de
la révélation des enfants de Dieu
(car la créature est assujettie à la
vanité, non de sa propre volonté,
mais à cause de Celui qui l'y a assujettie)
dans l'espérance qu'elle aussi sera
délivrée de la servitude de la
corruption, pour avoir quelque part à la
liberté glorieuse des enfants de Dieu. Car
nous savons que toute la création
gémit et est en travail jusqu'à
maintenant ». -
Esaïe ne voit pas davantage, dans
l'état actuel des êtres
créés, ce qu'ils devaient être
dans l'origine, puisqu'en jetant un regard
d'espérance sur les temps meilleurs
où le règne du Messie doit
réparer les désordres du
péché, il trouve dans son coeur un
soupir généreux pour la
rénovation de tout ce qui est mal dans la
nature et pour la délivrance de tous les
êtres créés :
« Le loup et l'agneau paîtront
ensemble ; le lion mangera l'herbe des champs
comme le boeuf ; mais la poudre sera la
nourriture du serpent (malédiction
spéciale prononcée dans notre
texte) ; on ne nuira plus, on ne
détruira plus dans toute ma sainte montagne,
dit l'Éternel ».
Ainsi la sentence prononcée sur le serpent
n'est pas une exception dans la nature ; elle
porte simplement que cet animal aurait
une marque distinctive de
malédiction. - Nous n'examinerons pas ici si
ces paroles : Tu marcheras sur ton
ventre, tu mangeras la poussière tous
les jours de là vie, emportent que le
serpent avait originairement une conformation
différente de celle qu'il a maintenant, ni
s'il se nourrissait d'une autre manière
(2). Cette
question est d'assez peu d'importance pratique pour
qu'il nous suffise de savoir, d'après la
Parole de Dieu, que ce reptile est réduit
à son état actuel par une
malédiction de l'Éternel. Nous nous
hâtons de passer à des
considérations plus importantes
renfermées dans notre texte.
Nous avons montré précédemment
et prouvé par l'Écriture que le
serpent n'était qu'un instrument dans la
tentation et que le véritable auteur du mal
est le démon, « le serpent
ancien » qui est « meurtrier
dès le commencement ». Or, bien
que Moïse ne mentionne dans notre texte que le
serpent, ainsi qu'il l'a fait en parlant de la
tentation, nous ne pouvons pas davantage borner
toute la malédiction de Dieu sur cet animal,
que nous ne pouvons lui attribuer la tentation.
Non, c'est sur le véritable auteur du mal
que doit retomber dans toute sa rigueur la
première peine du péché. C'est
de sa main meurtrière et en le maudissant
que Dieu doit arracher la proie qu'il croit avoir
saisie et l'empire qu'il vient d'usurper sur la
créature de Dieu. Il ne restera pas paisible
possesseur de ceux qu'il vient de
réduire sous son esclavage :
Je mettrai inimitié entre lui et la
femme, entre ta postérité et la
postérité de la femme. Elle te
brisera la tête mais toi tu lui briseras le
talon.
Que faut-il entendre par la
postérité du serpent et la
postérité de la femme ? Comment
se manifeste l'inimitié qui les
sépare à jamais ? Quelle sera
l'issue de la lutte qui va s'engager dans cette
inimitié ? Trois questions sur
lesquelles il nous faut méditer un
instant.
Le « serpent ancien » a
remporté sur l'heureuse créature de
Dieu une funeste victoire. Les puissances
infernales en triomphent. Un royaume despotique de
ténèbres est établi sur la
terre. Tous les enfants d'Adam en seront-ils les
misérables esclaves ? Le démon
s'efforcera du moins de les retenir sous sa
puissance, de les détourner de Dieu, de leur
inspirer l'orgueil qui marche devant la ruine, de
les arracher à l'influence sanctifiante de
l'Esprit de Dieu.
Les mêmes moyens de séduction qu'il
employa en Eden seront mis en usage ; le
doute, l'incrédulité, l'orgueil,
l'ambition, le mépris de Dieu et de sa
Parole. Sous celte influence la terre se recouvre
de ténèbres, le péché y
développe ses ravages, l'idolâtrie, le
culte du démon, remplace l'adoration du
Créateur. Les hommes ainsi séduits,
loin de rester unis à leur Dieu qui est la
source de la vie, loin de lui obéir, de
n'avoir d'autre loi que son amour, oublient
jusqu'à son nom ou ne s'en souviennent que
pour le déshonorer.
» Ayant connu Dieu, ils ne l'ont point
glorifié comme Dieu et ils ne lui ont point
rendu grâces ; mais ils sont devenus
vains en leurs discours, et leur coeur,
destitué d'intelligence, a été
rempli de ténèbres ».
Or, comme l'homme est, dans le sens spirituel,
enfant de Celui qui engendre sa vie morale, qui la
domine, auquel il se soumet et dont il
reçoit ses inspirations, ces hommes qui
vivent ainsi sous l'influence du démon sont,
à juste titre, appelés ses enfants,
sa postérité. « Le
père dont vous êtes issus »,
dit Jésus-Christ à quiconque
résiste à l'influence de son Esprit,
« le Père dont vous êtes
issus, c'est le diable, et vous voulez faire la
volonté de votre père
(Jean 8, 44) ».
« Race de vipère ( ou de serpent
), comment pourriez-vous parler bien puisque vous
êtes méchants? »
O homme plein de toute fraude et de toute
ruse ! » s'écrie Paul avec
indignation en voyant un homme faire les oeuvres
de son père, « fils du
démon, ennemi de toute justice, ne
cesseras-tu point de pervertir les voies du
Seigneur qui sont droites ? »
« C'est à ceci que sont connus les
enfants de Dieu et les enfants du diable :
quiconque ne fait pas ce qui est juste et
n'aime pas son frère, n'est point de
Dieu ».
Voilà, dans les termes mêmes de
l'Écriture, ce qu'est la semence du
« serpent ancien ».
Cependant l'humanité entière ne sera
pas la proie du démon ! À la
postérité du serpent
l'Éternel oppose la
postérité de la femme qui renfermera
le peuple des rachetés, et en particulier le
grand Représentant de l'humanité
déchue et délivrée, le second
Adam, le Rédempteur du monde. Promis en
Éden, rappelé aux Patriarches,
annoncé par les Prophètes, il
naît d'une Vierge, il vient, en faisant
expiation pour le péché, en
réparer les ravages, et, en triomphant sur
la croix de la puissance des
ténèbres, en renverser l'empire.
Sous ce glorieux Chef, attendu par
l'espérance ou reçu par la foi, se
forme, au sein de toutes les
générations, un peuple d'enfants de
Dieu, « qui ne sont point nés de
la chair ni de la volonté de l'homme, mais
qui sont nés de Dieu ».
Délivrés de la condamnation
prononcée sur le péché,
arrachés à la puissance de leur
propre corruption et a l'influence de celui
qui trop longtemps les avait séduits,
rentrés selon leur destination primitive
dans le sein de leur Dieu, « race
élue, sacrificature royale, nation sainte,
ils annoncèrent les vertus de Celui qui les
a appelés des ténèbres
à sa merveilleuse
lumière ». - Telle est la
postérité de la femme que Dieu oppose
à l'avance à la semence du
serpent : Christ, né d'une femme,
revêtu de la nature humaine, et le peuple des
rachetés dont il est le Chef, le
premier-né.
Or, ces deux postérités, ces deux
peuples dont nous venons de signaler l'existence,
et que nous aurions pu caractériser beaucoup
plus au long, ont été dans tous les
temps en présence et
opposés l'un à
l'autre. Il y a inimitié,
inimitié mortelle entre ces deux
royaumes. L'inimitié qui les divise et les
éloigne l'un de l'autre est même une
marque distinctive de ces deux peuples.
Le peuple de Dieu déclare une haine
irréconciliable à tout ce qui
appartient au royaume des ténèbres,
au mensonge, à l'erreur, à l'orgueil,
au péché, au mal de quelque nature
qu'il puisse être.
De son côté le royaume du
démon, le monde, le génie du mal a
déclaré au peuple de Dieu une haine
qui, loin de se borner aux tentations, aux
« séductions
d'iniquité » par lesquelles il
cherche à nous entraîner dans
l'abîme, ne fut souvent assouvie que dans le
sang des témoins de la vérité,
qu'au pied d'un échafaud ou dans les flammes
d'un bûcher. De nos jours cette haine,
n'osant plus guère allumer les torches de la
persécution, se revêt d'une superbe
indifférence, s'arme du sarcasme et des
moqueries.
Quelle que soit sa forme, quels que soient ses
moyens, elle est la même dans le coeur de
tous les esclaves du prince des
ténèbres, dans le coeur de tous ceux
qui n'ont pas appris à l'école de
Jésus-Christ l'humilité et l'amour.
Tous les enfants de Dieu dans tous les temps, ont
passé par le feu de cette inimitié,
et malheur à quiconque n'en aurait jamais
éprouvé les atteintes ! Notre
Chef lui-même en fut-il exempt ? Ne le
voyons-nous pas, avant même qu'il eût
commencé son ministère de
réconciliation et de paix, soumis à
une tentation en tout semblable à celle qui
entraîna nos premiers parents
dans leur ruine ? Sa vie
entière ne fut-elle pas une lutte
continuelle contre l'influence du prince des
ténèbres ? Ne fut-il pas
toujours en lutte à la haine du monde qu'il
voulait sauver ? Sa mort, sa mort même
ne fut-elle pas le dernier effort de
l'inimitié dont parle notre texte ?
Qu'elles nous instruisent ces déclarations
mystérieuses de l'Écriture qui
attribuent à la haine du démon la
mort du Rédempteur ! « Mais
Satan entra dans Judas surnommé Iscariot,
qui était du nombre des douze, et il s'en
alla aux principaux
sacrificateurs...... » -
« Après qu'il eut reçu le
morceau, Satan entra dans Judas. Jésus lui
dit donc : Fais au plus tôt ce que tu as
à faire ». - « Quoique
j'aie été tous les jours avec vous
dans le temple, vous n'avez point mis la main sur
moi, mais c'est ici votre heure et la puissance
des ténèbres ».
La croix de Christ sera-t-elle donc le triomphe de
la postérité du serpent ? La
lutte de l'inimitié se terminera-t-elle par
la défaite et la honte du peuple de Dieu et
de son Chef ?
Non, non ! Toute la puissance de la
postérité du serpent est circonscrite
par cette figure de notre texte : Tu lui
briseras le talon. Les efforts de la haine
n'atteindront jamais à la partie vitale du
corps. Être abject et rampant, tu ne
t'élèveras pas au-dessus du pied qui
va te fouler. C'est par ta victoire que tu vas
succomber ; c'est en mourant que le Sauveur
triomphe de la mort et l'arrache tes
victimes.
En effet, l'heure de la puissance des
ténèbres n'est pas plus tôt
passée en Golgotha, que l'ouvrage de la
réconciliation du pécheur avec Dieu
est achevé. Le péché est
expié, la sentence de mort prononcée
en Éden est annulée, les liens des
captifs sont brisés, Christ a
« détruit les oeuvres du
diable »,
« dépouillé les
principautés et les puissances qu'il a
produites en public, triomphant d'elles sur la
croix ». - « Puis donc que les
enfants participent à la chair et au sang,
lui aussi a participé aux mêmes
choses, afin que par sa mort il
détruisît celui qui avait l'empire de
la mort, savoir le diable, et qu'il en
délivrât tous ceux qui, par la crainte
de la mort, étaient toute leur vie
assujettis à la servitude ».
Bientôt, brisant les liens de la mort, il
sort glorieux du tombeau, il remonte en triomphe
dans les Cieux, « emmenant une grande
multitude de captifs » qu'il a
délivrés pour toujours de l'esclavage
du démon. L'Église attend encore le
jour promis de la Pentecôte pour que ses
héros ébranlent jusque sur ses
fondements l'empire des ténèbres. Que
dis-je ? Elle attend d'être
arrosée du sang des martyrs pour prouver au
monde que désormais elle est vaine
l'inimitié de la postérité du
serpent. L'Évangile du salut parcourt le
monde, les âmes immortelles passent de la
servitude à la liberté glorieuse des
enfants de Dieu ; la terre entière est
promise aux triomphes du Rédempteur.
« Le Dieu de paix brisera bientôt
Satan sous nos pieds ». Alors les Cieux
retentiront de chants de victoire
en ton honneur, ô Fils de dieu ! ô
toi qui a vaincu ! Alors les louanges des
rachetés dans les cieux proclameront
l'accomplissement de la prophétie faite en
Eden contre l'ennemi que tu as défait :
cette postérité te brisera la
tête ! « Et le serpent
ancien, appelé le diable et Satan, qui
séduit le monde, fut précipité
en la terre et ses anges furent
précipités avec lui. Alors j'entendis
dans le ciel une grande voix qui disait :
Maintenant est le salut, la force, le règne
de notre Dieu et la puissance de son Christ ;
car l'accusateur de nos frères, qui les
accusait devant Dieu jour et nuit, a
été précipité. Et ils
l'ont vaincu à cause du sang de l'Agneau et
à cause de la Parole de leur
témoignage. Ils n'ont point aimé leur
vie, mais ils l'ont exposée à la
mort. C'est pourquoi, ô cieux !
réjouissez-vous, et vous aussi qui y
habitez ! »
Mes frères, jusqu'à ce glorieux
triomphe l'inimitié subsiste encore ;
les deux peuples sont encore en présence et
se livrent un combat à mort. Vous tous, qui
êtes dans ce temple du Seigneur, vous
êtes forcés de prendre fait et cause
dans cette lutte. Ici la neutralité est
impossible.
Dîtes donc, dites à quel peuple vous
voulez appartenir ; dites sous quelle
bannière vous voulez combattre !
J'arbore à cette heure au milieu de vous
l'étendard du Sauveur ; je vous somme,
au nom de Dieu et au nom de vos plus chers
intérêts, de venir vous y ranger, sous
peine d'être les ennemis de
Christ et d'être traités comme tels.
De son côté le monde arbore au milieu
de nous et élève bien haut
l'étendard du prince des
ténèbres. Auquel de ces appels
allez-vous répondre ? Hâtez-vous,
hâtez-vous ! le temps nous presse.
Déjà vous entendez le cri des
combattants auquel va succéder le chant
d'une victoire qui ne saurait être
douteuse.
Je le redis : La neutralité est
impossible. Êtres responsables, vous ne
sauriez occuper un terrain neutre vis-à-vis
de Dieu. Vous ne sauriez non plus servir deux
maîtres ; il faut aimer l'un, haïr
l'autre. Je sais que ce qui plairait le plus
à un grand nombre d'entre vous serait le
parti des indifférents ; mais ne vous
abusez pas ; ce parti n'existe point.
Envers un Dieu dont vous avez violé les lois
et devant qui vous êtes dans un état
de condamnation, l'indifférence n'est que de
la haine, ou qu'un souverain mépris.
En présence d'un Sauveur qui vous a
comblés de grâces et de bienfaits, qui
vous a tant aimés que de mourir pour vous,
l'indifférence est pire que la haine.
L'Éternel Dieu l'a
déclaré : Je mettrai
inimitié, et vous ne sauriez mettre
indifférence.
Choisissez donc, décidez donc qui vous
voulez aimer, qui vous voulez haïr. -
Haïr Dieu ! haïr son peuple ! Y
avez-vous pensé ? L'enfer est dans ce
mot. Ah ! plutôt donnez votre coeur tout
entier, donnez toute la puissance de vos affections
à ce Dieu sauveur, Être seul digne
d'amour. Là est le bonheur, là est la
vie. Afin de l'aimer mieux, afin de l'aimer
exclusivement comme il veut
être aimé, déclarez une haine
irréconciliable à tout ce qui vient
du royaume des ténèbres. Haïssez
le mal, haïssez le péché.
Comprenez-vous bien ? Nous ne dévouons
pas à votre haine les hommes qui sont
assez malheureux pour combattre encore sous la
bannière des ennemis de Dieu. Non, nous vous
demandons de haïr leurs oeuvres et de
les aimer, eux, de tout votre coeur, de prier pour
eux, de mettre en usage tous les moyens qui sont en
votre pouvoir pour les arracher à la ruine
vers laquelle ils courent.
Seigneur, donne-nous de les attirer à toi en
leur montrant beaucoup d'amour ! Seigneur,
sauve-les, sauve-les avant qu'ils périssent.
Mon Dieu ! répands ton amour dans nos
coeurs encore si égoïstes ! Mon
Dieu ! donne-nous d'aimer ce que tu aimes, de
haïr ce que tu hais.
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