L'HOMME
BANNI D'EDEN
MÉDITATION V.
L'INTERROGATOIRE. - LES EXCUSES.
Et Dieu
dit : Qui t'a montré que tu
étais nu ? N'as-tu pas mangé du
fruit de l'arbre dont je t'avais défendu de
manger ? Et Adam répondit : La
femme que tu m'as donnée pour être
avec moi m'a donné du fruit de l'arbre, et
j'en ai mangé. Et l'Éternel Dieu dit
à la femme : Pourquoi as-tu fait
cela ? Et la femme répondit : Le
serpent m'a séduite, et j'en ai
mangé. »
Gen. III, 11-13.
À peine le péché est-il
entré en Éden, et la voix de
l'Éternel s'est fait entendre contre cette
violation de l'ordre établi dans le monde
moral. L'homme coupable a fui tremblant.
Fuir devant Dieu ! - En vain Adam pense-t-il
cacher son crime et sa honte en prétextant
sa nudité. Il faut comparaître devant
Celui qui sonde les coeurs ; il faut rendre
compte de cette honte même ; il faut se
placer en présence de la loi violée.
Un tribunal solennel s'élève ;
le juste Juge interroge sa créature sur
l'usage qu'elle a fait de sa liberté, de son
innocence,
de sa responsabilité. - II faut
répondre ; il faut que ce qui est
caché vienne à la lumière.
Écoutons, mes frères, en nous
plaçant nous-mêmes en la
présence de Dieu, écoutons cet
interrogatoire. Il nous a été
conservé pour notre instruction ; il
nous concerne tous, car il renferme la base du
jugement auquel nous allons tous être soumis,
et les chefs d'accusation qui seront bientôt
produits contre chacun de nous.
Les questions du juge suprême, les
réponses des accusés vont
successivement occuper notre attention.
J'ai entendu ta voix et j'ai craint parce que
j'étais nu, et je me suis caché.
Telle avait été la parole d'Adam
troublé dans sa conscience à
l'approche de son Dieu, parole qui trahissait
à la fois son crime et sa confusion.
Déjà il sent la misère du
péché, déjà il tremble
malheureux à la voix du Dieu dont
naguère la communion faisait son bonheur. Il
a la conscience du péché qu'il a
commis ; il en souffre déjà les
premières conséquences ; mais il
ne s'avoue pas encore la portée morale
de son action ; il ne s'avoue pas
coupable ; il ne parle que de sa crainte, de
sa nudité.
Détournant les yeux de son propre coeur, il
cherche follement au dehors les raisons de son
état présent. Il faut donc le
traduire au tribunal de sa propre conscience ;
lui rappeler
sa responsabilité, l'ordre
divin violé, la sainteté de la loi
qu'il a foulée aux pieds, le mal moral qui
vient de souiller son coeur, en un mot la
véritable cause de ce qu'il éprouve
en la présence de son Dieu. - Tel est en
effet le but des deux questions que lui adresse son
Juge :
Qui t'a montré que tu étais
nu ? - « ou comment cette
nudité est-elle maintenant devenue
pour toi un sujet de honte (Voir
chap. II, v. 25) ?
N'étais-tu pas revêtu d'innocence, de
lumière et de gloire ? Ne portais-tu
pas l'image de Dieu, dont tu te glorifiais ?
Ne jouissais-tu pas avec bonheur de toutes les
facultés qu'il t'avait
conférées ? - Pourquoi donc
es-tu dépouillé, honteux,
misérable ? - N'as-tu pas
souillé ce vêtement de pureté
et d'innocence que je t'avais donné ? -
N'as-tu pas perdu cette couronne de gloire et
d'immortalité qui ornait ton front ?
Qui donc t'a réduit à cet
état ? Qui t'a montré que tu
étais nu ?
Adam confus se tait devant son juge. Il faut donc
enfoncer plus avant le trait qu'il porte en sa
conscience troublée. - II faut lui montrer
le mal de plus près, par une question plus
précise encore. Il faut mettre devant ses
yeux le miroir lumineux de la loi divine :
N'as-tu pas mangé du fruit de l'arbre
dont je l'avais défendu de manger ?
- ou, comme il y a dans l'hébreu :
dont je t'avais donne l'ordre de ne pas
manger ?
Que de leçons, mes frères, dans
cette seule question !
Arrêtons-y un moment nos pensées.
Et d'abord, remarquez que Dieu, par une
condescendance qui doit enfin tourner à sa
gloire, ne prononce point sur l'homme
pécheur de malédiction ni de sentence
de mort, avant de l'avoir convaincu en sa
conscience, afin que l'Éternel soit reconnu
juste quand il condamne. Il n'y aura pas, au
dernier jour, un seul des réprouvés
qui ne doive proclamer, à la face de
l'univers, la justice et la sainteté de son
Juge ; il n'y aura pas un seul de leurs cris
de désespoir qui ne doive tourner à
la gloire des perfections divines.
Mes frères, pécheurs qui
m'écoutez, fussiez-vous à l'heure
qu'il est au nombre des hommes les plus impies et
les plus égarés dans l'orgueil et le
mépris de Dieu, vous servirez pourtant
éternellement à sa gloire,
malgré vous, et en proclamant
vous-mêmes la justice de votre condamnation,
si vous avez le malheur de persister dans
l'endurcissement de votre coeur, - ou par votre
éternelle félicité, si vous
vous convertissez à Dieu pendant qu'il en
est temps.
Mais cette condescendance de Dieu envers l'homme
devait servir aussi au bonheur de ce dernier en
l'amenant à la repentance, et par la
repentance, au salut.
Que les foudres de la justice divine ne soient pas
tombées sur la créature
déchue, pour l'anéantir au moment du
péché ; que la terre n'ait point
ouvert sa bouche pour l'engloutir,
que son juge lui laisse du temps
et lui parle de manière à exciter en
lui la repentance, c'est un miracle de la
grâce de Dieu, c'est une preuve certaine que
déjà il avait envers sa
créature des desseins de miséricorde
et des vues de rédemption. Ah !
grâces à Dieu de ce que
« l'Agneau était immolé
dès avant la fondation du
monde ».
L'Éternel, par sa question, place Adam en
face de sa loi. L'homme pécheur ne pourra
donc pas, afin de retenir encore l'aveu de sa
culpabilité, prétexter son
ignorance.
Je t'avais ordonné, lui dit son juge,
tu connaissais tout ton devoir, toute ta
responsabilité, et même la sanction
terrible de la loi et la peine de sa violation. Si
Adam périt ce sera donc par sa faute. Si
déjà il entend gronder au loin les
foudres de la malédiction de son Dieu, c'est
lui qui les a appelées sur sa tête
coupable.
Y a-t-il parmi nous un seul pécheur dont
nous ne puissions dire la même chose ? Y
a-t-il dans notre vie un seul péché,
une seule action condamnée par la loi de
Dieu que nous ayons commise par ignorance ;
nous aux yeux de qui resplendit toute la
clarté des révélations
divines, nous qui sommes privilégiés
plus qu'aucune nation qui soit sous le soleil, par
la connaissance claire et certaine de nos devoirs,
de notre responsabilité, de la
volonté de Dieu, de sa Parole ?
Si l'Éternel rappelle à l'homme
pécheur
d'une manière si solennelle
l'ordre qu'il lui avait donné, ce n'est pas
seulement pour l'amener à l'aveu qu'il avait
péché le sachant et le voulant, qu'il
n'avait tenu compte de sa redoutable
responsabilité, mais encore pour lui faire
comprendre la vraie nature du
péché.
Dans une précédente
méditation, nous nous sommes
arrêtés à vous démontrer
en quoi avait consisté le
péché d'Adam. - Nous aurions pu
établir sans réplique cette
démonstration en vous citant simplement
l'interrogatoire dont nous nous occupons.
N'as-tu pas mangé du fruit de l'arbre
dont je t'avais ordonné de ne pas
manger ? Je t'avais donné un ordre,
tu l'as violé. - Voilà le
péché ; la violation de la loi
de Dieu, la désobéissance, la
révolte. - Ce péché serait de
sa nature le même quel qu'en eût
d'ailleurs été l'objet.
Pour nous, comme pour Adam, comme pour toute
créature responsable, le péché
est simplement ce qui est en opposition avec la loi
divine. C'est ainsi que Dieu lui-même le
définit par la bouche de saint Jean :
« Quiconque fait un péché
agit contre la loi, car le péché est
ce qui est contre la loi. » - Ainsi le
pécheur en violant la loi divine, en
méprisant la Parole de son Dieu, brise
l'harmonie du monde moral et introduit le
désordre dans les oeuvres du Dieu
éternel.
Qu'y avait-il donc de plus propre à faire
sentir à Adam la nature et
l'énormité de son péché
que la question solennelle que lui adresse son
juge ?
Pour Adam innocent la loi était
destinée à le placer
sous la responsabilité et à
prévenir le mal ; pour Adam coupable la
loi sert à lui montrer son
péché comme dans un miroir où
il en peut considérer toute la
difformité.
Mes frères, nous aussi nous avons une loi,
et elle a le même but. Réveiller notre
conscience, nous apprendre ce que nous devons
à Dieu, faire peser sur notre âme le
sentiment de notre responsabilité, puis nous
montrer le péché dans toute sa
hideuse laideur et prononcer sur le pécheur
une peine que rien ne saurait détourner de
sa tête, excepté l'oeuvre de Christ en
Golgotha, - telle est la fin de la loi.
« Par la loi, nous dit Paul, est
donnée la connaissance du
péché. Je n'eusse pas connu la
convoitise si la loi n'eût dit : Tu ne
convoiteras point. Or nous savons que ce que la loi
dit, elle le dit à tous ceux qui sont sous
la loi, afin que toute bouche soit fermée et
que tout le monde soit reconnu coupable devant
Dieu ».
Quelle conviction foudroyante ne dut pas
pénétrer l'âme d'Adam coupable
en entendant l'Éternel Dieu lui rappeler sa
loi violée ! Et
qu'éprouverons-nous nous-mêmes en
présence de cette loi et en l'entendant
proclamer dans ces temples de Dimanche en Dimanche,
s'il y avait dans notre coeur moins d'aveuglement
et moins d'orgueil ?
Cependant, comme que nous envisagions la
loi de notre Dieu apprenons enfin
de l'interrogatoire solennel que subit Adam que
c'est d'après cette loi que nous serons
jugés ; que c'est cette loi sainte qui
nous sera présentée à la barre
du tribunal de Dieu, comme elle le fut à
Adam en Éden ; que c'est d'après
cette loi que sera jugée chaque action de
notre vie, depuis le moment où nous avons su
penser jusqu'à celui où nous
descendrons au tombeau ; que c'est à la
balance de cette loi, enfin, que seront
jugés tous les motifs les plus secrets de
nos actions et les plus légers mouvements de
notre coeur.
Mes frères, voulez-vous donc
apprécier votre véritable valeur
morale, voulez-vous être à même
d'instruire dès maintenant ce jugement
d'où va dépendre votre
éternité ; ne prenez pas pour
votre mesure les principes relâchés
d'une morale mondaine, ni l'exemple corrompu d'un
monde plongé dans le mal. - Mais prenez la
loi de Dieu, cette loi qui veut régler
non-seulement toutes nos actions, mais nos
pensées, nos affections, nos motifs et les
mouvements de votre coeur. Prenez cette loi,
dis-je, mesurez-vous avec elle, essayez-en chaque
point à votre taille morale, jugez-vous,
prononcez !
La question adressée à la femme sur
son péché est plus simple ;
cette question la suppose déjà
convaincue ; elle n'est qu'un reproche qui
précède la condamnation.
Pourquoi as-tu fait cela ? ou :
Comment as-tu commis une telle action ?
N'en connaissais-tu pas tout
le danger et le crime ? Avais-tu oublié
l'ordre de ton Dieu ? Ton devoir
d'obéissance et de fidélité
n'était-il pas clairement
prescrit ? N'avais-tu donc point de
crainte de ton Créateur ? La sanction
terrible qu'il avait donnée à sa loi
n'avait-elle produit aucune impression sur ton
âme ? - Ou, à défaut de la
crainte, ne connaissais-tu point la puissance de
l'amour ? Tous les bienfaits dont j'avais
enrichi ton existence n'avaient-ils pu gagner ton
coeur ? N'étais-tu pas parfaitement
heureuse ? Et devais-tu préférer
les attraits de la tentation aux douceurs de ma
communion ? Cependant tu l'es livrée
à la désobéissance ; tu
as commis le péché. - Pourquoi
as-tu fait cela ?
Qui ne s'attendrait à voir Adam
plongé dans la plus profonde
humiliation ? Qui ne croirait que son coeur
brisé ne doive à cette heure
frémir sous les traits poignants du plus
douloureux repentir ? La présence d'un
Dieu saint et juste toujours redoutable au
pécheur, la pensée de sa faveur
perdue et avec elle la paix et le bonheur, les
reproches accablants que Dieu adresse à sa
créature coupable, le souvenir de la loi
violée, la peine terrible prononcée
par cette loi, prête à tomber sur le
pécheur, les questions du Juge
Suprême, si propres à réveiller
dans la conscience d'Adam la connaissance claire et
le sentiment douloureux de son péché,
les premiers fruits amers de son crime que
déjà il savoure au fond de son coeur,
la honte, le remords, la
misère ; par-dessus tout la
pensée d'avoir offensé un Dieu qui
avait répandu sur lui tant de preuves de son
amour et de sa bonté infinie, d'avoir
foulé aux pieds sa loi,
méprisé sa Parole.... tout, tout est
propre à arracher du fond de son coeur ce
cri de repentance : « O Dieu !
aie pitié de moi Selon ta gratuité,
selon la grandeur de tes compassions efface mes
forfaits ! J'ai péché contre
toi, contre toi seul ; j'ai fait ce qui
déplaît à tes yeux.
Détourne ta face de mes
péchés ! O Dieu, crée en
moi un coeur pur ! »
Sans doute ce cri de douleur et cette ardente
supplication s'échapperont du coeur d'Adam
coupable, et iront sonder les profondeurs des
miséricordes divines pour en tirer, s'il est
possible, la grâce et le pardon....
Non, mes frères, non L'orgueil est
né ! l'aveugle orgueil a étendu
un voile funeste sur les yeux de celui qui a voulu
connaître le bien et le mal ; l'odieux
orgueil a enflé et endurci son coeur. Le
vermisseau de la poudre résiste à son
Créateur, le coupable résiste
à son Juge. Déjà il
éprouve tous les premiers effets de son
péché, la nudité, la honte, la
crainte, la misère ; il ne nie point
son crime, il l'avoue ; et cependant il ne se
reconnaît point coupable, il ne cherche pas
en lui, au fond de son propre coeur la cause du
péché, il n'accepte pas la faute de
sa chute. - il va chercher au dehors, autour de
lui, un être sur lequel il puisse
déverser le blâme. Quel sera donc cet
être ? La femme que tu m'as
donnée...
Eve !... Ai-je bien entendu ?
Quoi ! sa compagne chérie, celle que
naguère il aimait, celle que Dieu lui a
donnée, celle qui augmentait son bonheur en
le partageant, celle qui embellissait pour lui le
séjour d'Eden, qui doublait toutes les joies
de son heureuse existence, celle qu'il aurait
protégée et défendue au
péril de sa vie, contre tous les dangers,
c'est sur elle qu'il rejette le blâme, toute
la faute de son crime !
Oui, et si la sentence de mort prononcée
d'avance contre le péché est
exécutée, qu'elle frappe Eve, Adam
l'accuse !
Si les malédictions et les foudres de la
justice divine atteignent l'auteur du
péché, qu'elles tombent sur Eve, Adam
l'accuse !
Si une misère sans fin est le
déplorable héritage de la chute,
qu'Eve en boive jusqu'à la lie la coupe
amère, Adam l'accuse !
Mes frères, voilà le
péché corrompant les affections les
plus intimes et les plus pures. Le voilà
né ce hideux égoïsme qui
étouffe dans leurs racines les sentiments
les plus généreux, le voilà
devenu l'âme, le mobile de la vie
humaine !
Que tout ce qui m'entoure soit humilié et
confus, pourvu que mon orgueil soit
satisfait ! Que même ce que j'aime le
plus soit frappé sous mes yeux, pourvu que
j'échappe ! Que tout périsse,
pourvu que je vive !
Il y a plus ; avançons encore dans ce
mystère de folie et d'orgueil. Ce n'est pas
seulement sur Eve qu'Adam rejette la faute de son
crime ; il en veut faire remonter le
blâme jusqu'à Dieu
lui-même.
« La femme que tu m'as donnée
pour être avec moi, dit-il....
Quoi ! cette compagne que Dieu avait fait
naître pour compléter son bonheur en
disant : « Il n'est pas bon que
l'homme soit seul », cet être qui
devait servir avec lui, adorer avec lui, aimer avec
lui ce même Dieu de bonté qui avait
répandu sur lui tant de
félicité, Eve est maintenant
dans la bouche de l'homme coupable l'objet d'un
reproche qui s'adresse à Dieu !
Monstrueuse ingratitude ! Si nous avons vu que
de l'égoïsme à la haine il n'y a
qu'un pas, la haine à son tour,
poussée par l'orgueil ne tarde jamais
à vomir le blasphème ! Quelle
chute profonde ! Quels déplorables
fruits du péché !
Eve, interrogée à son tour, ne tarde
pas à manifester les mêmes
dispositions et à prouver que son coeur
aussi est souillé par le
péché. C'est l'instrument de la
tentation qu'elle accuse, comme si la tentation
devait nécessairement être suivie de
la chute, comme si elle n'eût pas
été libre, et comme si ce n'eût
pas été son devoir de repousser avec
indignation le premier doute qui lui fut
suggéré sur la vérité
de la Parole de son Dieu, et la première
pensée de lui
désobéir !
Mes frères, cessons de nous étonner
et de nous indigner de la conduite de nos premiers
parents ; portons nos regards sur
nous-mêmes et voyons si nous n'y retrouverons
pas constamment les mêmes
misères.
Lorsque l'Éternel Dieu, par sa Parole ou par
le cri de notre conscience, nous conduit à
son tribunal et nous interroge sur nos
péchés ou sur quelque chute
particulière dont nous éprouvons les
suites amères, quel est notre premier
mouvement ? Est-ce de nous accuser
nous-mêmes, de mettre la main sur notre
conscience, de fermer la bouche, de nous prosterner
dans la poussière, de nous écrier
avec un coeur brisé de douleur et de
regret : J'ai
péché ?
Vous le savez, ô vous qui avez tant soit
peu étudié votre coeur,
répondez ! Ah ! n'êtes-vous
pas forcés d'avouer que votre premier
mouvement est de jeter autour de vous un regard
avide de trouver quelque objet sur lequel vous
puissiez rejeter le blâme de votre
péché ?
Tantôt la faute doit retomber sur quelque
être dont l'exemple, ou les paroles, ou
l'influence vous a entraînés dans sa
chute.
Tantôt vous vous rejetez sur votre faiblesse,
sur la puissance de vos passions, sur la force des
tentations, sur le manque de vos lumières ou
de l'éducation que vous avez reçue,
sur l'état de la société, sur
ce que vous appelez l'impossibilité de vivre
selon l'Évangile, que sais-je ?
Quand vous aurez accusé tout ce qui vous
entoure, peut-être votre accusation, devenant
blasphématoire, remontera-t-elle, comme
celle d'Adam, jusqu'au Dieu qui vous a
créé ; peut-être
direz-vous que c'est lui qui vous a faits ce que
vous êtes, c'est-à-dire faibles,
enclins au mal, pécheurs, esclaves des sens
et des passions ;
peut-être même
tournerez-vous contre Dieu ses dons mêmes,
ses bienfaits, ses grâces les plus
précieuses.
Vous semble-t-il que j'exagère ? Jetez
un regard sur vous et sur toute la vie humaine, et
vous serez détrompés, et vous vous
convaincrez qu'il n'est aucune des misères
que nous apercevons en Éden, dès
après la chute, qui ne se reproduise de
mille manières dans la vie de tous les
enfants d'Adam.
Ai-je exagéré pour vous qui, au lieu
de bénir Dieu des dons de sa
Providence, de la prospérité et du
bien-être qu'il a répandus sur vous,
de l'influence sociale qu'il vous a
accordée, en prenez occasion de vivre dans
l'oubli du bien, dans une orgueilleuse opulence,
dans la mondanité, et qui, interrogés
sur le compte que vous aurez à rendre sur
votre responsabilité, sur votre vie inutile
et souillée, vous écriez
aussitôt que tel est l'état de la
société, que Dieu a ainsi
institué la vie humaine et établi la
diversité des conditions, que vous devez
garder votre rang et vivre comme la Providence
vous a placés ?
Non, je n'ai pas exagéré ; vous
calomniez cette Providence ; comme Adam vous
blasphémez contre Dieu.
Ai-je exagéré pour vous que Dieu a
entourés d'êtres chers à votre
coeur, de parents, d'amis, d'enfants que vous
deviez aimer en Dieu, en faisant servir à sa
gloire ces dons de sa bonté, et qui, au lieu
de cela, en prenez occasion de mettre la
créature sur le trône du
Créateur, et de faire de tous ces autant
d'idoles, en prétextant que vos
devoirsde parents, d'enfants,
d'époux, d'amis, sont les devoirs les plus
sacrés, que la religion commande ces
devoirs, que la Providence en a ainsi
ordonné....
Sans doute si vous étiez dans l'ordre, si
l'Éternel avait son trône dans votre
coeur, si vous viviez pour sa gloire et non pour
jouir de ses dons avec ingratitude. Autrement vous
aussi vous accusez la Providence, vous
blasphémez contre Dieu.
Ai-je exagéré pour vous qui n'avez
point encore tourné voire coeur vers Dieu,
qui vivez dans une coupable indifférence ou
plutôt dans une véritable
inimitié contre lui, sans égard aux
invitations de sa grâce, ni aux menaces de sa
justice, ni à ses bienfaits qui devraient
fondre les glaces de votre coeur, ni à sa
loi violée dont la voix devrait
ébranler votre conscience jusque dans ses
dernières profondeurs, et qui,
pressés par toutes ces considérations
de vous convertir au Seigneur, de craindre ses
jugements, d'ouvrir votre coeur à son amour,
fermez les oreilles à tous ces appels, en
vous appuyant sur un sentiment vague et mensonger
de la bonté de Dieu, en vous persuadant que
sa justice n'aura pas son cours, que, puisqu'il
vous a épargnés jusqu'à
présent, il ne saurait vous punir ?
-
Ai-je exagéré en vous accusant de
tourner contre Dieu ses bienfaits, ses grâces
mêmes, puisque vous en faites un motif de
continuer à l'offenser en méprisant
les richesses de sa douceur, de sa patience, de sa
longue attente, ne reconnaissant pas que sa
bonté vous invite à la
repentance ? » - Non !
vous calomniez sa patience
divine, vous blasphémez contre Dieu.
- Tu le sais, ô mon Dieu ! combien
même les plus fidèles d'entre nous,
sans abuser autant de tes dons, sans dire aussi
ouvertement : « Péchons afin
que la grâce abonde », restent
cependant, malgré ton amour, malgré
tes tendres miséricordes, et peut-être
à cause de ces miséricordes
mêmes, au-dessous de ce qu'ils devraient
être ! En serait-il ainsi si nous ne
prenions pas, de ta longue patience, occasion de
nous montrer ingrats envers le meilleur des
pères, lâches à ton service,
peu soucieux de ta gloire. Ah ! du moins,
Seigneur, nous désirons accepter pour
nous-mêmes la faute de cette criminelle
ingratitude. Humilie-nous toi-même,
humilie-nous et nous relève ensuite par ta
bonté !
Mes frères, nous avons tous mille raisons de
nous humilier jusque dans la poussière.
Comme Adam nous connaissons la loi sainte de notre
Dieu, comme Adam nous l'avons violée le
sachant et le voulant. Seriez-vous assez malheureux
pour ne pas écouter le jugement que Dieu
prononce dans votre conscience ? Seriez-vous
assez insensés pour chercher encore à
échapper, par de misérables excuses,
à l'interrogatoire solennel auquel vous
êtes soumis ?
Mes frères, qui de vous se condamne ?
qui de vous s'humilie ? Écoutez la
Parole de l'Éternel : « Celui
qui cache ses transgressions ne prospérera
point ; mais celui qui les confesse et qui les
délaisse obtiendra
miséricorde. Si nous nous jugeons
nous-mêmes nous ne serons pas jugés
par le Seigneur ».
Quoi qu'il en soit, sachez-le, emportez dans vos
demeures cette pensée que je voudrais
pouvoir graver au fond de votre coeur ; dans
bien peu de jours un jugement plus solennel encore,
plus terrible encore que celui où
comparurent nos premiers parents en Eden, va
s'instruire à la face du ciel et de la
terre, des hommes et des anges.
Pécheurs orgueilleux ou pécheurs
repentants, hommes du monde ou hommes de Dieu, nous
allons tous comparaître devant le tribunal de
Christ, où seront fixées nos
destinées pour l'éternité.
Oh ! qui de vous à ce jugement sans
appel, sans excuses à ce jugement, où
« toute bouche sera
fermée », qui de vous aura un
Sauveur, un Répondant, un Avocat
auprès du Père ? Quelle
conviction foudroyante pour quiconque restera
chargé de ses péchés !
quelle honte éternelle ! quel
désespoir ! Oh ! si alors il y
avait encore une heure, une seule heure de
repentance et d humiliation, de recours à la
grâce !...
Mes frères bien-aimés, vous avez
cette heure, c'est celle où je vous
parle ; maintenant, maintenant, si vous
n'êtes pas déterminés à
vous perdre, hâtez-vous de fuir en
Golgotha ; dans un jour, dans une heure ce
peut être trop tard...
Mon Dieu ! sauve-les, sauve-nous !
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