L'HOMME
BANNI D'EDEN
MÉDITATION IV.
L'HOMME PÉCHEUR. - LA VOIX DE L
ÉTERNEL.
DIEU EST LENT À LA COLÈRE.
« Et
les yeux de tous deux furent ouverts ; ils
connurent qu'ils étaient nus, et ils
cousirent ensemble des feuilles de figuier et s'en
firent des ceintures. Alors ils ouïrent au
vent du jour la voix de l'Éternel Dieu,
marchant dans le jardin. Et Adam et sa femme se
cachèrent de devant l'Éternel Dieu
parmi les arbres du jardin. Mais l'Éternel
Dieu appela Adam et lui dit : Où
es-tu ? - Et il répondit : J'ai
entendu ta voix dans le jardin, et j'ai craint,
parce j'étais nu et je me suis
caché. » Gen. III, 7-10.
Il n'est peut-être pas, dans les voies du
crime, de moment plus terrible que celui qui suit
immédiatement une de ces actions qui
appellent sur leur auteur toute la vengeance des
lois. Le crime est commis, le sang a coulé
sous une main meurtrière ; toutes les
puissances de l'univers ne
pourraient pas réparer le
mal qu'un instant a vu s'effectuer. Les tourments
du remords agitent l'âme du coupable qui
abhorre son action ; les conséquences
affreuses qu'elle peut avoir assaillent, comme
autant de fantômes, son imagination
frappée de sombres terreurs, et qui lui
montre peut-être déjà dans
l'avenir le hideux instrument d'un supplice
ignominieux. - Tels nous apparaissent maintenant le
premier homme et sa compagne, naguère si
heureux, mais que nous avons vus fouler aux pieds
l'ordre solennel de Dieu et appeler sur leurs
têtes coupables la sanction terrible de cet
ordre, la mort ! - Sommes-nous donc
appelés à la pénible
tâche de développer aujourd'hui devant
vous cette sentence de malédiction ?
Va-t-elle tomber sur l'homme après son crime
comme la foudre suit l'éclair ?
Non ! nous avons à reconnaître en
toutes choses un Dieu « lent à la
colère ».
Offensé dans sa justice, il ne tiendra point
le coupable pour innocent ; mais il veut
laisser au péché le temps de produire
ses fruits amers, afin que l'homme, humilié
de son crime et de sa folie, ait le temps et le
désir de voir au travers du sombre nuage qui
renferme les malédictions du
Très-Haut, un rayon d'espérance qui
l'encourage et l'amène repentant aux pieds
de son juge toujours prêt à
pardonner.
Considérons, sous ce point de vue, les
premières conséquences de la chute. -
Voyons l'homme dans son péché et sa
folie ; - Dieu comme juge
dans sa juste colère ; enfin Dieu comme
Père dans sa tendre sollicitude.
La promesse du séducteur est accomplie,
hélas ! trop bien accomplie, mais bien
différemment de ce qu'attendait Adam. Tel
est le caractère du père du mensonge,
que même lorsqu'une de ses pensées ou
de ses promesses s'accomplit à la lettre,
elle cache au fond la fausseté et la
déception.
Vos yeux seront ouverts, avait-il dit
à nos premiers parents ; vous serez
comme des dieux connaissant le bien et le mal.
Il est inutile de dire qu'il ne s'agissait pas ici
des yeux du corps qui toujours furent ouverts
à la lumière et à la
contemplation des oeuvres magnifiques du
Créateur. Le sens de cette promesse
trompeuse était que, par la violation du
commandement de Dieu, l'intelligence de l'homme,
élevée à une plus haute
supériorité, connaîtrait par
expérience le bien, le mal, et sonderait
comme la divinité même tous les
mystères du monde moral.
Le but à atteindre était noble en
apparence ; nos premiers parents, qui auraient
méprisé une tentation
grossière, tombèrent dans ce
piège subtil, comme nous l'avons vu
précédemment. Mais
l'événement fatal ne tarda pas
à mettre au jour la véritable
pensée du séducteur.
Leurs yeux sont ouverts en effet,
ouverts.... sur leur péché, sur leur
misère, sur leur ruine profonde. Ils
connurent le bien et le mal ; le bien par un
triste contraste avec le mal ; le mal par une
funeste expérience.
Avant leur péché ils n'avaient aucune
idée du mal, pas plus qu'un homme
plongé dans une vie toute charnelle et
matérielle ne peut avoir l'idée d'une
vie spirituelle en Dieu. Le péché ne
s'était pas d'abord présenté
à eux avec sa hideuse laideur, mais sous des
couleurs séduisantes. Maintenant ils en
savourent l'amertume ; ils le connaissent
à leurs dépens ; il leur reste
à déplorer la ruse de leur ennemi et
leur propre folie.
Cette expérience, comme toutes celles que
nous observons en Eden, se renouvelle sans cesse
parmi les malheureux enfants d'Adam. Six mille ans
de crimes et de malheurs ne leur ont point appris
à se défier de leur perfide
ennemi ; chacun achète, au prix de ses
péchés et des maux qui en sont la
suite, la funeste connaissance du bien et du
mal.
Le péché, de quelque nature qu'il
soit, se présente avec les attraits les plus
séduisants ; il semble répondre
à un besoin dévorant d'un coeur
corrompu ; il lui promet le bonheur
après lequel il soupire, des jouissances
qu'il brûle de posséder. Un bandeau
épais recouvre les yeux de
l'infortuné qui court à sa ruine. Il
se livre au penchant qui l'entraîne, comme
l'animal fond sur sa proie. - Hélas !
à peine a-t-il goûté du fruit
fatal que le bandeau tombe, ses yeux s'ouvrent,
tout est changé. Le charme a disparu et a
laissé un long désenchantement. Ce
qui était d'un attrait si doux n'est plus
qu'amertume ; le malheur et la tristesse
remplissent un coeur qui croyait
posséder le bonheur ; la
malédiction qui est indissolublement
attaché au péché est le seul
héritage de celui qui se promettait tant de
jouissances. - Jamais l'homme n'est plus tristement
désabusé, ni plus misérable en
lui-même, qu'en venant de commettre une
action condamnée par la loi de son Dieu,
à moins qu'il ne soit descendu dans la
démoralisation au niveau des démons
dont le sort maudit est de se réjouir du
mal.
Mais tel ne pouvait pas être l'état du
premier homme et de sa malheureuse compagne ;
ils vont pour première peine de leur
péché en porter toute la honte.
Leurs yeux furent ouverts, et ils
connurent qu'ils étaient nus. Ils
connurent !..... mais ne le connaissaient-ils
pas auparavant ? Sans doute ; mais de
même que « tout est impur pour
celui qui est impur, tout est pur pour celui qui
est pur. »
Les paroles de la Genèse, qui
précèdent immédiatement
l'histoire de la chute, nous expliquent celles-ci
et peignent mieux qu'aucune autre chose toute
l'innocence, toute la pureté primitive de
l'homme : « or Adam et sa femme
étaient tous deux nus, et ils n'en avaient
point de honte. » Semblables à la
vérité dont on a peint le charme pur
en la représentant toute nue, nos premiers
parents, avant que le péché eût
versé sur eux son poison, ne voyaient dans
la majestueuse beauté du corps dont Dieu les
avait doués, aucun motif de honte. Et c'est
là le trait de l'image de Dieu qui se
retrace le plus fidèlement
dans l'enfant qui n'a point encore eu le malheur de
sentir se développer en lui les germes de la
corruption qui nous est naturelle, et dont le
péché n'a point encore flétri
de son souffle impur l'innocence et la
pureté. Quel charme répand sur
l'enfance cette ignorance du mal qui éloigne
de lui la honte, fille du
péché !
Pourquoi aurait-il honte de sa nudité cet
enfant aimable que vous aimez à presser sur
votre coeur ? Il n'a point encore
péché ! - Oh ! qui n'a
regretté ces jours de l'enfance dont le
souvenir vient quelquefois encore charmer les
misères inséparables d'un monde qui
est plongé dans le mal ! Qui n'a
répandu des larmes amères sur la
perte de cette ignorance du mal qui nous permettait
de nous livrer sans défiance, avec bonheur,
à des jouissances dans lesquelles, plus
tard, on trouve à chaque pas le venin du
péché ?
L'homme, tel qu'il sortit de la main de son Dieu,
possédait cette innocence, cette
pureté de coeur que rien encore n'avait
souillée. Peut-être même le
corps dont Dieu l'avait revêtu participait-il
de la gloire et de la beauté de l'image de
Dieu qui ornait son âme ; le Père
des lumières avait peut-être
revêtu de l'éclat de la lumière
sa créature de prédilection.
« II l'avait couronné de gloire et
d'honneur, » nous dit l'Écriture.
- Le « corps glorieux » dont
seront revêtus les élus de Dieu par la
puissance de celui qui a réparé les
désordres de la chute et du
péché, ne serait-il point simplement
la restauration du corps que possédait
l'être immortel créé par Dieu,
roi de l'univers ? - Il n'était pas nu,
il était revêtu de gloire et de
majesté.
Mais, ô désastres ! ô
malédiction du péché !
Dès qu'Adam l'eut goûté, le
germe de la mort qui en est le gage se
développa dans son corps ; il fut
dépouillé de sa couronne de gloire,
de sa majestueuse beauté. Son corps,
destiné désormais à la
corruption, se courba vers la terre. Son innocence
fut souillée par le souffle
empoisonné du péché, comme la
fleur perd sa fraîcheur et son parfum sous
les coups d'un vent impur. La convoitise
remplaça l'innocence ; le langage impur
des sens se fit entendre, devint impérieux,
jeta le désordre dans son coeur, y appela la
passion qui gourmande l'âme, l'assujettit
à son joug tyrannique, la remplit de son
poison. - Adam regarde sa compagne ; Eve ose
à peine répondre à ce regard;
le trouble de la honte couvre de rougeur leur front
sur lequel brillait naguère la pure
beauté de l'innocence.... Ils virent
qu'ils étaient nus !
À quel misérable remède ils
ont recours ! Ils cousent ensemble des
feuilles de figuier ; ils s'en font des
ceintures ! Si Adam et Eve eussent
été surpris par quelque ennemi
furieux dont ils n'eussent pu par eux-mêmes
éviter les coups meurtriers,
s'ils eussent été
exposés aux plus terribles dangers, s'ils
eussent été menacés de la plus
épouvantable catastrophe que l'imagination
puisse inventer, leur malheur n'eût pas
été sans espoir ; leur premier
cri se fût élevé vers leur
créateur, vers leur puissant ami, vers leur
père ; ils se fussent jetés dans
ses bras étendus pour les recevoir, les
protéger, les sauver. Mais le
péché, le péché comme
un monstre hideux, se place entre l'homme et son
Dieu ; lui fait voir un ennemi dans celui
qu'il aimait par-dessus tout, l'isole, le
dépouille, le place tremblant entre le ciel
et l'enfer, le plonge dans une misère sans
espoir.
Pour le pécheur il n'y a plus de père
dans les cieux, il n'y a plus qu'un vengeur, un
juge. - Aussi Adam ne recourt-il point à son
Dieu ; il ne sait plus si jamais il y aura
grâce et pardon auprès de lui ;
il s'en éloigne. Il a recours à un
misérable expédient ; il couvre
la honte de sa nudité et de son crime avec
quelques pauvres feuilles de figuier ; il se
cache dans les arbres d'Eden ! Quelle
protection contre la honte du
péché ! Quel recours contre la
malédiction qui le suit ! Quel refuge
contre les coups de la justice divine !
Plus nous avançons, moins nous pouvons nous
empêcher d'admirer combien elles sont
rigoureusement vraies ces peintures du
péché et des misères qui en
sont la suite, quoique Moïse nous les ait
transmises dans le langage simple et enfantin de
l'âge qu'elles nous représentent. -
Les connaissez-vous, ô
pauvres pécheurs qui m'écoutez, les
connaissez-vous ces frêles et
misérables feuilles de figuier sous
lesquelles notre premier père pensait cacher
sa honte et son péché ?
Oui, vous les connaissez ; vous n'agissez pas
différemment vous-mêmes ; votre
premier mouvement, après une chute, votre
premier besoin est de cacher votre
péché et la honte de votre
nudité, de l'ensevelir dans les
ténèbres, loin de tous les regards,
et même, s'il était possible, loin des
regards de celui « qui a les yeux comme
des flammes de feu », oubliant que
« pour lui les ténèbres
sont autant que la lumière ».
Vous les connaissez aussi ces feuilles de figuier,
vous orgueilleux propre-justes qui, ayant perdu les
vêtements d'innocence et de gloire de votre
première origine, voulez recouvrir votre
nudité des lambeaux souillés de votre
justice, de votre honnêteté, de votre
vertu, de vos mérites, de la bonne opinion
de vous-mêmes !
Nous rions, dit le grand Calvin, nous rions de la
folie d'Adam et nous faisons de même.
Qu'est-ce en effet que cette légalité
pharisaïque, ou ces regrets sans vraie
repentance, sans conversion, ou ces oeuvres qui,
semblables à des fruits sauvages, n'ont pas
crû sur l'arbre de l'amour de Dieu, n'ont pas
été produites par la sève de
sa communion sanctifiante ? Qu'est-ce que ces
actions de bienfaisance non émanées
d'un coeur converti au Seigneur, mais qui ont
été attachées au dehors de
votre, vie, comme les feuilles dont Adam et Eve
cherchaient en vain à
couvrir leur nudité ? Mes
frères, de tels moyens de salut ne
subsisteront pas davantage au jour du jugement, ils
ne couvriront pas davantage vos
péchés que les feuilles dont se
revêtit Adam ne cachèrent sa
nudité aux yeux de Dieu. Renoncez donc
à ces moyens trompeurs de subsister devant
l'Éternel qui va vous juger. Dites
plutôt avec Job, et en vous revêtant de
sa droiture et de son humilité :
« Je n'ai pas caché mon
péché comme Adam, ni couvert mon
iniquité en me flattant ».
Écoutez plutôt, pour vous
désabuser, la parole de Jésus
à une église d'Asie. « Tu
dis : Je suis riche, je suis dans l'abondance
et je n'ai besoin de rien ; mais tu ne connais
pas que tu es malheureux, misérable, pauvre,
aveugle et nu ».
L'Éternel s'avance pour juger ; son
regard sonde les coeurs. Sa voix fait trembler la
terre ! Adam l'entend retentir dans les
campagnes d'Éden ; et à cette
voix naguère si douce, si agréable
à la créature de Dieu, à cette
voix qui remplissait son coeur d'un doux
tressaillement et l'assurait de la bienveillance de
son Dieu, à cette voix il tremble maintenant
jusque dans les profondeurs de son âme, il
fuit troublé, il se cache, oubliant qu'il
n'y a ni ténèbres, ni ombre de mort
où se puissent cacher les ouvriers
d'iniquité ».
C'est là ce qui fait la terreur du
péché ; il ne peut être
voilé, il faut qu'il soit manifesté
à la lumière. « Où
irai-je loin de ton esprit, où fuirai-je
loin de ta face ? Si je
monte aux cieux, tu y es ; si
je descends dans l'abîme, t'y
voilà ; si je prends les ailes de
l'aube du jour, et que j'aille demeurer aux
extrémités de la mer même, ta
main me conduira et ta droite me saisira ; -
si je dis : Au moins les
ténèbres me couvriront, la nuit
même sera la lumière tout autour de
moi ». - J'ai entendu ta voix, dit
Adam, et j'ai craint parce que j'étais nu
et je me suis caché.
Ah ! c'est qu'en effet la voix de
l'Éternel qui s'est fait entendre en Eden,
n'est plus cette voix qui avait prononcé que
tout était bon et avait béni son
heureuse créature. La voix de
l'Éternel vient cette fois avec le vent
du jour, se promenant dans le jardin. La
plupart des interprètes ont vu dans ces mots
simplement l'indication de la brise qui se fait
sentir à l'heure du matin ou au
crépuscule du soir. Mais n'est-ce pas
plutôt qu'ici la voix de l'Éternel est
apportée sur les ailes d'un vent, qui fait
retentir en Eden la première tempête
dont la terre ait été
ébranlée. « Il fait du vent
ses anges, et des flammes de feu ses ministres. La
voix de l'Éternel est puissante ; la
voix de l'Éternel brise les cèdres,
même les cèdres du Liban. la voix de
l'Éternel jette des éclats de flamme
et de feu ; la voix de l'Éternel fait
trembler le désert ».
À peine le péché a-t-il
souillé la terre que déjà la
nature est remplie d'une sombre terreur. Les
éléments en désordre annoncent
la désharmonie qui a succédé
à l'union de la créature avec son
Créateur. L'impétuosité des
vents frappe et brise les plantes
qui embellissaient Eden, souille leurs fleurs
odoriférantes, les dépouille de leur
fraîche verdure et de leurs fruits
délicieux. - De sombres nuages parcourent
une atmosphère chargée du
déplaisir de l'Éternel ; les
éclats de la foudre l'expriment avec
puissance. - L'homme coupable a fui et cherche en
vain un refuge sous les arbres du jardin.
Toujours, toujours, mes frères, la voix de
l'Éternel se fera entendre contre le
péché.
Depuis le jour solennel où Dieu plaça
l'homme sous une responsabilité qu'il ne
pourra jamais récuser, la voix de
l'Éternel s'est fait entendre contre tout
péché, et jamais elle ne le laissera
impuni.
Depuis le jour solennel où, sur le mont de
Sinaï, entouré de feux, de tonnerres,
de nuée, de tremblements, Dieu proclama sa
loi sainte, en y ajoutant cette sanction :
« Maudit est quiconque ne
persévère pas dans toutes les choses
qui sont écrites au livre de la loi pour les
faire » la voix de l'Éternel s'est
fait entendre contre toute violation de cette loi,
pour prononcer une malédiction. Et si cette
voix terrible ne vient pas sur les ailes du vent
comme en Eden, où Adam tremble quand
personne encore ne l'accuse, elle retentit au fond
de la conscience coupable, en attendant qu'elle
retentisse au dernier jour. Si Adam fuit devant la
voix de Dieu qui ne l'accuse point encore, que
sera-ce de ce jour grand et terrible du
Seigneur, où les éléments
embrasés s'enfuiront, où la terre
sera consumée par le feu, où les
cieux passeront avec un bruit de tempête,
où le juge de l'univers, venant dans sa
gloire accompagné de ses saints anges,
exercera la vengeance avec des flammes de feu sur
ceux qui ne connaissent point Dieu et
n'obéissent point à l'Évangile
de son fils ? » Que sera alors la
voix de l'Éternel contre le
péché, et le désespoir de ceux
qui, voulant fuir comme Adam et ne le pouvant pas,
diront aux montagnes : Tombez sur nous, et aux
rochers : Couvrez-nous de devant la
colère de celui qui est assis sur le
trône de l'Agneau !
Sera-t-elle silencieuse alors la voix de
l'Éternel contre le
péché ? Non, mes frères,
non, jamais, jamais ! Elle poursuivra jusque
dans les profondeurs du lieu de la
réprobation ceux qui auront
méprisé cette voix lorsqu'elle
proclamait la miséricorde et le pardon, et
sera dans leur souvenir le ver qui ne meurt point,
le feu qui ne s'éteint point. Le
péché est une souillure
indélébile attachée à
l'âme immortelle, à moins que cette
tache ne soit lavée par le sang de la
nouvelle alliance qui purifie de tout
péché.
Cependant, après avoir fait entendre en
Éden sa voix redoutable, l'Éternel
parle à l'homme éperdu. Il l'appelle.
Si c'est pour le faire paraître en jugement,
quel va être le sort d'une créature
qui a manqué le but de son
être et donné un démenti au
dessein de Dieu ? « Que te ferai-je,
Ephraïm ? Comment te traiterai-je,
Israël ? Mon coeur est agité au
dedans de moi et mes compassions se sont
échauffées en même temps. Je
n'exécuterai point l'ardeur de ma
colère ; je n'en viendrai point
à détruire Ephraïm, car je suis
le Dieu fort et non point un homme ; je suis
le saint au milieu de toi ».
Non, l'Éternel n'anéantit point sa
coupable créature ; il ne prononce pas
même encore la sentence de condamnation qu'il
fera entendre plus tard comme « salaire
du péché ». Il n'abandonne
pas l'homme à sa propre misère ;
il s'intéresse à son
déplorable état ; il veut qu'on
le reconnaisse, même dans ses jugements,
comme le Dieu « lent à la
colère ».
Où es-tu ? dit l'Éternel
à Adam, couvert de confusion et non encore
repentant, où es-tu ? 0 ma
créature ! ô roi de cet univers,
dans quel abîme de misères tu t'es
précipité ! Toi que j'aimais,
toi qui étais si heureux de ma communion,
où es-tu ? Toi qui étais
revêtu d'innocence et de majesté, toi
sur le front de qui j'avais fait briller un rayon
de ma gloire, où es-tu ? Quel
n'est pas ton opprobre ! quelle n'est pas
l'amertume de ton remords !
Quelle voix, mes frères, quelle voix de
miséricorde pour faire rentrer en
eux-mêmes les deux coupables d'Éden,
pour leur faire comprendre la profondeur de leur
chute et les amener humiliés et
repentants aux pieds de leur
Créateur, afin de voir s'il peut y avoir
grâce et pardon auprès de
lui !
Et vous, ô mes bien aimés
frères, qui tous avez aussi
péché, n'avez-vous jamais entendu
cette voix ? L'Éternel n'a point encore
prononcé sur vous une sentence de
condamnation ; il ne veut pas non plus vous
abandonner à votre misère ; il
vient à vous ; il vous cherche ;
il vous appelle par sa Parole et par mille
moyens ; il vous dit même en cet instant
par ma faible voix : où es-tu ?
Où es-tu, toi qui si souvent as
péché contre ton Dieu, violé
ses lois, méprisé sa Parole, et qui
n'as point encore pris le sac et la cendre pour
pleurer sur tes péchés, qui n'as
point encore supplié le Dieu Sauveur de le
recevoir en grâce ?
Où es-tu ? Sur le bord d'un
abîme, ayant une sentence d'éternelle
condamnation suspendue sur ta tête, et tu
attends le jour fatal avec une folle
indifférence !
Où es-tu, toi qui reçus dans
ton enfance, par les soins d'un père pieux
ou d'une mère tendre, des impressions
religieuses qui devraient t'attacher à Dieu,
et qui as été assez malheureux pour
te laisser prendre aux pièges d'un monde
corrompu et entraîner vers la ruine par le
torrent du vice ?
Où es-tu, toi qui,
dégoûté du monde, de ses
plaisirs amers, de ses prestiges trompeurs, n'as
cependant point encore cherché en Dieu, dans
la croix du Sauveur, la paix et le bonheur que le
monde ne peut donner et le seul remèdes aux
plaies brûlantes de ton coeur ?
Où es-tu, jeune
homme, jeune personne, insensés qui courez
après la vanité,
dévorés de désirs qui ne
seront jamais satisfaits, et bercés par des
espérances qui seront toujours
déçues ?
Où es-tu, vieillard malheureux qui
portes sur ta tête blanchie la trace de tant
d'années passées au sein des
misères dont souvent tu as gémi, sans
avoir encore appris la vraie sagesse ?
Vous tous qui m'écoutez, nous tous qui
sommes ici devant Dieu, répondons ;
bannissons les illusions : où
sommes-nous ? Où sommes-nous quant
à Dieu, quant à notre âme,
quant au ciel, quant à
l'Éternité ?
Oh ! puissions-nous entendre cette voix,
tandis que Dieu nous l'adresse dans sa
bonté ! Puissions-nous, comme Adam,
ouvrir les yeux sur notre véritable
état ! Oui, dussions-nous
éprouver la même honte et la
même terreur ; dût la rougeur
monter sur notre front humilié et nous
accuser aux yeux de tout l'univers ; dût
la voix de l'Éternel porter le tremblement
jusqu'au fond de notre âme, Dieu veuille que
nous nous voyions tels que nous sommes !
J'aimerais mieux mille fois vous voir rougir de
honte ou trembler de terreur, que de vous voir dans
cette coupable et lâche indifférence,
ou dans une vague profession d'un Christianisme
sans vie et sans puissance.
Mon Dieu ! je te le demande ; s'il le
faut, que la rougeur de la honte et le tremblement
de la terreur soient les témoins de notre
humiliation et de notre
repentance !
Mes frères, si Dieu exauce cette
prière, si vous apprenez à vous
connaître vous-mêmes devant lui, si vos
yeux sont ouverts, ah ! n'ayez pas recours,
pour couvrir votre honte, aux misérables
expédients que nous avons signalés,
et, après avoir vu toute votre nudité
devant Dieu, puissiez-vous entonner avec un
prophète ce chant de
rédemption : « Je me
réjouirai en l'Éternel et mon
âme s'égaiera en mon Dieu ; car
il m'a revêtu des vêtements du salut et
il m'a couvert du manteau de la justice, comme un
époux qui se pare de magnificence et comme
une épouse qui s'orne de ses
joyaux ! »
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