L'HOMME
BANNI D'EDEN
MÉDITATION II.
LA TENTATION.
« Or
le serpent était le plus fin de tous les
animaux des champs que l'Éternel Dieu avait
faits. Et il dit à la femme !
Quoi ! Dieu aurait-il dit : Vous ne
mangerez point de tous les arbres du jardin ?
- Et la femme répondit au serpent :
Nous mangeons du fruit des arbres du jardin mais
quant au fruit de l'arbre qui est au milieu du
jardin, Dieu a dit : Vous n'en mangerez point,
et vous ne le toucherez point, de peur que vous ne
mouriez. - Alors le serpent dit à la
femme : Vous ne mourrez nullement ; mais
Dieu sait qu'au jour que vous en mangerez, vos yeux
seront ouverts, et vous serez comme des dieux,
connaissant le bien et le mal. »
Gen. III, 1-5.
Nous avons, dans notre précédente
méditation, considéré l'homme
tel qu'il sortit de la main de son Dieu et ensuite
jeté un regard sur l'état actuel de
l'homme. Cette comparaison nous a
dévoilé un abîme entre ces deux
états. - Qu'est-ce qui a creusé cet
abîme ?
Si la Bible laissait cette question sans
réponse, le monde ne serait qu'une
énigme inexplicable, le
mal un effrayant mystère, les malheurs de
l'homme une accusation contre la Providence ;
la Rédemption, une oeuvre
incompréhensible et sans but. Mais
Moïse va nous donner, en peu de mots, la
solution de cette grande question, la clé de
toutes les révélations de Dieu.
Le troisième chapitre de la Genèse
est comme le portail du vaste et majestueux
édifice que Dieu a élevé
pendant des siècles pour notre salut.
Quiconque n'est pas entré dans
l'intelligence et dans l'esprit de ce chapitre ne
connaît de cet édifice que
l'extérieur.
Recueillons, mes frères, toute notre foi
à la vérité éternelle
de la Parole de Dieu, et entrons, sans redouter les
difficultés qui se rencontreront sous nos
pas, dans cet édifice où sont
inscrits, avec les premiers péchés et
les premiers malheurs de l'homme, le mot de sa
destinée et l'espérance de sa
rédemption.
Le sujet de notre méditation de ce jour sera
LA TENTATION.
Vous introduire dans ce sujet en aplanissant
quelques difficultés et en en
considérant les circonstances
extérieures ; vous montrer la tentation
d'abord dans une question insidieuse de l'ennemi
qui ébranle la confiance de la femme, puis
dans une dénégation de la
vérité de Dieu, tel sera l'ordre de
nos idées.
Adam était heureux en Éden,
entouré de tous les dons de la nature qui
pouvaient embellir sa demeure et
y répandre l'abondance et la joie. Dans son
coeur régnaient l'innocence et la
paix ; la bénédiction et l'amour
de son Dieu reposaient sur lui et sur la femme qui
lui avait été donnée pour
compagne. Un amour pur les unissait ; ils
dominaient avec douceur sur les oeuvres de
Dieu ; ils trouvaient leur plaisir à
cultiver ces plantes et ces arbres divers qui
répandaient sur Éden leur frais
ombrage, leur naissante beauté, leurs fruits
délicieux.
Ici est « l'arbre de vie »,
auquel Dieu a attaché, comme à un
symbole visible, l'assurance de leur
immortalité, un gage de leur communion
éternelle avec le Dieu vivant.
Là est « l'arbre de la
connaissance du bien et du mal », qui
doit être un témoin approbateur de
leur fidélité s'ils restent dans
l'obéissance, mais aussi l'instrument fatal
qui leur apprendra à connaître
l'amertume du mal s'ils viennent à tomber
dans le mal.
C'est à cet arbre que Dieu attache un
commandement qui doit placer l'homme sous la
dépendance et la
responsabilité ; il lui est
défendu d'en manger le fruit.
L'obéissance au commandement sera le bien
dont l'homme acquerra la conscience par l'objet
même auquel s'attache l'ordre divin ; la
désobéissance sera le mal,
également connu par l'arbre
mystérieux qui, pour cela, s'appelle
l'arbre de la connaissance du bien et du mal.
Dans la simplicité de son innocence
l'homme connaissait aussi peu la nature du bien que
celle du mal. Il ne pouvait en acquérir la
connaissance que de deux manières : ou
en observant l'ordre de son Dieu,
ce qui lui donnait la conscience de son
obéissance, ou en violant cet ordre, ce qui
lui donnait la connaissance du mal par un triste
contraste avec le bien.
Mais ce n'était pas là la seule
raison pour laquelle Dieu donne à sa
créature un commandement, on plutôt
une défense à observer. Dieu doit
à son éternelle souveraineté
de placer toutes ses créatures intelligentes
sous la dépendance et la
responsabilité. Dieu veut un ordre
établi aussi bien dans le monde moral que
dans le monde physique. Bien plus, Dieu veut, comme
nous le voyons par toutes les pages de sa Parole,
que ses créatures lui rendent une
obéissance libre, un culte de coeur qui
serait anéanti par l'absence, de toute
responsabilité ou par l'impossibilité
de pécher.
Dieu agit avec sa créature comme un bon
père envers son enfant qu'il n'abandonne pas
à son arbitre incertain ni au hasard de sa
destinée. Tout l'univers obéit
à la voix du Créateur ; les
mondes qui roulent dans l'espace et le brin d'herbe
que nous foulons aux pieds accomplissent la loi de
leur être ; ils annoncent l'ordre
établi par le Souverain des cieux et de la
terre ; « ils proclament la gloire
du Dieu fort, et donnent à connaître
les oeuvres de ses mains ». Ils
observent, machinalement il est vrai, la loi qui
leur fut imposée, parce qu'ils sont
destitués d'intelligence ; mais
l'être qui a reçu une âme pour
comprendre, un coeur pour aimer, doit avoir
la conscience du devoir et produire
une obéissance qui
émane d'une volonté libre et droite
et d'un coeur aimant et pur. Or pour cela il faut
que cet être soit sous une
responsabilité, et pour qu'il y ait
responsabilité, il faut une loi.
Les anges des cieux mêmes, les intelligences
pures qui entourent le trône de Dieu, sont
placées sous cette loi de l'ordre
éternel que Dieu a établi dans toute
l'étendue de la création ; et
l'Écriture nous apprend que c'est pour avoir
violé cette loi de dépendance et de
responsabilité, pour avoir voulu être
loi à eux-mêmes, que le Seigneur
« a réservé dans les liens
éternels et dans les ténèbres,
pour le jugement du grand jour, les anges qui n'ont
pas gardé leur origine, mais qui ont
abandonné leur propre demeure
(Jude 6.).
Cette loi devait donc être imposée
à l'homme ; elle le fut et se rattacha,
pour des raisons à nous inconnues et de peu
d'importance, à l'arbre appelé pour
cela « de la connaissance du bien et du
mal ». Ces raisons, on les a
cherchées dans la supposition que le fruit
de cet arbre était, en lui-même,
nuisible à l'homme, peut-être
vénéneux, et dans mille
spéculations (1)
sans utilité aucune,
puisque c'est l'ordre même et non son objet
qu'il nous faut avoir en vue.
Le commandement était donc simple,
précis, facile à accomplir,
accompagné d'une sanction redoutable :
« Tu mangeras librement du fruit de tous
les arbres du jardin ; mais quant au fruit de
l'arbre de la connaissance du bien et du mal, tu
n'en mangeras point ; car, dès le jour
que tu en mangeras, tu mourras de mort »
ou « tu mourras
certainement ».
Nos premiers parents obéiront-ils à
la voix de leur Dieu ? Violeront-ils sa
loi ? La reconnaissance, l'amour qu'ils lui
doivent, la douceur de sa communion, la profonde
vénération qu'ils doivent porter
à sa puissance, à sa sagesse,
à sa bonté, le bonheur dont ils
jouissent, la riche abondance de tous les fruits de
la terre dont il leur a donné la libre
jouissance, la pureté, l'innocence enfantine
et pleine d'abandon qui remplit leur coeur, tout,
tout nous semble devoir être un garant de
leur persévérance dans l'ordre.
Une impure tentation ne saurait s'élever
dans leur coeur ; ce n'est donc pas de
là qu'il faut attendre l'origine du
mal ; la chercher en Dieu serait un
blasphème. D'où pourrait donc venir
le mal ?
Ne l'oublions pas ; il ne peut venir que du
dehors, et c'est ce fait, heureux dans les malheurs
de l'homme, qui un jour rendra possible une
réparation.
Hélas ! le mal existait
déjà, mais ce n'était pas en
l'homme, ce n'était pas en Éden. Et
quel sera donc, dans toute l'immensité de la
création, l'être qui puisse prendre un
funeste plaisir à précipiter dans le
crime des créatures innocentes, et dans la
ruine des êtres heureux ? - Que notre
historien réponde. - Mais quoi ? c'est
parmi les créatures
destituées d'intelligence qu'il voit le
séducteur du premier homme et l'auteur des
maux de la race humaine ? Il nomme un
serpent !
À ce mot l'incrédulité sourit
et range avec indifférence l'antique
récit mosaïque au nombre de ces fables
mythologiques dont abonde l'histoire des peuples de
l'antiquité ; à ce mot le
savant, soumis à la Parole de Dieu parce
qu'il a examiné les preuves qui en
établissent la vérité sur un
fondement inébranlable, s'épuise en
conjectures, forme mille hypothèses qui
puissent à ses yeux jeter quelque
lumière sur cet endroit mystérieux de
nos saints livres. - Peut-être, pense-t-il,
n'était-ce pas un serpent réel, mais
quelque être qui en avait revêtu la
forme ; peut-être toute cette
scène de la tentation n'est-elle qu'une
figure, une espèce de parabole
destinée à nous enseigner une
vérité morale ; peut-être
est-ce une prosopopée poétique, assez
commune chez les Orientaux, au moyen de laquelle on
fait dire, même à des objets
inanimés, les impressions qu'ils produisent
sur nous et les pensées que leur vue fait
naître ; peut-être ainsi l'auteur
sacré a-t-il voulu nous rendre plus
sensibles les raisonnements que fit Eve, en voyant
le serpent manger du fruit de l'arbre qui lui
était interdit ; peut-être...
Mais assez d'hypothèses. - Nous ne voulons
cependant point les condamner comme
téméraires, ni prononcer
anathème sur ceux qui cherchent ainsi
à s'expliquer un passage qui, il faut en
convenir, a ses difficultés. Nous
aurions même
été tentés de nous ranger
à l'avis de quelqu'un d'eux si, après
un mûr examen, nous n'avions pas vu que
l'intention manifeste de l'auteur est de raconter
un fait purement historique, dans lequel pas un mot
n'indique une figure, pas davantage que dans tout
le livre de la Genèse.
Moïse nous parle d'un serpent naturel, d'un
serpent qui est entre tous les animaux des
champs que l'Éternel Dieu avait faits,
d'un serpent qui, comme nous le verrons plus
loin, est condamné, pour la part qu'il a
prise à la tentation, à l'état
où nous voyons maintenant cet animal, d'un
serpent dont le caractère bien connu est ici
décrit, la Genèse, la ruse.
Mais ce serpent parle ! Comment attendre des
sons articulés d'un être qui ne
possède point les organes de la
parole ? Nous n'entrerons point, pour
répondre à cette objection, dans de
nouvelles hypothèses sur l'espèce de
serpent dont il est ici parlé ; mais je
dirai d'abord : Que savons-nous de la nature
de cet animal et de la nature de tous les animaux
d'avant la chute de l'homme ? Que savons-nous
s'ils ne possédaient point des
facultés qu'ils ont perdues en participant
à la désorganisation profonde que le
péché a introduite dans le monde et
que l'observateur le plus superficiel peut
apercevoir
(2) ?
Et quoi qu'il en soit, voyez ce qui reste
d'instinct, j'ai presque dit d'intelligence,
à ces êtres dont la nature a
été trop peu étudiée,
à ces êtres que nous
appelons brutes, et qui pourtant comparent et
jugent les objets, distinguent leur ami de leur
ennemi, poursuivent dans celui-ci une injure faite
depuis longtemps, témoignent à
celui-là leur reconnaissance pour un
bienfait reçu, ce qui suppose chez eux une
sorte de sentiments, de passions, de
mémoire. Quelles leçons
étonnamment difficiles certains animaux ne
sont-ils pas capables d'apprendre ? et enfin,
si nous entendons quelques-uns d'entre eux
répéter des phrases entières
et distinctement articulées, qu'y a-t-il
d'incroyable dans la parole d'un serpent ? Que
savons-nous d'ailleurs sur la manière dont
les êtres d'un autre ordre que le nôtre
se communiquent leurs pensées ? Nous
requerrons des organes pour la parole !
Mais quels organes prononcèrent au
baptême de Jésus-Christ ces paroles
que tous les assistants entendirent :
« Celui-ci est mon Fils bien
aimé ? » - Quels organes
firent entendre à Paul ces mots
redoutables : « Saul, Saul, pourquoi
me persécutes-tu ? » Et sans
rappeler les exemples nombreux que renferme la
Bible, quels organes communiquèrent au
Sauveur, dans une tentation qui a plus d'un trait
de ressemblance avec celle dont nous nous occupons,
les paroles du Tentateur ?
Nous confessons donc notre foi au sens purement et
simplement historique du récit de
Moïse.
Mais le serpent ne prononce pas seulement
des paroles, nous
dira-t-on ; il pense, il raisonne. Dieu
aurait-il dit : Vous ne mangerez point de
tous les fruits d'Éden ? - Cette
objection nous conduit à un autre ordre
d'idées et au véritable point de la
tentation.
Oui, en effet, le serpent raisonne ; il
adresse à Eve une question insidieuse dont
la finesse et la profondeur nous frappent, nous
arrêtent et nous forcent à dire :
Le serpent n'est là qu'un misérable
instrument. Il y a là une puissance occulte
qui pense, parle, agit par lui. Les paroles qu'il
prononce ne peuvent provenir d'un être
innocent et sans raison ; j'entends au
contraire sortir de sa bouche la question
détournée et obliquement insidieuse
d'un séducteur.
Moïse, pour de bonnes raisons dont il n'est
pas difficile de se rendre compte, raconte la
chose, il est vrai, telle qu'elle dut
paraître à nos premiers parents, et
dans un langage simple et enfantin qui porte
tellement le cachet de cet âge que, si sa
narration était différente, nous
serions tentés de la révoquer en
doute. Mais qui peut penser qu'il attribuât
à un animal des champs cette
séduction qui, selon son propre
témoignage, fut suivie de si terribles
conséquences ? Non, il voyait sans
aucun doute dans ces faits l'action d'un être
sur l'existence et la nature duquel les
révélations subséquentes de
Dieu nous ont donné la plus grande
lumière.
En effet l'existence d'un être malfaisant,
d'une nature spirituelle, déchu de Dieu
« parce qu'il n'a pas
persévéré
dans la vérité
(Jean 8, 44) », d'un
être qui, génie du mal, prend un
infernal plaisir à entraîner dans sa
ruine celles des créatures de Dieu sur
lesquelles il peut exercer sa fatale influence,
d'un être qui a ainsi établi sur la
terre un royaume de ténèbres,
d'un être que l'Écriture nomme Satan,
le démon, le diable ; l'existence de
cet être est constamment supposée et
expressément enseignée par
Jésus-Christ et par ses apôtres (3).
- Or, il est dans le
Nouveau-Testament des témoignages qui
attribuent, avec toute évidence, à
cet esprit de ténèbres, la
séduction de nos premiers parents. Paul ne
saurait y voir uniquement l'action d'un animal sans
raison quand il nous dit que « le serpent
séduisit Eve par sa ruse
(2 Cor. 11, 3. ) ».
Jésus-Christ fait une allusion, qu'on ne
peut méconnaître au chapitre que nous
méditons, quand il dit que « le
diable est meurtrier dès le
commencement
(Jean 8, 44. ) ». Saint
Jean semble commenter cette parole de son
maître : « Le diable
pèche dès le
commencement ; mais Jésus-Christ
est apparu pour détruire les oeuvres du
diable
(1 Jean 3, 8) ». Mais, pour
m'en tenir à un dernier témoignage
des auteurs inspirés, je citerai encore le
même apôtre faisant allusion à
la forme sous laquelle le démon
séduisit Eve ; voici comment il le
désigne dans deux passages
de ses révélations :
« Le serpent ancien, appelé le
diable et Satan, qui séduit le monde
(Apoc. 12, 9.
20, 2.)... ». Enfin, mes
frères, on sait que les Juifs admettaient
comme un article de foi l'influence du démon
dans le premier péché qui fut commis
sur la terre. On lit au livre apocryphe de la
Sapience ces paroles : « Par
l'envie du diable la mort est entrée dans le
monde
(4) ».
- C'est donc Satan, c'est celui « qui
rôde autour de nous comme un lion
rugissant », qui porta en Éden des
paroles de séduction et de
péché. Observons maintenant ce qu'un
apôtre désigne si bien,
« ses machinations ».
Voyez comme le caractère du séducteur
se trahit même dans les circonstances
extérieures de la tentation. D'abord
l'ennemi s'attaque à la femme comme
à celle qu'il sait être plus faible et
plus sous l'empire de ses impressions. Bien que,
comme son mari, elle portât en elle tous les
traits de l'image de Dieu, il est probable qu'elle
lui était inférieure soit en force
soit en connaissance ; peut-être aussi
n'avait-elle reçu que médiatement et
par Adam, la défense dont la violation fit
son malheur. Quoi qu'il en soit, c'est sur le
faible que le lâche ennemi des hommes dirige
surtout ses traits, c'est le faible qui a le plus
de combats à soutenir, le plus de tentations
à vaincre. C'est quand les disciples
du Sauveur en
Gethsémané sont affaiblis, abattus
par de profondes impressions de tristesse que leur
Maître leur répète avec la plus
grande sollicitude : « Veillez et
priez, de peur que vous ne tombiez en
tentation ». - Heureux le faible qui
n'est point surpris dans sa faiblesse !
Heureux s'il la sent, s'il la déplore, s'il
s'en défie, et si, recherchant tout
auprès de celui « dont la force
s'accomplit dans son infirmité »,
il peut dire avec Paul : « Lorsque
je suis faible, c'est alors que je suis
fort ! »
Remarquez encore que l'ennemi s'attaque à la
femme lorsqu'elle est seule, lorsqu'elle est
dénuée du secours que lui offrirait
la présence du compagnon et de l'appui de sa
vie.
La solitude qui favorise la réflexion, le
retour sur nous-mêmes, l'étude de
notre propre coeur peut avoir les plus
précieux avantages ; mais aussi que de
tentations, que de pensées impures peuvent
s'élever dans le coeur de celui qui n'a que
lui-même pour témoin de ses
impressions, lorsqu'il a le malheur de ne pas
porter avec lui dans la solitude le sentiment vif
et sanctifiant de la présence de Dieu !
- Ah ! il connaissait bien notre nature celui
qui nous a donné la communion de ses enfants
comme un puissant moyen de sanctification, aussi
bien que comme une douce jouissance !
Sans doute Dieu peut et veut garder son enfant dans
toutes les situations de la vie ; toutefois
souvenez-vous, chrétiens, souvenez-vous de
vos précieux privilèges pour les
faire tourner à votre
salut ! Soyez forts de la force que Dieu a
donnée à vos frères !
Enfants de Dieu, formez dans votre union une sainte
phalange qui soit invulnérable et
invincible. « C'est là que
l'Éternel a ordonné la
bénédiction et la vie à
toujours ! »
Mais venons enfin aux paroles mêmes de la
tentation. Dieu aurait-il dit : Vous ne
mangerez point du fruit de tous les arbres du
jardin ?
II est impossible d'imaginer une parole qui, sous
l'apparence d'une simple et innocente question,
fût plus insidieuse, plus propre à
jeter dans l'âme sans défiance de la
femme l'erreur et le doute. Si elle prête
l'oreille à cette question, si elle
l'examine, si elle s'y complaît, plus pour
elle de repos intérieur, de foi simple, de
confiance enfantine en la Parole de son Dieu,
d'obéissance à sa loi.
C'est là un chef-d'oeuvre de
séduction plus adroit, plus puissant, que la
plus humble supplication, que la plus terrible
menace, que la plus douce flatterie, que la plus
brillante éloquence. - II y a dans cette
question deux choses également dangereuses
pour l'âme d'Eve : un doute
funeste de la vérité de la Parole
de Dieu, et une perfide exagération
propre à insinuer la
défiance.
Je dis d'abord un doute de la vérité
de la Parole de Dieu : Dieu aurait-il
dit ? et voilà qui tend à
saper par la base toute foi, toute
obéissance, toute morale, tout ordre
établi. C'est là ce que
nous crie à haute voix le
témoignage d'une expérience
journalière. C'est là l'arme la plus
puissante du démon et de notre mauvais
coeur ; c'est l'arme par laquelle des milliers
d'hommes sont frappés et plongés dans
la ruine. Cette tentation les surprend sous toutes
les formes, dans les instants les plus dangereux de
la vie humaine, souvent par le moyen de ceux qui
font à leur insu l'oeuvre du
séducteur.
Remarquez bien qu'il ne s'agit point encore ici de
nier formellement la vérité divine et
la certitude de la responsabilité de
l'homme. Une si téméraire audace,
à laquelle cependant le démon aura
bientôt recours, eût été
alors un scandale pour Eve et en serait un pour
beaucoup d'âmes qui ne craignent pas de
nourrir et de caresser un doute, et même pour
un grand nombre d'hommes qui professent encore que
Dieu a parlé, mais qui ne craignent pas de
proférer souvent la question insidieuse de
la première tentation : Dieu
aurait-il dit ?
Dieu aurait-il dit, insinuait le séducteur
en Éden ; Dieu aurait dit,
répètent les séducteurs dans
le monde ; Dieu aurait-il dit qu'il faille,
pour lui plaire, s'abstenir de ces jouissances et
de ces plaisirs qu'il a mis à notre
portée sans doute pour que nous les
goûtions ? Dieu aurait-il dit que
« l'amour du monde est une
inimitié contre Dieu, que celui qui se rend
ami du monde se rend par-là même
ennemi de Dieu ? » Dieu aurait-il
dit qu'il nous faille renoncer à tout pour
le suivre en portant notre croix, que
« si nous aimons père, ou
mère, ou frère, ou
soeur, ou maison plus que lui nous
ne sommes pas dignes de lui ? » -
Dieu aurait-il dit que le monde « est
plongé dans le mal », que nous
portons en nous un coeur mauvais et corrompu, que
« l'affection de la chair qui est en nous
ne se soumet point à la loi de
Dieu », que notre vie est souillée
par le péché ? Dieu aurait-il
dit « qu'il ne tient pas le coupable pour
innocent », qu'il maudit le
péché, que « la voie large
mène à la
perdition ? »
- Non, non ! Dieu n'est pas si
rigoureux ; c'est un Père trop bon pour
punir les faiblesses de ses enfants ;
gardez-vous de prendre à la lettre le
langage figuré des menaces de la Bible, ou
réservez-le du moins pour les
méchants ou les grands criminels. Dieu sait
bien que nous sommes faibles ; soyez
honnête homme, repentez-vous de vos fautes et
tout ira bien.
Quand le doute a ainsi dépouillé la
parole de Dieu de son immuable sainteté,
affaibli l'obligation et la responsabilité
de la créature envers le Créateur,
ouvert une large porte à la passion qui nous
entraîne et frayé la voie à la
tentation, ces mêmes vérités
que le souffle meurtrier du doute n'a pu encore
anéantir parce qu'elles renferment une force
immortelle, sont présentées à
l'âme ébranlée avec une
exagération qui va engendrer la
défiance. Dieu aurait-il dit : Vous ne
mangerez point de tous les arbres du
jardin ? Ces fruits délicieux que
produit la terre, qui semblent avoir
été placés devant
vous pour répandre dans
votre demeure l'abondance, la beauté, le
bien-être, vous ne goûteriez d'aucun de
ces dons ? Ils ne seraient tous là que
pour exciter en vous d'inutiles
désirs ! Celui que vous adorez comme
votre Dieu vous imposerait des lois si
dures !
Et c'est ainsi qu'aujourd'hui encore ceux qui
insinuent le doute aux vérités de la
Parole de Dieu se gardent bien de les
présenter fidèlement et sous leur
vrai jour. Ils sont habiles à les
défigurer, à montrer que
l'observation des lois de Dieu est incompatible
avec notre faiblesse, que la morale de
l'Évangile n'est pas faite pour des hommes,
qu'il y aurait de l'injustice dans les
châtiments infligés à ceux qui
n'y conforment pas leur vie.
Ils sont habiles y faire tomber le ridicule sur les
hommes qui laissent dire à la Bible ce
qu'elle dit, qui la croient dans toute son
étendue, qui abandonnent la multitude pour
se ranger à l'obéissance de leur
Dieu.
Ils sont habiles à présenter sous un
faux jour les doctrines vitales de
l'Évangile, pour montrer qu'elles sont
contraires à la raison, et qu'il faut au
plus tôt y apporter les amendements de la
sagesse humaine.
Ils sont habiles à persuader ceux qui les
écoutent que la foi vivante et vraie est une
renonciation de la raison, que la soumission
filiale est un esclavage, que le renoncement au
monde et à ses joies et à ses
vanités est un voile sombre et
lugubre jeté sur la vie entière. Ils
diraient volontiers, s'ils étaient aussi
sincère » que le serviteur inutile
de la parabole, ils diraient volontiers
au Dieu de la Bible :
« Je savais que tu étais un
maître dur qui moissonnes où tu n'as
point semé, et qui recueilles où tu
n'as point répandu ».
Maintenant que la tentation se
présente ; tout dans le coeur de
l'infortuné qui a prêté
l'oreille aux mensongères insinuations du
séducteur, est préparé pour
l'heure fatale de la séduction... et de la
ruine.
La connaissez-vous, mes frères, la puissance
de la tentation ? Elle est présente,
elle presse votre pauvre coeur qui ne sympathise
que trop avec elle ; elle l'entraîne par
le charme du péché revêtu de
couleurs séduisantes ; la conscience
fait entendre sa voix ; le combat
s'engage ; vous résistez, car les
foudres de la parole de Dieu contre le
péché retentissent au loin et portent
le trouble jusque dans les profondeurs de votre
âme. Mais dans le fort du combat un doute
s'élève ; Dieu aurait-il
dit ? Sera-t-il offensé de cette
faiblesse ? y prendra-t-il garde ? la
punira-t-il ? Ainsi se brise le dernier frein
imposé à l'impétuosité
de la tentation ; la barrière de la
parole de Dieu est renversée ; vous
cédez.....
Vous voilà livré au tourment du
remords ; vous sortez d'un vertige pour
savourer toute l'amertume de ce qui, l'instant
d'auparavant, vous paraissait si doux !
O mes frères, voilà la scène
d'Éden ; voilà l'histoire de
notre pauvre coeur et de notre pauvre vie !
Qu'il y a de vérité dans ces faits
que nous retrace l'historien des
malheurs de l'homme ! Comme il est vrai qu'une
ruine certaine suit le doute de la Parole de
Dieu ! Comme il est vrai que « ce
qui nous fait remporter la victoire sur le monde,
c'est notre foi ! » - Ah !
malheur à quiconque prête l'oreille
aux perfides insinuations de l'ennemi !
Malheur ! surtout, malheur aux
prophètes de mensonge qui propagent le doute
tout en professant d'avoir la foi à la
Parole, notre seule sauvegarde ! - Mon
Dieu ! fortifie ma foi ! Mon Dieu !
ne nous expose pas à la tentation !
Écoutons maintenant les paroles de la femme,
et voyons si elles ne trahissent pas la
vérité de ce triste tableau de la
tentation que j'ai essayé d'esquisser.
II semble au premier abord qu'elle demeure ferme,
que la question captieuse du démon n'ait
fait sur elle aucune impression. Elle repousse
l'exagération mensongère de son
perfide ennemi : « Nous mangeons,
en toute liberté, des fruits de tous
ces arbres du jardin ; ils sont là
pour notre jouissance ; Dieu ne nous traite
pas, comme tu l'insinues, en maître dur et
avare. Vois l'abondance, la richesse, la
beauté des productions diverses qu'il a
ordonné à la terre de porter pour
notre
bien-être. »
Et en ceci nous devons imiter Eve, mes
frères ; il nous est bon de nous
prévaloir de nos glorieux privilèges,
de la bonté et de l'amour de notre Dieu,
pour montrer au monde tout le bonheur qu'il y a
dans « la liberté glorieuse des
enfants de Dieu », qui lui paraît
un esclavage ; toute la joie qu'il y a dans
les voies de la piété, qui lui
paraissent si sombres. - Nous devons imiter Eve
aussi dans sa promptitude à rappeler
à sa mémoire la défense
expresse de Dieu qui aurait dû être son
Salut : Mais quant au fruit de l'arbre qui
est au milieu du jardin, Dieu a dit :
Vous n'en mangerez point.
Mais ici cesse la sagesse de la femme et
probablement aussi la pureté de son
innocence. - D'abord son premier tort fut de
s'arrêter en face de la tentation, de
prêter l'oreille à une question qui
révoquait en doute la vérité
de la Parole de Dieu.
Bien que son inexpérience du mal, sa
simplicité, les formes captieuses du
tentateur dans lequel elle ne voyait point encore
l'ennemi de son âme, puissent en quelque
degré lui servir d'excuse, pourquoi un doute
soulevé contre le commandement solennel de
son Créateur n'a-t-il pas excité sa
défiance, son indignation ?
Pour nous, mes frères, qui
« n'ignorons pas les machinations de
Satan », pour parler comme un
apôtre, nous qui connaissons par une triste
expérience la ruse et la faiblesse de notre
pauvre coeur, soyons en garde contre ses
insinuations, défions-nous de
nous-mêmes, fuyons le mal, ne composons
jamais avec ce que l'Éternel a
maudit !
Remarquez ensuite qu'Eve ne rapporte point la
défense de Dieu telle qu'il l'avait
donnée. Elle y ajoute une clause au moins
inutile : Et vous n'y
toucherez point, paroles par lesquelles elle
semble vouloir s'exagérer son respect pour
le commandement de l'Éternel. Mais pourquoi
commenter, expliquer, étendre un ordre
clair, positif, complet ? Ces mots ne
trahissent-ils point en elle ce trouble
intérieur qui accompagne toujours la
tentation, le sentiment d'une faiblesse qu'on veut
dissimuler à soi-même et aux
autres, au moyen d'une expression
exagérée de son horreur pour la chose
que déjà on désire en secret,
et de son respect pour la loi qu'on n'ose encore
enfreindre ?
L'expérience vous aura sans doute appris que
ce ne sont pas ceux d'entre les hommes qui parlent
en termes les plus forts de crainte de Dieu, de
devoir, de vertu, qui sont le plus loin de leur
chute ; tandis que souvent l'âme humble
et vraie, qui redoute sa faiblesse, qui se plaint
de sa propension au mal, est
préservée par la puissance de son
Dieu, parce qu'elle combat avec
sincérité. -
Enfin, il est encore une autre falsification du
commandement de Dieu, dans la manière dont
la femme le rapporte. Selon elle, la sanction de ce
commandement serait : De peur que vous ne
mouriez, tandis qu'en réalité
cette sanction était : Tu mourras de
mort, ou « tu mourras
certainement ». Qui ne voit là une
âme flottante, entre la foi simple et le
doute, entre l'obéissance filiale, prompte,
entière, et l'attrait de la tentation ?
Qui ne voit là l'effet de la question
insidieuse de l'ennemi ? Quand il s'agit du
péché, celui qui
doute sur les
conséquences certaines qu'il
entraîne à sa suite est
déjà vaincu. Nous avons
déjà établi cette
vérité ; nous ne nous y
arrêterons pas davantage.
Oh ! que la Parole de notre Dieu, sa Parole
telle qu'il nous l'a donnée, soit
reçue avec une pleine certitude de foi, sans
arrière-pensée, purement et
simplement ! Que cette Parole soit notre arme,
notre bouclier, notre salut !
Si nous négligeons ce moyen puissant de
victoire dans les combats, une chute certaine en
sera le premier châtiment ; car alors
nous offrons nue aux traits de l'ennemi la place la
plus vulnérable de notre être. Voyez
comment Satan se prévaut de la disposition
fatale qu'il remarque chez la femme. Il jette le
masque de sa ruse perfide ; il donne en
blasphémant un éclatant
démenti à la Parole de Dieu, sur
laquelle il n'avait fait jusqu'ici que de jeter un
doute léger : Vous ne mourrez
nullement !
Voilà, mes frères, le premier
mensonge qui ait souillé la terre que nous
habitons. Voilà comment se donne à
connaître celui que Jésus-Christ
appelle avec tant de raison menteur et le
père du mensonge
(Jean 8, 44.). Voilà
comment après avoir jeté dans
l'âme le doute et le trouble par la question
insidieuse : Dieu aurait-il dit ?- il
veut l'amener à fouler aux pieds le
commandement solennel de Dieu par ce mensonge
impie : Vous ne mourrez nullement !
Tels sont les progrès
du mal, telle est la marche de la
tentation !
Et ne pensez pas, mes frères, que cette
oeuvre de ténèbres et de
séduction qui se commença en Eden,
ait pris fin avec la chute de nos premiers
parents.
Non, non ; elle se poursuit incessamment par
tous les moyens dont « le père du
mensonge » peut abuser pour
détourner les hommes de la foi et les faire
douter de cette justice éternelle de Dieu
à laquelle il doit de punir le
péché. Ainsi, tandis que la parole
divine et les ministres fidèles de cette
Parole font entendre à toute âme
d'homme inconverti cette sanction de la loi
éternelle : Tu mourras de mort,
mille voix s'élèvent dans le
monde, dans ses sociétés, dans ses
livres, et peut-être même (chose
terrible à dire !) jusque dans le
sanctuaire de la vérité divine, pour
répéter après le père
du mensonge : Vous ne mourrez
nullement !
En vain la Parole du Seigneur dit-elle au
pécheur non réconcilié avec
Dieu par le sang du Sauveur, en vain les serviteurs
du Christ répètent-ils après
elle que « le salaire du
péché c'est la mort », que
« la voie large conduit à la
perdition », que « l'âme
qui aura péché mourra », on
lui fait entendre le mensonge d'Éden :
Vous ne mourrez nullement !
En vain le Sauveur du monde lui-même
dit-il à quiconque a des oreilles pour
entendre : « Si vous n'êtes
convertis, vous périrez tous semblablement,
si un homme n'est né de nouveau, il ne peut
voir le royaume de Dieu, on n'en
répète pas moins : Vous ne
mourrez nullement !
En vain la vérité dit-elle :
« Si vous marchez selon la chair, vous
mourrez ; l'affection de la chair est la
mort ; sans la sanctification personne ne
verra le Seigneur », le mensonge
répète : Vous ne mourrez
nullement !
Et ce qu'il y a de plus triste dans ce
contraste, dans ce combat du mensonge contre la
vérité, c'est que le premier trouve
presque toujours un écho dans notre coeur,
tandis que la voix de la vérité est
étouffée. Oui, notre pauvre coeur se
ligue avec l'erreur contre la vérité,
contre notre salut. - Et dès-lors comment ne
seraient-elles pas reçues avec
avidité les paroles mensongères du
tentateur ?
Vos yeux seront ouverts, continue-t-il, en
invoquant le nom de Dieu même et en
sanctionnant ainsi d'un blasphème sa
promesse séduisante : Dieu sait
qu'au jour que vous en mangerez vos yeux seront
ouverts, et vous serez comme des dieux (ou
comme Dieu), sachant le bien et le mal.
Nous verrons dans une prochaine méditation
quel est le sens de la première partie de
cette promesse, et comment elle fut accomplie.
Qu'il nous suffise de dire que ces mots :
Vous serez comme des dieux, ou comme
Dieu, offraient à l'orgueil auquel ils
allaient donner naissance une proie dont il n'a
cessé dès lors de se saisir avec
avidité. Ce n'est point l'attrait d'une
tentation charnelle qui est offerte à des
êtres encore libres de
l'esclavage des sens, mais bien
une tentation spirituelle comme leur nature.
Maintenant encore l'ennemi des âmes est
habile à tendre à l'homme, selon sa
nature, selon sa position ou ses penchants, des
pièges dans lesquels il se
précipitera avec l'ardeur d'un être
qui croit y trouver le bonheur. Il est un de ces
pièges qui enlace comme un réseau
immense tous les enfants d'Adam qui n'ont pas
reconnu, déploré, abjuré cette
coupable folie ; c'est l'orgueilleuse ambition
de vouloir être comme des dieux, de
vouloir secouer le joug du Tout-Puissant, nier leur
dépendance et leur responsabilité,
être loi à eux-mêmes. C'est
là « le mystère
d'iniquité », c'est le
péché dans son essence. Ils ont dit
comme les hommes de la parabole :
« Nous ne voulons pas que celui-ci
règne sur nous », et ils tiennent
trop bien leur parole téméraire.
Dirait-on, à voir la masse de la
société actuelle, qu'il y a un Dieu
qui règne dans les cieux ?
Nos hommes publics et nos hommes de
société n'ont-ils pas honte de se
réclamer de son nom et de lui donner
gloire ? Ne renient-ils pas son droit de
domination sur leur coeur, sur leurs affections,
leurs pensées, leur vie
entière ? N'y a-t-il pas dans notre
coeur, même lorsque nous désirons
fonder notre sagesse sur la crainte de Dieu, une
secrète et orgueilleuse répugnance
à admettre sans réserve
l'éternelle souveraineté de Dieu sur
tout ce que nous avons, sur tout ce que nous
sommes ? L'autorité de sa Parole et de
sa volonté ne rencontre-t-elle pas toujours
en nous un sentiment de
révolte qui nous pousse à la
méconnaître ou à la
rejeter ? Fatale promesse du
démon ! tu n'es que trop bien
accomplie.
Eh quoi ! vermisseau de la poussière,
être d'un jour, qui as reçu
l'existence par la libre bonté de Dieu, qui
reçois la vie à chaque instant
à mesure qu'il te la maintient, et dont
chaque respiration et chaque battement de coeur est
un don continuel de ton Créateur, tu veux
être indépendant ! Tu ne peux
faire un pas sans qu'il t'en fournisse la force, et
tu veux vivre sans Dieu !
S'il te laissait retomber de cette main puissante
qui te tira du néant et qui te maintient par
bonté, tu irais te confondre avec la plus
vile poussière, et tu veux être
comme Dieu !
Mes frères, une si criminelle folie, une si
monstrueuse ingratitude ne se comprend que parce
que, hélas ! nous en avons tous fait la
funeste expérience. Mais aussi longtemps que
dure un tel état d'âme, aussi
longtemps que nous n'avons pas abjuré avec
horreur un tel orgueil, aussi longtemps que nos
pensées, nos affections et notre
volonté n'ont pas été
réduites sous l'obéissance à
la souveraineté de Dieu et sous le doux
empire de son amour, il n'y a en nous, quoi que
nous fassions d'ailleurs, que péché
et que misère éternelle. Qui peut
vivre en étant séparé de la
source de la vie ? Qui peut étancher la
soif qui le dévore en s'éloignant de
la source des eaux vives ? La promesse du
démon renferme donc le crime, la mort, la
ruine éternelle. Malheur à celui qui
y prête
l'oreille !
Mes bien aimés frères ! je me
tourne vers vous en finissant cet exposé de
la tentation en Éden, et je vous
demande : N'est-ce-pas là votre
histoire ? N'est-ce pas là ce qui se
passe en vous chaque fois que vous avez le malheur
de tomber dans le péché ?
N'est-ce pas là enfin le tableau
fidèle de l'état de votre âme
et des attaques que dirige sans cesse contre vous
votre perfide ennemi conjuré avec votre
propre coeur ?
Ah ! puisque la Parole de Dieu, d'accord avec
votre expérience, vous avertit de vos
dangers, vous montre l'abîme creusé
sous vos pas, vous signale la voie du
péché et de la ruine où il
conduit, nous vous conjurons, par les compassions
de Dieu et par vos plus chers
intérêts, de vous rendre attentifs
à ces choses, de veiller, de prier, de fuir
la colère à venir.
Je voudrais laisser deux pensées solennelles
profondément imprimées dans
l'âme de deux classes des personnes qui
m'écoutent ; vous qui devez vous rendre
le triste témoignage que vous êtes
encore enlacés dans les pièges du
tentateur, qu'ayant été
plongés par lui dans le péché
et l'éloignement de Dieu, vous ne vous
êtes point encore réconciliés
avec lui par ce Sauveur qui a réparé
les désordres du péché ;
souvenez-vous que vous êtes dans un
état de ruine, que le salaire du
péché c'est la mort, que la voie
large mène à la perdition. -
Souvenez-vous aussi que vous êtes avertis de
tous vos dangers, que Dieu a tout fait pour vous
sauver après avoir rendu possible un salut
gratuit et inespéré ;
souvenez-vous que nous avons
aujourd'hui encore rempli auprès de vous
notre ministère ; que, s'il est
inutile, nous en verserons des larmes, mais vous
seuls en porterez la peine. Que sais-je ? dans
ce moment même, pendant que je vous parle
avec un ardent désir de votre salut, une
voix mensongère répète
peut-être encore au fond de votre
coeur : Tu ne mourras nullement !
- Si vous l'écoutez en méprisant
la voix de la vérité que je vous
prêche, j'en appelle solennellement au
témoignage de l'Éternel entre vous et
moi, et voici ce témoignage qui sera
bientôt proclamé sur vous et sur nous
au grand jour de l'éternel jugement.
« Toi donc, fils d'homme, je t'ai
établi pour sentinelle à la maison
d'Israël ; tu écouteras donc la
Parole de ma bouche et tu les avertiras de ma
part ; quand j'aurai dit au
méchant : Méchant, tu mourras
de mort, et que tu n'auras point parlé
au méchant pour l'avertir de se
détourner de sa voie, ce méchant
mourra dans son iniquité ; mais je
redemanderai son sang de ta main. Mais si tu as
averti le méchant de se détourner de
sa voie, et qu'il ne se soit point
détourné de sa voie, il mourra
dans son iniquité ; mais tu auras
délivré ton âme.
Voici notre seconde pensée : Vous qui
êtes maintenant animés d'un
désir sincère de secouer le joug
tyrannique du péché, de renoncer au
diable et à ses oeuvres de
ténèbres, et vous qui
déjà suivez Jésus en portant
par la foi son joug et sa croix,
et qui craignez par-dessus tout
les ruses de votre propre coeur, souvenez-vous que
vous n'êtes pas seuls à combattre, -
Souvenez-vous que « Christ a paru pour
détruire les oeuvres du diable »,
que « Celui qui est avec vous est plus
fort que celui qui est dans le monde »,
« qu'en toutes choses nous serons plus
que vainqueurs en Celui qui nous a
aimés ». Encore quelques jours de
combat, de tentations, d'épreuves, de
larmes, et nous reverrons Éden sans
tentations et sans péché !
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