L'HOMME
BANNI D'EDEN
PRÉFACE.
Si Calvin, le plus profond et le plus lucide
commentateur de la Réformation, n'aborde le
troisième chapitre de la Genèse
qu'avec une sorte de crainte et en avouant
« qu'ici s'élèvent en foule
les questions les plus ardues », il
pourra paraître présomptueux de ma
part de l'avoir choisi pour sujet de ces
Méditations. Cependant, profondément
convaincu de la haute importance de cette portion
de nos Saints-Livres, c'est
précisément parce qu'elle est
difficile que j'ai essayé d'en tirer, pour
les chrétiens studieux, quelques-unes des
leçons qu'elle est destinée à
nous donner.
Frappé du peu d'usage que l'on fait
d'ordinaire d'un chapitre qui dévoile en
quelques ligues tous les mystères de
l'état actuel de l'homme, l'origine du mal,
la base et la condition de toutes les
révélations divines, la clef de la
rédemption, j'ai conclu que la cause de
l'espèce d'oubli où reste cette
partie de l'histoire biblique
vient des difficultés qu'y rencontrent des
lecteurs qui, bien que désireux de
connaître tout le conseil de Dieu
révélé dans sa Parole, n'ont
ni le temps, ni les secours nécessaires pour
faire les investigations que demande cet antique
document de nos humaines misères.
En effet, tandis qu'on a, en anglais, une foule de
commentaires populaires qui peuvent être
consultés à ce sujet ; qu'en
allemand on possède toutes les recherches de
la science exégétique et des ouvrages
pratiques, tels que celui du pieux et savant
docteur Graeber, il n'y a, à ma
connaissance, aucun ouvrage français qui
puisse offrir, sur la chute de l'homme telle que la
rapporte Moïse, quelques lumières et
quelque édification. Sur cette base, comme
sur tant d'autres dans le domaine des études
bibliques, se présente tout un
édifice à élever. Or j'ai
voulu apporter à la construction de cet
édifice ma pierre, quelque petite et obscure
que doive être la place qui lui sera
assignée ; j'ai voulu montrer une mine
et inviter mes frères à y puiser.
Voilà tout le but de celte publication.
Il eût été facile de choisir un
sujet qui prêtât beaucoup plus à
l'intérêt du coeur et aux mouvements
de l'éloquence ; mais mon but
n'était pas de publier des discours de
circonstances. J'offre au public religieux ces
Méditations, à quelques corrections
près, telles que je les ai
présentées à l'Église
où je suis appelé à
expliquer la Parole de Dieu, car tel est ce
me semble tout le but de la prédication.
Oeuvre de prière en les préparant, en
les prêchant, en les publiant, j'en abandonne
maintenant le résultat à Celui sans
la bénédiction de qui tout,
même les oeuvres religieuses, reste
stérile et mort.
Ceux qui, en lisant ces pages, ne partageraient pas
les opinions qui y sont exprimées sont
priés de suspendre leur jugement
définitif jusqu'à ce qu'ils aient lu
les développements que je place à la
fin du volume, et qui, en plus d'un cas, serviront
de pièces justificatives, en
présentant des preuves qui ne pouvaient pas
entrer dans les méditations. Afin de rendre
ces développements exégétiques
accessibles à tous les lecteurs, on a
renvoyé, dans des notes, les remarques
philosophiques et les citations en
langues étrangères,
ou du moins lorsque cela n'était pas
possible ; on a donné en
parenthèse la traduction des mots du texte
original qu'il était nécessaire de
citer.
Londres, juin 1834
MÉDITATION I.
L'IMAGE DE DIEU.
« Puis Dieu dit :
Faisons l'homme à notre image, selon notre
ressemblance. »
Gen I. 26.
Il est, chez presque tous les peuples de la
terre, une tradition dont les poètes se sont
emparés pour offrir à l'imagination
humaine, fatiguée des maux de la vie, les
images pleines de douceur et de charme d'un
âge où régnait avec l'innocence
le plus parfait bonheur. Les hommes, nous
disent-ils, libres alors de leurs passions et de
toutes entraves, ignorant les arts de la guerre,
vivaient en paix, sans lois et sans juges, heureux
au sein d'un printemps éternel, et jouissant
des riches dons que leur prodiguait la terre sans
culture et sans travaux.
- Hélas ! il est bien naturel à
des âmes pensantes, à des imaginations
accablées de tant de maux qui
dévorent l'humanité, à des
hommes qui ignorent le mot de leur existence, qui
ont désappris leur origine et leurs
destinées, de s'élancer ainsi dans un
monde idéal, afin d'échapper, ne
fût-ce qu'un instant, à une
déchirante réalité !
Mais cette idée, la fable d'un âge
d'or, n'aurait-elle d'existence que dans
l'imagination des poètes ou dans quelques
âmes altérées d'un bonheur
qu'elles considèrent comme perdu sans
retour ? Et cette question intéressante
trouverait-elle quelque solution dans le livre qui
seul renferme la clef de l'histoire de l'homme, de
son origine, de ses destinées ?
Oui, mes bien-aimés frères, la Bible
a aussi son âge d'or ; et ici ce n'est
point une fable, c'est une réalité.
Ici nous assistons en quelque sorte au conseil de
Celui qui « créa au commencement
les cieux et la terre » ; nous
sommes témoins du merveilleux spectacle d'un
univers qui jaillit du néant à la
voix de Jéhova. Dieu a dit :
« Que la lumière
soit ! » et la lumière est.
La terre, fécondée par le souffle de
l'Éternel, se recouvre de verdure ; le
Liban balance ses cèdres orgueilleux, et le
brin d'herbe nuance de mille couleurs le fond de la
vallée. Mille fleurs étalent dans les
campagnes d'Éden l'éclat de leurs
couleurs et y répandent le baume de leur
parfum ; mille fruits
délicieux sont prêts pour la
nourriture de l'homme qui va naître, et celle
des êtres qui déjà ont
reçu l'existence. L'oiseau de l'air chante,
heureux d'exister, la louange de Celui qui l'a
formé ; les bêtes des champs
attendent leur dominateur, dans lequel elles n'ont
point encore appris à voir un ennemi. Le
grand abîme a reçu dans son sein les
eaux bruyantes, auxquelles l'Éternel a
marqué la place où viendront mourir
leurs vagues menaçantes. Des êtres
innombrables répandent, même au sein
des vastes mers, le mouvement et la vie. De radieux
luminaires, suspendus à un firmament
étincelant d'étoiles, promettent
à la terre, avec leur lumière, la
chaleur et la fécondité.
Le temple majestueux est achevé ; il
n'y manque plus que l'être par excellence qui
doit en être comme la divinité,
à qui évidemment tout se rapporte et
qui doit à son tour rapporter tout à
la gloire éternelle de son Créateur.
- Ici l'historien des mondes change de ton ;
il ne se contente plus de nous montrer une
dernière créature paraissant à
l'existence à la voix de l'Éternel.
Il s'arrête ; il contemple le
Créateur au moment de donner l'être au
roi de la création, entrant avec
lui-même dans un conseil solennel. - puis
Dieu dit : « Faisons l'homme a notre
image, selon notre ressemblance, et qu'il domine
sur les poissons de la mer, et sur les oiseaux des
cieux, et sur le bétail, et sur toute la
terre et sur tout reptile qui rampe sur la
terre. » - Il a dit, et la chose a eu son
être ; il a commandé
et elle a comparu. - Voilà
l'homme entouré des délices
d'Éden où tout respire la vie et le
bonheur, l'homme dominateur de la terre, l'homme
enrichi de toutes les beautés et de toutes
les perfections de l'image de Dieu, l'homme avec la
compagne que Dieu lui a donnée afin qu'ils
admirent ensemble les merveilles de la
création, qu'ils bénissent d'un
même coeur et d'une même bouche la
bonté de leur Dieu, et qu'ils fassent
retentir en Éden le chant de sa gloire et de
ses louanges.
Arrêtons-nous maintenant quelques instants
devant cette créature de Dieu formée
à son image. Examinons en quoi consistait
cette image ; et si, en jetant ensuite un
regard sur l'homme actuel et sur la
société, nous sommes frappés
d'une effrayante différence, et si nous
sentons un soupir de douleur et de regret
s'échapper de notre coeur, ne reculons point
devant la pénible tâche de remonter
à l'origine de nos maux et de sonder la
plaie de notre nature.
O mon Dieu ! éclaire-nous
toi-même sur notre origine ! Rends
présent à notre coeur le radieux
tableau de ton image qui brillait en l'homme sorti
de ta main créatrice. - Et puisque ta
miséricorde infinie n'a pas laissé le
mal sans remède ni la ruine sans espoir,
ah ! enflamme en nos coeurs un saint
désir de recouvrer ton image !
Que peut être l'image de Dieu dans un
être fini ? Voilà la question
dont nous avons à nous occuper
aujourd'hui.
À cette question quelques-uns
répondent que l'image de Dieu existait dans
la supériorité des facultés
physiques de l'homme, dans l'admirable conformation
de son corps. - Cette réponse est
indigne de notre texte et de Dieu. Dieu est-il un
être matériel ? Dieu a-t-il un
corps à l'image duquel il pût
créer l'homme
- D'autres, à l'ouïe de notre question,
répondent que l'image de Dieu dans l'homme
consistait en la domination qu'il lui avait
donnée sur tous les êtres
créés. - Mais serait-ce là
toute l'image de Dieu ?
Dans ce cas l'homme ne l'aurait point perdue,
puisqu'il domine encore sur les êtres qui
remplissent la création, avec cette
différence peut-être qu'il leur fait
cruellement sentir son empire tyrannique ; et
si cette image divine n'était pas
effacée en lui, pourquoi serions-nous
exhortés à la recouvrer, comme nous
le verrons tout à l'heure ?
- D'autres encore répondent à notre
question que l'image de Dieu consistait dans
l'intelligence dont l'homme est doué
et qui le distingue si éminemment de toutes
les autres créatures. - Cette réponse
est moins éloignée de la
vérité, mais elle est
incomplète. Certes, nous sommes prêts
à assigner à l'intelligence un rang
distingué dans les nobles dons qui
constituaient en l'homme l'image de Dieu. Mais
serait-ce là tout ce qui
rendait l'homme semblable à son
Créateur ?
Hélas ! ne voyons-nous pas dans la
société des êtres d'une
intelligence transcendante être, pour tout le
reste, complètement éloignés
de la ressemblance de Dieu ? Les plus grands
criminels qui aient fait la honte de
l'humanité n'ont-ils pas fort souvent
été très distingués par
les dons de l'intelligence ? Que dis-je ?
les démons mêmes ne sont-ils pas des
êtres intelligents et spirituels ?
Laissons l'Écriture s'expliquer par
l'Écriture. - Et d'abord nous retrouvons, au
cinquième chapitre de la Genèse, les
deux mots image et ressemblance
employés d'une manière propre
à nous faire comprendre le sens de ces mots
dans notre texte.
Là il est dit « qu'Adam engendra
un fils à sa ressemblance et selon son
image, et il l'appela Seth. » Or,
n'est-il pas évident que ces mots
confèrent à Seth toutes les
qualités physiques, intellectuelles et
morales qu'avait son père ? Et peut-on
restreindre, dans notre texte, le sens de ces mots
à je ne sais quelles
supériorités de l'homme, sans faire
violence à la grammaire même ? -
Nous pensons donc être autorisés
à étendre ces mots à tout ce
qui constitue le caractère même de
Dieu, avec toutes les restrictions qu'exigé
la nature finie de l'homme. L'homme
ressemblait à son Créateur quant
à ses qualités intellectuelles et
morales. Sans doute qu'il est en Dieu des
perfections incommunicables et qui tiennent
à son éternelle
essence ; et c'est même pour avoir voulu
s'arroger ces augustes perfections que l'homme a eu
le malheur de creuser sous ses pas un abîme.
Mais il est aussi en Dieu dos perfections morales
qu'il communique à ses créatures
douées d'une intelligence pour comprendre et
d'un coeur pour aimer. Dans ce sens l'homme
était un reflet faible sans doute, fini sans
doute, de la divinité même. Et la
simple raison, le simple respect pour les
perfections de Dieu et pour la nature de ses
oeuvres, peuvent-ils nous permettre d'attendre rien
que de parfait de sa main créatrice ?
Qui, en voyant une grotesque imitation d'une des
vierges de Raphaël, pensa jamais à
l'attribuer au pinceau de ce grand
maître ? Nous pouvons nous tromper, nous
pouvons exagérer peut-être en
recherchant en quoi consistait l'image de Dieu en
l'homme ; mais cette erreur, si c'en est une,
serait digne de Dieu ; tandis que
prétendre que Celui qui a imprimé le
sceau de ses perfections adorables sur tout ce
qu'il crée pour sa gloire et pour la
félicité, ait laissé
échapper de sa main un être moral
pécheur et souillé, infirme et
malheureux tel que l'homme actuel, nous
paraît approcher du
blasphème !
Mais les révélations divines, qui se
complètent et s'éclaircissent
mutuellement, ne nous ont pas laissés, sur
ce point, à des conjectures. Si l'historien
inspiré, qui nous a dévoilé
l'origine des choses créées, ne nous
a pas dit expressément en
quoi consistait l'image de Dieu
dans le premier homme, la Bible nous exhorte
ailleurs à recouvrer cette image ; et,
afin que nous ne puissions pas rester à cet
égard dans l'ignorance, elle nous la
décrit très exactement. Si vous
ouvrez la lettre de Paul aux Colossiens
(chap. 3, 9, 10), vous y trouverez
ces paroles remarquables : « Ayant
dépouillé le vieil homme avec ses
actions, revêtez-vous du nouvel homme
renouvelé en connaissance Selon L'image
de Celui qui l'a
créé. »
Nous faisons sur ces paroles deux remarques et deux
questions auxquelles l'apôtre a
répondu d'avance. Et d'abord : II y a
en nous quelque chose que Dieu n'y avait pas mis en
créant l'homme, puisque nous sommes ici
exhortés à nous en
dépouiller.
Et qu'est-ce ? C'est ce que l'apôtre
appelle « le vieil homme »,
expression métaphorique qu'il
définit lui-même dans un passage
parallèle à celui que je viens de
citer et où il s'exprime ainsi
(Ephès. 4, 22) :
« Que vous dépouilliez le vieil
homme, concernant votre conduite
précédente (avant votre conversion),
lequel se corrompt par les convoitises de
séduction, et que vous soyez
renouvelés dans l'esprit de votre
entendement. »
Serait-ce donc l'intelligence seule qui constitue
en nous l'image de Dieu ? Eh bien ! cette
intelligence même doit être
« renouvelée »,
changée. Sommes-nous donc ce que nous avons
été ?- Évidemment non. -
Voici notre seconde remarque, puis
notre seconde question sur cet
important passage. Il résulte de cette
exhortation de l'apôtre qu'il nous faut
acquérir quelque chose que nous n'avons
plus. Et quoi ? Le nouvel homme,
renouvelé Selon L'image De Celui Qui L'a
CRÉÉ. - Nous voici arrivés a
l'idée et à l'expression même
de Moïse dans notre texte, ce qui est d'autant
plus évident, si l'on se souvient que
l'apôtre se sert de la version grecque des
Septante, où il copie littéralement
l'expression de notre texte telle qu'elle y est
rendue. - Ainsi l'image de Dieu doit renaître
en l'homme ; mais en quoi donc
consiste-t-elle ? D'abord, l'apôtre l'a
dit, dans une intelligence renouvelée, dans
un homme nouveau. - Et pour plus de
précision, pour qu'il ne manque rien
à la clarté du sujet, l'apôtre
ajoute dans le passage cité
(Eph., 4, 24) que cet homme nouveau
est « créé selon
Dieu » (ce qui veut dire encore selon
l'image de Dieu), En JUSTICE ET EN SAINTETÉ
VÉRITABLE. Ces mots ne demandent point de
commentaire ; voilà l'image de Dieu en
l'homme.
Mais, afin que nous puissions mieux encore
discerner les traits de cette image, Dieu ne s'est
pas contenté de nous en donner une exacte
description dans les paroles que nous venons de
considérer. Lisez les
Évangiles ; là se
développe sous nos yeux la vie d'un
être que la Bible appelle le second Adam,
d'un être qui est aussi nommé
l'image de Dieu, l'empreinte (le
caractère) de la personne (
hypostase) de Dieu, l'image du
Dieu invisible
(2 Cor. 4, 4.
Hébr. 1, 5.
Col. 1, 15.). - Quels traits divins
elle porte cette image ! quel reflet des
perfections divines ! quelle sagesse !
quelle hauteur de pensées ! quel
amour ! quel dévouement ! quelle
sainteté ! Là, mes
frères, nous avons vu de nos yeux cet
être formé « selon Dieu en
justice et en sainteté
véritable, » dont nous parle
l'apôtre.
Maintenant, voyez comment se développent
dans la pensée de l'apôtre
inspiré et dans l'apparition du Fils de Dieu
sur la terre, l'image de Dieu en l'homme. - Nous
aussi nous plaçons quelques traits de cette
image dans l'intelligence. Non pas sans
doute l'intelligence qui a besoin d'être
« renouvelée en
connaissance » parce qu'elle a
oublié les choses qui sont en haut et
désappris le nom de son Père
céleste ; mais bien l'intelligence
lumineuse et simple du premier homme
créé à l'image de Dieu,
intelligence spirituelle, reflet de la
suprême Intelligence, capable de
s'élever à Dieu, cherchant Dieu,
l'adorant dans ses oeuvres et dans ses perfections
morales ; intelligence sans erreurs et sans
ténèbres, possédant la pleine
connaissance de l'auteur de son être et tous
les moyens d'y faire toujours, par
l'expérience, des progrès nouveaux.
Or connaître Dieu c'est la vie
éternelle, c'est la perfection de
l'intelligence, c'est l'image de
Dieu.
- Tel est le premier trait de l'image divine, trait
qui faisait la grandeur et la gloire du premier
homme, de cette créature de
prédilection dont les intelligences
célestes mêmes sont les ministres
envoyés pour la servir et la ramener au
salut. Tel est celui dont le chantre de Sion a
célébré sur sa harpe la
dignité et la grandeur : « Tu
l'as fait peu inférieur aux anges ; tu
l'as couronné de gloire et d'honneur, tu
l'as établi dominateur sur toutes les
oeuvres de tes mains
(Ps. 8, 7-9, comparé avec
Gen. 1, 26.). »
Cependant nous ne prétendons point faire de
l'homme créé à l'image de
Dieu, malgré la supériorité de
son intelligence, un savant, dans le sens qu'on
donne ordinairement à ce mot, ni un
philosophe, ni un métaphysicien. Ce
n'était pas par la voie du syllogisme qu'il
arrivait à la connaissance des choses ;
il n'en avait pas besoin. La
supériorité même de son
intelligence consistait peut-être, surtout
dans sa simplicité, dans son ignorance de ce
qui est faux, dans son inexpérience de ce
qui est mal, dans cette ingénuité
pratique qui fait le charme du caractère
naïf de l'enfant, caractère que
Jésus nous ordonne d'acquérir de
nouveau. Toujours disposé à
apprendre, ne présumant point de
lui-même, accablant ceux qui l'entourent de
questions, écoutant leurs réponses
avec une entière confiance,
tel est l'enfant dans les bras de son père,
tel était Adam devant son Dieu qui
condescendait à l'instruire et dont la
parole n'était jamais révoquée
en doute. L'Écriture nous confirme dans la
pensée que c'était là en effet
un trait admirable de l'image de Dieu, quand elle
nous apprend que « Dieu a
créé l'homme droit, mais que (plus
tard hélas !) ils ont cherché
beaucoup de raisonnements
(Ecclés. 7,
29.). »
L'apôtre Paul nous confirme aussi dans cette
opinion quand, dans sa tendre sollicitude pour les
chrétiens de Corinthe exposés aux
sophismes d'une fausse philosophie, il leur
écrit, faisant une allusion évidente
à la séduction du premier
homme : « Je crains que, comme le
serpent séduisit Eve par sa ruse, vos
pensées aussi ne se corrompent en se
détournant de la simplicité
qui est en Christ
(2 Cor. 11, 3.). » -
Jésus-Christ nous y confirme enfin, quand,
nous montrant dans cette simplicité humble
et noble, dans cette candeur enfantine pleine
d'ouverture et d'abandon, un trait
caractéristique des enfants de son royaume,
il fait entendre à ses disciples, alors
présomptueux, cette déclaration
solennelle : « En
vérité je vous dis que si vous
n'êtes changés, et si vous ne devenez
comme de petits enfants, vous n'entrerez point dans
le royaume des cieux
(Math. 18, 2.). »
Ce trait de caractère nous conduit à
un autre qui en est
inséparable. Cette simplicité dans
l'esprit la suppose ou la produit dans le coeur.
Quand on est sans détour dans la
pensée, on est sans détour dans ses
actions. - Aussi lorsque la Bible nous dit que
« Dieu créa l'homme
droit », elle emploie un mot qui
désigne, dans la langue originale, la
rectitude, par exemple, d'un chemin, d'une ligne
droite, et, être droit, c'est suivre sans
dévier ce chemin, cette ligne.
Or l'homme créé à l'image de
Dieu suivait sans effort, comme par instinct, ce
sentier de la droiture. Ce trait si beau et si
noble doit se reproduire dans l'homme nouveau, qui,
d'après l'apôtre, est
« créé selon Dieu en
justice » c'est-à-dire en
droiture d'esprit et de coeur. - II est même
digne d'attention que les Juifs entendaient ainsi,
quoique privés des révélations
du Nouveau-Testament, l'état primitif de
l'homme, et plaçaient surtout dans le trait
que nous venons de décrire l'image de Dieu
en l'homme. On lit au livre de la Sapience,
attribué à Salomon, ces paroles
remarquables : « Dieu a
créé l'homme pour être
incorruptible, et il l'a fait être une
image de sa propre ressemblance
(1). »
Enfin, mes frères, ne l'oublions pas (et
cette idée, renferme tout ce qu'il nous
reste à dire sur l'image de Dieu en
l'homme), cet être
« créé selon Dieu en
justice et en sainteté
véritable » portait
en lui un coeur capable d'aimer.
Et quel est le trait de ses augustes perfections
que Dieu dut prendre le plus de plaisir à
graver dans sa créature, si ce n'est son
amour? Dieu n'est-il pas amour ? et ne
saura-t-il pas aimer celui qui porte, empreinte
dans tout son être, l'image du Dieu qui place
sa gloire à être aimé ?
Ah ! ce qui distingue à mes yeux le
caractère des intelligences pures dont Dieu
s'entoure dans les cieux, ce qui me rend leur
état digne d'envie plus encore que la gloire
dont elles brillent, c'est l'amour pur qui les
anime et qui est l'élément de leur
félicité.
Et l'homme, mes frères, et le roi de cette
création terrestre où Dieu a
déposé tant de marques de son amour,
n'aurait-il pas participé en quelque
degré à ce trait de la nature divine
que Dieu aime à déposer dans le coeur
de ses créatures.
- Oui, des affections vives, profondes, puissantes,
remplissaient le coeur du premier homme, puisque
aujourd'hui encore ces affections exercent une si
grande influence sur nous et sont, souvent à
notre insu, le vrai mobile de nos actions. Mais ces
affections étaient en Adam, pures comme tout
son être, elles participaient de la
« sainteté
véritable » qui constitue l'image
de Dieu. Il aimait tout ce qui l'entourait, sans
doute ; il aimait la compagne que Dieu lui
avait donnée, il se plaisait dans
l'admiration et dans la jouissance de tous les dons
qui faisaient la richesse et l'ornement de sa
demeure et le charme de sa vie. - Mais jamais
encore il n'avait pensé à faire de
ces choses une idole. Tout, dans ses
affections, remontait à sa
source. Dieu, Dieu l'Auteur de son être, son
Bienfaiteur, son Père était l'objet
prédominant de son amour, celui auquel se
rapportaient tousses sentiments comme tout son
culte. Pour l'homme innocent encore, aimer son Dieu
c'était la vie.
Mais l'amour est un principe tout puissant
d'activité, de dévouement,
d'énergie. Ce devait être dans le
premier homme le mobile de son dévouement
à son Dieu, le lien mystérieux de son
intime communion avec lui, le sûr garant de
son obéissance filiale, le charme ineffable
qui lui faisait trouver dans cette
obéissance même tout son bonheur. Il
est si doux le dévouement pour ce qu'on
aime !
Ah ! elle était inconnue en Éden
cette obéissance servile qui nous fait
trembler devant la loi, parce que le commandement
partit avec la foudre des hauteurs fumantes de
Sinaï. - Elle était inconnue cette
obéissance tardive, incomplète qui
coûte tant à nos coeurs
égoïstes et courbés vers la
terre ; elle était inconnue, parce que
là régnait ce même amour qui
fait trouver au séraphin son bonheur
à voler au-devant des volontés de
Celui qui répand sur lui par torrents la vie
et la félicité.
Ainsi, mes frères, l'intelligence de
l'homme, toujours éclairée de la
volonté du Dieu qui parlait à sa
créature comme l'ami parle à son ami,
le coeur de l'homme, aimant par-dessus tout
cette volonté souveraine,
lui faisaient trouver dans une parfaite soumission
la liberté, dans une prompte
obéissance, le bonheur. En sorte qu'en lui
pensée, affection, volonté, tout
s'unissait en une sainte harmonie à
la gloire de Celui qui l'avait créé
en justice et en sainteté
véritable. »
- Harmonie dans toutes les parties de son
être où étaient inconnus, et
les combats intérieurs des passions, et les
révoltes secrètes du coeur et les
souffrances du remords, et l'amertume du
péché.
- Harmonie avec son Dieu dont la volonté
était sa volonté, dont l'amour
était son amour, dont la communion faisait
son culte et sa vie.
- Harmonie avec le monde extérieur où
la terre, bénie de Dieu,
fécondée du souffle de
l'Éternel, offrait à l'homme ses
trésors précieux, sans que de rudes
travaux les dussent arracher avec peine du milieu
des épines et des ronces, - où des
milliers d'êtres vivants servaient l'homme
pour qui ils avaient été
créés, et qui les aimait à son
tour comme l'ouvrage de son Père
céleste, - où tout enfin s'unissait
pour faire monter vers le trône de
l'Éternel un hymne de louanges et d'actions
de grâces.
- Harmonie même dans les facultés
physiques de l'homme, où les maladies et la
mort n'avaient point encore apporté leurs
ravages et leur cortège de douleurs et
d'agonie.
- Harmonie enfin entre l'état de l'homme,
ses nobles facultés et la destination que
Dieu lui avait assignée, celle de contribuer
à sa gloire et d'être heureux
lui-même.
« Vis, glorifie-moi et sois
heureux, » lui avait
dit le Créateur en lui
donnant l'être ; et l'homme vivait,
glorifiait son Dieu et était heureux,
heureux du bonheur de l'innocence et de la
sainteté, heureux de ce sentiment si doux de
l'existence dont rien encore n'avait troublé
le charme, heureux de la faveur et de la communion
de son Dieu, heureux du bonheur que Dieu
donne !
Mes frères, je m'arrête. Arrivé
à ce point de notre méditation nous
avons senti nos yeux se mouiller de larmes, la
tristesse a rempli notre coeur. Il nous semblait
qu'il nous fallait une seconde fois quitter
Éden, où nos pensées
s'étaient délicieusement
arrêtées, et jeter nos regards sur une
terre que l'Éternel a maudite. O saintes
jouissances du premier homme ! vie de
l'innocence et du bonheur ! sainteté
véritable ! image de mon
Dieu ! où êtes-vous ?
Où mon âme altérée de
sanctification et de bonheur s'envolera-t-elle pour
vous retrouver ? O homme ! où est
la gloire dont l'Éternel avait orné
ton front ?
Ah ! mes frères, pour peu que nos
pensées et nos affections ne soient pas
entièrement courbées vers la terre,
pour peu qu'il reste à notre coeur un noble
soupir à exhaler vers notre première
patrie du sein de cet exil où nous vivons,
comment ne trouverions-nous pas à chaque
instant mille tristes raisons de déplorer
les malheurs des enfants d'Adam, avec plus
d'amertume et plus de larmes que
le prophète de la captivité n'en
répandit jamais sur les ruines de sa patrie
et de son peuple ! Quelle comparaison à
établir entre le roi de la création
primitive et l'homme actuel, entre Éden et
cette « vallée de
larmes ! »
J'ai parlé de l'intelligence du
premier homme, intelligence lumineuse et simple,
toujours éclairée de la
volonté de son Dieu, toujours remplie de la
pensée de son Créateur, noble reflet
des perfections divines, gloire et ornement de la
créature ; - et je ne vois plus chez
l'homme du monde (car remarquez bien que j'excepte
ici tout ce que Dieu a fait pour reproduire son
image dans le coeur de ses enfants), je ne vois
plus « qu'une intelligence obscurcie de
ténèbres », des hommes
« éloignés de la vie
de Dieu à cause de l'ignorance qui est en
eux par l'endurcissement de leur coeur
(Éphés. 4,
18.) » ; je ne vois plus qu'un
être encore intellectuel, il est vrai, mais
« destitué d'intelligence
(Rom. 1, 21.) » quant aux
choses qui concernent son éternité,
mais dominé par les sens, les passions et la
matière, mais
« préférant les
ténèbres à la lumière,
parce que ses oeuvres sont mauvaises
(Jean 3, 19) » ; je ne
vois plus, partout où Dieu, dans sa grande
miséricorde, n'a point fait briller une
lumière surnaturelle, que les
ténèbres d'une dégradante
idolâtrie. L'ornement et la beauté de
l'homme est devenue son ignominie.
J'ai parlé de cette simplicité
noble et pure qui rendait l'homme
attentif et soumis à la
voix de son Dieu ; - et je ne vois plus que
des êtres « devenus vains dans
leurs discours
(Rom. 1, 21.) », remplis de
pensées d'orgueil, de systèmes
d'erreur qui s'entre-détruisent, d'une
incrédulité prétentieuse qui
rend l'homme rebelle à la voix de son Dieu
là même où il ne peut pas ne
pas l'entendre. - J'ai parlé de la
droiture, de cette justice pratique qui
devait être aussi naturelle à l'homme
que la vie même ; - et je ne vois plus
dans l'histoire de l'humanité qu'injustice,
que violences, qu'iniquités, depuis le
conquérant superbe qui triomphe de ses
rapines et des ravages qu'il a portés chez
ses voisins, et le riche puissant qui foule la
veuve et l'orphelin et se gorge de leurs
dépouilles, jusqu'à l'homme obscur
qui, par l'envie, la médisance, la fraude,
cherche à se venger de ceux qui l'oppriment,
et fait peser la même tyrannie sur ceux qui
dépendent de lui.
J'ai parlé d'affections nobles et
pures, dont Dieu était l'objet, d'un amour
qui était pour l'homme la source de
l'obéissance, du bonheur et de la
sainteté véritable ; - et
je ne vois plus, dans un monde « ennemi
de Dieu », que des affections impures,
détournées de leur destination et qui
se font une idole de tout ce à quoi elles
s'attachent ; des affections qui ont
intronisé dans le coeur de l'homme
l'égoïsme et l'orgueil, et qui
deviennent le plus souvent des passions
impétueuses qui se plaisent à
souiller leur objet.
Hélas ! ces affections qui bouillonnent
encore dans le coeur de l'homme, au lieu
d'être, comme dans l'atmosphère
d'Éden, un principe puissant
d'obéissance, de dévouement, de
sainteté, ne sont-elles pas devenues un
mobile de révolte contre Dieu, d'oubli de
son nom et de sa gloire, de mépris de sa
volonté, et la source de souillures qu'on
n'oserait pas même nommer ? Nobles
affections ! doux besoin d'aimer ! don
précieux de mon Dieu, oh ! pourquoi
êtes-vous souvent, même dans le coeur
de ceux qui ont appris à connaître le
Dieu de sainteté et qui s'efforcent de
recouvrer son image, un piège dangereux, un
subtil ennemi qui transforme en idole ce que Dieu
permettait d'aimer, et qui sème la
malédiction et l'amertume
« là où l'Éternel
avait ordonné la bénédiction
et la vie à toujours ! »
J'ai parlé d'harmonie, d'harmonie de
l'homme avec lui-même ; - et je ne vois
plus que déchirements, que lutte de mille
passions diverses, de mille intérêts
différents, qui se disputent son coeur et en
font une malheureuse victime de leur tyrannie,
tellement que ceux-là même qui
soupirent après la délivrance et la
sainteté, se trouvent engagés dans un
combat qui ne finit qu'avec leur vie. -
J'ai parlé d'harmonie de l'homme avec son
Dieu ; - et je ne vois plus
qu'éloignement, qu'inimitié,
qu'orgueil téméraire ou que crainte
servile ; - d'harmonie de l'homme avec le
monde extérieur ; - et je ne vois plus
dans le roi de la création qu'un être
faible, gagnant à la sueur de son front un
pain chétif qui lui est
souvent disputé, et que plus souvent encore
il arrose de ses larmes ; - d'harmonie dans le
corps même de l'homme qui était
revêtu de force, de vie et de
beauté ; - et je ne vois plus qu'un
corps débile dont les organes affaiblis
renferment les germes de mille maladies, de mille
langueurs, tristes précurseurs de la
dissolution ; - d'harmonie enfin entre
l'état de l'homme, les dons qu'il avait
reçus et la destination éternelle que
Dieu lui avait assignée ; - et je ne
vois plus qu'un être qui, ayant manqué
le but de son existence, vit comme si toutes ses
espérances et toute sa destinée
devait se borner, en-deçà de la
tombe, dans le temps et la matière, oubliant
et déshonorant le Dieu qu'il devait
glorifier.
J'ai parlé de bonheur !... Où
faut-il le chercher ? Soyez nos
témoins, ô vous qui nous
écoutez ! L'avez-vous trouvé ce
bonheur, objet de vos ardentes poursuites ?
Hélas ! on ne voit de toutes parts
qu'angoisses, que souffrances, que
désenchantements, que misères ;
on n'entend de toutes parts que la plainte de
l'affligé, le cri de la douleur, les accents
du désespoir. - Y a-t-il sur la terre un
coin privilégié qui n'ait
été arrosé des larmes ou du
sang d'une race infortunée ?
Où donc, ô mon Dieu ! où
chercherons-nous ton image effacée de dessus
notre front confondu ? A-t-elle disparu pour
toujours de la demeure de l'homme avec l'innocence
et le bonheur
d'Éden ?
- Que dis-je, mes frères ? - Elle a
reparu parmi nous dans toute sa beauté,
cette image divine ; elle a rayonné
glorieuse dans Celui qui « était
au commencement avec Dieu, qui était Dieu,
qui a habité parmi nous et dont nous avons
contemplé la gloire, une gloire comme la
gloire du Fils unique du Père, plein de
grâce et de vérité
(Jean 1, 1-2.
14.) ». - Mais, ô
douleur profonde ! Celui qui seul a reproduit
sur cette terre l'image de Dieu dans toute sa
beauté, afin que ceux qui soupiraient de
leur misère pussent, en marchant à sa
suite, concevoir de nouveau la sainte ambition de
recouvrer cette image, a été
méconnu, méprisé,
rejeté des hommes, et l'est encore, du moins
pour le grand nombre, tant ils ont désappris
leur origine, tant il est vrai que « le
dieu de ce siècle a aveuglé leur
intelligence, afin que la lumière du
glorieux Évangile de Christ, qui est
L'image de Dieu, ne leur resplendît
point !
(2 Cor. 4, 4) »
0 homme ! ô fils d'Adam ! ô
chef-d'oeuvre de la création !
avoue-le, ne le nie plus ! Tu as perdu l'image
de ton Dieu ; tu n'en as plus que les ruines
sans ordre et sans beauté ; tu es
tombé, tombé dans un
abîme ! « Comment est-il
arrivé que la ville sainte est gisante,
solitaire, et que celle qui était reine sur
les provinces en est l'esclave ? Les chemins
de Sion mènent deuil ; toutes ses
portes sont désolées ; ses
vierges sont en langueur et
l'amertume est en elle. Comment
est-il arrivé que le Seigneur a couvert de
sa colère la fille de Sion comme d'une
nuée tout à l'entour, et qu'il a
jeté des cieux en terre l'ornement
d'Israël ? Comment l'or pur est-il devenu
obscur et le fin or s'est-il changé ?
Comment les pierres du sanctuaire sont-elles
semées au coin des
rues ?... »
Qu'ils s'exhalent de notre coeur, ces soupirs des
prophètes ! Qu'elles soient sur nos
lèvres, ces importantes questions ! Que
s'est-il donc passé entre le point
d'où nous sommes partis et celui où
nous voici parvenus ? Quelle catastrophe
épouvantable a renversé de son
trône le roi de la création et
effacé de notre âme l'image du
Créateur ? Qu'est-ce qui a fait de
l'homme, dont le coeur possédait en plein
« la justice et la sainteté
véritable », un pauvre
pécheur souillé ? Ou, pour
répéter la question qui est la base
de toutes les philosophies et qui en fait toujours
le désespoir, quelle est l'origine du mal
dans le monde ?
Telle est, mes frères, la question que nous
osons aborder. Mais ne craignez pas que nous
voulions, à ce sujet, diriger vos regards
sur les ténébreuses profondeurs de la
métaphysique où tant de
systèmes sont allés mourir inutiles.
Non, tout ce que nous pouvons connaître, tout
ce qu'il nous est utile de savoir sur cette grave
question, nous est communiqué par quelques
versets du Livre de
l'éternelle
vérité. Le troisième chapitre
de la Genèse nous fournit, dans un
langage à la portée d'un enfant,
toutes les lumières que nous chercherions en
vain dans les divers systèmes de
philosophie. - Nous avons cru qu'il pourrait nous
être utile à tous de méditer
ensemble cette partie importante et trop
ignorée de la Parole de Dieu. Nous vous
supplions de vous rendre attentifs aux grandes et
sérieuses vérités qui nous y
sont dévoilées et d'implorer avec
nous la bénédiction de Dieu sur ce
dessein.
i
Mes frères, quelques pensées encore
d'entre celles qui se pressent en foule
après un tel sujet, et j'ai fini.
Concevez-vous un être qui sait qu'il est
déchu de sa première origine, ou un
roi dépossédé de ses
prérogatives, ou un être tombé
dans le crime, prêt à être
frappé du glaive de la justice, ou un
infortuné perdu dans un abîme de
misère et de malheur, et qui puisse, avec
cette conviction, vivre dans une stupide
indifférence sur son état ?
Cet être déchu, ce roi
dépossédé, ce coupable, cet
infortuné c'est vous, vous tous qui, avec la
conviction des vérités que nous
venons d'établir, vivez sur cette terre,
oublieux de vos destinées éternelles,
loin d'un Dieu offensé dont la justice va
frapper les coupables, insouciants des
péchés par lesquels vous semblez
avoir pris plaisir d'effacer jusqu'aux
dernières traces de l'image de Dieu en vous,
insouciants même, pour comble de folie et
de déraison, sur la cause
des malheurs et des misères qui remplissent
votre vie d'amertume, insouciants enfin de la
malédiction et des souffrances que le
péché va répandre par torrents
sur votre éternité.
- O mes frères ! y aurait-il parmi
vous, dans cette assemblée, des êtres
qui, « se disant être
sages », soient à ce point devenus
fous ? Nous vous conjurons, par les
compassions de Dieu et par vos plus chers
intérêts, de bannir de votre esprit
cette déplorable folie, de déchirer
le voile fatal des illusions qui vous aveuglent. -
Eh quoi ! tandis que Dieu a eu pitié de
vous quand il ne vous devait plus qu'un
éternel abandon et le juste châtiment
d'une créature rebelle qui a troublé
l'ordre de la création et manqué le
but de son être ; tandis qu'il est venu
lui-même vous éclairer dans vos
ténèbres, vous sauver dans le
naufrage de toute votre race et mettre en vos mains
tous les moyens de recouvrer sa glorieuse image, -
vous vous obstineriez à rester dans la ruine
et le malheur ? - Vous ne retrouveriez pas
dans votre coeur un seul soupir qui
s'élève vers votre première
patrie, vers les glorieuses prérogatives de
votre naissance ?
Mon Dieu ! pouvons-nous, devant de tels
êtres, te bénir, faire éclater
nos chants d'actions de grâces pour tout ce
que tu as fait pour notre délivrance ?
Comment célébrer ton amour ? -
Ton amour qu'ils méprisent est pire pour eux
que tes plus terribles menaces. Comment nous
réjouir en tes miséricordes ? -
Ce sont ces miséricordes qui aggravent leur
condamnation.
Mais non, non, je m'assure qu'aucun de vous,
ô mes bien-aimés frères, ne
veut faire un pas de plus dans la voie du
péché et de la folie. - O Venez, vous
qui jusqu'ici avez oublié vos glorieuses
destinées pour vivre dans l'oubli de
Dieu ; venez, vous chrétiens qui aimez
Celui qui a réparé les ravages du
péché ; venez, et tous ensemble
bénissons notre Dieu de ce que son image
n'est pas perdue pour nous sans retour !
Bénissons-le, car il nous a donné
pour sauveur, pour frère, pour ami Celui qui
a fait briller à nos yeux les traits de son
image et qui vous en rendra participants !
Bénissons-le, car il veut nous remettre en
possession de notre héritage !
O bonheur ! ô miséricorde de mon
Dieu ! nous sommes bannis d'Eden, il est
vrai ; l'épée flamboyante de la
justice éternelle en défend
l'entrée ; - mais voici, nous pouvons
fuir en Golgotha, sûrs d'y être
reçus avec amour par un Sauveur plein de
compassion. Ses bras nous sont ouverts ; son
coeur ne demande qu'à nous sauver.
- Nous nous réfugions vers toi, ô mon
Sauveur ! et nous te supplions de ne mettre
aucun terme à tes grâces
jusqu'à ce que nous revoyons en nous tous
les traits de ton image, « la justice et
la sainteté véritable ».
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