Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



L'HOMME BANNI D'EDEN



PRÉFACE.

Si Calvin, le plus profond et le plus lucide commentateur de la Réformation, n'aborde le troisième chapitre de la Genèse qu'avec une sorte de crainte et en avouant « qu'ici s'élèvent en foule les questions les plus ardues », il pourra paraître présomptueux de ma part de l'avoir choisi pour sujet de ces Méditations. Cependant, profondément convaincu de la haute importance de cette portion de nos Saints-Livres, c'est précisément parce qu'elle est difficile que j'ai essayé d'en tirer, pour les chrétiens studieux, quelques-unes des leçons qu'elle est destinée à nous donner.
Frappé du peu d'usage que l'on fait d'ordinaire d'un chapitre qui dévoile en quelques ligues tous les mystères de l'état actuel de l'homme, l'origine du mal, la base et la condition de toutes les révélations divines, la clef de la rédemption, j'ai conclu que la cause de l'espèce d'oubli où reste cette partie de l'histoire biblique vient des difficultés qu'y rencontrent des lecteurs qui, bien que désireux de connaître tout le conseil de Dieu révélé dans sa Parole, n'ont ni le temps, ni les secours nécessaires pour faire les investigations que demande cet antique document de nos humaines misères.
En effet, tandis qu'on a, en anglais, une foule de commentaires populaires qui peuvent être consultés à ce sujet ; qu'en allemand on possède toutes les recherches de la science exégétique et des ouvrages pratiques, tels que celui du pieux et savant docteur Graeber, il n'y a, à ma connaissance, aucun ouvrage français qui puisse offrir, sur la chute de l'homme telle que la rapporte Moïse, quelques lumières et quelque édification. Sur cette base, comme sur tant d'autres dans le domaine des études bibliques, se présente tout un édifice à élever. Or j'ai voulu apporter à la construction de cet édifice ma pierre, quelque petite et obscure que doive être la place qui lui sera assignée ; j'ai voulu montrer une mine et inviter mes frères à y puiser. Voilà tout le but de celte publication.


Il eût été facile de choisir un sujet qui prêtât beaucoup plus à l'intérêt du coeur et aux mouvements de l'éloquence ; mais mon but n'était pas de publier des discours de circonstances. J'offre au public religieux ces Méditations, à quelques corrections près, telles que je les ai présentées à l'Église où je suis appelé à expliquer la Parole de Dieu, car tel est ce me semble tout le but de la prédication. Oeuvre de prière en les préparant, en les prêchant, en les publiant, j'en abandonne maintenant le résultat à Celui sans la bénédiction de qui tout, même les oeuvres religieuses, reste stérile et mort.

Ceux qui, en lisant ces pages, ne partageraient pas les opinions qui y sont exprimées sont priés de suspendre leur jugement définitif jusqu'à ce qu'ils aient lu les développements que je place à la fin du volume, et qui, en plus d'un cas, serviront de pièces justificatives, en présentant des preuves qui ne pouvaient pas entrer dans les méditations. Afin de rendre ces développements exégétiques accessibles à tous les lecteurs, on a renvoyé, dans des notes, les remarques philosophiques et les citations en langues étrangères, ou du moins lorsque cela n'était pas possible ; on a donné en parenthèse la traduction des mots du texte original qu'il était nécessaire de citer.

Londres, juin 1834


MÉDITATION I.

L'IMAGE DE DIEU.

« Puis Dieu dit : Faisons l'homme à notre image, selon notre ressemblance. » Gen I. 26.

Il est, chez presque tous les peuples de la terre, une tradition dont les poètes se sont emparés pour offrir à l'imagination humaine, fatiguée des maux de la vie, les images pleines de douceur et de charme d'un âge où régnait avec l'innocence le plus parfait bonheur. Les hommes, nous disent-ils, libres alors de leurs passions et de toutes entraves, ignorant les arts de la guerre, vivaient en paix, sans lois et sans juges, heureux au sein d'un printemps éternel, et jouissant des riches dons que leur prodiguait la terre sans culture et sans travaux.

- Hélas ! il est bien naturel à des âmes pensantes, à des imaginations accablées de tant de maux qui dévorent l'humanité, à des hommes qui ignorent le mot de leur existence, qui ont désappris leur origine et leurs destinées, de s'élancer ainsi dans un monde idéal, afin d'échapper, ne fût-ce qu'un instant, à une déchirante réalité !
Mais cette idée, la fable d'un âge d'or, n'aurait-elle d'existence que dans l'imagination des poètes ou dans quelques âmes altérées d'un bonheur qu'elles considèrent comme perdu sans retour ? Et cette question intéressante trouverait-elle quelque solution dans le livre qui seul renferme la clef de l'histoire de l'homme, de son origine, de ses destinées ?

Oui, mes bien-aimés frères, la Bible a aussi son âge d'or ; et ici ce n'est point une fable, c'est une réalité. Ici nous assistons en quelque sorte au conseil de Celui qui « créa au commencement les cieux et la terre » ; nous sommes témoins du merveilleux spectacle d'un univers qui jaillit du néant à la voix de Jéhova. Dieu a dit : « Que la lumière soit ! » et la lumière est. La terre, fécondée par le souffle de l'Éternel, se recouvre de verdure ; le Liban balance ses cèdres orgueilleux, et le brin d'herbe nuance de mille couleurs le fond de la vallée. Mille fleurs étalent dans les campagnes d'Éden l'éclat de leurs couleurs et y répandent le baume de leur parfum ; mille fruits délicieux sont prêts pour la nourriture de l'homme qui va naître, et celle des êtres qui déjà ont reçu l'existence. L'oiseau de l'air chante, heureux d'exister, la louange de Celui qui l'a formé ; les bêtes des champs attendent leur dominateur, dans lequel elles n'ont point encore appris à voir un ennemi. Le grand abîme a reçu dans son sein les eaux bruyantes, auxquelles l'Éternel a marqué la place où viendront mourir leurs vagues menaçantes. Des êtres innombrables répandent, même au sein des vastes mers, le mouvement et la vie. De radieux luminaires, suspendus à un firmament étincelant d'étoiles, promettent à la terre, avec leur lumière, la chaleur et la fécondité.
Le temple majestueux est achevé ; il n'y manque plus que l'être par excellence qui doit en être comme la divinité, à qui évidemment tout se rapporte et qui doit à son tour rapporter tout à la gloire éternelle de son Créateur. - Ici l'historien des mondes change de ton ; il ne se contente plus de nous montrer une dernière créature paraissant à l'existence à la voix de l'Éternel. Il s'arrête ; il contemple le Créateur au moment de donner l'être au roi de la création, entrant avec lui-même dans un conseil solennel. - puis Dieu dit : « Faisons l'homme a notre image, selon notre ressemblance, et qu'il domine sur les poissons de la mer, et sur les oiseaux des cieux, et sur le bétail, et sur toute la terre et sur tout reptile qui rampe sur la terre. » - Il a dit, et la chose a eu son être ; il a commandé et elle a comparu. - Voilà l'homme entouré des délices d'Éden où tout respire la vie et le bonheur, l'homme dominateur de la terre, l'homme enrichi de toutes les beautés et de toutes les perfections de l'image de Dieu, l'homme avec la compagne que Dieu lui a donnée afin qu'ils admirent ensemble les merveilles de la création, qu'ils bénissent d'un même coeur et d'une même bouche la bonté de leur Dieu, et qu'ils fassent retentir en Éden le chant de sa gloire et de ses louanges.

Arrêtons-nous maintenant quelques instants devant cette créature de Dieu formée à son image. Examinons en quoi consistait cette image ; et si, en jetant ensuite un regard sur l'homme actuel et sur la société, nous sommes frappés d'une effrayante différence, et si nous sentons un soupir de douleur et de regret s'échapper de notre coeur, ne reculons point devant la pénible tâche de remonter à l'origine de nos maux et de sonder la plaie de notre nature.

O mon Dieu ! éclaire-nous toi-même sur notre origine ! Rends présent à notre coeur le radieux tableau de ton image qui brillait en l'homme sorti de ta main créatrice. - Et puisque ta miséricorde infinie n'a pas laissé le mal sans remède ni la ruine sans espoir, ah ! enflamme en nos coeurs un saint désir de recouvrer ton image !
Que peut être l'image de Dieu dans un être fini ? Voilà la question dont nous avons à nous occuper aujourd'hui.

À cette question quelques-uns répondent que l'image de Dieu existait dans la supériorité des facultés physiques de l'homme, dans l'admirable conformation de son corps. - Cette réponse est indigne de notre texte et de Dieu. Dieu est-il un être matériel ? Dieu a-t-il un corps à l'image duquel il pût créer l'homme
- D'autres, à l'ouïe de notre question, répondent que l'image de Dieu dans l'homme consistait en la domination qu'il lui avait donnée sur tous les êtres créés. - Mais serait-ce là toute l'image de Dieu ?
Dans ce cas l'homme ne l'aurait point perdue, puisqu'il domine encore sur les êtres qui remplissent la création, avec cette différence peut-être qu'il leur fait cruellement sentir son empire tyrannique ; et si cette image divine n'était pas effacée en lui, pourquoi serions-nous exhortés à la recouvrer, comme nous le verrons tout à l'heure ?
- D'autres encore répondent à notre question que l'image de Dieu consistait dans l'intelligence dont l'homme est doué et qui le distingue si éminemment de toutes les autres créatures. - Cette réponse est moins éloignée de la vérité, mais elle est incomplète. Certes, nous sommes prêts à assigner à l'intelligence un rang distingué dans les nobles dons qui constituaient en l'homme l'image de Dieu. Mais serait-ce là tout ce qui rendait l'homme semblable à son Créateur ?
Hélas ! ne voyons-nous pas dans la société des êtres d'une intelligence transcendante être, pour tout le reste, complètement éloignés de la ressemblance de Dieu ? Les plus grands criminels qui aient fait la honte de l'humanité n'ont-ils pas fort souvent été très distingués par les dons de l'intelligence ? Que dis-je ? les démons mêmes ne sont-ils pas des êtres intelligents et spirituels ?

Laissons l'Écriture s'expliquer par l'Écriture. - Et d'abord nous retrouvons, au cinquième chapitre de la Genèse, les deux mots image et ressemblance employés d'une manière propre à nous faire comprendre le sens de ces mots dans notre texte.
Là il est dit « qu'Adam engendra un fils à sa ressemblance et selon son image, et il l'appela Seth. » Or, n'est-il pas évident que ces mots confèrent à Seth toutes les qualités physiques, intellectuelles et morales qu'avait son père ? Et peut-on restreindre, dans notre texte, le sens de ces mots à je ne sais quelles supériorités de l'homme, sans faire violence à la grammaire même ? - Nous pensons donc être autorisés à étendre ces mots à tout ce qui constitue le caractère même de Dieu, avec toutes les restrictions qu'exigé la nature finie de l'homme. L'homme ressemblait à son Créateur quant à ses qualités intellectuelles et morales. Sans doute qu'il est en Dieu des perfections incommunicables et qui tiennent à son éternelle essence ; et c'est même pour avoir voulu s'arroger ces augustes perfections que l'homme a eu le malheur de creuser sous ses pas un abîme. Mais il est aussi en Dieu dos perfections morales qu'il communique à ses créatures douées d'une intelligence pour comprendre et d'un coeur pour aimer. Dans ce sens l'homme était un reflet faible sans doute, fini sans doute, de la divinité même. Et la simple raison, le simple respect pour les perfections de Dieu et pour la nature de ses oeuvres, peuvent-ils nous permettre d'attendre rien que de parfait de sa main créatrice ? Qui, en voyant une grotesque imitation d'une des vierges de Raphaël, pensa jamais à l'attribuer au pinceau de ce grand maître ? Nous pouvons nous tromper, nous pouvons exagérer peut-être en recherchant en quoi consistait l'image de Dieu en l'homme ; mais cette erreur, si c'en est une, serait digne de Dieu ; tandis que prétendre que Celui qui a imprimé le sceau de ses perfections adorables sur tout ce qu'il crée pour sa gloire et pour la félicité, ait laissé échapper de sa main un être moral pécheur et souillé, infirme et malheureux tel que l'homme actuel, nous paraît approcher du blasphème !

Mais les révélations divines, qui se complètent et s'éclaircissent mutuellement, ne nous ont pas laissés, sur ce point, à des conjectures. Si l'historien inspiré, qui nous a dévoilé l'origine des choses créées, ne nous a pas dit expressément en quoi consistait l'image de Dieu dans le premier homme, la Bible nous exhorte ailleurs à recouvrer cette image ; et, afin que nous ne puissions pas rester à cet égard dans l'ignorance, elle nous la décrit très exactement. Si vous ouvrez la lettre de Paul aux Colossiens (chap. 3, 9, 10), vous y trouverez ces paroles remarquables : « Ayant dépouillé le vieil homme avec ses actions, revêtez-vous du nouvel homme renouvelé en connaissance Selon L'image de Celui qui l'a créé. »
Nous faisons sur ces paroles deux remarques et deux questions auxquelles l'apôtre a répondu d'avance. Et d'abord : II y a en nous quelque chose que Dieu n'y avait pas mis en créant l'homme, puisque nous sommes ici exhortés à nous en dépouiller.
Et qu'est-ce ? C'est ce que l'apôtre appelle « le vieil homme », expression métaphorique qu'il définit lui-même dans un passage parallèle à celui que je viens de citer et où il s'exprime ainsi (Ephès. 4, 22) : « Que vous dépouilliez le vieil homme, concernant votre conduite précédente (avant votre conversion), lequel se corrompt par les convoitises de séduction, et que vous soyez renouvelés dans l'esprit de votre entendement. »

Serait-ce donc l'intelligence seule qui constitue en nous l'image de Dieu ? Eh bien ! cette intelligence même doit être « renouvelée », changée. Sommes-nous donc ce que nous avons été ?- Évidemment non. - Voici notre seconde remarque, puis notre seconde question sur cet important passage. Il résulte de cette exhortation de l'apôtre qu'il nous faut acquérir quelque chose que nous n'avons plus. Et quoi ? Le nouvel homme, renouvelé Selon L'image De Celui Qui L'a CRÉÉ. - Nous voici arrivés a l'idée et à l'expression même de Moïse dans notre texte, ce qui est d'autant plus évident, si l'on se souvient que l'apôtre se sert de la version grecque des Septante, où il copie littéralement l'expression de notre texte telle qu'elle y est rendue. - Ainsi l'image de Dieu doit renaître en l'homme ; mais en quoi donc consiste-t-elle ? D'abord, l'apôtre l'a dit, dans une intelligence renouvelée, dans un homme nouveau. - Et pour plus de précision, pour qu'il ne manque rien à la clarté du sujet, l'apôtre ajoute dans le passage cité (Eph., 4, 24) que cet homme nouveau est « créé selon Dieu » (ce qui veut dire encore selon l'image de Dieu), En JUSTICE ET EN SAINTETÉ VÉRITABLE. Ces mots ne demandent point de commentaire ; voilà l'image de Dieu en l'homme.

Mais, afin que nous puissions mieux encore discerner les traits de cette image, Dieu ne s'est pas contenté de nous en donner une exacte description dans les paroles que nous venons de considérer. Lisez les Évangiles ; là se développe sous nos yeux la vie d'un être que la Bible appelle le second Adam, d'un être qui est aussi nommé l'image de Dieu, l'empreinte (le caractère) de la personne ( hypostase) de Dieu, l'image du Dieu invisible (2 Cor. 4, 4. Hébr. 1, 5. Col. 1, 15.). - Quels traits divins elle porte cette image ! quel reflet des perfections divines ! quelle sagesse ! quelle hauteur de pensées ! quel amour ! quel dévouement ! quelle sainteté ! Là, mes frères, nous avons vu de nos yeux cet être formé « selon Dieu en justice et en sainteté véritable, » dont nous parle l'apôtre.

Maintenant, voyez comment se développent dans la pensée de l'apôtre inspiré et dans l'apparition du Fils de Dieu sur la terre, l'image de Dieu en l'homme. - Nous aussi nous plaçons quelques traits de cette image dans l'intelligence. Non pas sans doute l'intelligence qui a besoin d'être « renouvelée en connaissance » parce qu'elle a oublié les choses qui sont en haut et désappris le nom de son Père céleste ; mais bien l'intelligence lumineuse et simple du premier homme créé à l'image de Dieu, intelligence spirituelle, reflet de la suprême Intelligence, capable de s'élever à Dieu, cherchant Dieu, l'adorant dans ses oeuvres et dans ses perfections morales ; intelligence sans erreurs et sans ténèbres, possédant la pleine connaissance de l'auteur de son être et tous les moyens d'y faire toujours, par l'expérience, des progrès nouveaux. Or connaître Dieu c'est la vie éternelle, c'est la perfection de l'intelligence, c'est l'image de Dieu.

- Tel est le premier trait de l'image divine, trait qui faisait la grandeur et la gloire du premier homme, de cette créature de prédilection dont les intelligences célestes mêmes sont les ministres envoyés pour la servir et la ramener au salut. Tel est celui dont le chantre de Sion a célébré sur sa harpe la dignité et la grandeur : « Tu l'as fait peu inférieur aux anges ; tu l'as couronné de gloire et d'honneur, tu l'as établi dominateur sur toutes les oeuvres de tes mains (Ps. 8, 7-9, comparé avec Gen. 1, 26.). »
Cependant nous ne prétendons point faire de l'homme créé à l'image de Dieu, malgré la supériorité de son intelligence, un savant, dans le sens qu'on donne ordinairement à ce mot, ni un philosophe, ni un métaphysicien. Ce n'était pas par la voie du syllogisme qu'il arrivait à la connaissance des choses ; il n'en avait pas besoin. La supériorité même de son intelligence consistait peut-être, surtout dans sa simplicité, dans son ignorance de ce qui est faux, dans son inexpérience de ce qui est mal, dans cette ingénuité pratique qui fait le charme du caractère naïf de l'enfant, caractère que Jésus nous ordonne d'acquérir de nouveau. Toujours disposé à apprendre, ne présumant point de lui-même, accablant ceux qui l'entourent de questions, écoutant leurs réponses avec une entière confiance, tel est l'enfant dans les bras de son père, tel était Adam devant son Dieu qui condescendait à l'instruire et dont la parole n'était jamais révoquée en doute. L'Écriture nous confirme dans la pensée que c'était là en effet un trait admirable de l'image de Dieu, quand elle nous apprend que « Dieu a créé l'homme droit, mais que (plus tard hélas !) ils ont cherché beaucoup de raisonnements (Ecclés. 7, 29.). »

L'apôtre Paul nous confirme aussi dans cette opinion quand, dans sa tendre sollicitude pour les chrétiens de Corinthe exposés aux sophismes d'une fausse philosophie, il leur écrit, faisant une allusion évidente à la séduction du premier homme : « Je crains que, comme le serpent séduisit Eve par sa ruse, vos pensées aussi ne se corrompent en se détournant de la simplicité qui est en Christ (2 Cor. 11, 3.). » - Jésus-Christ nous y confirme enfin, quand, nous montrant dans cette simplicité humble et noble, dans cette candeur enfantine pleine d'ouverture et d'abandon, un trait caractéristique des enfants de son royaume, il fait entendre à ses disciples, alors présomptueux, cette déclaration solennelle : « En vérité je vous dis que si vous n'êtes changés, et si vous ne devenez comme de petits enfants, vous n'entrerez point dans le royaume des cieux (Math. 18, 2.). »

Ce trait de caractère nous conduit à un autre qui en est inséparable. Cette simplicité dans l'esprit la suppose ou la produit dans le coeur. Quand on est sans détour dans la pensée, on est sans détour dans ses actions. - Aussi lorsque la Bible nous dit que « Dieu créa l'homme droit », elle emploie un mot qui désigne, dans la langue originale, la rectitude, par exemple, d'un chemin, d'une ligne droite, et, être droit, c'est suivre sans dévier ce chemin, cette ligne.
Or l'homme créé à l'image de Dieu suivait sans effort, comme par instinct, ce sentier de la droiture. Ce trait si beau et si noble doit se reproduire dans l'homme nouveau, qui, d'après l'apôtre, est « créé selon Dieu en justice » c'est-à-dire en droiture d'esprit et de coeur. - II est même digne d'attention que les Juifs entendaient ainsi, quoique privés des révélations du Nouveau-Testament, l'état primitif de l'homme, et plaçaient surtout dans le trait que nous venons de décrire l'image de Dieu en l'homme. On lit au livre de la Sapience, attribué à Salomon, ces paroles remarquables : « Dieu a créé l'homme pour être incorruptible, et il l'a fait être une image de sa propre ressemblance (1). »

Enfin, mes frères, ne l'oublions pas (et cette idée, renferme tout ce qu'il nous reste à dire sur l'image de Dieu en l'homme), cet être « créé selon Dieu en justice et en sainteté véritable » portait en lui un coeur capable d'aimer. Et quel est le trait de ses augustes perfections que Dieu dut prendre le plus de plaisir à graver dans sa créature, si ce n'est son amour? Dieu n'est-il pas amour ? et ne saura-t-il pas aimer celui qui porte, empreinte dans tout son être, l'image du Dieu qui place sa gloire à être aimé ? Ah ! ce qui distingue à mes yeux le caractère des intelligences pures dont Dieu s'entoure dans les cieux, ce qui me rend leur état digne d'envie plus encore que la gloire dont elles brillent, c'est l'amour pur qui les anime et qui est l'élément de leur félicité.
Et l'homme, mes frères, et le roi de cette création terrestre où Dieu a déposé tant de marques de son amour, n'aurait-il pas participé en quelque degré à ce trait de la nature divine que Dieu aime à déposer dans le coeur de ses créatures.
- Oui, des affections vives, profondes, puissantes, remplissaient le coeur du premier homme, puisque aujourd'hui encore ces affections exercent une si grande influence sur nous et sont, souvent à notre insu, le vrai mobile de nos actions. Mais ces affections étaient en Adam, pures comme tout son être, elles participaient de la « sainteté véritable » qui constitue l'image de Dieu. Il aimait tout ce qui l'entourait, sans doute ; il aimait la compagne que Dieu lui avait donnée, il se plaisait dans l'admiration et dans la jouissance de tous les dons qui faisaient la richesse et l'ornement de sa demeure et le charme de sa vie. - Mais jamais encore il n'avait pensé à faire de ces choses une idole. Tout, dans ses affections, remontait à sa source. Dieu, Dieu l'Auteur de son être, son Bienfaiteur, son Père était l'objet prédominant de son amour, celui auquel se rapportaient tousses sentiments comme tout son culte. Pour l'homme innocent encore, aimer son Dieu c'était la vie.

Mais l'amour est un principe tout puissant d'activité, de dévouement, d'énergie. Ce devait être dans le premier homme le mobile de son dévouement à son Dieu, le lien mystérieux de son intime communion avec lui, le sûr garant de son obéissance filiale, le charme ineffable qui lui faisait trouver dans cette obéissance même tout son bonheur. Il est si doux le dévouement pour ce qu'on aime !
Ah ! elle était inconnue en Éden cette obéissance servile qui nous fait trembler devant la loi, parce que le commandement partit avec la foudre des hauteurs fumantes de Sinaï. - Elle était inconnue cette obéissance tardive, incomplète qui coûte tant à nos coeurs égoïstes et courbés vers la terre ; elle était inconnue, parce que là régnait ce même amour qui fait trouver au séraphin son bonheur à voler au-devant des volontés de Celui qui répand sur lui par torrents la vie et la félicité.

Ainsi, mes frères, l'intelligence de l'homme, toujours éclairée de la volonté du Dieu qui parlait à sa créature comme l'ami parle à son ami, le coeur de l'homme, aimant par-dessus tout cette volonté souveraine, lui faisaient trouver dans une parfaite soumission la liberté, dans une prompte obéissance, le bonheur. En sorte qu'en lui pensée, affection, volonté, tout s'unissait en une sainte harmonie à la gloire de Celui qui l'avait créé en justice et en sainteté véritable. »
- Harmonie dans toutes les parties de son être où étaient inconnus, et les combats intérieurs des passions, et les révoltes secrètes du coeur et les souffrances du remords, et l'amertume du péché.
- Harmonie avec son Dieu dont la volonté était sa volonté, dont l'amour était son amour, dont la communion faisait son culte et sa vie.
- Harmonie avec le monde extérieur où la terre, bénie de Dieu, fécondée du souffle de l'Éternel, offrait à l'homme ses trésors précieux, sans que de rudes travaux les dussent arracher avec peine du milieu des épines et des ronces, - où des milliers d'êtres vivants servaient l'homme pour qui ils avaient été créés, et qui les aimait à son tour comme l'ouvrage de son Père céleste, - où tout enfin s'unissait pour faire monter vers le trône de l'Éternel un hymne de louanges et d'actions de grâces.
- Harmonie même dans les facultés physiques de l'homme, où les maladies et la mort n'avaient point encore apporté leurs ravages et leur cortège de douleurs et d'agonie.
- Harmonie enfin entre l'état de l'homme, ses nobles facultés et la destination que Dieu lui avait assignée, celle de contribuer à sa gloire et d'être heureux lui-même.
« Vis, glorifie-moi et sois heureux, » lui avait dit le Créateur en lui donnant l'être ; et l'homme vivait, glorifiait son Dieu et était heureux, heureux du bonheur de l'innocence et de la sainteté, heureux de ce sentiment si doux de l'existence dont rien encore n'avait troublé le charme, heureux de la faveur et de la communion de son Dieu, heureux du bonheur que Dieu donne !

Mes frères, je m'arrête. Arrivé à ce point de notre méditation nous avons senti nos yeux se mouiller de larmes, la tristesse a rempli notre coeur. Il nous semblait qu'il nous fallait une seconde fois quitter Éden, où nos pensées s'étaient délicieusement arrêtées, et jeter nos regards sur une terre que l'Éternel a maudite. O saintes jouissances du premier homme ! vie de l'innocence et du bonheur ! sainteté véritable ! image de mon Dieu ! où êtes-vous ? Où mon âme altérée de sanctification et de bonheur s'envolera-t-elle pour vous retrouver ? O homme ! où est la gloire dont l'Éternel avait orné ton front ?

Ah ! mes frères, pour peu que nos pensées et nos affections ne soient pas entièrement courbées vers la terre, pour peu qu'il reste à notre coeur un noble soupir à exhaler vers notre première patrie du sein de cet exil où nous vivons, comment ne trouverions-nous pas à chaque instant mille tristes raisons de déplorer les malheurs des enfants d'Adam, avec plus d'amertume et plus de larmes que le prophète de la captivité n'en répandit jamais sur les ruines de sa patrie et de son peuple ! Quelle comparaison à établir entre le roi de la création primitive et l'homme actuel, entre Éden et cette « vallée de larmes ! »

J'ai parlé de l'intelligence du premier homme, intelligence lumineuse et simple, toujours éclairée de la volonté de son Dieu, toujours remplie de la pensée de son Créateur, noble reflet des perfections divines, gloire et ornement de la créature ; - et je ne vois plus chez l'homme du monde (car remarquez bien que j'excepte ici tout ce que Dieu a fait pour reproduire son image dans le coeur de ses enfants), je ne vois plus « qu'une intelligence obscurcie de ténèbres », des hommes « éloignés de la vie de Dieu à cause de l'ignorance qui est en eux par l'endurcissement de leur coeur (Éphés. 4, 18.) » ; je ne vois plus qu'un être encore intellectuel, il est vrai, mais « destitué d'intelligence (Rom. 1, 21.) » quant aux choses qui concernent son éternité, mais dominé par les sens, les passions et la matière, mais « préférant les ténèbres à la lumière, parce que ses oeuvres sont mauvaises (Jean 3, 19) » ; je ne vois plus, partout où Dieu, dans sa grande miséricorde, n'a point fait briller une lumière surnaturelle, que les ténèbres d'une dégradante idolâtrie. L'ornement et la beauté de l'homme est devenue son ignominie.

J'ai parlé de cette simplicité noble et pure qui rendait l'homme attentif et soumis à la voix de son Dieu ; - et je ne vois plus que des êtres « devenus vains dans leurs discours (Rom. 1, 21.) », remplis de pensées d'orgueil, de systèmes d'erreur qui s'entre-détruisent, d'une incrédulité prétentieuse qui rend l'homme rebelle à la voix de son Dieu là même où il ne peut pas ne pas l'entendre. - J'ai parlé de la droiture, de cette justice pratique qui devait être aussi naturelle à l'homme que la vie même ; - et je ne vois plus dans l'histoire de l'humanité qu'injustice, que violences, qu'iniquités, depuis le conquérant superbe qui triomphe de ses rapines et des ravages qu'il a portés chez ses voisins, et le riche puissant qui foule la veuve et l'orphelin et se gorge de leurs dépouilles, jusqu'à l'homme obscur qui, par l'envie, la médisance, la fraude, cherche à se venger de ceux qui l'oppriment, et fait peser la même tyrannie sur ceux qui dépendent de lui.

J'ai parlé d'affections nobles et pures, dont Dieu était l'objet, d'un amour qui était pour l'homme la source de l'obéissance, du bonheur et de la sainteté véritable ; - et je ne vois plus, dans un monde « ennemi de Dieu », que des affections impures, détournées de leur destination et qui se font une idole de tout ce à quoi elles s'attachent ; des affections qui ont intronisé dans le coeur de l'homme l'égoïsme et l'orgueil, et qui deviennent le plus souvent des passions impétueuses qui se plaisent à souiller leur objet. Hélas ! ces affections qui bouillonnent encore dans le coeur de l'homme, au lieu d'être, comme dans l'atmosphère d'Éden, un principe puissant d'obéissance, de dévouement, de sainteté, ne sont-elles pas devenues un mobile de révolte contre Dieu, d'oubli de son nom et de sa gloire, de mépris de sa volonté, et la source de souillures qu'on n'oserait pas même nommer ? Nobles affections ! doux besoin d'aimer ! don précieux de mon Dieu, oh ! pourquoi êtes-vous souvent, même dans le coeur de ceux qui ont appris à connaître le Dieu de sainteté et qui s'efforcent de recouvrer son image, un piège dangereux, un subtil ennemi qui transforme en idole ce que Dieu permettait d'aimer, et qui sème la malédiction et l'amertume « là où l'Éternel avait ordonné la bénédiction et la vie à toujours ! »

J'ai parlé d'harmonie, d'harmonie de l'homme avec lui-même ; - et je ne vois plus que déchirements, que lutte de mille passions diverses, de mille intérêts différents, qui se disputent son coeur et en font une malheureuse victime de leur tyrannie, tellement que ceux-là même qui soupirent après la délivrance et la sainteté, se trouvent engagés dans un combat qui ne finit qu'avec leur vie. -

J'ai parlé d'harmonie de l'homme avec son Dieu ; - et je ne vois plus qu'éloignement, qu'inimitié, qu'orgueil téméraire ou que crainte servile ; - d'harmonie de l'homme avec le monde extérieur ; - et je ne vois plus dans le roi de la création qu'un être faible, gagnant à la sueur de son front un pain chétif qui lui est souvent disputé, et que plus souvent encore il arrose de ses larmes ; - d'harmonie dans le corps même de l'homme qui était revêtu de force, de vie et de beauté ; - et je ne vois plus qu'un corps débile dont les organes affaiblis renferment les germes de mille maladies, de mille langueurs, tristes précurseurs de la dissolution ; - d'harmonie enfin entre l'état de l'homme, les dons qu'il avait reçus et la destination éternelle que Dieu lui avait assignée ; - et je ne vois plus qu'un être qui, ayant manqué le but de son existence, vit comme si toutes ses espérances et toute sa destinée devait se borner, en-deçà de la tombe, dans le temps et la matière, oubliant et déshonorant le Dieu qu'il devait glorifier.

J'ai parlé de bonheur !... Où faut-il le chercher ? Soyez nos témoins, ô vous qui nous écoutez ! L'avez-vous trouvé ce bonheur, objet de vos ardentes poursuites ? Hélas ! on ne voit de toutes parts qu'angoisses, que souffrances, que désenchantements, que misères ; on n'entend de toutes parts que la plainte de l'affligé, le cri de la douleur, les accents du désespoir. - Y a-t-il sur la terre un coin privilégié qui n'ait été arrosé des larmes ou du sang d'une race infortunée ?

Où donc, ô mon Dieu ! où chercherons-nous ton image effacée de dessus notre front confondu ? A-t-elle disparu pour toujours de la demeure de l'homme avec l'innocence et le bonheur d'Éden ?
- Que dis-je, mes frères ? - Elle a reparu parmi nous dans toute sa beauté, cette image divine ; elle a rayonné glorieuse dans Celui qui « était au commencement avec Dieu, qui était Dieu, qui a habité parmi nous et dont nous avons contemplé la gloire, une gloire comme la gloire du Fils unique du Père, plein de grâce et de vérité (Jean 1, 1-2. 14.) ». - Mais, ô douleur profonde ! Celui qui seul a reproduit sur cette terre l'image de Dieu dans toute sa beauté, afin que ceux qui soupiraient de leur misère pussent, en marchant à sa suite, concevoir de nouveau la sainte ambition de recouvrer cette image, a été méconnu, méprisé, rejeté des hommes, et l'est encore, du moins pour le grand nombre, tant ils ont désappris leur origine, tant il est vrai que « le dieu de ce siècle a aveuglé leur intelligence, afin que la lumière du glorieux Évangile de Christ, qui est L'image de Dieu, ne leur resplendît point ! (2 Cor. 4, 4) »

0 homme ! ô fils d'Adam ! ô chef-d'oeuvre de la création ! avoue-le, ne le nie plus ! Tu as perdu l'image de ton Dieu ; tu n'en as plus que les ruines sans ordre et sans beauté ; tu es tombé, tombé dans un abîme ! « Comment est-il arrivé que la ville sainte est gisante, solitaire, et que celle qui était reine sur les provinces en est l'esclave ? Les chemins de Sion mènent deuil ; toutes ses portes sont désolées ; ses vierges sont en langueur et l'amertume est en elle. Comment est-il arrivé que le Seigneur a couvert de sa colère la fille de Sion comme d'une nuée tout à l'entour, et qu'il a jeté des cieux en terre l'ornement d'Israël ? Comment l'or pur est-il devenu obscur et le fin or s'est-il changé ? Comment les pierres du sanctuaire sont-elles semées au coin des rues ?... »

Qu'ils s'exhalent de notre coeur, ces soupirs des prophètes ! Qu'elles soient sur nos lèvres, ces importantes questions ! Que s'est-il donc passé entre le point d'où nous sommes partis et celui où nous voici parvenus ? Quelle catastrophe épouvantable a renversé de son trône le roi de la création et effacé de notre âme l'image du Créateur ? Qu'est-ce qui a fait de l'homme, dont le coeur possédait en plein « la justice et la sainteté véritable », un pauvre pécheur souillé ? Ou, pour répéter la question qui est la base de toutes les philosophies et qui en fait toujours le désespoir, quelle est l'origine du mal dans le monde ?

Telle est, mes frères, la question que nous osons aborder. Mais ne craignez pas que nous voulions, à ce sujet, diriger vos regards sur les ténébreuses profondeurs de la métaphysique où tant de systèmes sont allés mourir inutiles. Non, tout ce que nous pouvons connaître, tout ce qu'il nous est utile de savoir sur cette grave question, nous est communiqué par quelques versets du Livre de l'éternelle vérité. Le troisième chapitre de la Genèse nous fournit, dans un langage à la portée d'un enfant, toutes les lumières que nous chercherions en vain dans les divers systèmes de philosophie. - Nous avons cru qu'il pourrait nous être utile à tous de méditer ensemble cette partie importante et trop ignorée de la Parole de Dieu. Nous vous supplions de vous rendre attentifs aux grandes et sérieuses vérités qui nous y sont dévoilées et d'implorer avec nous la bénédiction de Dieu sur ce dessein.
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Mes frères, quelques pensées encore d'entre celles qui se pressent en foule après un tel sujet, et j'ai fini.
Concevez-vous un être qui sait qu'il est déchu de sa première origine, ou un roi dépossédé de ses prérogatives, ou un être tombé dans le crime, prêt à être frappé du glaive de la justice, ou un infortuné perdu dans un abîme de misère et de malheur, et qui puisse, avec cette conviction, vivre dans une stupide indifférence sur son état ?
Cet être déchu, ce roi dépossédé, ce coupable, cet infortuné c'est vous, vous tous qui, avec la conviction des vérités que nous venons d'établir, vivez sur cette terre, oublieux de vos destinées éternelles, loin d'un Dieu offensé dont la justice va frapper les coupables, insouciants des péchés par lesquels vous semblez avoir pris plaisir d'effacer jusqu'aux dernières traces de l'image de Dieu en vous, insouciants même, pour comble de folie et de déraison, sur la cause des malheurs et des misères qui remplissent votre vie d'amertume, insouciants enfin de la malédiction et des souffrances que le péché va répandre par torrents sur votre éternité.

- O mes frères ! y aurait-il parmi vous, dans cette assemblée, des êtres qui, « se disant être sages », soient à ce point devenus fous ? Nous vous conjurons, par les compassions de Dieu et par vos plus chers intérêts, de bannir de votre esprit cette déplorable folie, de déchirer le voile fatal des illusions qui vous aveuglent. - Eh quoi ! tandis que Dieu a eu pitié de vous quand il ne vous devait plus qu'un éternel abandon et le juste châtiment d'une créature rebelle qui a troublé l'ordre de la création et manqué le but de son être ; tandis qu'il est venu lui-même vous éclairer dans vos ténèbres, vous sauver dans le naufrage de toute votre race et mettre en vos mains tous les moyens de recouvrer sa glorieuse image, - vous vous obstineriez à rester dans la ruine et le malheur ? - Vous ne retrouveriez pas dans votre coeur un seul soupir qui s'élève vers votre première patrie, vers les glorieuses prérogatives de votre naissance ?

Mon Dieu ! pouvons-nous, devant de tels êtres, te bénir, faire éclater nos chants d'actions de grâces pour tout ce que tu as fait pour notre délivrance ? Comment célébrer ton amour ? - Ton amour qu'ils méprisent est pire pour eux que tes plus terribles menaces. Comment nous réjouir en tes miséricordes ? - Ce sont ces miséricordes qui aggravent leur condamnation.

Mais non, non, je m'assure qu'aucun de vous, ô mes bien-aimés frères, ne veut faire un pas de plus dans la voie du péché et de la folie. - O Venez, vous qui jusqu'ici avez oublié vos glorieuses destinées pour vivre dans l'oubli de Dieu ; venez, vous chrétiens qui aimez Celui qui a réparé les ravages du péché ; venez, et tous ensemble bénissons notre Dieu de ce que son image n'est pas perdue pour nous sans retour ! Bénissons-le, car il nous a donné pour sauveur, pour frère, pour ami Celui qui a fait briller à nos yeux les traits de son image et qui vous en rendra participants ! Bénissons-le, car il veut nous remettre en possession de notre héritage !
O bonheur ! ô miséricorde de mon Dieu ! nous sommes bannis d'Eden, il est vrai ; l'épée flamboyante de la justice éternelle en défend l'entrée ; - mais voici, nous pouvons fuir en Golgotha, sûrs d'y être reçus avec amour par un Sauveur plein de compassion. Ses bras nous sont ouverts ; son coeur ne demande qu'à nous sauver.

- Nous nous réfugions vers toi, ô mon Sauveur ! et nous te supplions de ne mettre aucun terme à tes grâces jusqu'à ce que nous revoyons en nous tous les traits de ton image, « la justice et la sainteté véritable ».


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MÉDITATION II. LA TENTATION


(1) Sap. 2, 23

 

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