Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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DOROTHÉE TRUDEL

PREMIÈRE PARTIE




Jeunesse et Conversion

Dorothée Trudel naquit le 27 octobre 1813, à Hombrechtikon, petit village suisse du canton de Zurich. Ce fut la onzième et dernière enfant d'une pauvre famille. Mais Dieu choisit où Il veut et comme Il lui plaît ses serviteurs et ses servantes. Parfois même, c'est une règle pour Lui de tirer de l'indigence et de la bassesse ses meilleurs instruments, afin non seulement de glorifier son nom et de faire éclater sa puissance, sa sagesse et son amour, mais aussi de montrer son indépendance vis-à-vis des hommes misérables et pécheurs.
Dorothée Trudel fut, dans la main de Dieu, l'un de ses meilleurs instruments.
Cependant, après avoir insisté sur la libre action de Dieu qui garde les enfants, dirige les parents, choisit et prépare ses ouvriers, nous ne pouvons pas ne pas mentionner, l'influence longue et bénie de madame Trudel. Cette mère extraordinaire sut transformer, petit à petit, à force d'exemples et de prières, le coeur de Dorothée. Et sa fille lui en conserva toute sa vie une profonde reconnaissance.

I

La mère de Dorothée Trudel

La mère de Dorothée Trudel était une femme pieuse. Demandée en mariage à l'âge de vingt-quatre ans par un homme qui lui avait toujours inspiré de la crainte, elle l'avait refusé plusieurs fois. Mais, comme elle était belle et de plus connue pour son dévouement, il persista dans sa recherche. Le père et la soeur de cet homme étaient des gens pieux et la jeune fille les aimait beaucoup. À cause de l'affection qu'elle leur portait, elle finit par accepter ce mariage.

Mlle Trudel a raconté elle-même l'histoire de sa mère (1).
« Il est triste, dit-elle, de repasser dans son souvenir les souffrances d'une mère comme la mienne ; mais je dois dire à la gloire de Dieu que, durant les vingt-sept ans que je l'ai connue, je ne lui ai pas entendu proférer une seule plainte. Nous ne comprenions pas comment elle pouvait rester toujours, si sereine et conserver au milieu de tant de difficultés un si joyeux courage. Moi surtout, qui avais malheureusement l'humeur impétueuse et colère de mon père, J'étais confondue de la patience avec laquelle elle supportait ses injustices. Lorsque je voyais ma mère douce et amicale avec lui et sachant toujours nous montrer en lui un bon côté, tandis que nous ne voyions que méchanceté, je m'écriais :
- O mère ! comment peux-tu parler ainsi ? Si j'avais un tel mari, je m'y prendrais bien autrement : tu le gâtes ; au lieu de lui montrer ses torts, tu ne fais que prier.
- Enfant, répondait-elle, un jour tu me comprendras. Mon mari est mon bienfaiteur, c'est lui qui m'a appris à ne m'attendre qu'au Seigneur et à remettre tout ce qui nous concerne à sa seule garde. Si vous ne voulez pas reconnaître que le Sauveur nous bénit en brisant notre volonté, vous me préparez encore plus de chagrins que votre père ne m'en cause à présent. Ma tâche est de prier afin que la verge dont Dieu se sert ne soit pas jetée au feu éternel ; quant à l'épreuve, J'en bénirai Dieu toute ma vie. - Comment bénir Dieu d'une telle épreuve ? répliquais-je. Mon coeur ne pouvait consentir à une telle acceptation, mais l'exemple de ma mère finit par triompher enfin (2). »

II

Comment madame Trudel élevait ses enfants

Au foyer de madame Trudel, n'habitait pas le luxe, ni même l'aisance. Avec onze enfants et des ressources bornées, il fallait une grande simplicité.

« En ceci, nous dit Dorothée Trudel, nous comprenions mieux notre mère, et, malgré bien des privations, notre jeunesse fut douce et joyeuse. Notre nourriture était fort simple et uniforme ; mais nous nous portions aussi bien que les enfants les mieux nourris, et, quand nous racontions à notre mère combien de bonnes choses les autres enfants mangeaient, elle nous disait de rendre grâces à Dieu de ce que nous avions le nécessaire, dont tant d'autres étaient privés. Souvent il n'y avait rien dans la maison ; sauf ma mère, nul ne le savait que « Celui qui nourrit les oiseaux de l'air » et qui ne nous abandonna jamais. Nous fîmes à ce sujet les plus douces expériences ; aussi notre mot d'ordre était-il : Prier et non mendier (3). - Enfants, disait notre mère, il est écrit : « Celui qui se confie en l'Éternel ne sera jamais confus (Psaume XXV, v. 3. ). » Un jour, l'un de nous ayant déclaré que si notre père ne changeait pas de conduite, nous serions tous ruinés, concluait par cette boutade : Mère, tu ne dirais rien, quand même tu nous verrais tous réduits à mendier ? - Cela n'arrivera jamais, répondit-elle avec assurance, car la Parole de Dieu est plus ancienne que nous et David dit : « J'ai été jeune et je suis devenu vieux, mais je n'ai jamais vu le juste abandonné, ni sa postérité réduite à mendier son pain (Psaume XXXVII, v. 25.) ! » Enfants, travaillez et priez et vous ne manquerez de rien (4). »

Si, chez madame Trudel, la nourriture, le vêtement et les différentes ressources du ménage furent de la plus grande simplicité, l'éducation, intellectuelle des enfants ne le fut pas moins. Dorothée ne put fréquenter l'école que très peu de temps, le travail de chacun étant nécessaire à tous.

L'instruction de toute la famille, sauf le père, se bornait exclusivement à la connaissance de la Bible. C'était le seul livre lu et aimé de tous. Le travail de la journée terminé, on revenait sans se lasser à ces histoires devenues peu à peu si chères, que, tout en les sachant presque par coeur, on aimait toujours à les relire. Que de foyers auraient gagné en paix, en amour et en activité si la Bible, comme dans la maison de madame Trudel, avait été placée au premier plan !

Madame Trudel avait aussi l'habitude d'accompagner son travail de discours et de prières à haute voix, ce qui répandait dans ce petit cercle une atmosphère de paix et de sainteté. Elle ne permettait aucune médisance, aucun commérage, et jamais elle ne répétait les nouvelles du village. Elle parlait peu, mais sa vie agissait par l'exemple, sa parole était accompagnée de la puissance de Dieu dans les coeurs. Sans cesse elle remettait tous les siens entre les mains de Dieu ; on l'entendait répéter au Seigneur : « Je t'en prie, qu'aucun d'eux ne manque au dernier jour ! »

III

Les Prières exaucées

L'influence d'une telle mère était déjà bien grande. Pour expliquer l'oeuvre et la fin de Dorothée Trudel, il nous faut pourtant entrer encore plus avant dans la piété de madame Trudel. Sa fille nous a conservé, sur la foi de cette mère extraordinaire, quelques traits importants qui la frappèrent quoique jeune encore et se gravèrent dans son souvenir.

« Quoique le fusse la cadette, nous dit-elle, je me rappelle une foule de prières exaucées. Une entre autres m'a particulièrement frappée. Ma tante, qui vivait avec nous et nous était d'un grand secours, tomba gravement malade. Tout annonçant une fin prochaine, elle se prépara à la mort et prit la sainte Cène. Peu après, elle perdit tout mouvement ; il ne lui restait que la parole. Elle avait des visions célestes, et lorsque le soir on apporta la lampe, elle s'écria : « Quelle idée, lorsqu'une telle clarté nous environne ! » Ma mère comprit qu'elle allait mourir, et, se jetant à genoux, pria Dieu avec insistance de lui laisser cette précieuse soeur jusqu'à ce que sa fille aînée fût en état de la seconder. Vers minuit, ma tante, qui avait été longtemps immobile et muette, dit tout à coup : « Je vois bien qu'il me faut rester encore, dans cette vallée de larmes pour être avec toi. »

« En effet, elle vécut encore quinze ans, jusqu'à ce que ma soeur aînée pût être utile à ma mère. Cette chère tante s'était entièrement donnée à nous et travaillait jour et nuit pour ne nous laisser manquer de rien.

« Si l'un de nous tombait malade, il était porté aux pieds du Sauveur. Notre mère n'avait de médecin que lui, et de remèdes que la prière. Même, lorsque je pris la petite vérole et que je fus menacée de perdre la vue, on n'en dit rien à personne. Ma mère le fit savoir à mon père, mais il resta au cabaret sans se soucier de moi. Elle, n'en témoigna aucune humeur, mais pria avec ferveur pour lui, pour nous, et surtout pour l'enfant malade ; et je recouvrai la vue et la santé.

« Une autre fois, l'un de mes frères, à la suite d'une grande frayeur, eut une attaque d'épilepsie. Mon père était de nouveau absent. - Je connais ce mal, dit ma mère, c'est la plus grande épreuve qui pût nous être envoyée ; mais celui qui guérit le lunatique en Judée vit encore. Ne dites rien à personne et prions ! - Lorsqu'elle parla à mon père de cet accident, celui-ci, qui ne voulait pas être dérangé dans ses plaisirs, se moqua d'elle et dit que sans doute c'était un rêve. - Eh bien ! lui dit ma mère, je prie Dieu que Jean ait un nouvel accès devant toi, mais aussi, que ce soit le dernier ! - Huit jours après, l'enfant tomba aux pieds de son père, écumant et se débattant. Ma mère avait été doublement exaucée : cet accès fut le dernier et il n'eut de nouveaux symptômes de cette terrible maladie que trente-quatre ans après.

« Combien, d'exemples de foi et de prières exaucées n'aurais-je pas encore à raconter, s'il ne fallait, pour cela, accuser mon père, qui en était presque toujours l'occasion. Mais comme nous eûmes la joie, après avoir perdu notre tendre mère, de le voir embrasser la foi qu'elle avait tant demandée pour lui, et s'endormir dans la paix du Seigneur, après avoir pleuré ses péchés, je veux seulement insister sur la vérité de ces paroles : « Il ne tombe pas un cheveu à terre sans la volonté de votre Père céleste ! (Matthieu X, v. 29.)» et « toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu (Romains VIII, v. 28. (5). »

IV

Après le travail, le repos

 

Lorsqu'enfin les enfants de madame Trudel, devenus grands, purent subvenir par un travail assidu, aux dépenses journalières et mirent ainsi la maison à l'abri du besoin, ce fut à leur tour d'entourer leur mère de soins et d'affection. Après tant de souffrances, d'activité et de fatigues, madame Trudel avait besoin de repos.

« Dans les dernières années de la vie de ma mère, nous dit Dorothée Trudel, lorsque nous fûmes tous en état de gagner notre pain, nous eûmes le courage de la prendre sous notre protection. Nous déclarâmes à notre père que nous ne permettrions plus que celle qui s'était sacrifiée pour lui et pour nous fût maltraitée ; qu'il pouvait décharger sur nous sa mauvaise humeur, mais que pour elle, c'en était assez. Nous nous efforçâmes à l'envi d'adoucir sa vie, et souvent elle disait en pleurant : « Enfants, pourquoi voulez-vous que je sois si bien ? » Cependant elle acceptait tout pour nous faire plaisir et se réjouissait de nous voir mettre en pratique ce qu'elle nous avait appris, l'oubli de soi-même et la confiance en Dieu. Elle eut aussi la joie de voir plusieurs de ses enfants naître à un christianisme personnel et vivant. Voyant ainsi ses ardentes prières en partie exaucées, elle les continuait pour son mari et ses autres enfants, avec la ferme assurance d'être un jour entendue.

« C'est dans la dernière année de sa vie que fut couronnée son inébranlable confiance en la Providence de Dieu. Onze semaines avant sa mort, un parent dont nous n'avions jamais entendu parler, arriva de Hollande. Il nous prit en affection, et dès lors notre vie extérieure fut tout à fait changée. Au lit de mort de ma mère, il lui promit de nous servir de père et il a fidèlement tenu parole. Il témoignait sa joie de nous avoir pour enfants adoptifs et de nous laisser sa fortune, considérant comme un privilège d'être l'instrument par lequel Dieu se montrait fidèle envers sa fidèle servante (6). »
La foi héroïque de cette mère extraordinaire ne se démentit pas jusqu'à la fin. Sa fille conclut ainsi le récit qu'elle nous a laissé de sa vie :

« Je voudrais, dans l'esprit de ma mère, dire à toutes les mères : si vous voulez être en bénédiction à vos enfants, ne vous mettez pas en peine pour eux des trésors que les vers et la rouille consument, ni de leur assurer une grosse dot et un beau trousseau. Apprenez-leur à prier et à travailler, mais à travailler par obéissance et avec foi, et priez vous-mêmes pour eux, afin qu'ils soient des offrandes vivantes à la gloire de Dieu (7) ».

Nous avons jugé bon d'insister si longuement sur l'activité et l'influence de madame Trudel, pour expliquer l'oeuvre et la foi de Dorothée. N'est-ce pas dans ce foyer désuni, où le père contrebalançait si honteusement la sainte influence de la mère, mais où la piété maternelle savait toujours ramener la paix et la joie, que Dorothée apprit à haïr le mal, à mettre toute sa confiance en Dieu ? N'est-ce pas en voyant prier avec ferveur cette mère chrétienne que Dieu lui avait donnée et qu'Il soutenait à travers ses souffrances et ses luttes, qu'elle sentit grandir, au fond de son coeur cette croyance inébranlable en l'exaucement des prières, cette foi invincible qui produit des oeuvres grandioses selon la promesse du Christ (Jean XIV v. 12.) ? N'est-ce pas enfin dans l'étude journalière des Saintes Écritures, mises dans cette maison à la place d'honneur, qu'elle commença à acquérir cette richesse intérieure, cette science étonnante, dont elle sut plus tard faire profiter les autres par ses prédications ou ses entretiens particuliers et qui attirèrent à elle les hommes les plus savants comme les plus croyants ?

La foi de madame Trudel a passé en Dorothée. Et non seulement la foi, mais aussi la simplicité, la douceur, l'humilité.
Dorothée Trudel n'a eu qu'à regarder pour s'enrichir, qu'à contempler pour imiter ensuite. En elle, après bien des luttes, ont fini par triompher l'oubli de soi-même et la confiance en Dieu qui avaient fait de madame Trudel une mère extraordinaire.
Et c'est pourquoi, au début de cette étude consacrée à la fille, nous avons donné une si large place à la mère.


Table des matières

Page précédente:


(1) Eine Motter : eine wahre Geschichte.

(2) Eine Matter, pages 6 et 7.

(3) Beten und nicht betteln.

(4) Eine Mutter, pages 7 et 8.

(5) Eine Mutter, pages 9-11, 13 et 14.

(6) Eine Mutter, pages 14 et 15.

(7) Eine Mutter, page 16.

 

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