UN
SIÈCLE DE MISSION A
MADAGASCAR
CHAPITRE VIII
RÉORGANISATION DE L'OEUVRE
Le premier travail des missionnaires
français fut, comme on l'a vu, de parcourir
le pays pour dissiper les craintes nées des
calomnies répandues sur l'origine et le but
du protestantisme, de rassembler les fidèles
dispersés, de leur faire rendre, si
possible, leurs lieux de culte.
Cela ne fut pas fait en un jour. Il y avait
bien des ruines accumulées, et bien des
blessures à panser. D'ailleurs si, en haut
lieu, on avait compris la situation et
commencé à rendre justice au
loyalisme et à l'entier
désintéressement des missionnaires
étrangers, beaucoup de sous-ordres
conservaient leurs préventions, et les
jésuites ne désarmaient pas.
M. Élisée Escande, dans un
rapport du 27 octobre 1897, précisait les
obstacles devant lesquels venaient encore se
heurter les efforts des missionnaires.
« La première
difficulté provient de la non,
rétrocession des temples pris. Tant que nos
temples resteront affectés au culte romain,
les Malgaches, sans le connaître, souscriront
au mot célèbre : « La
France au dehors c'est le
catholicisme... » Je me rappellerai
longtemps le ton triste avec lequel un
fidèle me disait :
« Nous pensions qu'avec un
missionnaire protestant français, nos
temples nous seraient rendus. » Il est
vrai qu'il ajoutait : Eh bien, nous louerons
une case et vous appellerons. »
« Louer une case, c'est facile
à dire, et même à trouver,
mais, parfois, quelle case ! Une chambre de
quatre, six, huit mètres carrés tout
au plus, au plafond bas, aux murs enfumés,
et où devront se serrer, comme des anchois
dans un baril, les quelques personnes qui osent
venir à notre culte.
« Certes, il est des faits
réjouissants et qui m'ont ému
jusqu'aux larmes. Ainsi, quand, arrivant dans un
village, je trouvais une chambre pleine de
personnes assises par terre sur la natte, tellement
pressées que j'avais peine à me tenir
debout au milieu d'elles, et chantant à
gorge déployée ces beaux cantiques
malgaches qu'ils n'avaient pas chantés
depuis plus d'un an peut-être. Sans doute,
quand je devais mettre la plaque
« École protestante
française » sur une telle case,
j'étais heureux, en un sens, fier
même, de rouvrir le culte protestant dans cet
endroit ; mais quelle humiliation en songeant
au local, petit, mal éclairé, et
à son ameublement ! Une case, des
nattes par terre, un registre, un peu de craie, un
livre de lecture française, un livre de
lecture malgache, un crayon, une ou deux brochures,
comme un petit catéchisme, quelques cahiers
d'un ouvrage pour apprendre le français,
c'est tout ce que je puis donner à mon
instituteur. Ni un tableau noir,
ni une ardoise, ni un banc, rien, rien, rien, comme
c'est misérable ! Et, à
côté, quelques mètres plus
loin, le temple, grand, vaste, spacieux, avec
bancs, tableaux, etc. Comment voulez-vous qu'avec
cela les gens aient confiance et reviennent
à nous ?
« Mais là n'est pas encore
la plus grande difficulté.
« Dans un but louable, je le crois
au moins, le résident d'Ambositra exige que
les parents qui veulent que leurs enfants changent
d'école en avertissent, la veille,
l'instituteur avec deux témoins, et le
lendemain, avec ces deux témoins, aillent
trouver l'instituteur chez qui l'enfant est
placé.
« Si nous étions dans un
état normal, on n'aurait rien à dire
à une pareille mesure ; avec
l'état des esprits, elle est d'une
application extraordinairement difficile et entrave
le recrutement des élèves de nos
écoles. Ici l'instituteur catholique est
invisible, il se cache, se sauve quand il voit des
parents venir vers lui. Là, les
témoins sont introuvables, ils te veulent
rien avoir à faire avec le gouvernement.
Dans un troisième endroit, l'instituteur
habite dans une petite maison attenant à
l'église et entourée d'un mur :
on n'ose entrer dans l'enceinte, craignant
d'être accusé. Autre part,
l'instituteur catholique est tellement craint,
qu'on n'ose l'approcher. Mettez sur la
lâcheté naturelle des Malgaches tout
ce que vous voudrez, blâmez-les, exhortez-les
au courage : malheureusement,
des faits, dont j'ai
été le témoin, m'ont
montré ce qu'il en coûte d'avoir ce
courage-là.
« C'est ici la troisième
difficulté, la plus grande, et pour
laquelle, jour et nuit, j'implore l'intervention
directe de Dieu, car Lui seul y peut quelque chose.
Je veux parler des accusations portées
contre les gens qui deviennent protestants,
dès qu'on connaît leur
résolution, afin de les faire condamner, et,
par là, d'intimider les populations.
« Celui-ci est accusé
d'avoir gardé de l'argent, produit d'une
quête en faveur de la réparation de
l'église, argent dont il n'a pas vu la
couleur ; celui-là, de déclarer
que les Français vont bientôt quitter
Madagascar et seront heureusement remplacés
par les Anglais. Un troisième devient un
traître à la France, un Anglais, etc.
Alors les gens sont terrorisés. Ils ont
peur, s'ils reviennent à nous, d'être
l'objet de certaines accusations, et d'être
condamnés, surtout quand il s'agit de
questions d'argent. Et voici comment trop souvent
cela se passe (je le tiens d'un homme bien
placé) : quand quelques Malgaches
veulent du mal à un de leurs compatriotes,
ils se réunissent, cherchent un fait
imaginaire, accusent et viennent, faux
témoins, affirmer la chose comme vraie. Vous
voyez d'ici ce qui peut se passer dans le domaine
religieux. On n'accusera pas nos gens de se faire
protestants, on sait aujourd'hui qu'on peut le
devenir ; mais on cherchera, on inventera
quelque autre chose...
« En ma présence, dans un
village où j'étais allé, deux
hommes vont déclarer à l'instituteur
que dorénavant leurs enfants iront à
l'école protestante française ;
immédiatement celui-ci les saisit et les
emmène de force pour les accuser.
J'interviens, on me parle insolemment, et c'est
à grand-peine que j'obtiens qu'on
relâche ces hommes. »
Pour bien comprendre ces faits et bien
d'autres, il faut se souvenir que les districts
passés à la Mission Française
étaient les plus misérables, ceux
où les Jésuites, fort bien
informés, avaient su trouver le moins de
résistance. Ailleurs, comme au Vonizongo,
c'était le fahavalisme qui avait
détruit les temples, et, le pays une fois
pacifié, les fidèles rebâtirent
les édifices démolis et se
groupèrent d'eux-mêmes autour de leurs
anciens missionnaires. Les menaces catholiques ne
purent, dans ces régions-là, entamer
la masse. Et même parfois, dans des endroits
reculés, les prêtres se
heurtèrent à des résistances
imprévues. M. Bénézech,
parlant d'une visite dans un village à huit
heures à l'est de Fianarantsoa près
de la forêt de Sahavondrina, déclare y
avoir trouvé toute la communauté
intacte.
« Cette petite église,
dit-il, est restée toujours debout au milieu
de tant de ruines. Il y a 24 élèves
à l'école et 45 adultes au culte du
dimanche. Et il n'y a pas de pasteur !
L'évangéliste qui a la surveillance
de l'église habite à quatre heures de
là. C'est une femme,
l'institutrice, qui est et qui a
été la colonne de cette petite
Église. Il est vrai qu'elle est très
bien (je ne parle pas du physique), cette
institutrice. Elle a l'air d'une femme de
tête, très éveillée et
laborieuse. En quoi elle est supérieure
à beaucoup d'instituteurs, qui n'ont pas
encore su secouer complètement le vice
originel des Betsileos, la paresse.
Évidemment cette femme était faite
pour donner du courage aux autres, et ce n'est pas
avec des menaces qu'on en fera une
catholique... »
L'année 1898 vit une
amélioration très nette de la
situation.
Le Général Gallieni, tout
à fait éclairé sur les
événements, donna des ordres
précis, fit rendre la plupart des lieux de
culte et fit comprendre aux Jésuites qu'on
ne tolérerait plus les ingérences
directes des prêtres dans la conduite
politique des provinces. Il profita d'ailleurs de
plusieurs occasions pour indiquer officiellement
les idées auxquelles il était parvenu
sur ces questions, qui l'avaient d'abord surpris,
et pour exprimer la reconnaissance du gouvernement
pour les services rendus par toutes les missions
protestantes.
Le 24 janvier 1898, invité à
l'inauguration du nouveau bâtiment construit
par la Mission protestante française pour y
abriter l'ancienne école du Palais,
passée sous la direction de M. Ducommun, le
Général prononça d'un ton
énergique, devant tous les Malgaches
assemblés, un discours où se
trouvaient ces paroles :
« On a essayé de vous faire
croire que catholique voulait dire Français
et que protestant signifiait Anglais. Eh
bien ! ce n'est pas vrai. La preuve, c'est que
ces messieurs ici présents, sont protestants
et Français. Je les remercie d'être
venus ici pour vous enseigner leur religion, vous
instruire et chercher à vous rendre
meilleurs. Je n'ai pas de meilleurs collaborateurs
dans ma grande tâche
colonisatrice... »
Au concours agricole, ouvert en avril 1899,
il déclarait d'une façon plus
explicite encore :
« Vous pouvez et savez
apprécier tous les jours les services
désintéressés que Vous rendent
les diverses missions établies dans
l'île et qui remplissent, avec un
dévouement au-dessus de tout éloge,
le but humanitaire qu'elles se sont imposé
vis-à-vis de vous. La France entretient les
rapports les plus cordiaux avec toutes les
puissances, et ici-même, autour de moi, vous
voyez les représentants des missions
étrangères qui nous apportent leur
collaboration dans l'oeuvre de civilisation et
d'humanité que la France a entreprise
à Madagascar. »
Ce qui s'imposa dès lors aux
missionnaires protestants, ce fut la
réorganisation, on peut dire
intérieure, d'une oeuvre que la
tempête venait de secouer et
d'ébranler de si douloureuse façon,
réorganisation portant à la fois sur
les églises et sur les écoles.
Pour ces dernières, il fallait
à la fois relever les bâtiments,
introduire des méthodes plus modernes,
préparer des centaines d'instituteurs
indigènes à un
enseignement tout nouveau pour eux, celui du
français, et bientôt même y
créer de toutes pièces un
enseignement agricole et professionnel.
Mais ce qui importait avant tout,
c'était de remettre de l'ordre dans la
confusion qui avait fini par s'établir dans
beaucoup d'églises, à la suite des
vicissitudes traversées. Le système
instauré par la Mission de Londres n'avait
d'ailleurs guère aidé l'église
malgache à résister à
l'attaque qu'elle avait subie.
C'est ce que met en lumière un
rapport présenté par M. Vernier en
octobre 1898.
« Les Églises malgaches
dont la direction nous a été
confiée, dit-il, manquent de
cohésion. C'est un fait qui s'impose
dès l'abord à l'observateur le plus
bienveillant. Nous ne sommes pas devant un corps
ecclésiastique, mais en face de membra
disjecta. Il se peut que les derniers
événements aient été
pour beaucoup dans cette émiettement de
l'église malgache ; nous croyons
pourtant que nos devanciers ont trop
sacrifié au congrégationalisme. Ce
système de gouvernement religieux peut
convenir à des communautés de
croyants solides, mais les Églises malgaches
sont encore des mineures en, la foi...
« Notre tâche
d'éducateurs religieux n'est pas seule
à nous dicter la recherché d'une
meilleure organisation ; une sorte de
nécessité historique et d'instinct de
conservation conspire aussi à nous
l'imposer. Pendant la crise
récente, les
Églises malgaches ont vu les quelques liens
qui les unissaient se relâcher encore ou se
rompre complètement. N'est-il pas à
craindre que tous ces membres
écartelés ne finissent par mourir
tout à fait ? Le moment de les
rapprocher, avant d'appeler l'esprit de vie et de
résurrection n'est-il pas venu ? Il
faut sans tarder nous mettre à l'oeuvre et
communiquer à nos églises le
sentiment, la conviction qu'elles sont un corps
capable de vivre, de lutter, de
vaincre... »
Aussi le Comité des Missions
décida-t-il d'envoyer, en juillet 1898, son
directeur, M. Boegner, accompagné d'un
missionnaire expérimenté du Lessouto,
M. Germond, afin d'aider les missionnaires de
Madagascar à orienter leur oeuvre et
à établir définitivement leur
plan de travail.
Cette délégation eut le plus
heureux effet sur l'avenir de la Mission et fut
reçue avec joie par tous les missionnaires
protestants, français ou étrangers.
Elle contribua à dissiper les
dernières préventions qui pouvaient
subsister en haut lieu contre la Mission de
Londres, et redonna courage à ses
représentants.
Elle jeta les bases d'un
presbytérianisme qui peu à peu a agi
sur l'ensemble des églises protestantes de
l'île, donnant une autorité toujours
plus grande aux assemblées
représentatives formées des
délégués des diverses
communautés de fidèles.
Elle réussit aussi à amener de
précieuses modifications
dans la politique scolaire officielle.
Tout d'abord on plut envisager la
rétrocession à la Mission de Londres
des écoles se trouvant dans les districts
qu'elle gardait, et dont la Mission de Paris avait
dû assumer la direction au lendemain de la
conquête française.
D'autre part, on put attirer l'attention du
Gouverneur Général sur les
inégalités choquantes dans la
façon dont le gouvernement de la colonie
traitait les écoles catholiques et les
écoles protestantes.
La délégation,
s'efforça, en s'appuyant sur ce qui se
faisait au sud de l'Afrique, de faire adopter le
principe de l'école libre
subventionnée, appliqué à tous
au prorata des efforts faits et des
résultats obtenus.
Le Général déclara que
les propositions des délégués
lui ouvraient des horizons nouveaux. De fait, il
s'en inspira très largement dans le
décret sur l'enseignement qu'il fit
paraître en avril 1899, tout en,
procédant avec la plus extrême
prudence. Il avait, en effet, à tenir compte
des résistances que l'idée
elle-même de collaboration avec les
écoles privées devait rencontrer dans
certains milieux coloniaux. D'ailleurs il ne put
offrir, à cause des ressources
limitées de son budget, que des subventions
très modestes, plus théoriques que
pratiques.
Cependant toutes les Missions, ainsi
encouragées, firent de sérieux
efforts et engagèrent de grosses
dépenses pour collaborer
véritablement avec le
gouvernement dans l'éducation des
Malgaches.
La Mission française reçut
à cette époque d'assez importants
subsides de la Société pour le
développement de l'Instruction primaire
parmi les protestants de France.
Elle organisa une école normale, qui
sous la forte impulsion de M. Groult, son
directeur, devint un des établissements
d'instruction les plus en vue de l'île.
Visitant cette école normale quelque
temps après, l'inspecteur officiel
déclarait qu'on n'avait encore fait dans
aucune école un effort semblable sous le
rapport des travaux manuels.
Les Missions étrangères
suivaient avec ardeur le mouvement dont la Mission
française avait pris la tête, et, avec
un désintéressement et un zèle
de tous points dignes d'éloges,
créaient des écoles nouvelles, ou en
réorganisaient d'anciennes, comme leur
grande école industrielle d'Isoavina.
Les statistiques de 1903 soulignent les
progrès accomplis pendant les deux
années du fonctionnement de
l'arrêté de 1901.
La Mission de Londres avait plus de 350
écoles en Imerina et près de 300 au
Betsileo, avec un total de près de 40.000
enfants des deux sexes.
Les Quakers avaient 210 écoles
fréquentées par 13.000
élèves.
L'oeuvre des Norvégiens était
l'objet d'une description flatteuse dans le Journal
Officiel du 6 avril 1901.
« Cette Mission est au nombre des
plus importantes : elle a 900
établissements scolaires... Elle a fait
depuis deux ans un effort considérable pour
organiser ses écoles comme le désire
la Colonie, et son oeuvre du Vakinankaratra est des
plus prospères. »
La même Mission en 1903 avait 974
écoles avec 50.000
élèves.
Les Missions luthériennes du sud
possédaient, de leur côté, une
soixantaine d'écoles avec 75 maîtres,
et cela dans les régions les plus
arriérées de l'île, tandis que
la Mission anglicane présentait un ensemble
d'environ cent écoles.
Mais c'était encore la Mission
française qui avait su maintenir son effort
au maximum.
À Ambositra, comme à
Fianarantsoa et Tananarive, elle avait
créé de grandes écoles
supérieures et professionnelles. À
Mahereza, M. Rusillon avait une grande section
d'élèves menuisiers.
Mme Escande, spécialiste des
écoles maternelles, avait pris l'initiative,
encouragée par le Colonel Lyautey, alors
Résident du Sud, d'en créer une
modèle à Fianarantsoa.
Dans la campagne, le nombre des
écoles primaires ressortissant de la Mission
française approcha de 600. Cette Mission fut
d'ailleurs l'objet de louanges officielles
répétées de la part des
autorités de la Colonie.
Pour marquer d'une façon ostensible
l'estime dans laquelle il tenait la Mission, le
Général proposa au
ministre de nommer M. Delord, doyen des pasteurs
français à l'oeuvre à
Madagascar, chevalier de la Légion
d'honneur, ce qui fut fait.
Une autre tentative intéressante fut
la création d'un cours secondaire à
l'usage des indigènes désireux de
posséder des connaissances
littéraires et scientifiques un peu plus
approfondies. Ce cours, organisé par M.
Chazel, prit le nom d'École Paul Minault et
fut particulièrement bien accueilli de
l'élite de la population
indigène.
La préparation des collaborateurs
indispensables pour la desserte des églises
préoccupait tout particulièrement les
missionnaires.
Il fallait de toute nécessité
que la Mission française
possédât un établissement
où elle préparerait ses
collaborateurs religieux et leur communiquerait ses
principes et ses méthodes. Elle ne pouvait
se contenter toujours de ceux que la Mission de
Londres voulait bien mettre à sa
disposition.
Le rapport de la Conférence
générale de 1900 renfermait ces
lignes :
« La majorité des rapports
se rencontrent pour constater quel appui fort et
quelle aide précieuse nous pouvons trouver
dans nos collaborateurs indigènes
« lorsqu'ils ont donné des preuves
d'un zèle vraiment apostolique, simplement,
humblement et d'une façon
désintéressée. »
« Mais ces auxiliaires malgaches,
véritablement
consacrés à l'oeuvre de Dieu, sont
justement ce qui manque le plus à notre
mission. Tous les missionnaires chargés de
districts, sans exception, concluent à la
nécessité d'ouvrir, le plus tôt
possible, une école
d'évangélistes où,
conformément à nos méthodes,
nous préparerons nos futurs collaborateurs
indigènes.
« Cette école est notre
suprême espoir ; nous croyons qu'il faut
la commencer d'urgence, en prenant le personnel qui
en sera chargé dans les rangs des
missionnaires déjà à l'oeuvre
ici. Il semble à certains que, même
dans le cas où le Comité nous
enverrait de France un homme réellement
qualifié pour cette belle tâche, il
vaudrait mieux pour son futur ministère
qu'il se mette d'abord au courant des habitudes de
notre mission, du caractère et de la langue
malgaches en prenant, pendant quelques mois, la
direction d'un district ordinaire. C'est ainsi que
l'école profitera des expériences
faites. Quelques missionnaires croient aussi qu'il
serait bon que cette école fût
à la campagne. Les élèves y
trouveraient plus de recueillement. Il serait plus
facile d'opérer un triage sérieux
entre les divers candidats à admettre. Le
directeur pourrait faire faire à ses
élèves des études pratiques de
visites et de prédications dans les
Églises qui entourent l'école. Les
élèves seraient ainsi, dès
leurs années de préparation, dans le
cadre et les circonstances où il leur faudra
plus tard travailler.
« Devant l'immensité de
notre oeuvre, en présence
de districts aussi vastes que ceux l'Ambohibeloma,
Ambositra, Fihaonana et Tsiafahy, lorsque nous
constatons que les renforts que nous
réclamons en vain, dans le sentiment de
notre faiblesse et de notre insuffisance, les
Églises de France ne nous les envolent pas,
nous sentons que notre personnel européen ne
sera jamais suffisant pour couvrir
véritablement de l'influence
chrétienne les étendues qui sont
confiées à nos soins. Nous avons donc
besoin de collaborateurs malgaches et nous avons
déjà trop tardé à les
recruter et à les
préparer. »
On ne put ouvrir cette école qu'en
1902. Encore M. Vernier, son directeur
désigné, rapatrié
momentanément pour cause de santé,
dut-il laisser à son jeune collègue
M. Mondain le soin de l'ouvrir et de la diriger
pendant les dix-huit premiers mois.
Des règles très strictes
devaient présider au choix de candidats
auxquels chaque missionnaire de district,
après une sérieuse enquête,
adresserait un appel. Le cours des études
était fixé à trois ans, mais
à trois ans complets d'études
intensives avec de très courts
congés. Tous les livres de la Bible devaient
être passés en revue pendant ce cycle
de trois ans, ainsi que toutes les disciplines
reconnues indispensables à celui auquel
serait confiée une paroisse. La suite devait
montrer la sagesse de ces dispositions.
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