LE SALUT DE DIEU
FEUILLE CONSACRÉE À
L'ÉVANGÉLISATION
VOL. I
PREMIÈRE ANNÉE 1873-4
UNE QUESTION RÉGLÉE
QUE FAUT-IL QUE JE FASSE POUR ÊTRE SAUVÉ ?
« II n'y a point de salut en aucun autre ; car
aussi il n'y a point d'autre nom sous le ciel, qui soit
donné parmi les hommes, par lequel il nous faille être
sauvés. » (Actes
IV, 12.) « Moi, je t'ai glorifié sur la
terre ; j'ai achevé l'oeuvre que tu m'avais donnée à
faire. » (Jean
XVII, 4.)
Lorsqu'une âme est réveillée de son état d'insouciance et
se voit coupable devant Dieu, son premier sentiment est
celui de la crainte ; elle s'efforce d'échapper aux
conséquences du péché et d'apaiser un Dieu justement irrité,
par un changement de conduite et des mortifications
extérieures.
Lecteur, si tel est votre état d'âme, si vous cherchez à
fuir la colère à venir, lisez ce récit et vous verrez
comment une âme angoissée comme la vôtre a trouvé le chemin
du salut.
Dans une ville du nord de l'Allemagne vivait, il y a
quelques années, un jeune homme élevé dans la religion
catholique romaine. Il ne croyait cependant ni en cette
religion, ni en aucune autre, vivant dans l'incrédulité la
plus complète, éloigné de toute pensée de Dieu, et
surpassant en dépravation les plus endurcis d'entre ses
compagnons de vice. Et pourtant (oh ! que merveilleuses
sont les voies de Dieu !), comme David transperça
Goliath avec la propre épée du géant, ainsi Dieu se servit
de l'excès même de la perversité de ce jeune homme pour
transpercer son âme d'une terreur soudaine. Repris dans sa
conscience, se voyant tout à coup dans son vrai jour,
une angoisse poignante s'empara de lui. Il eut horreur de
lui-même et se dit : — « II n'y a pas au monde de
pécheur plus coupable que moi ! S'il est vrai que les
méchants iront en enfer, et que le ciel n'est réservé qu'aux
bons, mon sort n'est pas douteux ; l'enfer m'attend,
car si jamais homme a mérité la perdition éternelle, c'est
bien moi. » Dès lors plus de repos ; cette pensée
terrible le poursuit et le torture nuit et jour. Comment
s'en distraire ? — En se replongeant plus profondément
dans sa vie de péché. Mais le vice a perdu tout attrait.
Oh ! si seulement il pouvait espérer qu'il y eût
possibilité de salut.
Il se rappelle alors ce qu'on lui a raconté au sujet de
pénitences, de prières, de couvents où, dit-on, des moines
trouvent moyen d'expier leurs péchés par des oeuvres
méritoires et des mortifications excessives. Cette pensée
lui rend quelque courage ; il sent que nul labeur,
nulle macération ne lui coûteront, s'il peut obtenir par là
au moins une vague espérance de pardon, et il se décide à se
faire moine. Mais il demande, avant tout, où se trouve le
couvent dont la règle est la plus sévère et les pénitences
les plus dures ; ce couvent se trouvât-il à l'extrémité
de la terre, il ira et y passera le reste de sa vie dans la
pénitence et la prière. Il apprend enfin que l'objet de ses
recherches est un monastère de la Trappe, à. environ quinze
cents milles de sa demeure. Trop pauvre pour subvenir aux
dépenses que nécessite ce voyage, il se résout à le faire à
pied et à mendier sa subsistance en chemin. Cela déjà lui
semble être un commencement de pénitence et un pas de gagné
sur le chemin du ciel. Le voyage fut long et pénible, sous
un soleil brûlant, à travers des pays inconnus. Exténué, il
parvient enfin en vue de l'antique monastère où il espère
trouver le repos de son âme. Quant à son corps, il ne s'en
embarrasse guère. Le voilà pourtant arrivé ; il
sonne ; la porte lui est ouverte par un vieux moine, si
faible et si infirme qu'il semble hors d'état de marcher.
Que désirez-vous ? demande le vieillard.
Être sauvé, répond le voyageur. La crainte de l'enfer m'a
poussé jusqu'ici pour y chercher le salut de mon âme.
Le vieux moine l'invite à entrer, et, le conduisant dans sa
cellule :
Maintenant, dit-il, expliquez-moi vos paroles ?
Eh bien ! voici ce qui m'amène : Vous voyez devant
vous un pécheur perdu. Ma vie a été si indigne que je
n'oserais vous la raconter. Il me paraît impossible qu'un
misérable tel que moi puisse jamais être pardonné ; et
néanmoins me voici prêt à tout endurer et à tout tenter pour
obtenir mon pardon. Si donc vous voulez me recevoir dans
votre ordre, je me soumettrai, sans me plaindre, à toute
pénitence que vous m'infligerez.
Ne m'épargnez aucune souffrance ; dites-moi seulement
ce que je dois faire pour être sauvé, et, quoi que ce puisse
être, je le ferai.
Le vieux moine répondit :
—Vous dites que vous êtes prêt à faire tout ce
que je vous dirai. Eh bien ! retournez tout droit chez
vous, car tout ce dont vous me parlez a été expié avant que
vous vinssiez, et il ne vous l'esté plus rien à faire. Un
autre a déjà souffert à votre place. Tout est accompli.
? — Tout est accompli, dites-vous ?
—Oui, tout.
Ne savez-vous pas dans quel but le Sauveur est venu dans ce
monde ? Il est venu pour endurer à notre place le
châtiment que nos péchés nous ont attiré. Après être mort
pour nos offenses, il est ressuscité pour notre
justification, ayant achevé l'oeuvre que le Père lui avait
donnée à faire. Il ne pouvait pas se reposer avant de
l'avoir achevée. Elle est accomplie ; et maintenant il
est retourné auprès de son Père ; il s'est assis à sa
droite, et il nous prépare des places, afin que là où il
est, nous y soyons aussi ; et nous jouirons
éternellement de sa gloire. Il ne vous reste donc rien à
faire que de louer et remercier sans cesse notre Sauveur, et
de vous réjouir dans la pensée que vous le rejoindrez et
serez fait participant de sa gloire comme vous êtes
actuellement l'objet de sa grâce. Et maintenant allez,
retournez chez vous, débarrassé de toute crainte, et
souvenez-vous que Christ a dit : « C'est
accompli ! »
Le voyageur reprit son bâton et rebroussa chemin tout
joyeux, le coeur débordant de reconnaissance.
Et vous, lecteur, qu'allez-vous faire ? Avez-vous
accepté comme lui la quittance de votre dette, écrite avec
le sang de Christ, ou bien vous efforcerez-vous
encore de la payer avec de fausses pièces que Dieu ne
saurait accepter ? Si vous voulez être sauvé, croyez
seulement. Celui qui croit a la vie éternelle, et il est
passé de la mort à la vie. Ce n'est point une espérance,
c'est une certitude pour l'âme qui croit.
« Vous êtes sauvés par la grâce, par la foi, et cela ne
vient pas de vous ; c'est le don de Dieu, non pas sur
le principe des oeuvres, afin que personne ne se
glorifie. » (Éph.
II, 8, 9.)
« Ils lui dirent : Que ferons-nous pour faire les
oeuvres de Dieu ? » Jésus répondit, et leur
dit : « C'est ici l'oeuvre de Dieu, que vous
croyiez en Celui qu'il a envoyé. » (Jean
VI, 28, 29.)
LA JUSTIFICATION PAR LA FOI
ET
LA JUSTIFICATION PAR LES OEUVRES
Réponse à la question sur Rom.
IV et Jacq. II ; voir
p. 68
[Nous examinons ici le sens de chacun des deux
passages ; puis, dans le prochain numéro, D. V., nous
considérerons la connexion, c'est-à-dire les rapports et la
différence du point de vue des deux auteurs.]
Le fond du sujet traité par Paul est « la justice de
Dieu » révélée dans l'Évangile de Christ, qui
est la puissance de Dieu, en salut à tout croyant, (I,
16, 18.) Au chapitre III,
il envisage cette justice en tant qu'imputée à tout croyant,
par grâce, par la foi ; moyen qui
exclut tout mérite personnel quelconque chez ceux qui sont
ainsi justifiés, (III,
20-26.) « Nous concluons donc, dit-il, que
l'homme est justifié par la foi, sans oeuvres de Loi. »
(Vers.
28.) Au verset 29
arrive la question : Les Gentils ont-ils aussi part à
cette grâce ? Oui, eux aussi et par la même foi. Le chapitre
IV développe les motifs de cette dernière réponse, en
s'attachant à l'exemple d'Abraham, auquel sa foi fut imputée
à justice, lorsqu'il était encore incirconcis. La loi de la
foi (le régime de la foi justifiante) exclut donc tout sujet
de se glorifier, pour Abraham, comme pour tout autre qui y
est soumis, (III,
27 ; IV,
2.)
Les versets 6-8
montrent que la justice de Dieu, par la foi ou la
justification sous l'Évangile de la grâce, consiste,
d'abord, dans la rémission des péchés ; puis dans le
don d'une justice de Dieu qui recouvre l'homme tout entier,
selon Dieu et devant ce Dieu qui le rend juste ainsi, parce
qu'il le lui faut ainsi. La justification n'est pas
seulement un acte de tribunal qui absolve l'accusé, en le
déchargeant de toute culpabilité (coulpe du péché) ;
c'est, par-dessus tout, un acte de souveraineté divine qui
orne l'accusé d'une justice de Dieu. Le forçat libéré
devient roi et sacrificateur. Dès lors, la conséquence
pratique est que Dieu tient pour agréable tout ce que fait,
par la foi, l'homme qu'il a uni à Jésus au moyen de cette
même foi.
La loi (ou le régime) de la foi est partout opposée à la loi
(ou au régime) des oeuvres, et aux oeuvres
de Loi ; c'est-à-dire opposée à toute prétention
qu'aurait l'homme de rendre Dieu son débiteur, en quoi que
ce soit, au moyen de quelque oeuvre ou quelque travail de sa
part. Le reste de l'épître revient fréquemment sur ce sujet.
Enfin, non-seulement la justice et l'héritage, mais
absolument toutes les promesses s'obtiennent par la foi
uniquement, et non-seulement par la foi en opposition avec
les oeuvres de Loi (III,
28), mais par la foi en opposition avec « les
oeuvres » de la manière la plus absolue, (IV,
2.)
Paul parle de la foi comme du moyen unique par lequel
l'homme pécheur est justifié devant Dieu, afin
qu'il puisse vivre et jouir des promesses. C'est le noeud de
la question. En Luc
XVI, 15, les Pharisiens cherchaient à « se
justifier eux-mêmes devant les hommes ; »
ce qui constitue deux choses abominables :
1° Le désir de se justifier soi-même. (Luc
X, 29.)
2° Celui de paraître juste aux yeux des hommes à l'exclusion
de l'opinion de Dieu et de la justice de Dieu donnée en
salut à tout croyant.
N'est-ce pas la pensée de notre Seigneur Jésus, lorsqu'il
ajoute sur-le-champ : « Mais DIEU connaît vos
coeurs ; car ce qui est haut estimé parmi les hommes,
est une abomination DEVANT DIEU. »
L'apôtre Jacques a affaire avec un adversaire qui DIT avoir
la foi, mais une certaine foi privée d'oeuvres ; non
pas une foi abstraitement considérée sans les oeuvres, mais
une foi, nécessairement et en principe, sans oeuvres. C'est
un homme« qui DIT avoir la foi, mais
qui n'a point d'oeuvres. » Notons bien, que ceci se
présente à l'esprit de Jacques, aussitôt après qu'il a parlé
de la loi royale, puis de la loi de la liberté (I,
25 ; II,
8, 12), régime dont la chair a toujours cherché à
abuser par la licence. Le raisonnement de Jacques prouve
que, priver nécessairement la foi des oeuvres, c'est la
dénaturer ou la détruire ; il faudrait séparer ce don
de Dieu de Christ lui-même, pour interdire à la foi des
fruits que, en Christ, elle ne peut pas ne pas
produire : « Ainsi aussi, la foi, si elle n'a pas
d'oeuvres, est morte par elle-même. » (II,
17, 20, 26.)
Est-ce à dire que Jacques réponde à Paul ? Ou bien,
Paul aurait-il dit qu'il fallait avoir une « foi sans
oeuvres ? » Certainement non ; car s'il
en était ainsi, Paul serait « l'homme vain, »
auquel Jacques répond eu annulant ses tristes et fausses
prétentions ; Tu DIS avoir la foi. Justifie ton dire.
Montre-la-nous, cette foi. La mienne n'est pas stérile, et
je te la montrerai par mes oeuvres. Abraham a montré la
sienne par ses oeuvres. Je ne peux te traiter en frère, si
tu n'es pas un « frère saint » et juste. Suis-je à
la place de Dieu, pour savoir qu'il y a une source là où je
n'aperçois ni eau, ni humidité, ni fraîcheur ni
verdure ?
Cette montre de la foi doit être ce que Jacques appelle la
justification (du professant et de sa foi), dans tout son
second chapitre. « Être justifié, doit, dans la
pensée de Jacques, se rapporter à la manifestation
extérieure de la validité des prétentions
que quelqu'un émettrait sur la justice de Dieu. L'obéissance
d'Abraham ne le justifia nullement quant à Dieu, puisque
Dieu l'avait élu, retiré de l'idolâtrie, et justifié par la
foi, afin qu'il pût obéir. Quant à une justice de Dieu
imputée au pécheur, l'obéissance d'Abraham n'y pouvait
rien ; mais par cette obéissance, sa foi fut consommée
et l'Écriture fut accomplie ; par elle, Jacques humilie
l'homme vain et lui fait voir le danger de sa position.
Cette obéissance glorifia la justice de Dieu qui reste
juste, en justifiant des impies. Elle montra la valeur, la
puissance et la réalité du moyen que Dieu emploie pour cette
oeuvre de sa magnifique grâce.
Sans parler de la simplicité de la foi qui admet ce sens du
mot, à cause de sa nécessité, il serait bon d'ôter lieu à
toute espèce de doute ; c'est ce qui arrivera si la
Parole en fournit d'autres exemples. Je loue le Seigneur de
ce qu'il Lui a plu d'achever de dissiper mon ignorance ou du
moins de la diminuer par cette recherche.
Le mot ne signifie pas seulement absoudre un impie, un
coupable, et le rendre juste selon Dieu Lui-même, au moyen
de son Fils (Rom.
III, 26) ; ou le délivrer du péché (Rom.
VI, 7) : II signifie encore reconnaître et aussi
manifester la justice, là où elle existe déjà, quelquefois
même d'éternité : ainsi, en Luc
VII, 29, « les péagers ont justifié Dieu. »
Ils ont donné gloire à sa justice. Ils l'ont reconnue et
proclamée en se soumettant au baptême de Jean. Ensuite,
« être justifié » ne signifie pas uniquement
(comme en Rom.
III, 20, 24,
28 ;
V,
1), être rendu juste d'une manière (ou d'une autre, IV,
2).. Mais c'est aussi être reconnu, manifesté
extérieurement, être prouvé juste. Dans ce même sens,
l'apôtre Paul dit en Rom.
III, 25, 26 : « pour montrer sa justice dans
le temps présent, en sorte qu'il soit juste et
justifiant..., » c'est-à-dire, pour que Dieu soit
reconnu et trouvé juste. Les adversaires eux-mêmes
comprendront et confesseront que Dieu est demeuré juste,
tout en justifiant des impies, parce qu'il l'a fait au moyen
de la foi au sang de son Fils.
Matth.
XI, 19 ; Luc
VII, 35 : En contraste avec la folie des
Pharisiens qui annulaient le conseil de Dieu, ou sa sagesse,
le Seigneur a dit : « La sagesse a été
justifiée par ses enfants. »
1
Tim. III, 16 : Le Seigneur Jésus, Dieu manifesté
en chair, « a été justifié par l'Esprit. »
(Comparez Rom.
I, 4 ; 1
Pierre III, 18.)
Rom.
III, 4 ; Ps.
LI, 4 : « En sorte que tu (que Dieu) sois
justifié dans tes paroles, quand tu seras
jugé. » N'est-il pas évident que, dans ces passages, il
s'agit de la justification de la justice même ? Dieu,
sa sagesse, son Fils ne sont pas rendus, mais ils sont
reconnus et prouvés justes. De même Jacques dit qu'Abraham,
déjà juste, a été ainsi justifié. Il fallait un tel exemple
pour confondre, par des preuves, celui qui prétendait à la
foi d'Abraham, sans se croire tenu à l'obéissance :
« Montre-moi ta foi sans oeuvres, et moi je te
montrerai ma foi par mes oeuvres. »
L'emploi du mot « sans » me paraît encore
digne d'une observation en Rom.
III, 28 ; IV,
6 : « L'homme est justifié par la foi, sans
oeuvres de Loi. » Dieu impute à l'homme
« une justice sans oeuvres. » C'est-à-dire
que l'imputation de cette justice a lieu par
l'instrumentalité de la foi, uniquement. Le sujet que Paul
traite est le moyen de la justification devant
Dieu ; et les mots « sans oeuvres »
se rapportent non pas à la foi, mais à :
« est justifié. »
Dans Jacques, c'est précisément l'inverse : Comme
l'amour qui se contente de DIRE aux nécessiteux :
« Allez en paix..., » —est un amour stérile et
mort, de même la foi de celui qui DIT l'avoir, cette foi, si
elle n'a pas les oeuvres, est morte. (Jacques
II, 18, 20,
26.)
Ainsi, Paul n'a pas l'idée de parler d'une foi stérile ou
inefficace ; mais Jacques parle contre une telle foi
qu'il appelle morte. Ce n'est pas une foi considérée
séparément des oeuvres, comme dans Paul ; mais une foi
dont l'essence serait de n'avoir pas d'oeuvres, une foi qui
ne peut donc pas se montrer par ses oeuvres.
Jacques ne nie point que l'homme ne soit justifié par la
foi, sans oeuvres. Mais il affirme qu'Abraham, ainsi
justifié, ne le fut pas au moyen d'une foi
nécessairement stérile. Sa foi, en effet, était si peu
séparée, EN PRINCIPE, des oeuvres, qu'elle fut approuvée ou
justifiée par des oeuvres subséquentes à sa justification
devant Dieu. Jacques répond à une folie de la chair qui
cherche toujours à abuser de la doctrine évangélique sur la
justification. C'est proprement l'antinomianisme
qui veut séparer, nécessairement et en pratique, la foi des
oeuvres ou de l'obéissance. (Comparez Rom.
VI, 17, 18.)
Il faut nous rappeler que la vie du chrétien tout entière
n'est que « l'épreuve de la foi ; » quoiqu'on
ait l'habitude d'appeler épreuves seulement certains
exercices de cette foi, plus saillants que d'autres. Les
oeuvres n'étant qu'un des effets de la foi, lorsqu'elle
est mise à l'épreuve, Paul avait dû exclure ces
effets comme source des privilèges de la foi. Jacques,
raisonnant sur la nature et sur les manifestations de la
même foi, signale les oeuvres comme un indice extérieur et
caractéristique de la foi d'Abraham.
LE PARADIS PERDU ET LE
PARADIS RETROUVÉ.
CHAPITRE IV.
L'AMOUR DE DIEU. L'ARBRE DE VIE
« Et Adam appela sa femme Eve, parce qu'elle a été
la mère de tous les vivants.
« Et l'Éternel Dieu fit à Adam et à sa femme des
robes de peau, et les en revêtit. Et l'Éternel Dieu
dit : Voici, l'homme est devenu comme l'un de nous,
connaissant le bien et le mal ; mais maintenant il
faut prendre garde qu'il n'avance sa main, et aussi qu'il
ne prenne do l'arbre de vie. et qu'il n'en mange et ne
vive à toujours. Et l'Éternel Dieu le mit hors du jardin
d'Eden pour labourer la terre de laquelle il avait été
pris. Ainsi il chassa l'homme, et mit vers l'orient du
jardin d'Éden des chérubins et une épée flamboyante qui se
tournait çà et là, pour garder le chemin de l'arbre de
vie. » (Gen.
III, 20-24.)
« Et Jésus lui dit : En vérité, je te dis :
Aujourd'hui tu seras avec moi dans le paradis. » (Luc
XXIII, 43.)
La portion de la Parole de Dieu qui fait le sujet de notre
étude, nous présente deux considérations quant à l'état de
tout homme devant Dieu : d'abord sa dégradation
morale ; ensuite, sa position d'éloignement de Dieu,
car il est évident que le Dieu de sainteté ne peut pas
garder auprès de lui un être souillé.
La dégradation morale de l'homme nous a occupés dans notre
dernier chapitre. Nous avons vu qu'elle provient d'un coeur
qui veut prêter l'oreille à Satan plutôt qu'à Dieu ;
puis d'une volonté qui s'oppose à Dieu et à tout ce qui
vient de Lui. Progressivement elle plonge l'âme de plus en
plus dans les ténèbres, comme cela se voit dans le premier
chapitre de l'épître aux Romains. Nous avons vu aussi
comment elle produit la peur du Dieu saint et juste qui a
été outragé par le péché ; puis comment Dieu est
intervenu en grâce pour relever sa créature tombée si bas
dans la désobéissance, et pour la délivrer entièrement de sa
mauvaise conscience. Une âme pardonnée n'a plus peur de Dieu
en jugement.
Néanmoins les voies de grâce de Dieu ne s'arrêtent pas à ce
relèvement moral de l'homme déchu. Le père (Luc
XV) aurait pu faire parvenir au fils prodigue dans le
pays éloigné un écrit lui annonçant qu'il ne le punirait
jamais pour tous ses péchés ; mais aurait-il ainsi
manifesté son coeur de père ? Et le prodigue
aurait-il ainsi été placé dans une position qui l'eût engagé
à quitter son méchant train ? N'aurait-il pas été
plutôt encouragé à y persister !
N'aurait-on pas alors pu dire que le père ne se souciait
réellement pas du péché de son fils ? Dieu ne peut pas
agir ainsi. Il se révèle Lui-même, tel qu'il est, dans le
salut qu'il fait prêcher aux hommes perdus. Sa justice
demande que le pécheur soit banni de sa présence ; mais
ses conseils d'amour, ainsi que de justice, trouvent moyen
de faire revenir le pécheur à lui. C'est là, dans la
présence de Dieu, que l'âme rachetée est garantie du mal et
trouve la force pour marcher à la gloire de Dieu.
En examinant de plus près comment Adam et Eve furent chassés
du paradis terrestre, nous comprendrons quelles étaient les
conditions nécessaires pour donner entrée à l'homme dans le
« paradis de Dieu ; » nous verrons ensuite
comment ces conditions ont été remplies.
Quand l'Éternel Dieu descendit dans le jardin d'Éden, après
la chute d'Adam, II manifesta le péché de l'homme et de la
femme, faisant peser sur leurs consciences leur
désobéissance. Il prononça ensuite son jugement selon
l'ordre dans lequel le mal avait été introduit : sur le
serpent d'abord, puis sur la femme, enfin sur Adam ;
insistant sur le fait que la mort était entrée par le péché.
« Tu es poudre, et tu retourneras en poudre. »
Adam saisit alors, par la foi, l'espérance que le jugement
du serpent avait éveillée dans son coeur, et il appela le
nom de sa femme Eve (mot qui veut dire vivant) ;
car bien que Dieu eût prononcé la sentence de la mort, II
avait dit aussi que la semence de la
femme écraserait la tête du serpent. Le travail et la
douleur devinrent la part de chacun, — d'Adam en cultivant
la terre ; de la femme dans l'enfantement ; — mais
la parole de Dieu porta les regards d'Adam vers une victoire
finale ; aussi Adam pense-t-il à la vie, lorsqu'il
nomme sa femme Eve, c'est-à-dire : « mère de tous
les vivants. »
Qu'il est beau de voir ici la grâce de l'Éternel Dieu
entrer, après la chute, dans les circonstances d'Adam et de
sa femme, en couvrant Lui-même, d'une manière efficace, la
honte dont la connaissance du bien et du mal avait rempli
leurs coeurs ! Ils avaient vainement essayé de se faire
une couverture avec des ceintures de feuilles de
figuier ; mais l'Éternel Dieu leur fit des robes de
peaux et les en revêtit. Ni la pensée, ni les efforts
d'Adam, n'entrèrent pour rien dans cette couverture. Son
désir fut infiniment dépassé. Dieu Lui-même était l'auteur
des robes dont II revêtit Adam et sa femme. Remarquons
encore que ces vêtements n'avaient pas été faits sans
effusion de sang : des animaux avaient été mis à mort
pour que leurs peaux servissent à cet usage tout nouveau.
N'est-ce pas là un précieux type de ce que Dieu fait pour le
pécheur qui vient à Christ avec un coeur brisé ? Dieu
le couvre d'une robe de justice digne de lui-même, tellement
que l'homme ainsi revêtu est trop heureux de se débarrasser
de sa vaine et fallacieuse couverture de propre justice,
dans laquelle il s'était confié. Or la robe de
justice que Dieu donne est le fruit de la rédemption ;
elle a été payée au prix du sang précieux de Jésus, lequel
s'est offert comme substitut de l'homme, subissant la mort
et la colère de Dieu à la place du pécheur.
Craindra-t-on que la belle robe de justice puisse
enorgueillir le coeur du racheté de Jésus ? Bien loin
de là. Ces robes de peaux ne disaient pas qu'Adam et Eve
fussent encore innocents ; au contraire, elles
déclaraient qu'ils étaient tombés, mais elles attestaient en
même temps la grâce de Dieu qui avait pensé à leur misère.
Ainsi revêtu de la robe de justice, le croyant se souvient
par là même qu'il est sauvé par la grâce ; or
la grâce suppose qu'il était pécheur, qu'il méritait la
mort, et que, sans la grâce, il était nu devant Dieu et
perdu.
Cependant Dieu ne pouvait plus permettre qu'Adam et Eve
restassent en Eden. L'arbre de vie était là au milieu du
jardin, et Dieu ne voulait pas que l'homme, dans son état de
chute, en pût manger. C'eût été le rendre immortel dans son
état de péché et de misère. « Ainsi Dieu chassa
l'homme. » Mais ce que Dieu faisait, il le faisait en
grâce, dans l'intérêt de l'homme. Dieu ne pouvait avoir
communion avec le pécheur ; sa sainteté demandait le
jugement du pécheur, l'abolition du péché. Aussi le jardin
d'Éden ne pouvait plus être la demeure d'Adam ni un paradis
pour lui. Dieu l'en fit sortir ; il le chassa de sa
présence, — en jugement, il est vrai, — mais par des
voies pleines de grâce et d'espérance pour l'avenir,
— d'une espérance fondée sur une justice toute nouvelle, sur
la justice de Dieu, non pas sur celle de l'homme. Puis Dieu
plaça à l'orient du jardin, des chérubins avec une lame
d'épée flamboyante, montrant ainsi l'impossibilité pour Adam
de revenir sur ses pas, afin de jouir d'une vie d'innocence.
Le chemin de l'arbre de vie était gardé, et l'épée tournait
de tous côtés, en sorte que personne ne pouvait s'approcher.
(La suite de ce chapitre à plus tard, D. V.)
LA CONVERSION DE D. M.
« Après avoir beaucoup considéré ce que vous m'avez
dit, et qui me sembliez si différent de tout ce que j'avais
entendu auparavant, je lus et relus les chapitres III-IV de
l'épître aux Romains ; mais il me semblait que j'étais
de plus en plus misérable. Tout le dimanche fut sombre et
triste, et le jour d'hier aussi. J'avais comme le sentiment
que je devais infailliblement périr. La nuit dernière, je ne
pus pas fermer les yeux un seul instant, mais j'étais dans
la détresse sur mon lit. Oh ! quelle misère !
Tout à coup, au milieu de mon désespoir, mon esprit fut
saisi par une portion du chap. v aux Romains, les versets
que voici : « Car, lorsque nous étions encore sans
force, Christ est mort, au temps convenable, pour des
impies. Car à peine quelqu'un mourra-t-il pour un juste (car
pour l'homme de bien, peut-être,
quelqu'un se résoudrait même à mourir), mais Dieu constate
son amour à lui envers nous, en ce que lorsque nous étions
encore pécheurs, Christ est mort pour nous ! »
Oh ! mon cher, cher Monsieur, ai-je besoin de vous dire
l'effet de ces paroles ? D'un saut je fus debout. Je
louai Dieu sur-le-champ. Je me sentis comme un homme qui est
déjà dans le ciel. Je vis pourquoi Jésus était sur la croix,
s'écriant : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu
abandonné ? » Je compris ce que veulent dire ces
paroles bénies de Jésus sur la croix : « C'est
accompli. » Je vis l'amour de Dieu envers moi, et je
louai, et louai, et louai encore ! Je vis que mon salut
ne venait pas de quelque chose de moi, mais procédait de
l'oeuvre parfaite et achevée de Christ, je m'écriai : O
chose glorieuse ! Je suis à présent aussi sûr de mon
salut que je suis sûr que l'oeuvre de Christ est accomplie,
oui, fut accomplie, il y a plus de dix-huit cents ans !
Je l'ai, car je crois.
« Que j'ai été aveugle ! Je n'ai jamais vu clair
jusqu'à ce jour. Jusqu'alors mes yeux étaient entièrement
dirigés en dedans — cherchant à voir là quelque
chose en quoi Dieu pût prendre plaisir -, mais depuis ce
matin mes yeux sont dirigés en dehors — vers ce qui
a été fait pour moi. Je pensais, ainsi que je l'avais
entendu dire par plusieurs, que Christ avait fait sa part,
et qu'il nous fallait faire la nôtre pour être sauvés.
Quelle était ma part ? C'est ce que je ne n'ai jamais
pu savoir de personne avec certitude, et encore moins
pouvais-je le savoir de moi-même. J'avais la Bible ;
mais je ne savais pas où commencer. On me disait que je
devais me repentir ; et avec du sérieux et des prières
j'y arrivai, mais jamais je n'ai pu croire d'avoir satisfait
Dieu. Plusieurs me dirent d'être très-fervent dans la
prière ; et je me mettais dans un tel état devant Dieu
qu'il ne me restait plus que ce cri : Seigneur, s'il me
faut aller en enfer, j'y irai en priant. J'essayais tous les
moyens, mais il n'y avait aucune lumière. Mais, ce matin, en
voyant mon salut tout accompli — oui accompli par
le Seigneur Jésus — en voyant que j'étais justifié
gratuitement paria grâce de Dieu, par la rédemption qui est
dans le Christ Jésus, une paix indescriptible s'empara de
moi : tout était clair. Je vis immédiatement que
j'avais la clef des Écritures — la clef du ciel même. La
face de Dieu était maintenant visible pour moi. Je pouvais
le voir me sourire, et je m'écriai du ton le plus élevé de
ma voix : C'est ici la vraie lumière qui vient du
ciel !
« Ah ! parlez-moi maintenant de ma part
d'action, et je pourrai répondre : C'est ce que
j'ai fait dès mon entrée dans le monde Je vois clairement
que sans avoir commis un seul crime, j'étais perdu, — par nature
enfant de colère, impropre par ma condition naturelle
à demeurer avec Dieu ; et certes si sous le rapport de
ce que je suis par nature j'étais perdu, qu'est-ce que
j'étais avec tous mes péchés et mes crimes !
« Mais le sang ! Oh ! le sang de Jésus
purifie de tout péché !.... »
Question sur Hébr.
IV.
Le repos dont il s'agit dans ce passage est-il
seulement pour le règne de Christ sur la terre, ou
bien est-il accessible par la foi dès
maintenant ; car nous lisons au verset 3 :
« Nous qui avons cru, nous entrons
dans le repos ».
A. C.
Il faut d'abord faire observer que le
présent : « entrons, » est
un présent caractéristique et non pas historique.
Le fait est signalé que le repos est là pour qu'on
y entre, et que les croyants sont ceux qui doivent
en jouir, sans qu'il soit question de l'époque ou
ils y entreront.
En réponse à votre question, nous ne pouvons
faire mieux que de transcrire un passage des
« Études sur la Parole » :
« Remarquez bien qu'il s'agit du repos de
Dieu : c'est ce qui l'ait comprendre
le bonheur et la perfection de ce repos. Dieu doit
se reposer dans ce qui contente son coeur, cela a
été le cas même de la création : « Tout
était très-bon ! » Maintenant Dieu agit
dans son amour parfait ; et d'autant plus que
nous avons la connaissance du bien et du mal, cet
amour ne peut ; s'il ne nous introduit pas
dans une parfaite bénédiction, se contenter, quant
à nous ; nous posséderons une portion céleste
dans la bénédiction que nous aurons auprès de Lui,
dans une sainteté et dans une lumière parfaites.
Aussi, le travail pénible de la foi, l'exercice de
la foi dans le désert, le combat (quoiqu'il y ait
bien des joies), les bonnes oeuvres qui s'y
exercent et tout effort quelconque cesseront. Ce
n'est pas seulement qu'on sera délivré de la
puissance du péché intérieur : tout le labeur
et toutes les peines du nouvel homme cesseront.
« Nous sommes maintenant déjà affranchis de
la loi du péché : alors, nos exercices
spirituels pour Dieu cesseront. Nous nous
reposerons de nos oeuvres, non des mauvaises. Nous
nous sommes déjà reposés de nos oeuvres, pour ce
qui regarde la justification, et nous avons le
repos dans nos âmes par conséquent dans ce
sens-là ; mais il ne s'agit pas de cela ici,
mais du repos chrétien quant à tous ses travaux.
Dieu s'est reposé de ses oeuvres, qui étaient,
certes, de bonnes oeuvres ; nous aussi, nous
nous reposerons avec Lui alors. Maintenant nous
sommes dans le désert, nous combattons aussi avec
les malices spirituelles dans les lieux
célestes : il nous reste un repos précieux,
le coeur se reposera auprès de Dieu : là,
rien ne troublera la perfection de notre
repos ; Dieu se reposera dans la perfection
de la bénédiction qu'il aura accordée à son
peuple.
« La grande pensée de l'auteur de l'épître,
c'est qu'il reste un repos (c'est-à-dire que le
croyant ne doit pas attendre le repos ici), sans
qu'il soit dit lequel ; — et l'épître ne
parle pas en détail du caractère du repos, parce
qu'elle laisse la porte ouverte à un repos
terrestre, pour le peuple terrestre (Israël), sur
le pied des promesses ; quoique pour les
chrétiens, participants de la vocation céleste, le
repos de Dieu soit évidemment céleste. »
|
LA JUSTIFICATION PAR LA FOI
ET
LA JUSTIFICATION PAR LES OEUVRES
(Réponse à la question sur Rom.
IV et Jacq.
II ; v. p. 68,
93. )
Dès le commencement de l'épître de Jacques, l'homme
justifié se trouve nécessairement soumis, pendant sa vie, à
« l'épreuve de sa foi. » La démonstration
extérieure de la foi n'est pas une chose d'une médiocre
utilité. - Nous lisons (chap.
II, 23) : « Et l'Écriture a été
accomplie, » comme nous pourrions dire : Ainsi fut
accomplie telle ou telle prophétie. L'événement existait,
pour la foi, du moment où Dieu l'avait annoncé. Cependant la
prophétie était accomplie par l'événement, et non
auparavant. Voy. Jean
XIX, 24, 28,
30,
36.
« Ainsi fut accomplie l'Écriture » — au point
de vue extérieur, non pas entre Dieu et Abraham, mais de
telle façon que personne n'y puisse trouver lieu de
s'égarer, ou d'égarer les autres, ni lieu de douter et de
contredire. L'Écriture, qui déclare la justice d'Abraham par
la foi, atteste encore cette justice en inscrivant les
oeuvres de ce juste. Est-ce que l'homme vain pouvait
appuyer, « accomplir s ainsi sa prétention ?
L'épreuve consomma la foi d'Abraham par des
fruits ; ces fruits ont, à leur tour, consommé
l'Écriture, parce que les paroles de Gen.
XV, 6, ont reçu, en pratique, une démonstration
tellement évidente, que la grande et fondamentale doctrine du
salut gratuit ne peut plus être ébranlée. Un juste seul, la
foi seule a pu faire ce que fît Abraham. Cet acte de sa
longue vie de foi n'a pas seulement l'avantage d'être, de
beaucoup, postérieur à l'effet des paroles de Gen.
XV, 6, et ainsi de pouvoir les consommer ; il
enlève encore à l'homme tout sujet de se glorifier DEVANT
DIEU. En effet, la foi d'Abraham lui fut imputée à justice
et non pas une oeuvre quelconque ; pas même le tout
premier acte de sa foi : « Par la foi... il
obéit... et il s'en alla. » (Hébr.
XI, 8.)
L'épreuve suprême de Morija a fourni à un saint, déjà
justifié depuis près de quarante années, l'occasion de
manifester à tous l'excellence de cette foi, au moyen de
laquelle Dieu l'avait rendu juste DEVANT LUI. En Morija nous
avons Abraham justifié devant l'homme, quoiqu'il
n'y eût, dans ce saint, aucun doute à cet égard devant Dieu,
nul désir de la gloire qui vient de l'homme. La gloire de
Dieu, l'instruction des pécheurs, l'affermissement des
justes et premièrement celui du patriarche, furent les
résultats bénis de cette épreuve. Si Dieu y a pris plaisir,
c'est pour sa gloire. La foi qui saisit Christ et ses
promesses, rend agréables à Dieu et le croyant et son
obéissance d'ailleurs si imparfaite, parce qu'elle met en
évidence Christ, puissance de Dieu et sagesse de Dieu.
L'acte de Morija n'a cependant ajouté aucune vertu à la
vieille foi d'Abraham. Il en provenait. L'épreuve
eut une oeuvre parfaite, en patience et en espérance.Dieu,
qui donne la foi avec ses privilèges, est aussi celui qui la
met à l'épreuve selon sa sagesse. Il connaît d'avance toute
la valeur, ainsi que le commencement et la fin des moyens
qu'il emploie. (Jean
X, 17 ; XIX,
28, 29.) C'est à Lui que nous avons recours pour
obtenir et le vouloir et le faire. Mais il sait, déjà en
plantant sa Parole en nous, jusqu'où il nous mènera dans les
sentiers de la foi. Il peut, dans le temps convenable, et ne
fût-ce que pour fermer la bouche à l'arrogance téméraire de
l'homme, manifester l'activité de la foi en la mettant à
l'épreuve.
Toutefois, le croyant est justifié devant Dieu, avant
que quoi que ce soit de bon ait été produit par son moyen.
Mais si quelqu'un demande : Où est cette plante, et à
quoi la reconnaîtrai-je ? la Parole répond :
« Vous reconnaîtrez l'arbre à son
fruit. ? » Le jardinier connaît un
pommier, même en hiver. Il le connaît en le plantant. Même
en le semant, il peut déjà dire : Tu es un pommier. Si
quelqu'un, en l'entendant, pensait : Non, c'est un
sauvageon, la parole du jardinier ne s'en accomplira pas
moins, et, dans la saison, le pommier sera justifié, ou
reconnu pommier, par ses fruits (1
Jean III, 7) ; le jardinier sera glorifié, — sa
parole accomplie.
Vers.
24. Nous voyons donc que c'est par des oeuvres que
l'homme est manifesté aux créatures comme juste ; non
par la foi seulement (considérée abstraitement ou
au point de vue de la grâce qui justifie sans oeuvres). La
foi, qui a justifié Abraham devant Dieu, n'aurait pu le
justifier devant l'homme, sans agir d'une manière
extraordinaire.
Abraham, en offrant son unique fils, montra par là qu'il
comptait et sur l'amour de Dieu et sur sa puissance, même
pour ressusciter d'entre les morts ; et ainsi il
glorifia cette puissance de Dieu qui agissait en lui.
Paul n'a jamais dit : Bienheureux l'homme auquel Dieu
impute « une foi sans oeuvres ; » mais
« une justice sans oeuvres » — une justice
imputée à la foi uniquement, purement et simplement. Et,
jamais non plus, Jacques n'a dit : Ses oeuvres lui
furent imputées à justice.
Nous avons vu que toute la question de la justification se
divisait en deux parties : Entre Dieu et l'homme
pécheur, par la foi ; et alors c'est une justice sans
oeuvres. Entre les hommes ; et alors la foi et ses
oeuvres. Quoique Paul n'entre point sur ce dernier terrain,
il en reconnaît l'existence, ce me semble, lorsqu'il
dit : « Que dirons-nous donc qu'Abraham, notre
père, a trouvé selon la chair ? » Paul parlait de
la foi. Mais le monde juge d'après la vue, et c'est ce qui
donne lieu à une justification extérieure, ou « selon
la chair. » Auprès de Dieu la question est différente
et Paul ne s'occupe que de cela : « Car,
poursuit-il, si Abraham a été justifié par oeuvres, il a un
sujet de se glorifier (auprès des hommes), mais pas envers
Dieu. »
Ce. point étant admis aussi par Jacques, ce dernier répond à
l'homme vain. Il ne lui dit pas de se
glorifier en aucune manière (cet homme n'est pas
justifié devant Dieu et n'est pas justifiable devant
les hommes) ; ni d'ôter la gloire à Dieu qui justifie
l'impie ; mais de montrer à l'homme l'existence de la
foi dont il se vante devant l'homme. Comment se
justifiera-t-il ? Il n'a pas d'oeuvres. La parole, au
contraire, a pris soin de justifier Abraham, même devant
toute chair, par le témoignage qu'elle a rendu à ses
oeuvres.
Au commencement de l'Eglise, il y avait quelque chose
d'analogue, je pense, quant aux miracles ou du moins quant
aux langues ; les signes servaient à convaincre les
incrédules de l'action de Dieu et de sa présence ; ils
justifiaient cette présence. Mais ils n'étaient pas pour les
croyants. (Actes
II, 12, 16,
33,
41 ;
1
Cor. XIV, 22.)
Un pécheur qui, en exhalant son dernier soupir, recevrait
Jésus, meurt justifié devant Dieu. S'il confesse Jésus, il
est aussi justifié devant les hommes. D'un autre côté, les
oeuvres peuvent justifier extérieurement, quel que soit le
moment de leur manifestation depuis la naissance de la foi.
Sarah, stérile jusqu'à quatre-vingt-dix ans, n'en était pas
moins la femme d'Abraham, aussi bien avant qu'après la
naissance d'Isaac. Cependant la stérilité n'est pas plus une
nécessité du privilège d'épouse, qu'elle n'est un caractère
de la foi imputée à la justice. La foi, depuis si longtemps
exercée, du juste Abraham fut justifiée extérieurement en
Morija. La foi naissante du brigand crucifié le fut par une
confession qui mérite cependant à peine le nom d'oeuvre.
Mais, dans aucun cas, jamais aucune oeuvre ne justifie le
pécheur d'une justice de Dieu, et devant Dieu.
Toutefois, béni soit notre Père qui nous a laissés ici-bas
dans la courte, épreuve de la foi, comme un peuple
particulier que Lui-même s'est créé, afin qu'il fût zélé
pour les bonnes oeuvres ! Béni soit son Nom, de ce
qu'il a daigné « nous créer en Jésus-Christ, pour les
bonnes oeuvres que Lui-même nous a préparées d'avance, afin
que nous marchions en elles... ! Il a créé toutes
choses en Jésus-Christ, afin que sa sagesse, infiniment
diverse, fût maintenant donnée à connaître aux
principautés et aux autorités, dans les lieux célestes, PAR
LE MOYEN DE L'ÉGLISE... » Sur la terre déjà, le Père de
Jésus est glorifié, lorsque nous portons beaucoup de fruit.
La foi est un don de Dieu. (Jean
VI, 44, 65 ;
Actes
XVI, 14 ; Éphés.
II, 8 ; Phil.
I, 29 ; 2
Tim. II, 25 ; Jude
3.) C'est un lot échu aux bien-aimés du Père dans son
conseil. (2
Pierre I, 1.) Là gît tout « son
prix ! » Elle tire de Christ seul (ce grand
don du Père) son efficace, son utilité, ses privilèges.
C'est l'objet, non pas l'instrument, c'est Christ et non pas
la foi, qui a des mérites à faire valoir devant
Dieu. Christ produit du fruit en nous, par la foi en Lui.
L'incorruptibilité d'un esprit doux et paisible est
certainement d'un grand prix devant Dieu. Mais d'où
vient-il, cet esprit, dans « l'homme caché » du
coeur ? N'est-ce pas l'esprit de Christ dans ses
rachetés ? Toute idée de mérite, le
nom même, est anti-scripturaire, soit « comme venant de
nous-mêmes, » soit comme rendant l'homme créancier de
Dieu. Ce qui plaît à Dieu, ce qui a du prix, ce qui est
agréable devant Lui, ce qui l'oblige même dans sa justice (Hébr.
VI, 10 ; 1
Jean I, 9, etc.), c'est uniquement Christ, son sang ou
son Nom, soit sur nos prières, soit sur nos louanges, soit
sur nos infirmités, soit sur notre obéissance.
Un jardinier prend plaisir à un arbre qu'il a greffé et
qu'il cultive. (Jacq.
I, 21 ; comparez vers. 18).
Son fruit lui est utile et agréable, quoiqu'il puisse s'en
passer de mille manières, aussi bien que de l'arbre
lui-même. Cependant il aime le fruit et il soigne l'arbre
pour s'en faire honneur. Mais que serait-ce, si l'arbre,
oubliant qu'il DOIT TOUT au jardinier, voulait lui vendre
son fruit au lieu de le lui rendre ? Si le juste obéit
aux impulsions de la grâce qui le pousse à glorifier
l'auteur de toute grâce, il est approuvé selon les largesses
de cette grâce, à laquelle il en rapporte tout le mérite.
S'il ne le fait pas, il s'expose au jugement en la
chair ; il perd la jouissance de toutes les choses qui
se rapportent à la vie (présente et éternelle) et à la
piété.
L'obéissance chrétienne n'est que la conséquence de
l'adoption. Toute l'éducation du juste, ici-bas, tend à le
conserver dans le courant de cette origine, afin qu'il y
croisse à la gloire de Dieu, par Jésus-Christ. L'Évangile
l'a mis en liberté pour cela. Pour cela le Fils l'a rendu
libre.
Ceux qui connaîtront le mieux la grâce de Dieu
et les perfections de Christ seront le plus dépouillés de
toute prétention, le plus capables d'être remplis de grâce
et de paix ; ils seront donc ceux qui porteront le plus
de fruits réellement permanents en vie éternelle. Ils savent
que cette grâce n'est gratuite pour eux, que parce que
Christ la leur a apportée au prix infini de sa vie et
d'indicibles souffrances. Pleins d'assurance et d'espoir,
mais sages et humbles, ils jugeront, plus sévèrement que
personne, les fruits de cette grâce en eux. Personne ne s'y
arrêtera moins qu'eux ; personne ne les apercevra
moins ; personne ne sera aussi confus lorsque d'autres
en parleront.
N. B. Nous sommes heureux de pouvoir recommander à ceux de
nos lecteurs qui voudraient approfondir ce sujet, la lecture
de la brochure dont nous avons, avec autorisation, tiré ces
remarques ; elle est intitulée : « Examen
comparatif de Rom.
IV, 1-12, et de Jacq.
II, 10-26, » et se trouve chez F. Guignard,
Vevey, Suisse. ]
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