Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
REGARD
Bibliothèque chrétienne online
EXAMINEZ toutes choses... RETENEZ CE QUI EST BON
- 1Thess. 5: 21 -
(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



FÉLIX NEFF PORTEUR DE FEU



CHAPITRE III

LE CIMETIÈRE GRENOBLOIS

Dès qu'il le peut, Neff « se sauve d'ici ». Appelé par le pasteur Bonifas, absent pour quelques mois de sa paroisse, le voici à Grenoble, capitale du Dauphiné.

À peine sur place, le bouillant évangéliste empoigne ses paroissiens à bras le corps. « Il en appelle sans cesse à leur conscience. » Peine perdue. La prédication dominicale « est un vain son qui frappe l'air ». On écoute, on s'en va, rien n'est changé. En robe et rabbat, juché dans une haute chaire, le lévite se sent étranger à lui-même, « Si tu as bon odorat, écrit-il à un ami, tu dois t'apercevoir que cette lettre sent le prêtre, car il y a peu d'instants que j'étais enveloppé de la noire tunique qui distingue du vulgaire les graves enfants de la liturgie. »

Pour atteindre ses gens, fidèle à sa méthode, Neff organise des réunions de semaine. Il n'y vient guère que quelques mendiants en quête d'un secours pécuniaire ou d'un vêtement. Vertes critiques de ceux qui ne veulent pas être réveillés. Une fois de plus le jeune évangéliste reconnaît « l'âpreté, la violence de son caractère... Me dire d'être doux, c'est dire à un bossu : Tiens-toi droit !... Peut-on bâtir une maison sans casser de pierres ? » Annoncé comme il doit l'être, l'Évangile ne peut « qu'être en odeur de mort à ceux qui périssent... Le devoir est de me raidir contre les principes de lenteur et de lâcheté... À Dieu ne plaise qu'aussi longtemps que je serai à son service, je cède aux temporiseurs ; au contraire. Plus je fais d'expériences, plus je lis la Parole de Dieu, plus je réfléchis et plus je suis affermi dans mes sentiments d'activité, de vigueur et de libre action. »

Comment arracher les dormeurs à leur sommeil ? Que leur dire pour qu'ils se réveillent ? « Personne de nous ne sait ce que c'est de veiller avec persévérance... Notre coeur étant loin du Seigneur, il nous faut faire bien des pas avant de le retrouver ; c'est comme une pompe qu'on ne met pas souvent en mouvement ; il faut travailler un moment avant que d'avoir de l'eau ; et si chaque fois, on se lasse au moment de la voir couler, elle redescend au fond du puits et c'est à recommencer. Autant rien que deux ou trois minutes d'une prière sèche. Cela ne suffit pas pour alimenter une âme... Le poisson meurt hors de l'eau ; meurt hors de son élément, qui est la grâce du Sauveur... S'il s'agissait de sortir d'un abîme entre deux rochers ou seulement de gravir une montagne pour jouir d'un beau point de vue et d'un air pur, nous trouverions bien nos forces. Trouvons-les donc pour gravir la montagne de Sion ! »


LE VIEUX GRENOBLE

On ne la gravit guère, cette montagne ! Aux réunions - ce mot est plein d'ironie - ils sont deux ou trois, au temple, guère plus. Le prédicateur s'en prend à lui-même : « Il ne m'est pas possible d'improviser en chaire ; je suis obligé de composer et d'apprendre mes sermons ; je les débite sans émotion, sans chaleur, sans mouvements... Il me semble que mes auditeurs sont des cailloux et que je prêche absolument pour néant... Cette position me tue. Ce Grenoble est un tel cimetière que je ne sens aucune force, aucun courage... »

Neff reprend plusieurs fois ce mot de cimetière. Il tourne dans le vide, il s'ennuie dans ce « si triste pays qu'on y perd le peu de vie spirituelle qu'on a pu y apporter... Le troupeau étant mort, je suis constamment obligé de lui répéter les mêmes choses. »

D'autre part, les nouvelles venues de Genève, touchant la vie de l'Eglise de Bourg-de-Four, ne sont pas réconfortantes. Un prédicateur « privé de discernement, de modestie et de sens rassis », y lance toutes les foudres d'une orthodoxie sans charité ! De loin, Neff se désolidarise « de cette doctrine roide calviniste... je fais profession de n'avoir rien de commun avec cette théologie. » Autres foudres, à Lausanne, où le doyen Curtat, dans une brochure sensationnelle, pulvérise sectes et conventicules, frappant si fort que Neff estime « qu'il prend les Vaudois pour des sourds. »

À Vizille, près de Grenoble, se manifeste pourtant quelque trace de vie. C'est là, sur la demande instante des parents, que Neff baptise un enfant. Vive réaction du pasteur Bonifas qui rappelle à son suffragant « notre discipline ecclésiastique, un des monuments les plus respectables et les plus apostoliques qui se puissent connaître. Comme vous n'êtes pas ordonné, plus je réfléchis sur le baptême de Vizille et plus je regrette que vous vous soyez laissé intimider et conduire par cette mauvaise tête d'homme (le père de l'enfant). »

Échec sur toute la ligne. Neff est heureux de recevoir un appel du pasteur de Mens et c'est sans mélancolie qu'il s'éloigne du « cimetière » où il n'a pu ressusciter aucun mort. Mais le temps viendra où ils ressusciteront, car Grenoble est aujourd'hui, dans les cadres de l'Eglise réformée de France, une de ses plus vivantes et plus dynamiques paroisses.



Table des matières

Page précédente:
 

- haut de page -